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Introduction
La situation actuelle de la théologie chrétienne réclame, semble-t-il, un
renouveau profond. N’a-t-elle pas, en effet, oublié bien souvent le caractère
sapiential qui est le sien1 ? Elle cherche, certes, à rester une science. Mais elle oublie
parfois, semble-t-il, qu’elle doit être avant tout une sagesse, c’est-à-dire une
connaissance contemplative, à la fois intelligente et aimante, du mystère de Dieu2.
Déjà avant le IIe Concile du Vatican, après les soubresauts et les crises de la
fin du XIXe et du début du XXe siècles, nombreux étaient ceux qui avaient saisi et
soulignaient combien il était urgent de tout renouveler et de tout reprendre à la
source pour ainsi dire. D’une façon générale, tout reprendre à la source, cela
signifiait : revenir à l’Écriture, s’enraciner dans la Tradition la plus ancienne et
toujours vivante de l’Église (notamment à travers l’étude renouvelée des Pères), et
prendre en compte, avec l’Église dans sa mission prophétique, les grandes questions
adressées par le monde contemporain à la foi chrétienne. C’est, d’une certaine façon,
ce qui résume les enjeux abordés par les grands documents du IIe Concile du
Vatican, au confluent de la Constitution dogmatique sur la Révélation divine, Dei
Verbum, et de la Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps,
Gaudium et Spes. Ces deux axes sont essentiels pour le théologien ; en effet, la
sagesse théologique chrétienne n’est-elle pas toujours à la fois contemplative (parce
que dépendante de l’adhésion de foi à Dieu qui se révèle), et apostolique, cherchant
tous les chemins de rencontre avec ce Dieu qui, dans le Christ, se révèle et se donne
à l’homme en quête de la vérité et de l’amour ? Ainsi, la théologie est bien une des
perles du mystère de l’Incarnation de Dieu dans le Christ : il est le Verbe éternel, le
Fils, secret de la contemplation du Père, devenu chair3, Agneau de Dieu venu à la
rencontre des hommes pour, en portant l’iniquité du monde4, épouser leur condition,
faire siennes leurs interrogations et leurs recherches, et leur apporter une réponse
1. « Les années qui ont suivi le IIe Concile du Vatican ont été extrêmement fécondes pour la
théologie catholique. (…) La théologie catholique s’est efforcée de suivre le chemin ouvert par le
Concile (…) en établissant un dialogue avec elle [la famille humaine] et en lui offrant “la puissance
salvatrice que l’Église, conduite par l’Esprit Saint, reçoit de son Fondateur” (Gaudium et Spes, n° 3).
Toutefois, cette période a aussi connu une certaine fragmentation et, dans le dialogue dont on vient de
parler, la théologie est sans cesse confrontée au défi de maintenir son identité propre » (COMMISSION
THEOLOGIQUE INTERNATIONALE, La théologie aujourd’hui : perspectives, principes et critères, n° 1,
p. 16-17).
2. Marie-Dominique Chenu reprenait déjà avec insistance, dans un effort de renouveau de la
tradition thomiste, la question des rapports de la science et de la sagesse au sein de la théologie
chrétienne : cf. La théologie est-elle une science ?, p. 85 sq. « La théologie est une science. Elle est
sagesse. Elle est sagesse, au sens chrétien comme au sens aristotélicien du mot, quoique son état
scientifique soit extrêmement débile, suspendu à des principes inévidents par définition. Elle est
sagesse cependant, parce que, dans la foi qui la suscite, la nourrit et la dresse en avant, elle juge tout
sous le regard de Dieu (…). La théologie est la science de Dieu » (ID., La Parole de Dieu, I, La foi
dans l’intelligence, p. 136-137).
3. Jn 1,14.
4. « Voici l’Agneau de Dieu, qui porte l’iniquité du monde » (Jn 1,29).