Relation entre la grippe
et les infections bactériennes
Emmanuel Grimprel
1,2
, Robert Cohen
1,3
1
Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique de la Société française de pédiatrie
2
Service de pédiatrie générale, hôpital Armand Trousseau, Paris,
Université Pierre et Marie Curie Paris VI, 26 avenue du Dr Arnold Netter, F75012 Paris
3
Association clinique et thérapeutique Infantile du Val de Marne (ACTIV)
Une interaction étroite existe entre les virus grippaux et certaines bactéries
virulentes comme le pneumocoque. Les arguments qui soutiennent cette
hypothèse sont de plusieurs types. Sur un plan clinique et épidémiologique, de
nombreuses études montrent une relation chronologique entre infection grippale
et surinfection pulmonaire et suggèrent fortement une relation de causalité. De
façon indirecte, lavaccination antigrippale réduit defaçon importanteles compli-
cations de surinfection postgrippale comme les otites, les pneumonies et la
surmortalité liée à la grippe. Sur le plan physiopathologique, les modèles animaux
montrent clairement une synergie entre les virus grippaux et les pneumocoques
au niveau de lépithélium respiratoire. Les virus induisent une paralysie de la
clearance ciliaire et facilitent ladhésion bactérienne par lexpression et lactiva-
tion de néorécepteurs cellulaires et favorisent lapoptose des polynucléaires neu-
trophiles. Le principal facteur de virulence reconnu est la neuraminidase virale,
dont lactivité varie selon les souches. Les pneumocoques entraînent de leur cô
une intense réaction inflammatoire par le biais de nombreuses cytokines qui
favorisent en retour linfection virale. Enfin, lutilisation des antineuraminidasi-
ques comme lOseltamivir réduit le risque de complication par surinfection et la
mortalité au cours de la grippe.
Mots clés : grippe, pneumocoque, neuraminidase, antiviraux, vaccins
Linteraction étroite entre les virus
grippaux et certaines bactéries
est suspectée depuis plus dun siècle.
Lidée communément retenue est que
linfection respiratoire par les virus
grippaux prédisposerait à des surinfec-
tions bactériennes, respiratoires et
systémiques. Les principaux agents
bactériens incriminés sont des bacté-
ries dites « respiratoires » car hôtes
habituels des écosystèmes bactériens
rhino- et oropharyngés. Les principales
bactéries sont : Streptococcus pneu-
moniae (SP) Staphylococcus aureus
(SA), Neisseria meningitidis,Strepto-
coccus pyogenes et Haemophilus
influenzae. Si de très nombreux argu-
ments cliniques, épidémiologiques et
physiopathologiques plaident pour
une interrelation étroite entre infec-
tion grippale et surinfection bacté-
rienne, cette hypothèse na jamais
été formellement démontrée. Lobjec-
tif de cette revue est dexaminer ces
différents arguments mis à notre dis-
position qui confortent cette théorie.
Arguments cliniques
La notion de surinfection bacté-
rienne de la grippe est connue de
longue date et a dabord reposé sur
des observations cliniques.
Dès 1803, Laënnec suggérait que
les infections virales prédisposaient
m
t
p
Tirés à part : E. Grimprel
doi: 10.1684/mtp.2010.0304
mt pédiatrie, vol. 13, n° 4, juillet-août 2010
Dossier
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aux infections bactériennes. Pendant la pandémie de
1918, le rôle du pneumocoque dans la mortalité par sur-
infection bactérienne des grippes était avancé [1].
En 1935, un virus grippal était identifié pour la première
fois chez un patient qui mourra une pneumonie à pneu-
mocoque au septième jour de linfection virale [2]. Pen-
dant la pandémie de 1957, une surinfection bactérienne
était suspectée dans 80 % des décès imputés à la grippe et
SA était considéré comme lagent prépondérant [3].
En 1968, cest à nouveau le pneumocoque qui était le
premier agent identifié [4]. Plus récemment, lors de la
pandémie de 2009 due au virus variant A(H1N1)v, une
étude post mortem portant sur 60 sujets infectés par ce
virus a montré, dans un tiers des cas, des arguments histo-
logiques, immunohistochimiques et moléculaires en
faveur dune co-infection bactérienne [5]. Parmi les agents
infectieux retrouvés, SP prédominait, mais était suivi de
près par Streptococcus pyogenes et SA.
La mortalité par infection pulmonaire à pneumocoque
était élevée, autour de 30 % avant lutilisation des anti-
biotiques, et a ensuite chuté à 5 %. Toutefois, la mortali
par surinfection pneumococcique post-grippe napas
changé depuis lutilisation des antibiotiques et demeure
élevée, aux alentours de 38 %, ce qui suggère un effet
synergique des infections grippale et pneumococcique. [6].
La sévérité de la grippe dans certaines populations est
connue de longue date et repose principalement sur un
risque plus élevé de surinfection. Toutefois, les grippes
sévères hospitalisées ne correspondent à un terrain fragi-
lisé que dans 30 % des cas [7]. Une otite moyenne aiguë
est retrouvée dans 25 à 35 % des cas chez lenfant hospi-
talisé pour grippe [8, 9], la surinfection de loreille
moyenne survenant en général entre le troisième et le
quatrième jour dévolution de linfection virale [10].
Une pneumonie est retrouvée également dans 10 à
12 % des cas chez lenfant hospitalisé pour grippe [9].
SP est le premier agent bactérien identifié au cours des
infections pulmonaires communautaires sévères (enfant
hospitalisé) primaires ou secondaires de lenfant [11],
rendant compte de 44 % de la totalité des épisodes et de
54 % de ceux avec co-infection virale. Le virus grippal est
le premier des virus incriminés au cours des infections
bactériennes secondaires, avec 22 % des pneumopathies
virales sévères hospitalisées et 39 % des cas avec
co-infection bactérienne.
Quelques études ont tenté de démontrer une relation
de causalité entre infection grippale et surinfection
bactérienne pulmonaire. Pendant lhiver 1995-1996, un
syndrome grippal était retrouvé dans les 7 à 28 jours
précédents chez 6 des 13 patients hospitalisés pour une
infection sévère à pneumocoque prouvée ou possible
[12]. Lanalyse des sérums de ces patients pendant la
phase de convalescence retrouvait, dans 77 % des
cas (versus 44 % chez les sujets contrôles), la présence
danticorps dirigés contre la souche virale circulante de
lépoque (AH1N1) par la technique dinhibition de
lhémagglutination. Une étude similaire, effectuée plus
récemment à lhôpital Saint-Vincent-de-Paul chez des
enfants hospitalisés pour pneumonie communautaire a
montré la présence danticorps grippaux par la technique
de déviation du complément dans 39 % des cas, versus
3 % chez les sujets contrôles [13]. Ces deux études mon-
trent une relation chronologique entre infection grippale
et surinfection pulmonaire chez lenfant et suggèrent une
relation causale.
Arguments épidémiologiques
Une autre façon de suggérer une causalité entre grippe
et surinfection bactérienne est danalyser les relations
temporelles des cycles épidémiques sur de larges popula-
tions. Une première étude australienne effectuée dans la
région de Sydney a tenté détablir une corrélation entre
trois bases de données relevant respectivement lactivité
de sept laboratoires de virologie, les données météo-
rologiques de dix stations de surveillance et les données
dun réseau de surveillance des infections pulmonaires
invasives à SP pendant lhiver austral de lannée 2000
[14]. Les résultats sont discordants. Chez lenfant, les
pics dinfections invasives pneumococciques semblaient
corrélés avec ceux des infections à virus respiratoire syn-
cytial (VRS). En revanche, aucune corrélation na été éta-
blie avec lactivité grippale. Chez ladulte, seule la combi-
naison infections à VRS-infections grippales est apparue
comme significativement corrélée avec les infections
invasives pneumococciques. Cependant, une étude
pédiatrique plus récente portant sur six hivers consécutifs
(2001 à 2007) a montré une corrélation entre les infec-
tions invasives à pneumocoques et les identifications de
VRS, mais également celles des virus grippaux et méta-
pneumovirus [15]. Cette corrélation était la plus forte
dans les quatre semaines suivant le pic dinfection à VRS
et dans les deux semaines suivant le pic dinfection à virus
grippal et métapneumovirus. De la même façon, une
association temporelle a été montrée entre les pics saison-
niers dinfection grippale et les infections invasives
méningococciques (IIM) en France [16]. Cette étude rétro-
spective a porté sur six hivers consécutifs, de 1984 à
1989, et montré une superposition du pic dinfection
grippale hivernale et du principal pic annuel dIIM, linci-
dence des IIM apparaissant liée à celle des syndromes
grippaux dans les cinq semaines précédentes.
Arguments vaccinaux
Enfin, un lien entre infection grippale et surinfection
bactérienne peut être suggéré par leffet indirect de la
vaccination, tant grippale que pneumococcique.
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Vaccination grippale
Au Japon, entre 1962 et 1987, la vaccination grippale
a été proposée, puis imposée à lensemble des enfants
dâge scolaire [17]. Pendant cette période, lexcès de
mortalité toutes causes confondues et lexcès de mortalité
par pneumonie et grippe chez ladulte ont fortement
diminué, suggérant ainsi un effet protecteur indirect de la
vaccination grippale par un probable effet de troupeau.
Lhypothèse suggérée par les auteurs est que la réduction
des infections grippales chez ladulte, en particulier chez
les personnes âgées, a pu réduire également la mortalité
indirecte par surinfection bactérienne secondaire à la
grippe. Même si cette étude est critiquable dans sa
méthodologie et son interprétation, la réduction observée
de la mortalité est impressionnante pendant cette
période ; surtout, larrêt de cette politique vaccinale à
partir des années 1990 a montré un retour de lexcès de
mortalité au niveau de base antérieur, réalisant ainsi une
contre-démonstration.
Par ailleurs, différentes études, effectuées avec les
vaccins grippaux inactivés injectables et surtout avec les
vaccins atténués administrés par voie nasale, ont montré
que la vaccination antigrippale réduisait de façon signifi-
cative la fréquence des otites, considérées comme la plus
fréquente des complications bactériennes de la grippe.
Vaccination pneumococcique
Les premières études defficacité du vaccin pneumo-
coccique conjugué 7-valent ont montré un impact sur les
pneumonies avec consolidation, avec une réduction de
20 % des cas chez les sujets vaccinés [18]. Une analyse
complémentaire de cet essai vaccinal a également montré
que la vaccination pneumococcique conjuguée avait eu
un impact sur les admissions pédiatriques pour « pneu-
monie associée à une infection virale », avec une réduc-
tion de 31 % des admissions pour ce motif, tous agents
viraux confondus, et une réduction de 45 % des admis-
sions pour pneumonie grippale A [19]. Une autre étude,
effectuée cette fois-ci à partir dun réseau hospitalier en
Californie, a montré une réduction de 47 % des consul-
tations aux urgences pour syndrome grippal et une dimi-
nution de 22 % de labsentéisme scolaire pour syndrome
grippal depuis la mise en place dune vaccination
généralisée contre le pneumocoque dans le bassin de
population correspondant [20].
Arguments physiopathologiques
Ils visent à construire un modèle expliquant linter-
action entre le virus grippal et certaines bactéries au
niveau de lépithélium respiratoire.
Interaction virus grippal / virulence bactérienne
Les méningocoques et les pneumocoques partagent
des étapes communes de la virulence : ladhésion, puis
la colonisation sur lépithélium respiratoire, puis linva-
sion à travers la barrière épithéliale et la pénétration à
lintérieur des réseaux vasculaires [21]. Les virus grippaux
ont des effets cellulaires qui favorisent la virulence bacté-
rienne. Ils favorisent la croissance bactérienne par des
effets mécaniques comme : la paralysie ciliaire qui réduit
la clearance bactérienne ; lobstruction bronchiolaire et
bronchique par laccumulation de mucine et de fibrine
[22]. Les virus grippaux créent également, au niveau de
la muqueuse respiratoire, des lésions épithéliales cyto-
toxiques, avec, comme conséquence, lexpression et/ou
lactivation de néorécepteurs à ladhésion cellulaire.
Une augmentation des sites dattachement des bactéries
est ainsi observée, en particulier pour les adhésines
bactériennes et cet effet est proportionnel à la virulence
des souches virales [23]. Les récepteurs intervenant dans
linvasion des bactéries comme SP sont encore mal
connus. Le récepteur du PAF-R (platelet activating factor)
est un candidat sérieux [22]. Cette protéine adhère à la
phosphorylcholine exprimée à la surface de SP. Son
expression est régulée en amont par les cytokines inflam-
matoires et aurait un rôle dans linvasion de SP, du
poumon vers le compartiment vasculaire et de ce dernier
vers les méninges. La neuraminidase (NA) virale est un
des éléments viraux majeurs qui promeuvent ladhésion
bactérienne ; elle a la propriété de cliver les acides
sialiques des molécules glycoconjuguées de la surface
cellulaire et expose ainsi les récepteurs cryptiques [22].
Cet effet dadhérence bactérienne est proportionnel à
lactivité neuraminidasique de la souche virale, et ce
indépendamment de la charge virale pulmonaire [22].
Il dépend des souches : ainsi, les NA de type N2 sont
plus aptes que les NA de type N1 à favoriser ladhésivité
bactérienne, corroborant ainsi lidée que la mortalité
combinée (mortalité estimée due au virus grippal et aux
surinfections pneumococciques) de la grippe a été plus
importante avec les souches circulantes H3N2 pendant
les 30 dernières années [23]. La régénération cellulaire
épithéliale qui suit lagression virale cytotoxique jouerait
également un rôle important dans ladhésion bactérienne.
SP nadhère pas naturellement aux cellules épithéliales
ciliées, mais adhère fortement aux cellules non ciliées
en cours de différenciation. Ce processus de régénération
est sous linfluence du TGFβ. La NA virale a la propriété
dactiver le TGFβà partir de sa forme latente et cette
propriété est, ici encore, directement liée à lactivité
neuraminidasique spécifique du virus [22].
Synergie virus grippal / bactérie
La réaction inflammatoire fait également lobjet dune
synergie entre virus grippal et bactéries. Lactivité de
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synergie la plus documentée concerne le pneumocoque.
Les pneumocoques induisent une importante réaction
inflammatoire locale sous leffet des composants de
paroi cellulaire et dautres substances comme la pneumo-
lysine et la pyruvate oxydase SpxB [22]. SP et SA sécrètent
par ailleurs des protéases qui sont nécessaires à la
réplication virale. Ainsi, la protéine SpxB de SP serait
nécessaire pour permettre la surinfection secondaire post-
grippale mais majorerait également linfection virale
locale et la réponse inflammatoire sévère qui en résulte.
Le virus grippal augmente les capacités dadhésion et de
colonisation des polynucléaires neutrophiles ainsi que
leur activité péroxydasique, et par là, la réponse inflam-
matoire induite par linfection bactérienne, mais il majore
également leur apoptose et, par conséquence, réduit la
clearance bactérienne. De même, les monocytes-
macrophages, autres importants agents de défense anti-
infectieuse, voient également leurs fonctions chémo-
tactiques et phagocytaires modifiées et majorent leur
apoptose sous leffet des virus grippaux.
Les modèles animaux ont permis de préciser laction
synergique des virus grippaux et les bactéries pathogènes.
Le modèle le plus utilisé est le modèle murin dinfection
intra-nasale qui reproduit un schéma dinfection pulmo-
naire létale [21, 22, 23]. À la suite de linoculation du
virus grippal, on observe une augmentation de synthèse
de différentes cytokines, en particulier les interleukines 1 et
6, mais également linterféron Gamma. Ces cytokines ont
un rôle de défense contre linfection virale. Le pic dinter-
féron Gamma est maximal au septième jour après linocu-
lation et favorise la clairance virale pulmonaire. La souris
est naturellement résistante à linfection à pneumocoque
dans ce modèle. Lorsque lon tente de surinfecter par
le pneumocoque un animal infecté au préalable par le
virus grippal, un effet létal nest observé que lorsque
linoculation a précisément lieu au septième jour de
linfection grippale, cest-à-dire au pic dinterféron
Gamma [21, 22].
La réponse immune innée intervient également de
façon importante dans la réaction inflammatoire post-
infectieuse, tant virale que bactérienne et contribue aux
lésions tissulaires. Elle fait intervenir les TLR (Toll-like
receptors). SP et influenza virus sont chacun à lorigine
dune réponse inflammatoire mais partagent certaines
voies dactivation. SP libère de lacide lipoteichoïque
de paroi au cours de la lyse bactérienne qui est reconnu
par les récepteurs TLR2 qui activent en retour la voie du
NFκB. De même, les pneumolysines secrétées sont
reconnues par le récepteur TLR4 qui active la cascade
inflammatoire via lIRF3 et le STAT1, mais également la
voie du NFκBvia le TRAF6 [22]. Laction combinée de
ces activations cellulaires aboutit à la sécrétion de nom-
breuses cytokines pro-inflammatoires et chemokines
telles que lIL1, IL6, TNFα,MIP-1α,KCetInterféronγ.
Les influenzavirus sont reconnus par dautres récepteurs,
les récepteurs TLR3, TLR7, TLR8 qui conduisent à des
circuits dactivation inflammatoire identiques à ceux
des TLR 2 et TLR4 et aboutissent in fine à une activation
de la voie NFκB.
Linfection secondaire par SP après une infection
grippale entraîne une sécrétion inhabituellement élevée
de certaines cytokines pro-inflammatoires mais égale-
ment dIL10, dont leffet est anti-inflammatoire. Cette
constatation fait suspecter une dysfonction de léquili-
bre cytokinique qui participerait à leffet décrit plus
haut de majoration de la réaction inflammatoire finale
avec : afflux de polynucléaires, augmentation de la
sécrétion de certaines cytokines pro-inflammatoires et
inhibition de lactivité de clearance bactérienne des
polynucléaires et des macrophages au cours de la
surinfection pulmonaire à pneumocoque [22]. Cest
lhypothèse qui a été soulevée pour expliquer la gravité
particulière des surinfections pulmonaires pour le virus
A(H1N1) qui a circulé pendant la pandémie de 1918 et
le virus actuel aviaire A(H5N1). Cette réduction des
capacités de clearance bactérienne des polynucléaires
et macrophages sexplique également par la sécrétion
de protéines virales de type PB1F2 qui ont une activité
pro-apoptoïque vis-à-vis de ces cellules. Ces protéines
diffèrent dans leur séquence protéique selon les souches
virales et leur confèrent des activités variables sur
lapoptose cellulaire en adéquation avec le risque
spécifique dinfection bactérienne secondaire observé
cliniquement [22].
La synergie grippe-bactérie peut être indirectement
déduite de laction des médicaments antiviraux, en par-
ticulier les antineuraminidasiques. Le virus influenza et
le pneumocoque possèdent chacun une neuraminidase.
Une synergie létale sur un modèle animal aurait été
observée entre les neuraminidases de chacun de ces
agents infectieux. La neuraminidase a principalement
pour effet de cliver les acides sialiques à la surface de
lépithélium respiratoire libérant ainsi des récepteurs
libres pour ladhésion et linvasion bactérienne.
Cette activité neuraminidasique est variable selon les
souches variables grippales et semble liée à la mortalité
associée aux différentes souches. Grâce au modèle
murin de surinfection pneumococcique postgrippale,
un traitement par antineuraminidase (Oseltamivir) a
permis de réduire la mortalité attendue par surinfection
pulmonaire à pneumocoque lorsque le traitement était
utilisé en prophylactique, mais également en curatif
retardé (J5), en association avec lantibiothérapie [6].
Àloccasion de cette étude, il a pu être démontré que
lantineuraminidase permettait de réduire ladhérence
bactérienne aux polynucaires. Un tel effet nest pas
observé avec les autres types de molécules comme
lamantadine et ses dérivés [22].
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Conclusion
Malgré labsence de démonstration formelle de nom-
breux arguments plaident en faveur de linteraction entre
virus grippal et bactéries « respiratoires ». Ces arguments
sont principalement cliniques et épidémiologiques mais
des résultats expérimentaux ont permis récemment
dapporter un éclairage sur le ou les mécanismes physio-
pathologiques fondamentaux qui sous-tendent cette rela-
tion. Ces mécanismes font intervenir principalement la
réponse cellulaire à linfection grippale, le rôle clé de
certaines protéines virales dont la neuraminidase et celui
des cellules phagocytaires polynucléaires et macro-
phages. Ainsi, sous leffet du virus grippal, les structures
mécaniques de défense primaire antibactérienne sont
lésées, ladhésivité bactérienne est augmentée, les poly-
nucléaires et les macrophages sont stimulés et contribuent
à la sévérité de linfection par le biais des réponses inflam-
matoires quils induisent, mais leur activité de clearance
bactérienne est réduite.
Les données cliniques nous indiquent que les grippes
sévères et parfois mortelles sont souvent des grippes sur-
infectées pour lesquelles lantibiothérapie seule ne suffit
pas toujours. Ces complications ne surviennent pas uni-
quement sur les terrains considérés comme à risque et il
apparaît licite dès lors denvisager daméliorer nos straté-
gies de prévention. La première repose sur la vaccination
tant grippale que pneumococcique ou méningococcique.
La seconde pourrait faire intervenir les traitements anti-
viraux et en particulier les antineuraminidases au cours
des grippes compliquées et a fortiori surinfectées, même
de façon tardive après le début de linfection grippale.
Lexpérience comparée de certains pays lors de la pandé-
mie récente à virus variant A(H1N1)v est intéressante à
cet égard. Le Chili, qui a appliqué une politique de traite-
ment systématique et précoce par Oseltamivir au pic
épidémique a rapporté un taux de mortalité deux fois
moindre que celui de lArgentine dont la politique de
traitement antiviral était restreinte aux sujets hospitalisés,
donc a priori les plus sévères [24].
Remerciements et autres mentions. Financement : aucun ; Conflit
dintérêts : aucun.
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