Les interactions “honnêtes”, ou mutualismes
Dans la majorité des cas d’interactions de pollinisation, la
plante assure sa reproduction et le pollinisateur obtient la
ressource recherchée : l’interaction étant bénéque pour
chacun des partenaires, on parle alors d’interaction mutua-
liste ou de mutualisme. Chez les Aracées, il y a souvent spé-
cialisation de l’inorescence au(x) pollinisateur(s), augmen-
tant ainsi l’ecacité de l’interaction. Parfois, la spécialisation
est réciproque, allant jusqu’à une synchronisation des cycles
de reproduction de la plante et de l’insecte. On parle alors de
coévolution entre les deux protagonistes, et cette coévolu-
tion peut produire, à l’extrême, des interactions obligatoires
et hautement spéciques. La pollinisation des Aracées va se
Bénéfices réciproques pour
chacun des partenaires associés
dans une interaction mutualiste
fleur-pollinisateur.
Rhodospatha oblongata poussant sur les berges d’une “crique” (nom
local désignant une rivière, Guyane) (cliché M. Gibernau).
faire de façon diérente si elle est assurée par des hyménop-
tères, des coléoptères ou des diptères.
Selon l’espèce végétale, les hyménoptères pollinisateurs sont
des Apidés (abeilles, trigones et euglossines) ou des Halictidés
qui visitent les eurs principalement à la recherche de
pollen comme on peut l’observer communément dans nos
prairies. Mais, en Amérique tropicale, les mâles des abeilles
euglossines visitent les inorescences d’Aracées (comme
des anthuriums ou des spathiphyllums) pour un tout autre
butin. Attirées par l’odeur, les abeilles mâles se posent sur les
inorescences et les parcourent longuement de bas en haut et,
tels des parfumeurs pratiquant la technique de l’eneurage,
ils mélangent la cire odorante recouvrant le spadice à la
sécrétion de leur glande labiale à l’aide d’une brosse située
sur les tarses antérieurs ; ils transfèrent ensuite cette pâte dans
un réservoir situé sur les tibias postérieurs et reprennent leur
collecte. Cette pâte odorante permettrait de parfumer le nid
qu’ils construisent an que les femelles y pondent leurs œufs,
d’attirer les femelles lors de la danse nuptiale ou de repousser
les mâles rivaux. C’est en arpentant les inorescences que les
insectes, en frottant leur abdomen contre les parties mâles
et femelles des eurs, assurent la pollinisation. Ces abeilles
euglossines sont aussi connues pour récupérer des huiles et
cires odorantes chez des orchidées tropicales ; il s’agit là d’un
phénomène de convergence entre deux familles de plantes
phylogénétiquement éloignées mais qui ont développé des
modes de pollinisation similaires.
Les coléoptères associés à des Aracées sont plus nombreux et
diversiés, ils sont classés dans huit familles. Pour la moitié
d’entre elles (Scarabaeidés, Nitidulidés, Chrysomélidés,
Curculionidés), les insectes viennent chercher deux types
de ressources : d’abord alimentaires, sous forme de eurs
stériles riches en carbohydrates et protéines, ou sous
forme de pollen. Par ailleurs, les coléoptères cherchant à se
reproduire, les inorescences deviennent lieux de rencontre
et d’accouplement des partenaires sexuels. De nombreuses
aracées d’Amérique tropicale (philodendrons, caladiums,
dieenbachias, xanthosomas, syngoniums, taccarums,
etc.) mais aussi d’Asie tropicale (homalomenas) sont ainsi
pollinisées par des coléoptères crépusculaires (Scarabaeidés
ou Nitidulidés). Les inorescences produisent de la chaleur
et émettent de fortes odeurs qui indiquent dans la nuit aux
coléoptères où trouver “le lit et le couvert”. Les coléoptères
s’accouplent dans une chambre orale formée par la spathe de
l’inorescence et se nourrissent de eurs stériles. S’ils portent
du pollen, il sera déposé sur les eurs femelles, qui sont alors
réceptives. Les insectes restent dans l’inorescence jusqu’au
lendemain soir, où se produit un deuxième pic de chaleur
accompagné de l’émission de laments de pollen collant
ou rendu collant par la sécrétion de résine. Les coléoptères
mangent du pollen, qui se colle alors en partie sur leur corps,
puis s’envolent de l’inorescence à la recherche d’une autre
inorescence réceptive.
ESPÈCES №11 - Mar s 2014
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