Hépatite aiguë cytolytique fulminante dPévolution mortelle associée

Hépatite aiguë cytolytique
fulminante dévolution
mortelle associée
à la prise de griséofulvine
M. Harandou
1,2
, M. Khatouf
1
, T. Bouhafa
1
, N. Kanjaâ
1
, F. Lapostolle
2
1
Service de réanimation polyvalente, Hôpital Al Ghassani, Fes, Maroc
2
SAMU 93, EA 3409, Hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009, Bobigny
La griséofulvine (Griséfuline
®
) est un antifongique utilisé pour traiter des mycoses à derma-
tophytes des cheveux, des ongles et de la peau. Les atteintes hépatiques signalées avec ce
médicament sont exceptionnelles, de rares observations faisant mention dhépatites choles-
tatiques. Nous rapportons un cas dhépatite cytolytique aiguë dévolution fatale associée à la
prise de griséofulvine.
Mots clés : hépatite aiguë fulminante, griséofulvine
Introduction
La griséofulvine (Griséfuline
®
) est
un antifongique utilisé pour traiter
des mycoses à dermatophytes des
cheveux, des ongles et de la peau.
Les atteintes hépatiques signalées
avec ce médicament sont exception-
nelles, de rares observations faisant
mention dhépatites cholestatiques
[1, 2]. Nous rapportons ici un cas
dhépatite cytolytique aiguë dévolu-
tion fatale associée à la prise de gri-
séofulvine.
Observation
Une jeune fille de 19 ans était traitée
par griséofulvine (1 g/j), pour une
mycose des orteils. Elle navait aucun
antécédent médico-chirurgical, aucune
notion de transfusion ni dhabitude
éthylique et ne prenait aucun médi-
cament. Un mois après le début du
traitement, elle a présenté un ictère
cutanéo-muqueux accompagné duri-
nes foncées, de selles décolorées, de
nausées, de vomissements alimentaires
puis bilieux, de douleurs abdominales
diffuses et dune asthénie. Un traitement
symptomatique antiémétique et anti-
spasmodique a été entrepris. Dix jours
plus tard, elle a été admise en réanima-
tion devant laggravation du tableau cli-
nique marquée par lapparition de trou-
bles des fonctions supérieures.
Àladmission, la patiente agitée
tenait des propos incohérents et pré-
sentait une hypertonie des membres
avec une hyperréflexie ostéo-
tendineuse. La pression artérielle était
à 150/90 mmHg et la fréquence car-
diaque à 120 batt.min
-1
,sanssignes
dinsuffisance cardiaque ni de choc.
La fréquence respiratoire était à
18 c.min
-1
avec une auscultation pul-
monaire normale. Lictère cutanéo-
muqueux était franc et généralisé.
Labdomen était souple. Il ny avait
pas de fièvre.
Les examens biologiques mon-
traient : activité sérique des amino-
transférases (ASAT et ALAT) respecti-
doi: 10.1684/met.2009.0195
m
t
Tirés à part : F. Lapostolle
mt, vol. 15, n° 2, avril-mai-juin 2009
Pharmacovigilance
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vement à 1 378 UI.L
-1
et 1 365 UI.L
-1
(53 et 47 fois la limite
supérieure de la normale, N) ; phosphatases alcalines à
170 UI.L
-1
(1,5N) ; bilirubinémie totale à 414 μmol.L
-1
dont 278 de bilirubine conjuguée ; taux de prothrombine
(TP) à 14 % ; facteur V à 12 %. Lionogramme sanguin,
dont la fonction rénale, était normal. Lhémogramme révé-
lait 120 000 plaquettes.mm
-3
et 6 600 leucocytes.mm
-3
dont 73 % de neutrophiles et 2 % déosinophiles.
La recherche dantigènes HBs, danticorps anti-HBs,
danticorps anti-HBc, danticorps anti-VHC, dIgM anti-
VHA était négative. Les anticorps antitissus nont pas été
recherchés et les gammaglobulines nont pas été dosées.
La sérologie de la leptospirose était négative. Léchogra-
phie du foie et des voies biliaires était normale. Une ponc-
tion biopsique hépatique par voie jugulaire na pu être
réalisée.
Le traitement symptomatique a été associé à ladmi-
nistration de plasma frais congelé et de vitamine K. Lévo-
lution a été marquée par une aggravation neurologique
rapide ayant nécessité lintubation et la ventilation de la
patiente. Le décès est survenu 48 heures plus tard, dans
un tableau de défaillance multiviscérale.
Discussion
Limputabilité de la griséofulvine dans la survenue de
cette hépatite aiguë est suggérée par labsence dhépato-
pathie chronique sous-jacente, dintoxication alcoolique
retrouvée, dobstruction des voies biliaires repérée,
dautre prise médicamenteuse et dautre cause dhépato-
pathie aiguë. Enfin, le délai dapparition des signes par
rapport à la prise médicamenteuse et les signes dintolé-
rance survenus de plusieurs semaines auparavant renfor-
cent la suspicion.
La griséofulvine est un antifongique daction fongista-
tique sur les dermatophytes dont la biotransformation est,
pour plus de 90 %, hépatique. Cest un inducteur enzy-
matique dont lassociation avec certains médicaments,
notamment le kétoconazole et les contraceptifs oraux,
est déconseillée. Ses effets indésirables, essentiellement
digestifs, sont observés dans environ 10 % des cas [3].
Par contre, latteinte hépatique au cours des traitements
par la griséofulvine est exceptionnelle. Il sagit essentiel-
lement datteintes cholestatiques apparaissant 3 semaines
à 4 mois après le début du traitement. Un seul cas dhépa-
tite cytolytique a été rapporté [1]. Lhépatotoxicité de la
griséofulvine a été démontrée chez la souris [4]. Chez
lhomme, le traitement par griséofulvine est connu pour
induire des poussées aiguës avec augmentation des
aminotransférases en cas de porphyrie, par interférences
avec le métabolisme des porphyrines [3, 5]. Le mécanisme
dhépatotoxicité chez le sujet sain est controversé, de
nature immunologique pour certains, toxicité directe
pour dautres [2]. Lexamen dune biopsie hépatique
aurait pu renforcer lhypothèse diagnostique. Les
anomalies de lhémostase contre-indiquaient la ponction
percutanée et la ponction par voie jugulaire nétait pas
disponible.
Dans lobservation présentée ici, la poursuite du trai-
tement (si sa responsabilité est retenue) malgré lappari-
tion de lictère a été un facteur favorisant de cette hépatite
dont le caractère cytolytique, la rapidité de lévolution
ayant conduit au décès de la patiente sont inhabituels.
Références
1. Gaudin JL, Bancel B, Vial T, Bel A. Hépatite aiguë cytolytique et
éruption morbiliforme imputables à la prise de griséofulvine. Gas-
troenterol Clin Biol 1993 ; 17 : 145-6.
2. Chiput RO, Viteri A, Jamroz C, Dyck WP. Intrahepatic cholestasis
after griseofulvin administration. Gastroenterology 1976 ; 70 :
1141-3.
3. Dictionaire Vidal. Griséofulvine (Griséfuline®). Fiche technique,
2005:899.
4. Hutter H, Zatloukal K, Winter G, Stumptner C, Denk H. Distur-
bance of keratine homeostasis in griseofulvin intoxicated mouse
liver. Lab Invest 1993 ; 69 : 576-82.
5. Biour H, Biour M, Ben Salem C, Chazouilleres O, Grange JD,
Serfaty L, Poupon R. Drug-induced liver injury; fourteenth updated
edition of the bibliographic database of liver injuries and related
drugs. Gastroenterol Clin Biol 2004 ; 28 : 720-5.
mt, vol. 15, n° 2, avril-mai-juin 2009
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