Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 1, janvier-février 2002
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Mise au point
bénéficié d’une biopsie endomyocardique du
ventricule droit. L’histologie a révélé deux
cas de myocardite lymphocytaire. Le cas le
plus démonstratif concernait un patient
présentant par ailleurs une orbitopathie
qualifiée de “sévère”. L’autre cas s’observait
chez un patient indemne d’ophtalmopathie.
I1 s’agit de cas très rares de localisations
extrathyroïdiennes de la maladie de Basedow
mais qui illustrent bien le caractère potentiel-
lement plurifocal de l’affection.
Situations cliniques particulières
Hyperthyroïdie pendant
la grossesse (31)
Les signes cliniques cardio-vasculaires
rencontrés durant la grossesse normale
présentent des similitudes avec ceux de la
thyrotoxicose : tachycardie, éréthisme cardio-
vasculaire, diminution de la pression artérielle
et rétention hydrosodée. De façon attendue,
on observe une addition des effets de la
grossesse et de l’hyperthyroïdie, avec princi-
palement une augmentation marquée du débit
cardiaque et une chute des résistances vascu-
laires systémiques. I1 en découle une majora-
tion du risque de défaillance cardiaque dans
cette population, même en l’absence de
cardiopathie sous-jacente.
Hyperthyroïdie
chez la personne âgée
On estime que la thyrotoxicose concerne
0,5 à 4 % des personnes dites “âgées” (32).
L’âge est donc un facteur prédisposant à cette
pathologie puisque 35 % des cas d’hyperthy-
roïdie se produisent chez des personnes de
plus de 60 ans. Les goitres multinodulaires
toxiques arrivent en tête de la liste des étiolo-
gies dans cette population (33),avec une
fréquence estimée entre 23 et 68 % selon les
études. La maladie de Basedow occupe la
deuxième place (16 à 43 %) ; la surcharge
iodée vient ensuite (environ 20 %), suivie de
peu par les nodules toxiques isolés (10 à
23 %). L’expression clinique est plus pauvre
que chez les sujets jeunes (34). La tachycar-
die n’est retrouvée que dans 50 à 60 % des
cas. Sur le plan fonctionnel, le patient signale
une dyspnée d’effort ou une orthopnée dans
deux tiers des cas, des palpitations (40 %) et,
différence importante par rapport aux sujets
jeunes, des manifestations angineuses non
exceptionnelles (20 %). La pauvreté des
signes cliniques objectifs lors de l’examen
s’explique peut-être par une diminution de
l’activité adrénergique dans cette population.
En revanche, les complications sont ici
beaucoup plus fréquentes, avec notamment
une incidence très augmentée des arythmies
supraventriculaires, estimée à environ 25 %
des cas après 60 ans (35). Trois mécanismes
principaux expliquent cette caractéristique :
la diminution du seuil de fibrillation avec
l’âge, un diagnostic plus tardif de l’hyperthy-
roïdie et une augmentation de la prévalence
des cardiopathies, en particulier ischémiques
et dégénératives. Par ailleurs, on a constaté
que le risque thrombo-embolique associé à la
fibrillation auriculaire était majoré de façon
marquée par l’âge (10 à 40 % des séries) de
même que celui de défaillance cardiaque
(36). Celle-ci peut être à prédominance droite
ou globale. Même si les troubles du rythme
en sont la cause principale dans ce contexte,
elle peut également être provoquée directe-
ment par la thyrotoxicose en cas de cardiopa-
thie sous-jacente.
Hyperthyroïdie infraclinique
Cet état se définit sur le plan biologique par
une diminution modérée de la TSH alors que
les taux de FT4 et de FT3 se situent dans la
zone normale. Les étiologies principales sont
représentées par les goitres nodulaires
toxiques paucisymptomatiques et les thyropa-
thies auto-immunes. On peut en rapprocher le
traitement “freinateur” par thyroxine que l’on
utilise soit pour le contrôle des goitres euthy-
roïdiens, soit pour la prévention de la récidive
des épithéliomas différenciés chez les sujets
thyroïdectomisés. Biondi et al. se sont
intéressés aux éventuelles conséquences
cardiaques du traitement freinateur chez
20 patients (37). Cette étude a montré une
augmentation de la fréquence et de la
contractilité cardiaques, avec parfois une
dysfonction diastolique réversible sous
bêtabloquants. Une étude réalisée ultérieure-
ment ne confirme pas ces résultats sur une
série de sujets asymptomatiques et également
soumis à un traitement freinateur, puisque
aucune différence significative par rapport
aux témoins n’était mise en évidence en
matière de fonction cardiaque (nombre
d’extrasystoles auriculaires ou ventriculaires,
fraction d’éjection moyenne, fonction diasto-
lique et épaisseur du septum interventriculai-
re) (38). Une troisième étude a révélé une
augmentation du risque de fıbrillation auricu-
laire chez des patients de plus de 60 ans en
hyperthyroïdie infraclinique avec une corréla-
tion inverse entre taux de TSH et risque
d’arythmie (39). En effet, le taux de fıbrilla-
tion à 10 ans était de 28 % en cas de
TSH < 0,1 µUI/mL, 16 % si la TSH était
comprise entre 0,1 et 0,4 et 11 % dans la
population euthyroïdienne. Enfin, il existe
une surmortalité parmi les personnes âgées
présentant une diminution du taux de TSH,
essentiellement en rapport avec la survenue
d’événements cardio-vasculaires (40, 48). I1
en ressort que l’hyperthyroïdie, même infra-
clinique, peut entraîner des conséquences
cardiaques néfastes dont l’importance semble
dépendre, et ce de façon assez logique, de la
durée d’exposition, du degré de freinage de la
TSH et surtout du terrain avec, notamment,
une plus grande fragilité de la personne âgée.
L-thyroxine et traitement
de l’insuffisance cardiaque
L’hyperthyroïdie est délétère pour la fonction
cardiaque. Cela est vrai à différents degrés,
conditionnés par le terrain individuel et
l’importance de l’hyperhormonémie.
Néanmoins, l’augmentation du débit
cardiaque constante, et parfois même consi-
dérable, observée dans ces situations donne à
réfléchir quant à un éventuel intérêt de ces
hormones chez le patient euthyroïdien insuf-
fisant cardiaque. Une étude menée en 1996
(41) s’est intéressée aux effets d’un traite-
ment par L-thyroxine sur des sujets atteints