Dans une première partie, Jean-Yves Guiomar décrit la genèse et le déroulement de la guerre
menée par les révolutionnaires français afin d’expliquer son caractère interminable.
Il explique que le but originel de la guerre commencée en 1792 n’était pas la conquête. Les
révolutionnaires se disaient menacés par les émigrés mais ceux-ci ne constituaient en fait par un réel
danger. Pour l’auteur, le vrai problème à ce moment est en fait l’incohérence et la stagnation politique
qui existent à l’intérieur du pays. L’idée de la guerre s’est peu à peu imposée entre octobre 1791 et
avril 1792. Face à l’intransigeance des Autrichiens, pourtant peu bellicistes au départ et ne
représentant pas une véritable menace, les révolutionnaires envisagent d’envahir les Pays-Bas
autrichiens, sans but clairement défini. Le 20 avril 1792, ils déclarent la guerre au « roi de Bohême et
de Hongrie », appellation caractéristique de l’ambiguïté de leurs objectifs. Le ministère de la guerre
doit alors préparer une guerre plus ample que prévue. Aux Affaires étrangères, Dumouriez élabore un
plan ambitieux, persuadé que les populations belges et liégeoises partagent les idées de la Révolution
françaises, alors qu’il ne s’agit pour elle que de retrouver leurs libertés anciennes remises en cause par
l’Empereur autrichien. Selon Jean-Yves Guiomar, cet aveuglement est caractéristique du
gouvernement français de cette époque. L’opération militaire est un échec à cause de la
désorganisation des forces politiques qui dramatisent la situation et du manque de coordination dû à
une quasi absence de direction de la guerre.
Mais la victoire de Valmy le 20 septembre 1792 ouvre une période d’euphorie triomphante chez les
politiques, renforcée par l’annexion (qui a pourtant été très facile) de la Savoie et de Nice. Les
révolutionnaires développent alors le concept de « frontières naturelles », que Jean-Yves Guiomar
considère comme fondamental pour expliquer leur action et l’apparition d’une forme de guerre
nouvelle, car il est lié au concept de nation. Malgré la désorganisation de l’armée qui empêche toute
victoire durable, les offensives de l’année 1793 déclenchent l’enthousiasme. Mais la Convention
belliciste agit sans stratégie définie.
De plus, les rapports de forces politiques sont entrain de changer, montrant, selon l’auteur,
l’importance de la liaison entre les évènements politiques et militaires : des rivalités apparaissent entre
Dumouriez et le bloc montagnard et les brissotins commencent leur descente. Les sans-culottes se
radicalisent, ainsi que les patriotes liégeois. La Belgique est soumise (elle est incorporée en 1795), sa
souveraineté n’est pas reconnue, car elle est utile pour résoudre les problèmes financiers que connaît la
France. Cette mainmise française sur la Belgique pousse les pays européens à la guerre, qui se
généralise. La France a besoin de conquérir des territoires pour résoudre ses problèmes financiers, elle
est dans un cercle vicieux qui entraîne l’extension incessante de la guerre et l’impossibilité de la
terminer. On retrouve là la seconde caractéristique de la guerre totale.
Mais la domination française est précaire, les buts visés sont énormes, les moyens faibles et
l’élargissement du conflit pose le problème du rapport entre le pouvoir civil et l’instrument militaire,
élément essentiel dans l’apparition de la guerre totale qui se caractérise par une fusion du politique et
du militaire. Le problème des frontières et la nécessité pour la France de se diriger vers Vienne pour
vaincre l’Autriche fait émerger la question des relations entre la France et l’espace germanique,
essentielle, selon Jean-Yves Guiomar, pour comprendre l’évolution future de la guerre totale.
Mais encore une fois, la désorganisation de l’armée française entraîne l’échec de l’opération contre les
Autrichiens. La première véritable expédition coordonnée est celle menée par Bonaparte en Italie et
qui conduit au traité de Campo-Formio le 18 octobre 1797. L’idée de l’unification de l’armée s’étend
alors chez les militaires français. En 1799, Bonaparte prend le pouvoir civil, politique et militaire,
réalisant la fusion caractéristique de la guerre totale. Avec sa victoire à Hohenlinden le 3 décembre
1800, il assoit son pouvoir politique par une victoire militaire. Les traités de Lunéville et d’Amiens
consacrent la victoire française et l’armée est unifiée en 1804. L’analyse de Jean-Yves Guiomar
semble donc montrer que la guerre atteint alors vraiment un caractère total, bien que l’origine se situe
en 1792, ce qui se traduit par la poursuite de l’objectif initial de maintien des frontières naturelles.
Après avoir analysé le déroulement de cette guerre interminable et sans cesse en extension,
Jean-Yves Guiomar cherche à expliquer le processus qui a conduit, à l’intérieur de la France, au
développement d’une guerre qui a pris un caractère total inédit.
Selon lui, le processus de fusion des pouvoirs exécutifs et législatifs en faveur de l’Assemblée s’est
accompagné d’un processus de fusion des domaines civil et militaires. Au départ, il n’y avait pas de