Immunité antitumorale dossier thématique Microenvironnement immunitaire dans le mélanome Immune microenvironment in melanoma Amélie Boespflug*, Stéphane Dalle*, Caroline Aspord** les plus immunogènes, mais la maîtrise de son développement reste un challenge. Malgré la capacité du système immunitaire à engendrer une réponse adaptative antitumorale fonctionnelle, le microenvironnement tumoral immunosuppresseur détourne progressivement la réponse vers l’induction d’une tolérance. Le mélanome subvertit ainsi activement l’immunité pour promouvoir la progression tumorale. Les stratégies d’immunothérapie visant à réactiver les réponses immunes antitumorales n’ont qu’un succès clinique limité. Les progrès dans la compréhension des interactions entre cellules tumorales et système immunitaire ont permis l’émergence de nouvelles stratégies visant à neutraliser le microenvironnement tumoral immunosuppressif et offrent de nouvelles perspectives thérapeutiques dans le traitement du mélanome. Mots-clés : Mélanome – réponse immune antitumorale – immunosubversion – immunothérapie. L e mélanome cutané atteint chaque année 8 000 à 10 000 personnes en France. Le diagnostic et l’exérèse précoces représentent les meilleures chances de survie. Malgré les progrès très significatifs réalisés au cours des 5 dernières années dans la compréhension et l’inhibition de la voie des MAP kinases, l’évolution reste presque constamment fatale en moins de 2 ans au stade métastatique. De plus, les patients ne portant pas les mutations cibles de BRAF ne sont pas candidats aux traitements ciblés actuellement disponibles. Les stratégies visant à stimuler la réponse immune antitumorale sont donc toujours d’actualité. Les résultats favorables obtenus grâce aux antiCTLA4 et les premiers succès obtenus par l’inhibition de Programmed cell Death protein 1 (PD1) renforcent l’intérêt de l’utilisation des immunomodulateurs en monothérapie, et plus probablement en association avec les molécules inhibitrices ciblées. Summary RÉSUMÉ » Le mélanome est considéré comme l’une des tumeurs solides Even though melanoma is considered to be one of the most immunogenic solid tumors, controlling its development still remains a challenge. The immune system is capable of developing a functional adaptive anti-tumor immune response, but the tumor micro-environment produces an immuno-suppressive reaction that progressively subverts a cytotoxic immune response into an immune tolerance. Melanoma actively circumvents the immune system to facilitate tumor progression. Immunotherapy strategies created to reactivate immune anti-tumor responses have had for the moment limited clinical impacts. Progress in the comprehension of the interactions between tumor cells and the immune system has permitted the development of novel strategies. Rather than targeting the endogenous immune response, these new strategies focus on the neutralization of the immune-suppressive tumor microenvironment, and they offer new therapeutic perspectives in the treatment of melanoma. Keywords: Melanoma – Anti-tumor immune response – Immunosubversion – Immunotherapy. Interactions entre cellules tumorales et cellules immunitaires en contexte de mélanome : de l’immunosurveillance à l’immunosubversion Les cellules dendritiques (DC) et les cellules T cytotoxiques (CTL) représentent des éléments majeurs de la réponse immunitaire antitumorale. Les DC permettent l’initiation des réponses immunitaires de par leur capacité à capturer et à transformer les antigènes en peptides qui seront ensuite apprêtés sur les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) pour être présentés aux cellules T naïves. De l’interaction entre les DC et les cellules T résulte l’amplification d’effecteurs cytotoxiques capables de tuer les cellules tumorales. Cependant, selon leur état de maturation et l’environnement, les DC peuvent médier l’immunité ou la tolérance. Le microenvironnement tumoral est déterminant dans l’orientation de cette réponse. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 * Service de dermatologie, hôpital Lyon-Sud, CHU de Lyon ; université ClaudeBernard – Lyon-I, Pierre-Bénite. ** Établissement français du sang RhôneAlpes, laboratoire R&D, et Inserm U823, Immunobiologie et immunothérapie des cancers, La Tronche. 17 Immunité antitumorale dossier thématique réponses immunitaires antitumorales : importance du système immunitaire dans le contrôle du développement tumoral Diverses observations chez les patients atteints de mélanome démontrent la présence d’une immunité antitumorale fonctionnelle, en particulier par la mise en évidence de DC matures et de cellules T antitumorales, vecteurs cruciaux de l’immunosurveillance. Ces réponses antitumorales spontanées sont fréquemment corrélées à un pronostic clinique favorable (1). La présence de DC exprimant le marqueur de maturation DC-LAMP dans les ganglions sentinelles des patients est associée à un meilleur pronostic clinique (2). Des cellules T spécifiques d’antigènes tumoraux sont retrouvées au niveau des mélanomes primaires et métastatiques ainsi qu’en circulation. Il a été montré que l’intensité de l’infiltration des tumeurs par les cellules T antitumorales était corrélée à l’évolution clinique des patients, une forte densité d’infiltration tumorale des lymphocytes (CTL) fonctionnels étant associée à un meilleur pronostic (3) et leur niveau d’infiltration représente un facteur prédictif de métastases dans les ganglions sentinelles (4). La présence d’un vitiligo, dépigmentation auto-immunitaire liée à la destruction des mélanocytes par les cellules T antitumorales, constituerait pour certains un facteur pronostique favorable. Par ailleurs, la régression spontanée de mélanomes primitifs prouve la capacité du système immunitaire à éliminer, au moins focalement, les tumeurs. L’ensemble de ces éléments reflète la capacité et l’importance du système immunitaire dans le contrôle du développement tumoral. caractérisation du microenvironnement tumoral Malgré la présence d’une immunité antitumorale, l’évolution des mélanomes est souvent défavorable. La progression tumorale reflète l’inefficacité du système immunitaire face à la tumeur et s’explique par l’établissement d’un microenvironnement immunosuppresseur protumoral qui favorise l’induction d’une tolérance immune (figure 1). Altération fonctionnelle des DC dans le mélanome Les DC myéloïdes (mDC) et les DC plasmacytoïdes (pDC) sont recrutées au site tumoral (5) et dans les ganglions sentinelles, mais sont présentes dans un état immature non fonctionnel (6, 7). Un déficit de production d’IFNα in situ par les pDC a été mis en évidence. De cette maturation défectueuse des DC résultent l’absence d’induction d’une réponse adaptative antitumorale et l’établissement d’une tolérance. L’infiltration des tumeurs primaires par les pDC a été corrélée à un mauvais pronostic (8). De plus, l’expres- 18 sion d’indoléamine-2,3-dioxygénase (IDO), enzyme responsable de la dégradation du tryptophane, a été mise en évidence sur les pDC au niveau des ganglions sentinelles de patients et corrélée à une évolution clinique défavorable (9). Les DC recrutées par la tumeur participent ainsi à la création d’un microenvironnement immunosuppresseur qui inhibe les réponses T antitumorales. Accumulation de cellules T régulatrices et pro-inflammatoires Th2 dans le mélanome Parallèlement, les tumeurs sont largement infiltrées par des cellules T régulatrices CD4+ CD25hi FoxP3+ suppressives, qui expriment ICOS et CTLA4 et sécrètent les cytokines IL-10 et TGFβ (10) [cf. article de J. Farget et al., p. 23]. Une augmentation de la proportion de cellules T régulatrices circulantes a été observée chez les patients, parmi lesquelles on trouve la présence de cellules T CD4+ régulatrices spécifiques d’antigènes tumoraux (11). De plus, l’expression de PD1 par les cellules T infiltrant la tumeur (12) signe leur altération fonctionnelle. Un environnement Th2 pro-inflammatoire est aussi retrouvé au niveau du sang et des ganglions sentinelles des patients métastatiques, avec la présence de concentrations élevées de cytokines de type Th2, IL-4, IL-5 et IL-13 (13). Échappement des cellules tumorales à la reconnaissance par le système immunitaire (13) Le mélanome développe aussi des stratégies d’échappement à la reconnaissance par les effecteurs cytotoxiques du système immunitaire, par la perte d’expression du CMH I, la perte d’expression des antigènes tumoraux, la dysfonction des composants de la machinerie de présentation antigénique (β2m, TAP1, TAP2) ou encore la mutation des antigènes tumoraux. L’augmentation du HLA-E soluble, mise en évidence dans le sérum des patients, pourrait aussi contribuer à l’inhibition des effecteurs immunitaires (14) [cf. article de F. Ghiringhelli, p. 6]. Microenvironnement immunosuppresseur protumoral Le mélanome altère aussi activement les fonctions immunes localement, par l’expression de facteurs protumoraux qui détournent la réponse immunitaire au profit du développement tumoral. Ce microenvironnement immunosuppresseur aboutit à la subversion de l’immunité et à l’établissement d’une tolérance immune, et constitue une barrière pour les protocoles d’immunothérapie. Les cellules de mélanome sécrètent de nombreux facteurs immunosuppresseurs tels que IL-10, IL-6, IL-8, TGFβ, VEGF, PGE2 et IDO. Ces éléments inhibent la Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 Microenvironnement immunitaire dans le mélanome Mélanome Ganglion sentinelle DC immature Échappement à reconnaissance immunitaire CMH I TAP1, TAP2 Perte expression antigène Cellule T naïve Progression tumorale CTL Treg MMP2 VEGF IL-6, IL-8, IL-10 TGFβ, IDO IDO Cellules Th2 Cellules Th2 NK IL-4, IL-5, IL-13 PD1 mDC et pDC immatures CTLA4 IL-10 TGFβ CTL Treg CTL : lymphocytes T cytotoxiques. CMH : complexe majeur d’histocompatibilité. IDO : indoléamine-2,3-dioxygénase. IL : interleukine. PD1 : Programmed cell Death protein 1. mDC : cellules dendritiques myéloïdes. MMP2 : Matrix Metalloproteinase-2. NK : Natural Killer. pDC : cellules dendritiques plasmacytoïdes. TAP : Transporter associated with Antigen Processing. Treg : cellules T régulatrices. TGFβ : Transforming Growth Factor β. VEGF : Vascular Endothelial Growth Factor. Figure 1. Immunosubversion du système immunitaire par les cellules tumorales. En contexte de mélanome, le système immunitaire est capable de générer une réponse adaptative antitumorale fonctionnelle (CTL). Cependant, la pression immunitaire favorise l’émergence de variants immunorésistants en sélectionnant les cellules avec une immunogénicité réduite. Malgré le recrutement des DC au site tumoral, le microenvironnement tumoral immunosuppresseur, déterminant dans l’orientation de la réponse subséquente, détourne la réponse vers l’induction d’une tolérance. Le mélanome subvertit ainsi activement l’immunité pour promouvoir la progression tumorale. maturation des DC, inactivent les effecteurs T et NK et favorisent l’émergence de cellules T régulatrices suppressives. Le VEGF semble impliqué dans la génération d’un environnement local de type Th2 (15). Stratégies d’immunothérapie : modulation du système immunitaire pour induire les réponses antitumorales effectives ou inhiber les mécanismes d’échappement L’immunothérapie englobe de multiples stratégies qui consistent à moduler le système immunitaire pour favoriser la destruction des cellules tumorales, soit par induction ou transfert d’effecteurs antitumoraux cytotoxiques, soit par modulation non spécifique du système immunitaire ou encore par inhibition des mécanismes d’échappement tumoral (16). Vaccination antitumorale et transfert adoptif de ctL De nombreux essais cliniques ont été basés sur des approches d’immunothérapie par vaccination en utilisant des peptides, lysats tumoraux, cellules tumorales irradiées ou DC pulsées (17). Malgré l’induction de réponses antitumorales mesurables, celles-ci restent insuffisantes pour obtenir un bénéfice clinique. Moins de 10 % des patients traités montrent une régression tumorale Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 19 Immunité antitumorale dossier thématique durable. Une réponse clinique objective est cependant observée plus fréquemment chez les patients répondeurs, capables de montrer une réponse immune après vaccination. Un des problèmes réside dans le fait que les essais sont réalisés à un stade avancé de la progression tumorale, stade auquel la tumeur a déjà développé des mécanismes d’échappement au système immunitaire, limitant l’efficacité des cellules T antitumorales générées. Actuellement, les recherches s’orientent vers une association de la vaccination avec d’autres stratégies et l’utilisation d’autres sous-types de DC selon un schéma compatible avec une utilisation à grande échelle (18). Les protocoles d’immunothérapie fondés sur le transfert adoptif de CTL autologues amplifiés ex vivo et ré-infusés au patient induisent au contraire une réponse clinique objective chez plus de 50 % des patients traités, mais leur génération est un processus long et fastidieux, à développer pour chaque patient, qui limite le déploiement de cette stratégie à grande échelle. adjuvants tLr ligands Les toll-like receptors (TLR) sont des récepteurs reconnaissant des motifs pathogènes conservés présents sur les virus et les bactéries, et exprimés en particulier par les DC. Les TLR ligands (TLR-L) constituent de puissants immunorégulateurs. En activant les DC, ils fournissent le signal manquant dans l’interaction DC/T en contexte tumoral, permettant l’induction d’une immunité T adaptative. Des agonistes synthétiques des TLR-L ont prouvé leur capacité à stimuler l’immunité antitumorale in vivo en contexte de mélanome. Des agonistes des TLR7 et TLR9 en particulier, récepteurs exprimés par les pDC, permettent l’induction de réponses immunes antitumorales en réversant l’inhibition fonctionnelle des pDC. Ainsi, il a été observé, chez des patients atteints de mélanome, une immunomodulation en réponse à l’administration de TLR7-L (19) ou de TLR9-L (20). L’administration de CpG-ODN chez les patients potentialise leur réponse à la vaccination (21) et stimule les fonctions pDC et NK (22). Quelques cas cliniques démontrent l’effet bénéfique, en application topique, de l’imiquimod (TLR7-L) sur la régression des lésions. Les agonistes des TLR-L sont en développement dans de nombreux protocoles cliniques antitumoraux. inhibition de l’immunosuppression : anti-ctLa4, anti-pD1 Anti­CTLA4 Le Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4 (CTLA4) est un antigène présent sur les lymphocytes T activés et qui en régule négativement l’activation afin de contrôler l’intensité de la réponse immune. Son blocage dans des modèles précliniques cellulaires et in vivo chez 20 la souris entraîne une activation de la réponse antitumorale endogène (figure 2), ce qui a été à l’origine du développement d’anticorps anti-CTLA4 (ipilimumab, trémélimumab) dans des essais thérapeutiques. L’ipilimumab développé par Bristol-Myer-Squibb est le premier anticorps humanisé anti-CTLA4 à avoir été approuvé par la Food and Drug Administration aux États-Unis après avoir été testé en monothérapie à la dose de 3 mg/kg dans un essai de phase III chez des patients ayant un mélanome métastatique, traités préalablement par chimiothérapie (23). Il est testé en ce moment dans d’autres cancers métastatiques comme ceux du poumon et de la prostate. Afin de stimuler une réponse immunitaire plus spécifiquement antitumorale, les anti-CTLA4 ont également été testés en combinaison avec des traitements anticancéreux cytotoxiques et d’autres immunothérapies dans le mélanome. Un essai de phase III a montré que l’association ipilimumab 10 mg/kg + dacarbazine était plus efficace que la dacarbazine seule chez des patients n’ayant pas reçu de chimiothérapie traités pour un mélanome métastatique (durée de survie : 11,2 mois versus 9,1 mois), avec une augmentation du nombre des patients bénéficiant d’une survie prolongée (20,8 % de survivants à 3 ans versus 12,2 %) [24]. Dans le mélanome, de nombreux essais de phase I/II sont en cours. L’ipilimumab y est testé en association avec des immunomodulateurs (interféron α à haute dose, sargramostim [GM-CSF] ou vaccins) ou avec d’autres traitements cytotoxiques (radiothérapie, vémurafénib, fotémustine, melphalan, témozolomide ou dactinomycine). L’ipilimumab pose 3 problèmes majeurs qui freinent son développement : son faible taux de réponse, ses effets indésirables et son coût. Le taux de réponse au traitement est en effet peu important et il n’existe pas de marqueur prédictif de réponse, même si certaines pistes sont en cours d’investigation (augmentation du pourcentage de lymphocytes circulants, expression d’ICOS sur les lymphocytes T, augmentation des ILT, et expression de FoxP3 et d’IDO dans le microenvironnement tumoral). Les effets indésirables, d’ordre principalement immun, concernent le système digestif, avec des diarrhées et des hépatites auto-immunes, ainsi que le système endocrinien et les poumons, avec des sarcoïdoses induites. Ces effets indésirables sont potentiellement graves et altèrent la qualité de vie des patients ; 23 % d’entre eux présentent en effet des toxicités de grade 3/4. Anti-PD1 Les lymphocytes T présentent plusieurs antigènes qui, comme le CTLA4, inhibent la réponse immunitaire T activatrice : PD1, TIM3, BTLA, VISTA ou LAG3. Le PD1 est un antigène intéressant, car il est activé par ses ligands PD-L1/ Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 Microenvironnement immunitaire dans le mélanome PD1 LT activé PD-L1 PD1 LT activé LT activé AntiPD-L1 AntiPD1 CTLA4 CTLA4 AntiCTLA4 B7 PD-L1 Cellule tumorale Agents cytotoxiques Thérapies ciblées Rayons ionisants B7 Cellule tumorale Cellule dendritique Inhibition de l’activation du lymphocyte T LT activé Cellule dendritique Inhibition de l’activation du lymphocyte T Levée d’inhibition de l’activation du lymphocyte T PD1 AntiCTLA4 AntiCTLA4 PD1 PD1 LT activé AntiPD-L1 Cellule tumorale PD-L1 LT CTLA4 activé PD1 CTLA4 LT activé Levée d’inhibition de l’activation du lymphocyte T Majoration de la réponse lymphocytaire T antitumorale Combinaison traitement cytotoxique et immunothérapie : majoration de l’activation de la réponse lymphocytaire T antitumorale LT non activé Lyse de la cellule tumorale Libération d’antigènes tumoraux immunogènes CTLA4 : Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4. LT : lymphocytes T. PD1 : Programmed cell Death protein 1. PD-L1 : Programmed cell Death protein 1 Ligand 1. Figure 2. Modes d’action des anticorps dirigés contre CTLA4, PD1 et PD-L1. Les anticorps monoclonaux dirigés contre PD1 ou son ligand (PD-L1) visent à lever l’interaction inhibitrice survenant entre le lymphocyte T effecteur et la cellule tumorale lors de l’engagement PD1/PD-L1. Les anticorps monoclonaux anti-CTLA4 bloquent quant à eux l’engagement B7-CTLA4 qui induit, en l’absence de neutralisation, une répression de la réponse immune. L2, qui sont exprimés par les cellules tumorales, ce qui leur permet d’avoir une action immunosuppressive locale. L’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre PD1 ou contre le ligand PD-L1 a fait l’objet de premiers essais chez l’homme. L’activation du récepteur PD1 est, comme celle du CTLA4, responsable d’une inhibition de la réponse immune. La neutralisation de ces récepteurs ou de leurs ligands a donc pour objectif de restaurer une réponse immune antitumorale. Dans un essai de phase I, l’anticorps monoclonal humain anti-PD1 BMS-936558 a été utilisé pour traiter 296 patients, dont 104 étaient porteurs d’un mélanome métastatique. Sur les 94 patients évaluables, 26 (28 %) ont montré une réponse objective et, dans la moitié des cas, cette réponse persistait après 1 an de traitement (25). Cette étude tend également à démontrer que la réponse à l’anticorps anti-PD1 est corrélée à l’expression, au sein des tumeurs, du ligand PD-L1 pour PD1. Ces données préliminaires restent naturellement à confirmer, mais la possibilité de disposer d’un facteur prédictif de la réponse est particulièrement intéressante dans un objectif d’individualisation et de rationalisation des traitements ciblés. Le profil de tolérance de cet anticorps est probablement supérieur à celui de l’ipilimumab. À noter, toutefois, la survenue de pneumopathies induites chez 9 patients (3 %), qui ont conduit à 3 décès en cours d’étude (26). Un autre essai de phase I a testé l’action d’un anticorps monoclonal dirigé contre PD-L1 (27), qui est, avec PD-L2, l’un des 2 ligands connus de PD1 (27). Parmi les 207 patients inclus, 55 étaient porteurs d’un mélanome. Neuf des 52 patients évaluables (17 %) et atteints de mélanome ont présenté une réponse objective. Le profil de tolérance apparaît aussi sensiblement meilleur que celui de l’ipilimumab, avec très peu d’effets indésirables digestifs sévères, et surtout des réactions à l’injection et des cas d’insuffisance surrénalienne. Les taux de réponse observés ainsi que le profil de tolérance conduisent à poursuivre l’évaluation de la straté- Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 21 Immunité antitumorale thématique gie de blocage du récepteur PD1 ou du ligand PD-L1 au travers d’essais cliniques de plus grande ampleur. Effet indirect bénéfique des traitements conventionnels sur le système immunitaire L’immunochimiothérapie constitue un champ d’investigation émergent. Ce concept est fondé sur la découverte du fait que les traitements antitumoraux conventionnels (radiothérapie, chimiothérapie) pourraient avoir des effets immunologiques positifs en stimulant les réponses antitumorales et en réversant la tolérance immune. En effet, parallèlement à leur effet cytotoxique direct sur les cellules tumorales, ces traitements peuvent induire une mort immunogène propice à l’activation des DC, créer une lymphodéplétion permettant l’élimination des cellules régulatrices suppressives ou encore augmenter la sensibilité des cellules tumorales à la lyse par les effecteurs cytotoxiques (28). Cet effet est illustré par 2 études récentes réalisées chez des patients atteints de mélanome. Un traitement localisé par radiothérapie combiné à l’ipilimumab a conduit à la régression de métastases à distance, du fait de l’activation du système immunitaire (29). Une étude avant et après chimiothérapie chez des patients ayant des métastases a mis en évidence une modulation phénotypique et fonctionnelle des cellules NK circulantes (30). Vers une combinaison de traitements… L’association de traitements inhibiteurs ciblés et d’immunomodulateurs est une voie de recherche actuellement importante en clinique (cf. article de A. Marabelle et al., p. 32). Néanmoins, la définition de la meilleure séquence de traitement, les interactions entre ces différentes molécules et l’effet des inhibiteurs sur les cellules immunitaires sont autant de questions qui demandent à être explorées. Des programmes d’investigations précliniques sont nécessaires pour définir la meilleure stratégie thérapeutique. Conclusion Si le système immunitaire a la capacité de contrôler le développement tumoral, il est régulièrement pris en défaut par le processus tumoral, qui, par immunosubversion, l’utilise à son profit. Les recherches sur les mécanismes de l’immunité antitumorale ont permis d’identifier les réponses immunes défectueuses et d’élaborer de nouvelles stratégies pour moduler le système immunitaire ou limiter l’échappement tumoral. Ces avancées offrent de nouvelles options thérapeutiques dans le traitement du mélanome. L’utilisation à large échelle, à la suite des succès obtenus dans des essais randomisés en double aveugle, de l’ipilimumab a permis de bâtir une preuve de concept robuste quant à l’intérêt de l’immunomodulation dans le traitement du mélanome métastatique. L’évaluation clinique des combinaisons de traitements disponibles (inhibiteurs et immunomodulateurs) est actuellement en cours. Outre l’efficacité antitumorale se posent divers problèmes, tels que la toxicité, la qualité de vie et le coût associés à de tels traitements. L’identification d’un marqueur pronostique est, pour ces multiples raisons, une nécessité. ■ Références 1. Tjin EP, Konijnenberg D, Krebbers G et al. T-cell immune func- tion in tumor, skin, and peripheral blood of advanced stage melanoma patients: implications for immunotherapy. Clin Cancer Res 2011;17:5736-47. 2. Elliott B, Scolyer RA, Suciu S et al. 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