Microenvironnement immunitaire dans le mélanome

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Immunité
antitumorale
dossier
thématique
Microenvironnement immunitaire
dans le mélanome
Immune microenvironment in melanoma
Amélie Boespflug*, Stéphane Dalle*, Caroline Aspord**
les plus immunogènes, mais la maîtrise de son développement
reste un challenge. Malgré la capacité du système immunitaire
à engendrer une réponse adaptative antitumorale fonctionnelle,
le microenvironnement tumoral immunosuppresseur détourne
progressivement la réponse vers l’induction d’une tolérance. Le
mélanome subvertit ainsi activement l’immunité pour promouvoir
la progression tumorale. Les stratégies d’immunothérapie visant
à réactiver les réponses immunes antitumorales n’ont qu’un
succès clinique limité. Les progrès dans la compréhension des
interactions entre cellules tumorales et système immunitaire ont
permis l’émergence de nouvelles stratégies visant à neutraliser
le microenvironnement tumoral immunosuppressif et offrent
de nouvelles perspectives thérapeutiques dans le traitement du
mélanome.
Mots-clés : Mélanome – réponse immune antitumorale –
immunosubversion – immunothérapie.
L
e mélanome cutané atteint chaque année 8 000
à 10 000 personnes en France. Le diagnostic et
l’exérèse précoces représentent les meilleures
chances de survie. Malgré les progrès très significatifs
réalisés au cours des 5 dernières années dans la compréhension et l’inhibition de la voie des MAP kinases,
l’évolution reste presque constamment fatale en moins
de 2 ans au stade métastatique. De plus, les patients
ne portant pas les mutations cibles de BRAF ne sont
pas candidats aux traitements ciblés actuellement
disponibles. Les stratégies visant à stimuler la réponse
immune antitumorale sont donc toujours d’actualité. Les résultats favorables obtenus grâce aux antiCTLA4 et les premiers succès obtenus par l’inhibition
de Programmed cell Death protein 1 (PD1) renforcent
l’intérêt de l’utilisation des immunomodulateurs en
monothérapie, et plus probablement en association
avec les molécules inhibitrices ciblées.
Summary
RÉSUMÉ
» Le mélanome est considéré comme l’une des tumeurs solides
Even though melanoma is considered to be one of the most
immunogenic solid tumors, controlling its development
still remains a challenge. The immune system is capable
of developing a functional adaptive anti-tumor immune
response, but the tumor micro-environment produces an
immuno-suppressive reaction that progressively subverts
a cytotoxic immune response into an immune tolerance.
Melanoma actively circumvents the immune system to
facilitate tumor progression. Immunotherapy strategies
created to reactivate immune anti-tumor responses have
had for the moment limited clinical impacts. Progress in the
comprehension of the interactions between tumor cells and
the immune system has permitted the development of novel
strategies. Rather than targeting the endogenous immune
response, these new strategies focus on the neutralization of the
immune-suppressive tumor microenvironment, and they offer
new therapeutic perspectives in the treatment of melanoma.
Keywords: Melanoma – Anti-tumor immune response –
Immunosubversion – Immunotherapy.
Interactions entre cellules tumorales
et cellules immunitaires en contexte
de mélanome : de l’immunosurveillance
à l’immunosubversion
Les cellules dendritiques (DC) et les cellules T cytotoxiques
(CTL) représentent des éléments majeurs de la réponse
immunitaire antitumorale. Les DC permettent l’initiation
des réponses immunitaires de par leur capacité à capturer
et à transformer les antigènes en peptides qui seront
ensuite apprêtés sur les molécules du complexe majeur
d’histocompatibilité (CMH) pour être présentés aux cellules T naïves. De l’interaction entre les DC et les cellules T
résulte l’amplification d’effecteurs cytotoxiques capables
de tuer les cellules tumorales. Cependant, selon leur état
de maturation et l’environnement, les DC peuvent médier
l’immunité ou la tolérance. Le microenvironnement tumoral est déterminant dans l’orientation de cette réponse.
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
* Service de dermatologie,
hôpital Lyon-Sud, CHU de
Lyon ; université ClaudeBernard – Lyon-I,
Pierre-Bénite.
** Établissement français du sang RhôneAlpes, laboratoire
R&D, et Inserm U823,
Immunobiologie et
immunothérapie des
cancers, La Tronche.
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Immunité
antitumorale
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réponses immunitaires antitumorales :
importance du système immunitaire
dans le contrôle du développement tumoral
Diverses observations chez les patients atteints de
mélanome démontrent la présence d’une immunité
antitumorale fonctionnelle, en particulier par la mise
en évidence de DC matures et de cellules T antitumorales, vecteurs cruciaux de l’immunosurveillance. Ces
réponses antitumorales spontanées sont fréquemment
corrélées à un pronostic clinique favorable (1).
La présence de DC exprimant le marqueur de maturation
DC-LAMP dans les ganglions sentinelles des patients est
associée à un meilleur pronostic clinique (2). Des cellules
T spécifiques d’antigènes tumoraux sont retrouvées au
niveau des mélanomes primaires et métastatiques ainsi
qu’en circulation. Il a été montré que l’intensité de l’infiltration des tumeurs par les cellules T antitumorales était
corrélée à l’évolution clinique des patients, une forte
densité d’infiltration tumorale des lymphocytes (CTL)
fonctionnels étant associée à un meilleur pronostic (3) et
leur niveau d’infiltration représente un facteur prédictif
de métastases dans les ganglions sentinelles (4). La
présence d’un vitiligo, dépigmentation auto-immunitaire liée à la destruction des mélanocytes par les
cellules T antitumorales, constituerait pour certains un
facteur pronostique favorable. Par ailleurs, la régression
spontanée de mélanomes primitifs prouve la capacité
du système immunitaire à éliminer, au moins focalement, les tumeurs. L’ensemble de ces éléments reflète
la capacité et l’importance du système immunitaire
dans le contrôle du développement tumoral.
caractérisation du microenvironnement tumoral
Malgré la présence d’une immunité antitumorale,
l’évolution des mélanomes est souvent défavorable.
La progression tumorale reflète l’inefficacité du système
immunitaire face à la tumeur et s’explique par l’établissement d’un microenvironnement immunosuppresseur
protumoral qui favorise l’induction d’une tolérance
immune (figure 1).
Altération fonctionnelle des DC dans le mélanome
Les DC myéloïdes (mDC) et les DC plasmacytoïdes
(pDC) sont recrutées au site tumoral (5) et dans les
ganglions sentinelles, mais sont présentes dans un
état immature non fonctionnel (6, 7). Un déficit de
production d’IFNα in situ par les pDC a été mis en
évidence. De cette maturation défectueuse des DC
résultent l’absence d’induction d’une réponse adaptative antitumorale et l’établissement d’une tolérance.
L’infiltration des tumeurs primaires par les pDC a été
corrélée à un mauvais pronostic (8). De plus, l’expres-
18
sion d’indoléamine-2,3-dioxygénase (IDO), enzyme
responsable de la dégradation du tryptophane, a été
mise en évidence sur les pDC au niveau des ganglions
sentinelles de patients et corrélée à une évolution clinique défavorable (9). Les DC recrutées par la tumeur
participent ainsi à la création d’un microenvironnement immunosuppresseur qui inhibe les réponses T
antitumorales.
Accumulation de cellules T régulatrices
et pro-inflammatoires Th2 dans le mélanome
Parallèlement, les tumeurs sont largement infiltrées
par des cellules T régulatrices CD4+ CD25hi FoxP3+
suppressives, qui expriment ICOS et CTLA4 et sécrètent
les cytokines IL-10 et TGFβ (10) [cf. article de J. Farget et al.,
p. 23]. Une augmentation de la proportion de cellules T
régulatrices circulantes a été observée chez les patients,
parmi lesquelles on trouve la présence de cellules T CD4+
régulatrices spécifiques d’antigènes tumoraux (11). De
plus, l’expression de PD1 par les cellules T infiltrant la
tumeur (12) signe leur altération fonctionnelle. Un environnement Th2 pro-inflammatoire est aussi retrouvé au
niveau du sang et des ganglions sentinelles des patients
métastatiques, avec la présence de concentrations élevées de cytokines de type Th2, IL-4, IL-5 et IL-13 (13).
Échappement des cellules tumorales à
la reconnaissance par le système immunitaire (13)
Le mélanome développe aussi des stratégies d’échappement à la reconnaissance par les effecteurs cytotoxiques
du système immunitaire, par la perte d’expression du
CMH I, la perte d’expression des antigènes tumoraux,
la dysfonction des composants de la machinerie de
présentation antigénique (β2m, TAP1, TAP2) ou encore
la mutation des antigènes tumoraux. L’augmentation
du HLA-E soluble, mise en évidence dans le sérum des
patients, pourrait aussi contribuer à l’inhibition des effecteurs immunitaires (14) [cf. article de F. Ghiringhelli, p. 6].
Microenvironnement immunosuppresseur
protumoral
Le mélanome altère aussi activement les fonctions
immunes localement, par l’expression de facteurs
protumoraux qui détournent la réponse immunitaire
au profit du développement tumoral. Ce microenvironnement immunosuppresseur aboutit à la subversion de l’immunité et à l’établissement d’une tolérance
immune, et constitue une barrière pour les protocoles
d’immunothérapie.
Les cellules de mélanome sécrètent de nombreux facteurs immunosuppresseurs tels que IL-10, IL-6, IL-8,
TGFβ, VEGF, PGE2 et IDO. Ces éléments inhibent la
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Microenvironnement immunitaire dans le mélanome
Mélanome
Ganglion sentinelle
DC
immature
Échappement à
reconnaissance
immunitaire
 CMH I
 TAP1, TAP2
Perte expression antigène
Cellule T
naïve
Progression
tumorale
CTL
Treg
MMP2
VEGF
IL-6, IL-8, IL-10
TGFβ, IDO
IDO
Cellules
Th2
Cellules
Th2
NK
IL-4, IL-5, IL-13
PD1
mDC et pDC
immatures
CTLA4
IL-10
TGFβ
CTL
Treg
CTL : lymphocytes T cytotoxiques. CMH : complexe majeur d’histocompatibilité. IDO : indoléamine-2,3-dioxygénase. IL : interleukine.
PD1 : Programmed cell Death protein 1. mDC : cellules dendritiques myéloïdes. MMP2 : Matrix Metalloproteinase-2. NK : Natural Killer. pDC : cellules
dendritiques plasmacytoïdes. TAP : Transporter associated with Antigen Processing. Treg : cellules T régulatrices. TGFβ : Transforming Growth
Factor β. VEGF : Vascular Endothelial Growth Factor.
Figure 1. Immunosubversion du système immunitaire par les cellules tumorales.
En contexte de mélanome, le système immunitaire est capable de générer une réponse adaptative antitumorale fonctionnelle (CTL). Cependant, la pression immunitaire
favorise l’émergence de variants immunorésistants en sélectionnant les cellules avec une immunogénicité réduite. Malgré le recrutement des DC au site tumoral, le microenvironnement tumoral immunosuppresseur, déterminant dans l’orientation de la réponse subséquente, détourne la réponse vers l’induction d’une tolérance. Le mélanome
subvertit ainsi activement l’immunité pour promouvoir la progression tumorale.
maturation des DC, inactivent les effecteurs T et NK et
favorisent l’émergence de cellules T régulatrices suppressives. Le VEGF semble impliqué dans la génération
d’un environnement local de type Th2 (15).
Stratégies d’immunothérapie : modulation
du système immunitaire pour induire
les réponses antitumorales effectives
ou inhiber les mécanismes d’échappement
L’immunothérapie englobe de multiples stratégies
qui consistent à moduler le système immunitaire pour
favoriser la destruction des cellules tumorales, soit par
induction ou transfert d’effecteurs antitumoraux cytotoxiques, soit par modulation non spécifique du système
immunitaire ou encore par inhibition des mécanismes
d’échappement tumoral (16).
Vaccination antitumorale et transfert adoptif
de ctL
De nombreux essais cliniques ont été basés sur des
approches d’immunothérapie par vaccination en utilisant
des peptides, lysats tumoraux, cellules tumorales irradiées ou DC pulsées (17). Malgré l’induction de réponses
antitumorales mesurables, celles-ci restent insuffisantes
pour obtenir un bénéfice clinique. Moins de 10 % des
patients traités montrent une régression tumorale
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
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Immunité
antitumorale
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durable. Une réponse clinique objective est cependant
observée plus fréquemment chez les patients répondeurs, capables de montrer une réponse immune après
vaccination. Un des problèmes réside dans le fait que les
essais sont réalisés à un stade avancé de la progression
tumorale, stade auquel la tumeur a déjà développé des
mécanismes d’échappement au système immunitaire,
limitant l’efficacité des cellules T antitumorales générées. Actuellement, les recherches s’orientent vers une
association de la vaccination avec d’autres stratégies et
l’utilisation d’autres sous-types de DC selon un schéma
compatible avec une utilisation à grande échelle (18).
Les protocoles d’immunothérapie fondés sur le transfert
adoptif de CTL autologues amplifiés ex vivo et ré-infusés
au patient induisent au contraire une réponse clinique
objective chez plus de 50 % des patients traités, mais
leur génération est un processus long et fastidieux, à
développer pour chaque patient, qui limite le déploiement de cette stratégie à grande échelle.
adjuvants tLr ligands
Les toll-like receptors (TLR) sont des récepteurs reconnaissant des motifs pathogènes conservés présents sur les
virus et les bactéries, et exprimés en particulier par les DC.
Les TLR ligands (TLR-L) constituent de puissants immunorégulateurs. En activant les DC, ils fournissent le signal
manquant dans l’interaction DC/T en contexte tumoral,
permettant l’induction d’une immunité T adaptative. Des
agonistes synthétiques des TLR-L ont prouvé leur capacité
à stimuler l’immunité antitumorale in vivo en contexte de
mélanome. Des agonistes des TLR7 et TLR9 en particulier,
récepteurs exprimés par les pDC, permettent l’induction de réponses immunes antitumorales en réversant
l’inhibition fonctionnelle des pDC. Ainsi, il a été observé,
chez des patients atteints de mélanome, une immunomodulation en réponse à l’administration de TLR7-L (19)
ou de TLR9-L (20). L’administration de CpG-ODN chez les
patients potentialise leur réponse à la vaccination (21)
et stimule les fonctions pDC et NK (22). Quelques cas
cliniques démontrent l’effet bénéfique, en application
topique, de l’imiquimod (TLR7-L) sur la régression des
lésions. Les agonistes des TLR-L sont en développement
dans de nombreux protocoles cliniques antitumoraux.
inhibition de l’immunosuppression :
anti-ctLa4, anti-pD1
Anti­CTLA4
Le Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4 (CTLA4) est un
antigène présent sur les lymphocytes T activés et qui
en régule négativement l’activation afin de contrôler
l’intensité de la réponse immune. Son blocage dans
des modèles précliniques cellulaires et in vivo chez
20
la souris entraîne une activation de la réponse antitumorale endogène (figure 2), ce qui a été à l’origine
du développement d’anticorps anti-CTLA4 (ipilimumab,
trémélimumab) dans des essais thérapeutiques.
L’ipilimumab développé par Bristol-Myer-Squibb est
le premier anticorps humanisé anti-CTLA4 à avoir été
approuvé par la Food and Drug Administration aux
États-Unis après avoir été testé en monothérapie à la
dose de 3 mg/kg dans un essai de phase III chez des
patients ayant un mélanome métastatique, traités préalablement par chimiothérapie (23). Il est testé en ce
moment dans d’autres cancers métastatiques comme
ceux du poumon et de la prostate. Afin de stimuler une
réponse immunitaire plus spécifiquement antitumorale,
les anti-CTLA4 ont également été testés en combinaison avec des traitements anticancéreux cytotoxiques et
d’autres immunothérapies dans le mélanome. Un essai de
phase III a montré que l’association ipilimumab 10 mg/kg
+ dacarbazine était plus efficace que la dacarbazine seule
chez des patients n’ayant pas reçu de chimiothérapie
traités pour un mélanome métastatique (durée de survie :
11,2 mois versus 9,1 mois), avec une augmentation du
nombre des patients bénéficiant d’une survie prolongée (20,8 % de survivants à 3 ans versus 12,2 %) [24].
Dans le mélanome, de nombreux essais de phase I/II sont
en cours. L’ipilimumab y est testé en association avec des
immunomodulateurs (interféron α à haute dose, sargramostim [GM-CSF] ou vaccins) ou avec d’autres traitements
cytotoxiques (radiothérapie, vémurafénib, fotémustine,
melphalan, témozolomide ou dactinomycine).
L’ipilimumab pose 3 problèmes majeurs qui freinent
son développement : son faible taux de réponse, ses
effets indésirables et son coût. Le taux de réponse au
traitement est en effet peu important et il n’existe pas de
marqueur prédictif de réponse, même si certaines pistes
sont en cours d’investigation (augmentation du pourcentage de lymphocytes circulants, expression d’ICOS sur les
lymphocytes T, augmentation des ILT, et expression de
FoxP3 et d’IDO dans le microenvironnement tumoral).
Les effets indésirables, d’ordre principalement immun,
concernent le système digestif, avec des diarrhées et
des hépatites auto-immunes, ainsi que le système endocrinien et les poumons, avec des sarcoïdoses induites.
Ces effets indésirables sont potentiellement graves et
altèrent la qualité de vie des patients ; 23 % d’entre eux
présentent en effet des toxicités de grade 3/4.
Anti-PD1
Les lymphocytes T présentent plusieurs antigènes qui,
comme le CTLA4, inhibent la réponse immunitaire T activatrice : PD1, TIM3, BTLA, VISTA ou LAG3. Le PD1 est un
antigène intéressant, car il est activé par ses ligands PD-L1/
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Microenvironnement immunitaire dans le mélanome
PD1
LT
activé
PD-L1
PD1
LT
activé
LT
activé
AntiPD-L1
AntiPD1
CTLA4
CTLA4
AntiCTLA4
B7
PD-L1
Cellule tumorale
Agents cytotoxiques
Thérapies ciblées
Rayons ionisants
B7
Cellule tumorale
Cellule dendritique
Inhibition
de l’activation
du lymphocyte T
LT
activé
Cellule dendritique
Inhibition
de l’activation
du lymphocyte T
Levée d’inhibition
de l’activation
du lymphocyte T
PD1
AntiCTLA4
AntiCTLA4
PD1 PD1
LT
activé
AntiPD-L1
Cellule tumorale PD-L1
LT
CTLA4
activé
PD1
CTLA4
LT
activé
Levée d’inhibition
de l’activation
du lymphocyte T
Majoration de la réponse
lymphocytaire T antitumorale
Combinaison traitement cytotoxique
et immunothérapie :
majoration de l’activation de la réponse
lymphocytaire T antitumorale
LT
non
activé
Lyse de la cellule tumorale
Libération d’antigènes tumoraux
immunogènes
CTLA4 : Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4. LT : lymphocytes T. PD1 : Programmed cell Death protein 1. PD-L1 : Programmed cell Death protein 1 Ligand 1.
Figure 2. Modes d’action des anticorps dirigés contre CTLA4, PD1 et PD-L1.
Les anticorps monoclonaux dirigés contre PD1 ou son ligand (PD-L1) visent à lever l’interaction inhibitrice survenant entre le
lymphocyte T effecteur et la cellule tumorale lors de l’engagement PD1/PD-L1. Les anticorps monoclonaux anti-CTLA4 bloquent
quant à eux l’engagement B7-CTLA4 qui induit, en l’absence de neutralisation, une répression de la réponse immune.
L2, qui sont exprimés par les cellules tumorales, ce qui
leur permet d’avoir une action immunosuppressive locale.
L’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre
PD1 ou contre le ligand PD-L1 a fait l’objet de premiers
essais chez l’homme. L’activation du récepteur PD1 est,
comme celle du CTLA4, responsable d’une inhibition de
la réponse immune. La neutralisation de ces récepteurs
ou de leurs ligands a donc pour objectif de restaurer
une réponse immune antitumorale.
Dans un essai de phase I, l’anticorps monoclonal
humain anti-PD1 BMS-936558 a été utilisé pour traiter
296 patients, dont 104 étaient porteurs d’un mélanome
métastatique. Sur les 94 patients évaluables, 26 (28 %)
ont montré une réponse objective et, dans la moitié des
cas, cette réponse persistait après 1 an de traitement (25).
Cette étude tend également à démontrer que la réponse
à l’anticorps anti-PD1 est corrélée à l’expression, au sein
des tumeurs, du ligand PD-L1 pour PD1. Ces données
préliminaires restent naturellement à confirmer, mais la
possibilité de disposer d’un facteur prédictif de la réponse
est particulièrement intéressante dans un objectif d’individualisation et de rationalisation des traitements ciblés.
Le profil de tolérance de cet anticorps est probablement
supérieur à celui de l’ipilimumab. À noter, toutefois, la survenue de pneumopathies induites chez 9 patients (3 %),
qui ont conduit à 3 décès en cours d’étude (26).
Un autre essai de phase I a testé l’action d’un anticorps
monoclonal dirigé contre PD-L1 (27), qui est, avec
PD-L2, l’un des 2 ligands connus de PD1 (27). Parmi les
207 patients inclus, 55 étaient porteurs d’un mélanome.
Neuf des 52 patients évaluables (17 %) et atteints de
mélanome ont présenté une réponse objective. Le profil
de tolérance apparaît aussi sensiblement meilleur que
celui de l’ipilimumab, avec très peu d’effets indésirables
digestifs sévères, et surtout des réactions à l’injection
et des cas d’insuffisance surrénalienne.
Les taux de réponse observés ainsi que le profil de tolérance conduisent à poursuivre l’évaluation de la straté-
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
21
Immunité
antitumorale
thématique
gie de blocage du récepteur PD1 ou du ligand PD-L1
au travers d’essais cliniques de plus grande ampleur.
Effet indirect bénéfique des traitements
conventionnels sur le système immunitaire
L’immunochimiothérapie constitue un champ d’investigation émergent. Ce concept est fondé sur la découverte
du fait que les traitements antitumoraux conventionnels (radiothérapie, chimiothérapie) pourraient avoir
des effets immunologiques positifs en stimulant les
réponses antitumorales et en réversant la tolérance
immune. En effet, parallèlement à leur effet cytotoxique
direct sur les cellules tumorales, ces traitements peuvent
induire une mort immunogène propice à l’activation
des DC, créer une lymphodéplétion permettant l’élimination des cellules régulatrices suppressives ou encore
augmenter la sensibilité des cellules tumorales à la lyse
par les effecteurs cytotoxiques (28). Cet effet est illustré
par 2 études récentes réalisées chez des patients atteints
de mélanome. Un traitement localisé par radiothérapie
combiné à l’ipilimumab a conduit à la régression de
métastases à distance, du fait de l’activation du système
immunitaire (29). Une étude avant et après chimiothérapie chez des patients ayant des métastases a mis en
évidence une modulation phénotypique et fonctionnelle des cellules NK circulantes (30).
Vers une combinaison de traitements…
L’association de traitements inhibiteurs ciblés et d’immunomodulateurs est une voie de recherche actuellement
importante en clinique (cf. article de A. Marabelle et al.,
p. 32). Néanmoins, la définition de la meilleure séquence de
traitement, les interactions entre ces différentes molécules
et l’effet des inhibiteurs sur les cellules immunitaires sont
autant de questions qui demandent à être explorées. Des
programmes d’investigations précliniques sont nécessaires
pour définir la meilleure stratégie thérapeutique.
Conclusion
Si le système immunitaire a la capacité de contrôler
le développement tumoral, il est régulièrement pris
en défaut par le processus tumoral, qui, par immunosubversion, l’utilise à son profit. Les recherches sur les
mécanismes de l’immunité antitumorale ont permis
d’identifier les réponses immunes défectueuses et d’élaborer de nouvelles stratégies pour moduler le système
immunitaire ou limiter l’échappement tumoral. Ces
avancées offrent de nouvelles options thérapeutiques
dans le traitement du mélanome. L’utilisation à large
échelle, à la suite des succès obtenus dans des essais
randomisés en double aveugle, de l’ipilimumab a permis de bâtir une preuve de concept robuste quant à
l’intérêt de l’immunomodulation dans le traitement du
mélanome métastatique.
L’évaluation clinique des combinaisons de traitements disponibles (inhibiteurs et immunomodulateurs) est actuellement en cours. Outre l’efficacité
antitumorale se posent divers problèmes, tels que
la toxicité, la qualité de vie et le coût associés à de
tels traitements.
L’identification d’un marqueur pronostique est, pour
ces multiples raisons, une nécessité.
■
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