L`invention de la guerre totale

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Mélanie Le Luduec
Fiche de lecture
L’invention de la guerre totale
Jean-Yves Guiomar
Né à Brest en 1940, Jean-Yves Guiomar a travaillé dans l’édition. En 1968, il a réalisé son
mémoire de maîtrise sur « Les mouvements régionalistes et nationalistes et les partis de gauche en
France entre les deux guerres » à la Faculté des lettres de Paris. Il a été remarqué en 1974 par la
communauté historienne et le grand public, pour son second livre L’Idéologie nationale.
Ses recherches l’amènent à soutenir et à publier une thèse sur le bretonisme au XIXe siècle, puis un
livre capital aux éditions La Découverte en 1990 : La Nation entre l’histoire et la raison. Outre de
nombreux articles, il a participé aux célèbres Lieux de mémoire de Pierre Nora, chez Gallimard, et
au Dictionnaire de philosophie politique aux PUF.
L’Invention de la guerre totale est son ouvrage le plus récent, publié en 2004. Il vise à définir
le concept de « guerre totale », utilisé par la plupart des historiens pour qualifier une forme de guerre
nouvelle apparue en 1792, sous la Révolution française, et qui s’est développée tout au long du
XIXème siècle, pour atteindre son paroxysme au XXème siècle, avec les deux Guerres Mondiales.
Jean-Yves Guiomar part du constat que les historiens emploient ce terme fort sans jamais vraiment
l’expliquer et tente de palier ce manque en analysant le processus de développement et de mutation de
la guerre depuis deux siècles.
L’ouvrage commence par deux citations vont constituer le fil directeur de tout le texte :
« Manifestement, il me semble que l’on est pas tout à fait à l’aise avec le concept de guerre totale en
France. » Général Lucien Poirier.
« Les armées apprennent la leçon des défaites mais rarement celle des victoires. » Liddell Hart.
Dans l’introduction, Jean-Yves Guiomar expose les raisons qui l’ont conduit à écrire cet
ouvrage. L’expression « guerre totale » est apparue pour la première fois en 1918 avec la parution de
l’ouvrage de Léon Daudet, La Guerre totale, et aujourd’hui tous les historiens s’accordent à considérer
que ce type de guerre est apparue en 1792, sous la Révolution française. Mais à travers plusieurs
citations, Jean-Yves Guiomar, montre que les historiens ne donnent qu’un définition vague de ce
terme : la guerre totale se caractériserait par la mise en mouvement de masse de combattants énormes
et par une volonté de vaincre jusqu’à la destruction complète de l’ennemi. Les guerres antérieures à la
Révolution française étaient limitées et réglées à la fois dans leur étendue spatiale et temporelle et dans
leurs objectifs, alors que la guerre menée par les révolutionnaires avait des motifs peu clairs, des buts
vagues et trop vastes dès le départ (étendre l’influence de la Révolution, délivrer les peuples soumis).
Jean-Yves Guiomar rejette donc la thèse longtemps soutenue par les historiens (plus ou moins
explicitement), selon laquelle la Révolution française a mené une guerre de défense. Pour lui, c’est
même la raison pour laquelle trop de questions restent encore irrésolues sur la place de la guerre
pendant la période révolutionnaire. Pourtant, les objectifs qu’il reconnaît à la guerre menée sous la
Révolution ne sont pas incompatibles avec l’idée que les révolutionnaires ont cherché à se défendre.
Pour lui, la guerre totale se caractérise donc par des buts imprécis qui entraînent une incapacité de
ceux qui l’ont déclenchée à y mettre fin, à empêcher son extension, et par le fait qu’elle touche tous les
aspects de la société. Il va donc analyser de façon chronologique son apparition sous la Révolution
française et son développement au XIXème siècle à travers la rivalité franco-allemande, afin d’en
dégager les caractéristiques dans la continuité.
Dans une première partie, Jean-Yves Guiomar décrit la genèse et le déroulement de la guerre
menée par les révolutionnaires français afin d’expliquer son caractère interminable.
Il explique que le but originel de la guerre commencée en 1792 n’était pas la conquête. Les
révolutionnaires se disaient menacés par les émigrés mais ceux-ci ne constituaient en fait par un réel
danger. Pour l’auteur, le vrai problème à ce moment est en fait l’incohérence et la stagnation politique
qui existent à l’intérieur du pays. L’idée de la guerre s’est peu à peu imposée entre octobre 1791 et
avril 1792. Face à l’intransigeance des Autrichiens, pourtant peu bellicistes au départ et ne
représentant pas une véritable menace, les révolutionnaires envisagent d’envahir les Pays-Bas
autrichiens, sans but clairement défini. Le 20 avril 1792, ils déclarent la guerre au « roi de Bohême et
de Hongrie », appellation caractéristique de l’ambiguïté de leurs objectifs. Le ministère de la guerre
doit alors préparer une guerre plus ample que prévue. Aux Affaires étrangères, Dumouriez élabore un
plan ambitieux, persuadé que les populations belges et liégeoises partagent les idées de la Révolution
françaises, alors qu’il ne s’agit pour elle que de retrouver leurs libertés anciennes remises en cause par
l’Empereur autrichien. Selon Jean-Yves Guiomar, cet aveuglement est caractéristique du
gouvernement français de cette époque. L’opération militaire est un échec à cause de la
désorganisation des forces politiques qui dramatisent la situation et du manque de coordination dû à
une quasi absence de direction de la guerre.
Mais la victoire de Valmy le 20 septembre 1792 ouvre une période d’euphorie triomphante chez les
politiques, renforcée par l’annexion (qui a pourtant été très facile) de la Savoie et de Nice. Les
révolutionnaires développent alors le concept de « frontières naturelles », que Jean-Yves Guiomar
considère comme fondamental pour expliquer leur action et l’apparition d’une forme de guerre
nouvelle, car il est lié au concept de nation. Malgré la désorganisation de l’armée qui empêche toute
victoire durable, les offensives de l’année 1793 déclenchent l’enthousiasme. Mais la Convention
belliciste agit sans stratégie définie.
De plus, les rapports de forces politiques sont entrain de changer, montrant, selon l’auteur,
l’importance de la liaison entre les évènements politiques et militaires : des rivalités apparaissent entre
Dumouriez et le bloc montagnard et les brissotins commencent leur descente. Les sans-culottes se
radicalisent, ainsi que les patriotes liégeois. La Belgique est soumise (elle est incorporée en 1795), sa
souveraineté n’est pas reconnue, car elle est utile pour résoudre les problèmes financiers que connaît la
France. Cette mainmise française sur la Belgique pousse les pays européens à la guerre, qui se
généralise. La France a besoin de conquérir des territoires pour résoudre ses problèmes financiers, elle
est dans un cercle vicieux qui entraîne l’extension incessante de la guerre et l’impossibilité de la
terminer. On retrouve là la seconde caractéristique de la guerre totale.
Mais la domination française est précaire, les buts visés sont énormes, les moyens faibles et
l’élargissement du conflit pose le problème du rapport entre le pouvoir civil et l’instrument militaire,
élément essentiel dans l’apparition de la guerre totale qui se caractérise par une fusion du politique et
du militaire. Le problème des frontières et la nécessité pour la France de se diriger vers Vienne pour
vaincre l’Autriche fait émerger la question des relations entre la France et l’espace germanique,
essentielle, selon Jean-Yves Guiomar, pour comprendre l’évolution future de la guerre totale.
Mais encore une fois, la désorganisation de l’armée française entraîne l’échec de l’opération contre les
Autrichiens. La première véritable expédition coordonnée est celle menée par Bonaparte en Italie et
qui conduit au traité de Campo-Formio le 18 octobre 1797. L’idée de l’unification de l’armée s’étend
alors chez les militaires français. En 1799, Bonaparte prend le pouvoir civil, politique et militaire,
réalisant la fusion caractéristique de la guerre totale. Avec sa victoire à Hohenlinden le 3 décembre
1800, il assoit son pouvoir politique par une victoire militaire. Les traités de Lunéville et d’Amiens
consacrent la victoire française et l’armée est unifiée en 1804. L’analyse de Jean-Yves Guiomar
semble donc montrer que la guerre atteint alors vraiment un caractère total, bien que l’origine se situe
en 1792, ce qui se traduit par la poursuite de l’objectif initial de maintien des frontières naturelles.
Après avoir analysé le déroulement de cette guerre interminable et sans cesse en extension,
Jean-Yves Guiomar cherche à expliquer le processus qui a conduit, à l’intérieur de la France, au
développement d’une guerre qui a pris un caractère total inédit.
Selon lui, le processus de fusion des pouvoirs exécutifs et législatifs en faveur de l’Assemblée s’est
accompagné d’un processus de fusion des domaines civil et militaires. Au départ, il n’y avait pas de
plan cohérents liant les buts de guerre et les opérations militaires sur le terrain. L’armée était
désorganisée et inexpérimentée, les plans de mobilisation peu efficaces. Mais les révolutionnaires
avaient un sentiment de puissance. Cet aveuglement est un élément très important aux yeux de
l’auteur, car il explique la surprise des révolutionnaires face au recul de l’armée française en 1792, et
par la leur réaction violente par la mise en place de la Terreur. Cette peur est accentuée par
l’insurrection de la Vendée, accusée de traîtrise. Alors que la guerre s’intensifie, il se produit une
radicalisation politique à Paris, la Terreur est donc liée à la violence extérieure. En liant tous ces
éléments, Jean-Yves Guiomar montre l’imbrication des éléments politiques et militaires, à l’intérieur
et à l’extérieur du territoire. Il justifie ainsi l’attribution du qualificatif « total » à la guerre menée à
cette période.
Le 23 août 1793, la levée en masse est décrétée et le 9 septembre est créée une armée
révolutionnaire sous pression de la rue. Selon l’auteur, un des objectifs, caractéristique de la guerre
totale, est la volonté de détruire totalement la Vendée. Cependant, on pourrait nuancer en disant que
cet objectif extrême ne semble quand même pas partagé par tous. Il affirme aussi que si la
radicalisation est effectuée, la Convention reste maîtresse de la Révolution. Pourtant, le Comité de
Salut Public joue un rôle très important. Mais l’essentiel est l’émergence de l’idée de nation armée,
opérant une fusion des domaines civils et militaires. Mais c’est une notion surtout politique issue de la
rivalité entre l’extrême-gauche et les Montagnards qui doivent surenchérir dans la violence du
discours, exacerbant aussi la haine de l’Angleterre. Cette haine joue, selon l’auteur, un rôle important
dans la compréhension de la naissance de la guerre totale. La volonté de vaincre conduit à tenter
d’organiser l’armée pour allier masse et mobilité mais cela est rendu difficile par les luttes de pouvoirs
et les tensions. Les politiques craignent en effet les militaires. Mais la fusion du politique et du
militaire progresse quand même. Pour Jean-Yves Guiomar, l’action de Saint-Just est décisive sur ce
point. En effet il lie guerre et politique intérieure et dirige l’armée. Pour lui, la guerre est nécessaire
pour la Révolution. Il mène une guerre de haine caractéristique de la guerre totale.
Le processus d’unification et de fusion de tous les domaines de la société se poursuit avec Carnot
qui cherche à faire des soldats des professionnels au service du politique et utilise des cartes
topographiques pour organiser la guerre qu’il dirige. La haine de l’ennemi est exacerbée, ce qui est
essentiel dans la définition de la guerre totale.
Cependant, pour l’auteur, la guerre totale n’est pas effectivement mise en place par les
révolutionnaires, mais elle est apparue, avec l’émergence de thèmes nouveaux tels que la nation
armée, la fusion du politique et du militaire, importance du nombre et de l’idéologie dans la guerre.
Dans une troisième partie, Jean-Yves Guiomar s’attache à analyser l’extension de la guerre
totale après la révolution et l’Empire et à montrer qu’elle est due au nouvelles relations entre la France
et l’Allemagne suite à la décision prise par les révolutionnaires français de réunir la rive gauche du
Rhin à la République.
Il commence par expliquer la situation à la fin du XVIIIème siècle. L’Empire germanique est alors
faible, peu identifiable. Il n’est pas une puissance politique mais c’est un instrument de paix entre ses
membres. La diète de Ratisbonne a une place diplomatique importante. L’Empire garantit le maintien
des « libertés germaniques ». La France se veut aussi garante de ces libertés depuis le traité de
Westphalie de 1648 et elle subventionne plusieurs princes allemands. Malgré la montée en puissance
de la Russie et l’émancipation du Brandebourg-Prusse qui diminuent son influence, elle domine
l’espace germanique de l’extérieur en 1792. La décision d’annexer la rive gauche du Rhin constitue
donc une rupture car la France intervient directement sur le territoire germanique. A partir de 1800,
Bonaparte opère une réorganisation de cet espace. Le 12 juillet 1806 est créée la Confédération du
Rhin. La France domine mais des ferments nationalistes ont été déposés qui sont essentiels pour
comprendre les évolutions qui suivent. Pour Jean-Yves Guiomar, les révolutionnaires et l’Empereur
sont, encore une fois, aveugles quant aux conséquences de leurs actes. En installant ses frères et amis
sur les trônes des royaumes allemands, Napoléon pousse la Prusse à la révolte. Elle est écrasée mais le
nationalisme allemand se réveille.
Après 1815, la Confédération germanique est dominée par des forces qui refusent son unification
mais les revendications unitaires se développent. Le terme Deutschland prend une signification
politique. Jean-Yves Guiomar montre l’importance de l’action de la Prusse qui se développe et
s’unifie avec le Zollverein, mais surtout qui reconstitue son armée en reprenant les innovations de
l’armée française : direction centralisée, participation du peuple, fusion du politique et du militaire
lorsqu’en 1821 le roi prend la commandement suprême des armées. La soumission de l’Allemagne à
des puissances extérieures l’a donc conduit à reprendre et à développer ce qui avait été commencé par
la Révolution française : la guerre totale. Le 3 juillet 1866, la victoire de la Prusse à Sadowa assure sa
domination et lui permet de réaliser l’unité allemande, ce qui aboutit à la création d’un Etat fédéral et
l’unité politique entraîne l’unité militaire avec la création de la Reichswehr, dirigée par le Kaiser. On
retrouve là encore la fusion du politique et du militaire.
Jean-Yves Guiomar considère ensuite la France qui tente de concilier les traditions antérieures à
1789 et les traditions révolutionnaires mais son armée reste faible en comparaison de celle de la Prusse
et, selon l’auteur, le culte voué au souvenir de Napoléon et de ses victoires empêche une réelle
réorganisation de l’armée. Le thème de l’illusion revient encore, l’auteur expliquant que les Français
voyaient l’Allemagne comme un pays pacifique, alors qu’elle commence à revendiquer l’Alsace. Il
montre que la crise égyptienne de 1840 a réveillé l’anglophobie des Français et le thème des frontières
naturelles. Pour lui, elle marque le début d’une réelle dégradation des relations entre la France et
l’Allemagne. Mais la France croit toujours qu’elle a des appuis régionaux en Allemagne pour contrer
la montée en puissance de la Prusse. Jean-Yves Guiomar dresse donc le tableau d’une France aveugle
face à une Allemagne de plus en plus forte qui a repris les caractères de la guerre totale.
Après avoir décrit l’évolution de l’Allemagne et de la France et les transformations dans leurs
relations au cours du XIXème siècle, l’auteur décrit les conséquences de ces éléments sur l’extension
de la guerre totale.
Pour lui, qualifier le XIXème siècle de « siècle des nationalités » est abusif car les revendications
des peuples n’ont que rarement aboutit. Son analyse est cependant contestable car les nationalités (et
non pas les nationalismes) se sont fortement exprimées tout au long du siècle. Mais il est vrai que le
principe de légitimité et la domination des anciennes monarchies ont longtemps prévalu, si bien que
l’on semble retrouver les formes de conflits armés de l’Ancien Régime. Mais pour l’auteur, la guerre
franco-prussienne de 1870 montre que cette impression est fausse. Il montre que la guerre aurait pu
être finie à Sedan le 2 septembre 1870 mais l’intransigeance de la France sur la question des territoires
entraîne une poursuite de la guerre. Gambetta appelle à la guerre de masse et les Allemands utilisent
tous les moyens technologiques à leur portée (chemin de fer, télégraphe). Encore une fois, c’est, selon
Jean-Yves Guiomar, la désorganisation et le manque de coordination qui entraînent la défaite de la
France, alors que la Prusse a poussé très loin le concept de guerre totale. Pour lui, le traité de Francfort
du 10 mai 1871 est un élément important car la question de l’Alsace-Lorraine heurte les passions
nationales et entraîne une dégradation des relatons franco-allemandes, marquant le départ d’une course
aux armements et à la guerre totale. On pourrait nuancer cette analyse en considérant que la priorité du
gouvernement français était d’abord de consolider la République et qu’il n’est pas sûr qu’en 1914 les
Français désiraient la guerre.
Néanmoins, la république veut une armée forte sous contrôle du pouvoir civil. Les lois militaires de
1872 instaurent le service militaire obligatoire mais il vise plus à mobiliser beaucoup de jeunes gens
qu’à créer une nation armée. Le concept garde cependant, selon l’auteur, un pouvoir idéologique et
mobilisateur. Une école supérieure de guerre est créée, on fonde la guerre moderne sur l’étude
historique des batailles, notamment celles de Napoléon. On valorise l’armée. Avec l’extension du
théâtre des opérations militaires, les civils sont exposés, ils participent : le monde de la guerre n’est
plus séparé du monde civil (Cela semble vrai puisqu’en 1914, l’effort de guerre a concerné l’arrière et
que toute la société a été mobilisée.). Mais on n’imagine pas que la guerre puisse durer, la priorité est
donnée à l’offensive brutale.
En Allemagne règne, selon Jean-Yves Guiomar, l’ivresse de la victoire et on voit la guerre qui
s’annonce (Déjà ? Cela semble contestable) comme une bataille d’anéantissement entre deux
civilisations. En 1911, Von Schlieffen décrit la guerre comme une « nécessité biologique ». En citant
cette expression, Jean-Yves Guiomar montre que déjà perce l’idée d’un espace vital. L’Allemagne
veut écraser la France et reprendre tout ce qu’elle a possédé un jour. Elle s’engage vers la guerre totale
et envisage de violer la neutralité belge. Selon l’analyse de Jean-yves Guiomar, il semble donc que
l’Allemagne voulait la guerre avec la France, et la guerre qui s’engage en 1914 revêt bien un caractère
total et marque une rupture. Ainsi Ludendorff, qui dirige l’armée allemande soumet la vie politique et
civile allemande à un contrôle. Cette fusion totale du civil et du militaire est caractéristique de la
guerre totale et constitue la base de l’idéologie nazie.
Jean-Yves Guiomar termine en réaffirmant l’existence d’une continuité dans les relations francoallemandes entre la Révolution française et la Grande Guerre, avec le retour des questions de la rive
gauche du Rhin, de la Belgique et des frontières naturelles. Il est vrai que ces questions sont
récurrentes tout au long du siècle.
En conclusion, on peut donc dire que la guerre totale trouve bien son origine dans la guerre
menée en 1792 par la France. A l’origine, les objectifs trop vastes et imprécis ainsi que la situation
intérieure de la France ont empêché les révolutionnaires d’y mettre fin et elle n’a cessé de s’étendre,
exigeant la mise en œuvre de moyens de plus en plus importants et entraînant une fusion des domaines
politique et militaire. La question des territoires et de la nation est essentielle et au XIXème siècle,
c’est à travers les relations franco-allemandes autour de ces deux termes que la guerre totale s’est
développée. L’année 1870 marque l’apparition de la guerre de masse moderne et la Grande Guerre
représente une rupture par son ampleur spatiale, sa durée et sa violence.
En analysant le processus de développement de la guerre totale depuis la Révolution française, cet
ouvrage en donne une définition qui permet de comprendre la plupart des conflits du XXème siècle.
Ainsi, Jean-Yves Guiomar considère que l’action du FLN en Algérie a mené à la guerre totale selon un
processus similaire à celui de 1792. Il y a donc une continuité dans le temps mais il ne faut pas en
déduire que les révolutionnaires français sont responsables des formes qu’ont prises les guerres du
XXème siècle. L’auteur pose donc à travers son livre le problème de la causalité en histoire. Il ouvre
aussi des pistes de recherche à l’historiographie actuelle car il évoque des sujets sans les approfondir.
Ainsi, l’analyse des relations franco-anglaises et des rivalités coloniales, celle des écrits de
Dumouriez, ou une étude prenant en compte la dimension économique permettraient d’affiner encore
la compréhension du concept de guerre totale qui reste encore complexe.
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