Appel à contributions
C i v i li s a t io n s
vol. 59 (1)
A paraître au printemps 2010
Religion et opposition politique en Afrique
Numéro coordonné par Géraldine André (FUCAM) et Mathieu Hilgers (FNRS/UCL)
Pendant les années 1990, sous la pression des conférences nationales souveraines, des
mouvements de contestations populaires, des injonctions des institutions internationales et des
bailleurs de fonds, la plupart des pays africains au Sud du Sahara ont connu des
aménagements institutionnels qui ont conduit à une décompression des régimes autoritaires et
qui devaient, en principe, les mener vers la démocratie. Les terminologies multiples utilisées
par les politologues pour décrire ces régimes politiques aujourd’hui symbolisent bien l’état de
cette transition : « régime semi-autoritaire » (Ottaway), « régime hybride » (Smith, Diamond,
Carothers), « autoritarisme électoral » (Schedler), « démocratie défectueuse » (Collier,
Levitsky), « nouvelle autoritarisme » (Diamond, Linz et Lipset, Brooker), « autoritarisme
concurrentiel » (Levitsky). La plupart de ces pays semblent gouvernés par des systèmes
ambigus qui, tout en affichant un respect des libertés politiques, en organisant des élections,
en utilisant une rhétorique et des institutions formellement démocratiques, conservent des
traits autoritaires.
Néanmoins, les transformations institutionnelles semblent, en certains endroits, dégager des
marges de manœuvre susceptibles de renforcer de manière substantielle cette dynamique de
démocratisation formelle. Avec la progression du processus de décentralisation, les collectifs
locaux structurés autour de régimes normatifs spécifiques (religieux, coutumiers etc.),
nourrissant des intérêts propres et exprimant des revendications, peuvent participer à une
politisation du monde commun et renforcer l’incidence des collectivités sur les institutions.
De toute évidence, la capacité d’émettre des revendications collectives efficaces n’est pas
donnée d’emblée ; elle s’opère à travers un apprentissage et par l’habileté à user du
changement de cadre institutionnel qui rend possible leur expression structurée. Dans ce
contexte, les organisations qui jouissent d’une autonomie relative vis-à-vis du pouvoir, qui
sont organisées et ont une tradition de contestation, sont probablement plus efficientes pour se
faire entendre et, dans certains cas, pour renforcer le processus de démocratisation. Certains
politologues ont ainsi montré l’importance des mouvements religieux dans le renforcement
des institutions démocratiques en Afrique. Ces questions renvoient donc également à la
transformation des « modes populaires d’action politique » ou du « politique par le bas »
(Bayart, Mbembe et Toulabor), terminologie qui devra être discutée, dans les contextes
actuels marqués par l'évolution des modes de gouvernance.
Ce numéro thématique portera spécifiquement sur l’articulation entre les croyances et les
formes d'opposition politiques. Les croyances religieuses ou coutumières renvoient en effet à
des conceptions du monde qui sont toujours déjà politiques. Parallèlement, les institutions et
les réseaux fournissent des cadres qui permettent de renforcer la portée des contestations,
tandis que les transformations institutionnelles donnent l’occasion à certains groupes de