Observation participante et comparaison 99
cherche Ă associer lâobservation participante et la comparaison1. Ce texte propose
quelques rĂ©ïŹexions pour les allier et faciliter lâappropriation interdisciplinaire
des donnĂ©es issues de lâobservation participante ; mais, avant cela, il revient sur
certains objectifs assignés à cette méthode.
Trois objectifs de lâobservation participante
Dans ces fameuses leçons, Evans-Pritchard (1962) soulignait déjà la
proximitĂ© entre lâhistoire sociologisante et lâanthropologie. Comme lâa rappelĂ©
plus récemment Jean-Pierre Olivier de Sardan à la suite de Passeron : « sociologie,
anthropologie et histoire partagent une seule et mĂȘme Ă©pistĂ©mologie » (Olivier de
Sardan 1995 : 71). Néanmoins, la maniÚre dont elles produisent leurs données,
et donc leurs mĂ©thodes, diffĂšre. Avec lâimportance quây occupe lâenquĂȘte de
terrain, lâanthropologie est la plus qualitative de ces trois sciences. La question
de la subjectivité du chercheur, notamment dans la production des données,
a fait lâobjet de nombreuses discussions dans la discipline et au-delĂ . Sur le
plan méthodologique, Olivier de Sardan propose de la prendre en charge en
distinguant :
[âŠ] trois modes dâinterventions du « facteur personnel » : celui qui
est présent dans toute recherche scientifique, celui qui caractérise les
sciences sociales, leur formalisation, leurs méthodologies, leurs stratégies
dâinterprĂ©tation, et enïŹn la particularitĂ© qui singularise chaque travail de
terrain et se spĂ©ciïŹe en fonction du chercheur qui le mĂšne.
Olivier de Sardan 2000 : 424-425
En raison de ces aspects personnels et parfois subjectifs, les données
produites Ă partir dâune observation participante sont non seulement difïŹciles
Ă vĂ©riïŹer, mais encore difïŹciles Ă rĂ©futer. Cela ne signiïŹe pas pour autant que
cette mĂ©thode sâeffectue sans rigueur qualitative (Olivier de Sardan 2008). La
1. En anthropologie, les « postmodernes », appellation dâailleurs trop gĂ©nĂ©rique, ne sont
évidemment pas les seuls à rejeter les théories générales. Différents facteurs expliquent
le désaveu marqué pour les grandes théories. Outre un mouvement commun aux sciences
sociales, la discipline nâa pas ïŹni de gĂ©rer et digĂ©rer les ravages, parfois salvateurs, dâune
perspective mĂ©ta-critique. Indispensable pour identiïŹer les conditions de possibilitĂ© dâun savoir
anthropologique, la critique dĂ©constructionniste et relativiste a tantĂŽt Ă©loignĂ© lâanthropologue
de lâanthropologie, tantĂŽt rĂ©duit le terrain, la production des donnĂ©es, lâĂ©criture Ă un exercice
littĂ©raire, ou, au nom dâun sophisme relativiste fallacieux â les agents, comme les scientiïŹques,
ne sont pas des « idiots culturels » donc tous les savoirs se valent â, posĂ© lâanthropologie
comme un savoir parmi dâautres. Ensuite, la massiïŹcation de la discipline, avec ses nouveaux
entrants, ses pays émergents, ses multiples recherches a contribué à brouiller les cartes. Le
pluralisme Ă©pistĂ©mologique constitue une condition essentielle Ă la production dâun mode de
connaissance rigoureux mais la diversitĂ© des objets et des thĂ©ories rend difïŹcile lâapprĂ©hension
gĂ©nĂ©rale de la discipline et de ces objectifs. EnïŹn, lâambition nomologique a Ă©tĂ© profondĂ©ment
critiquĂ©e et semble parfois un peu hĂątivement rangĂ©e dans la catĂ©gorie des grands rĂ©cits Ă
déconstruire, avec minutie, ou à grands coups de marteau selon les humeurs du moment.
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