MOOC:Comprendrelesnanosciences 4.1 – Effets quantiques dans la conduction électronique aux échelles du nanomètre. Dans cette séquence nous allons aborder le transport de charges c'est à dire l'électricité, le courant électrique. Et nous allons regarder cela est modifié lorsque les conducteurs sont de l'ordre de grandeur de quelques dizaines ou centaines de nanomètres. On va voir qu'il y a des modifications tout-à-fait significatives, et également des effets essentiellement quantiques qui vont apparaître. On va partir tout d'abord de l'exemple le plus simple et le mieux connu du transport de l'électricité, la loi d'Ohm, qui caractérise le courant et qui le relie à la tension appliquée à un conducteur. Cette loi s'applique à n'importe quel fil électrique ou n'importe quel composant de type résistance. On parle de résistance ohmique, et j'ai donc représenté cette résistance ici sur ce schéma. J'introduis la longueur L de cette résistance, et on sait que si on applique une tension V, alors il y aura une intensité I telle que V=RI. La résistance est donnée par une formule , à ma grande surprise j'ai constaté que tous les étudiants la connaissaient parfaitement bien, je suppose que c'est probablement le cas de vous qui regardez cette séquence, la résistance est le produit de rhô, qui est la résistivité du matériau, c'est une caractéristique du matériau, et puis le reste, c'est la géométrie du dispositif, de la résistance considérée, L la longueur, S la section. Sur cette formule toute bête, on voit tout de suite quelque chose qui peut poser problème, c'est que si la longueur tend vers zéro, alors la résistance devient nulle. Si la résistance devient nulle, pour une tension quelconque, mettons 1 Volt, eh bien l'intensité devient infinie. Cette formule, elle prédit que l'intensité devient infinie, et ça, c'est un peu surprenant. En fait, il n'en est rien, et à partir d'un certain moment, d'une certaine valeur de L, la résistance va acquérir une valeur et va cesser de décroitre, et cette distance caractéristique c'est le libre parcours moyen. Là on va rentrer dans un régime de transport complètement différent, qui est ce que l'on appelle le transport mésoscopique. Je voudrais d'abord dire que avant de rentrer dans ce régime, qui apparaît donc pour une distance qui est le libre parcours moyen, qui a déjà été évoqué précédemment, et qui est justement de l'ordre de quelques dizaines ou centaines de nanomètres, ça dépend de la température, ça dépend des matériaux, mais c'est typiquement quelques centaines de nanomètres. Le transport à ces échelles pour des longueurs supérieures à ces centaines de nanomètres reste habituel mais on a quand même cette intensité extrêmement grande. Donc aller vers des systèmes de petite taille qui commencent à approcher des distances submicroniques, va déjà avoir des intérêts extrêmement importants, parce que les intensités très grandes peuvent donner lieu à des phénomènes que l'on observe pas autrement; c'est notamment le cas de tous les effets couplés de type thermoélectricité par exemple. Maintenant, on va essayer de comprendre ce qu'il se passe lorsque le système est plus petit. Tout d'abord je vous rappelle ce qui a déjà été évoqué précédemment, lorsque la taille du système est grande, ce que l'on représente sur la figure du dessus, un électron va subir beaucoup de collisions, et l'image d'une boule de billard qui se propagerait dans un tuyau en subissant beaucoup de collisions est tout-à-fait correcte. La physique, d'ailleurs, du transport de chaleur en régime loi de Fourrier avec des molécules dans un gaz, qui subissent énormément de collisions, et qui emportent leur énergie cinétique, est tout-à-fait analogue et la loi de transport de chaleur est tout-à-fait analogue à la loi de transport d'électricité. La loi d'Ohm égale la loi de Fourrier. Alors, sur le schéma on voit bien que si la longueur du fil devient plus petite que ce libre parcours moyen qui est représenté en bleu, qui est la distance moyenne entre deux collisions, l'électron va entrer, il va aller tout droit, et il va sortir. On parle de régime balistique. Et lorsqu'il y a ce régime balistique, on ne voit pas pourquoi il y aurait une résistance. Tout ce qui rentre va traverser, on a l'impression qu'il n'y a pas de résistance, que rien ne s'oppose au transport de courant. Et pourtant, il y a une résistance, que l'on peut mesurer et qui est tout-à-fait significative. Un conducteur parfait, au sens où il y a zéro collision, va néanmoins provoquer une résistance. Alors, d'où est-ce que cela vient ? Il y a ici un résultat expérimental qui a été observé sur des contacts atomiques entre un fil d'or et une surface d'or. Sur le principe, en tout cas, l'expérience est simple, sur la réalisation il faut prendre beaucoup de soin. On a ici une pointe d'or, un fil, une surface d'or, on va approcher la pointe sur la surface. L'or est mou, et Copyright©2017,MOOCNano,COMUEUniversitéParisSaclay&UniversitéParis-Sud MOOC:Comprendrelesnanosciences en fait ce qui va se passer, c'est exactement ce qui se passe lorsque vous mettez un bâton, une pointe, dans de l'eau, en tirant, il va y avoir un ménisque qui va se former. C'est ce qui est représenté sur la gauche, donc, on va tirer très très doucement, à typiquement des picomètres par seconde, on colle la pointe sur un cristal piézoélectrique, on applique une tension sur le piézoélectrique pour contrôler ce mouvement, et donc peu à peu, le contact ici va faire en sorte que les atomes d'or vont venir faire un petit peu comme un ménisque d'eau et puis il va y avoir un point de rupture. On va avoir donc cette espèce de ménisque qui va être de plus en plus petit, comme représenté sur la figure, donc vous voyez qu'il va y avoir un moment où on aura deux atomes par lesquels passe le courant, puis plus qu'un seul fil monoatomique et puis enfin rupture. Si on fait une mesure de la résistance électrique associée, on trouve ce qui est représenté sur le graphe du dessous, donc c'est l'inverse de la résistance qui est représenté, c'est la conductance, en abscisse c'est la tension électrique appliquée au piézoélectrique dont je parlais, donc en fait tout simplement la distance avec laquelle on tire sur le système. Donc vous voyez qu'en partant du contact pour une tension zéro, on applique la tension, on éloigne la pointe, eh bien on va réduire la taille du fil et donc la résistance va augmenter et ce qui est représenté, c'est la conductance, donc l'inverse de la résistance, qui diminue. Alors les valeurs ne sont pas très parlantes, elles sont données en unités 2e2/h, où e est la charge de l'électron et h la constante de Planck. 2e2/h, son inverse est une résistance, ça fait 12,9 kiloohms. Donc c'est quelque chose qu'on peut mesurer avec n'importe quel ohmmètre du commerce. C'est totalement quantique, c'est donné en fonction des constantes fondamentales de la physique, et ça fait une mesure que vous mesurez avec un ohmmètre. Il y a résistance parce que l'on considère un chemin de conduction qui passe par une seule colonne d'atomes ou quelques colonnes d'atomes. Bien sûr, si on écrase la pointe au lieu de la tirer, la surface de contact va augmenter et à ce moment-là la résistance est beaucoup plus faible. Alors on va essayer de comprendre d'où ça vient, cette résistance, j'ai représenté sur le bas de la figure ici en rouge, un petit schéma qui décrit ce qui se passe, on a deux pavés rouges qui sont les deux contacts électriques et puis entre les deux ce petit trait symbolise ce fil monoatomique d'or par lequel on fait passer le courant. Ce fil est parfait, il n'a pas de défaut, les atomes sont à la queue-leu-leu, les électrons se propagent dans ce système sans subir de collision, il n'y a pas de collision quand un électron se propage dans un réseau périodique d'atomes, et pourtant il y a de la résistance, et c'est cela qu'on veut comprendre. On modélise le système en représentant les deux électrodes par le diagramme d'énergie en haut, en bleu vous avez les bandes de conduction des métaux, tous les niveaux d'énergie sont remplis jusqu'au niveau d'énergie le plus élevé qui est l'énergie de Fermi. Et puis si on applique une tension, on va changer le niveau d'énergie d'un deux des conducteurs par rapport à l'autre, ce qui est représenté ici. On applique une tension V, donc on a un écart d'énergie eV. Maintenant, essayons de comprendre comment décrire ce système. Si on adopte le point de vue qui consiste à dire qu'un électron est un objet quantique, il est décrit par une onde et cette onde va se propager dans le fil et l'électron est confiné dans le fil, donc l'onde est piégée, c'est un guide d'onde, l'électron ne pas sortir. L'équation de Schrödinger est une équation d'onde (c'est une équation avec Laplacien de ψ). Et donc on est dans une situation d'une fonction d'onde pour l'électron qui est confinée. Donc on a la situation d'un mode guidé. Si un électron rentre dans le canal, alors l'état quantique est occupé, on ne peut pas y mettre deux électrons, en vertu du principe d'exclusion de Pauli, et c'est ça qui va limiter l'intensité, c'est le principe d'exclusion de Pauli. On peut faire une estimation rapide de ce courant, on va dire qu'il faut un temps delta t à l'électron pour passer de gauche à droite, donc chaque fois qu'un électron passe, pendant un temps delta t, la quantité de charges échangée c'est e, donc l'intensité c'est e sur delta t. Quel est le temps nécessaire pour traverser, on ne sait pas si l'électron est à gauche ou à droite, et donc si on utilise les incertitudes d'Heisenberg, s'il est à gauche ou à droite il y a un écart d'énergie qui est delta E, qui est eV, et donc on en déduit delta t, le temps nécessaire pour la traversée. On remplace tout ça et on trouve que l'intensité vaut e2/h x V, et on a trouvé ce quantum de conductance. En réalité, ce n'est pas e2/h, on peut avoir deux électrons simultanément, parce qu'ils ont un spin différent, donc on peut, comme pour les atomes, comme pour les niveaux d'énergie dans les atomes. Copyright©2017,MOOCNano,COMUEUniversitéParisSaclay&UniversitéParis-Sud MOOC:Comprendrelesnanosciences Ce quantum de conductance vaut 2e2/h son inverse est une résistance qui fait presque 13 kiloohms comme je vous l'ai dit. Ce que je voudrais faire maintenant c'est aborder un autre aspect. Là on vient de voir qu'on avait un transport balistique et que bien qu'il n'y ait pas de collision on avait une résistance et qu'elle avait une origine quantique. Ceci est basé sur une description ondulatoire des électrons. Maintenant on va voir un autre aspect des ondes, c'est les interférences. Sur le schéma, le cliché en fait, de microscopie électronique qui est représenté ici, vous voyez des pistes sur une structure à semiconducteur. La zone qui est sombre est une piste dans laquelle il y a des électrons. Ces électrons peuvent circuler et vous voyez au centre une petite ile de sorte que les électrons vont passer soit à gauche soit à droite. C'est les flèches jaunes qui décrivent le sens du courant. Lorsque l'on a une situation comme ça, lorsque l'on pense par analogie à un fleuve qui s'écoule autour d'une ile, eh bien le débit du fleuve est le même en amont et en aval. Ici, il faut raisonner en termes d'ondes, donc il faut plutôt penser à deux ondes qui vont être séparées et recombinées. Ça, ça s'appelle un interféromètre. Et lorsqu'il y a interférence, on peut avoir des interférences constructives ou destructives, et donc on peut réduire le débit qui est donc l'intensité, par l'effet d'interférences. Pour faire des interférences, il faut contrôler la phase. Comment peut-on modifier la phase des électrons ? Eh bien il suffit d'appliquer un champ magnétique perpendiculairement à cette surface. Pourquoi ? Parce qu'un champ magnétique uniforme correspond à des lignes de champ du potentiel-vecteur A (B = rotationnel A) qui sont représentées sur la figure et vous voyez que sur la partie haute de la figure le potentiel-vecteur est en sens opposé au courant alors qu'il est dans le sens parallèle sur le bas. Et ça, ça crée une dissymétrie sur la phase. On peut montrer que les électrons ont une phase qui dépend du potentiel-vecteur, en fait du produit scalaire. En modifiant donc ce champ magnétique, on va créer des interférences, et ces interférences vont moduler l'intensité. Voici le résultat expérimental , vous avez l'intensité , en réalité c'est la résistance qui est tracée, mais à tension constante ça revient au même, et vous voyez qu'il y a des oscillations de l'intensité dans le système lorsqu'on change le champ magnétique, c'est-à-dire la différence de phase entre les deux chemins. Ça s'appelle l'effet Aharonov-Bohm. Voilà ! Donc en conclusion on a vu que lorsque le système a une taille qui devient comparable à 100 nanomètres on passe d'un régime habituel type "boule de billard" à un régime balistique, donc, tout système qui sera plus petit que 100 nm rentrera dans un régime balistique de nature différente. Il y a à ce moment-là des effets quantiques qui se manifestent et il peut y avoir des effets interférentiels, ceci pourvu que la taille du système soit plus petite que la longueur L phi qui est la longueur de phase, c'est la longueur sur laquelle la phase de l'électron va rester bien définie. Qu'est-ce qui pourrait détruire la phase de l'électron ? Des interactions avec des phonons, ou des interactions avec d'autres électrons. Les effets interférentiels vont être très marqués lorsqu'on est à basse température, ils ne le seront pas forcément à plus haute température parce que il va y avoir des interactions qui vont perturber la phase. En revanche les effets de quantification de la conductance, c'est vraiment des effets qu'on retrouve tout le temps, ces effets de régime balistique c'est ce qu'on retrouve dans un très grand nombre de composants électroniques aujourd'hui dans lesquels les pistes font de l'ordre de la centaine de nanomètres ou moins. Jean-Jacques Greffet Copyright©2017,MOOCNano,COMUEUniversitéParisSaclay&UniversitéParis-Sud