Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne

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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis de la fin du XIXème siècle à
nos jours
Chapitre 7 : Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875
Socialisme : ensemble des doctrines nées vers 1830 afin de résoudre la question sociale dans le sens d’une
plus grande égalité, soit par l’action révolutionnaire, soit par des réformes législatives.
Mouvement ouvrier : ensemble des militants issus des partis socialistes et des syndicats qui luttent pour
obtenir une amélioration de leur quotidien et une émancipation politique, économique et sociale.
Syndicat : organisation qui a pour but de défendre les droits d’une profession.
Au XIXe siècle, l’Europe s’industrialise et les ouvriers constituent une classe sociale en expansion, qui prend
conscience de ses spécificités et de sa condition. Dans un contexte de lutte contre l’exploitation ouvrière
dans un monde du travail où la réglementation sociale est inexistante, naît le socialisme, idéologie nouvelle
qui s’articule autour de la lutte des classes et de la révolution pour renverser l’ordre bourgeois.
Dans l’empire allemand, le socialisme, organisé autour d’un puissant parti et d’un syndicalisme de masse,
devient une force politique et sociale majeure. Au cours du XXe siècle, il se divise entre une branche
toujours révolutionnaire, le communisme, et un socialisme réformiste moins soucieux de révolution que
d’améliorations concrètes des conditions de vie des travailleurs.
Problématique : Comment s’adapte l’idéologie socialiste au contexte socio-économique d’une Allemagne
en transformation ?
Le monde ouvrier allemand de 1875 à 1914
L’Allemagne de la fin du XIXe siècle est un empire, appelé le IIe Reich, proclamé lors de la victoire sur les
Français en 1871. Il est constitué de la Prusse et des Etats du sud de l’Allemagne comme la Bavière, le
Wurtemberg, ainsi que des départements annexés d’Alsace et de Lorraine (25 Etats souverains en tout). La
population est de 43 millions d’habitants
La croissance industrielle est impressionnante : la production de charbon triple entre 1870 et 1890 (70
millions de tonnes) ; l’Allemagne domine les marchés pour les constructions électriques (Siemens) et pour
l’industrie chimique (Bayer, Hoechst) ; le commerce allemand se place au second rang derrière le RU.
Les principales régions industrielles sont la Ruhr, la Sarre, la Saxe, ainsi que les grandes villes, Berlin
notamment. Les conditions de travail et de vie des ouvriers sont très dures, à l’image du reste de l’Europe et
les grèves sont récurrentes.
I.
Le mouvement ouvrier sous l’empire : vicissitudes et affirmation
Comment le mouvement ouvrier, principale force d’opposition sous l’empire allemand, réussit-il à devenir
la première force politique allemande en 1912 ?
A. Le premier parti socialiste unifié d’Europe
En 1875, au congrès de Gotha (Thuringe), est fondé le Parti socialiste des ouvriers allemands (SAP pour
Sozialistische Arbeitpartei Deutschlands) ; il résulte de la fusion du parti de Ferdinand Lassalle à tendance
réformiste et du parti d’August Bebel et Wilhelm Liebknecht marqué par le refus de toute coopération avec
le pouvoir impérial et une volonté de conquête du pouvoir par la force. Malgré leurs divergences, les deux
tendances s’unissent pour ne pas affaiblir le mouvement ouvrier dans une Allemagne où le pouvoir est très
autoritaire. Officiellement marxiste1, il prône la révolution armée. Mais, dans la pratique, il participe à la vie
parlementaire comme un parti d’opposition qui demande des réformes.
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Marxisme : doctrine philosophique, économique et sociale élaborée par Karl Marx et Friedrich Engels,
visant à créer une société égalitaire par la révolution armée afin d’arracher les pouvoirs que détient la classe
bourgeoise. Ces deux théoriciens sont à l’origine de la Ire Internationale ouvrière regroupant tous les partis
socialistes sur les bases idéologiques du marxisme (1864).
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nos jours
Chapitre 7 : Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875
L’action militante des socialistes auprès des ouvriers se double d’activités sportives, culturelles (théâtre), de
fêtes populaires. La diffusion de la presse joue un grand rôle dans la politisation des esprits.
B. De l’interdiction au triomphe électoral
En 1878, le chancelier du Reich, Otto von Bismarck fait voter une série de lois antisocialistes, en profitant
de l’émotion provoquée par deux attentats commis contre l’empereur Guillaume Ier, attentats sans rapport
réel avec le socialisme. Elles interdisent tout groupe (partis et syndicats) et tout rassemblement ayant pour
but de renverser la société et l’Etat. La propagande socialiste est interdite (meetings, presse), de nombreux
militants sont emprisonnés ou s’exilent. Mais les socialistes sont autorisés à participer aux élections, en se
présentant de façon individuelle. Le parti continue d’exister mais dans la clandestinité.
Parallèlement, Bismarck fait voter d’importantes lois sociales de 1883 à 1889 pour désamorcer le
mécontentement des ouvriers et les détourner du vote socialiste : lois créant l’assurance-maladie, caisses de
retraite, lois forçant les patrons à indemniser les accidents du travail… Les socialistes appellent cela la
politique du « bout de sucre ».
La tentative échoue : le parti socialiste progresse aux élections. La législation antisocialiste est supprimée en
1890 avec le renvoi de Bismarck par le nouvel empereur Guillaume II.
La puissance du mouvement ouvrier allemand s’illustre par son rôle tenu lors de la fondation de la IIe
internationale en 1889 (grand rôle d’August Bebel).
Entre 1871 et 1912, les victoires électorales des sociaux-démocrates se succèdent avec plusieurs
conséquences :
- La progression des élus socialistes qui obtient 12 sièges au Reichstag en 1877 est brisée par les lois
antisocialistes de 1878.
- Mais, dès 1881, la progression reprend, et est fulgurante de 1887 à 1890 malgré la législation sociale
de Bismarck. Cela montre la diffusion considérable du socialisme dans le monde ouvrier.
La renaissance au grand jour du mouvement ouvrier se fait lors du congrès d’Erfurt en 1891 (Thuringe) :
est alors créé le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD ou Sozialdemokratische Partei Deutschlands).
Ce parti a émis un programme révolutionnaire qui répond à plusieurs idées clés :
- Le capitalisme amène à la dépossession des travailleurs qui perdent leur outil de travail au profit des
grands propriétaires ou capitalistes.
- Le travailleur devient un simple prolétaire sans aucune propriété.
- Donc, le capitalisme accroît les inégalités sur lesquelles il prospère.
- Aussi, les deux classes s’opposeront de plus en plus violemment, bourgeois et prolétaires. Que
deviennent les autres ? Le programme reste muet sur ce point.
- La révolution est la solution pour libérer les prolétaires de cette exploitation. Et cette lutte devra être
menée par le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD).
Le programme d’Erfurt, rédigé par Karl Kautsky, est bel et bien un programme marxiste, révolutionnaire. Et
de fait, le SPD s’engage aux côtés des syndicats appelés « syndicats libres » dans des grèves de plus en plus
dures :
- grève des mineurs de la Ruhr en 1905,
- obtention de conventions collectives en 1902, accord négocié entre syndicats et patronat qui
améliorent les conditions de travail au sein d’une branche d’activité2.
Les rapports entre SPD et syndicats constituent une spécificité allemande : le SPD oriente et finance le
mouvement syndical. Les syndicats, nés dans le sillage du socialisme, en sont donc très proches. Les députés
socialistes sont en même les principaux responsables syndicaux. En 1911, 2,5 millions de travailleurs
allemands sont syndiqués (contre 2,9 millions au RU, et 350 000 en France).
Au Royaume-Uni, le Parti travailliste est la courroie de transmission des syndicats pour faire aboutir leurs
revendications.
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Par comparaison, en France, il faut attendre 1936 et le Front Populaire.
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Chapitre 7 : Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875
En France, le syndicalisme est de tradition anarchiste et se tient, à l’époque, à l’écart de l’action
parlementaire et des partis, notamment de la SFIO (section française de l’internationale ouvrière, créée en
1905).
Le mouvement ouvrier est particulièrement bien encadré. Autour de ce noyau parti-syndicat, on compte des
institutions variées qui encadrent les ouvriers, notamment les coopératives de consommation qui leur
permettent de se ravitailler à moindre coût. En 1911, 1 200 coopératives regroupent 1,3 millions de membres
Elles s’ajoutent aux institutions culturelles déjà vues (chorales, théâtres, bibliothèques, journaux et clubs de
sport avec le siècle naissant). On peut parler de contre-société ouvrière, véritable modèle alternatif.
C. Essor et division du mouvement ouvrier le plus puissant d’Europe
Malgré son discours révolutionnaire, le SPD prend part à la vie politique et participe aux élections
législatives. La progression électorale amorcée en 1890 se poursuit en culmine en 1912, avec 35 % des
suffrages et 110 députés : il est la première force politique allemande et compte 1 million d’adhérent. Des
intellectuels rejoignent le parti qui n’est plus exclusivement ouvrier.
Cet essor a des conséquences sur la doctrine socialiste puisque les victoires électorales successives éloignent
la nécessité d’une révolution armée. L’Etat, réformé et dirigé par des politiques soucieux du sort des
prolétaires, servira l’intérêt général.
Eduard Bernstein soutient cette orientation réformiste de la ligne du parti qu’on appelle aussi le
révisionnisme (= transformation progressive de la société par des réformes votées).
Le paradoxe est que la social-démocratie est divisée à l’heure des succès électoraux car le réformisme de
Bernstein suscite une réaction de la part de l’aile révolutionnaire du parti, menée par Rosa Luxemburg et
Karl Liebknecht. Cette division parcourt tous les partis socialistes européens.
A la veille de 1914, le SPD n’est plus le parti révolutionnaire de ses débuts. Les socialistes votent les crédits
de guerre et acceptent de faire partie de l’Union sacrée proposée par l’empereur. C’est la faillite totale de la
IIe internationale : au congrès pour la paix de Bâle (1912), les socialistes européens avaient décidé la grève
générale en cas de déclaration de guerre… Les passions nationalistes l’ont emporté sur les solidarités
ouvrières.
II.
De la division à l’interdiction du mouvement ouvrier (1918-1945)
A. La guerre divise les socialistes
Karl Liebknecht était le seul député du SPD à avoir refusé de voter les crédits de guerre. Mais dès la fin de
la première année de guerre, des membres du SPD s’oppose à l’Union sacrée et fondent en 1917 l’USPD
(Parti social-démocrate indépendant). Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, à la tête du groupe
révolutionnaire Spartakus (créé en 1916) ou Ligue spartakiste, rejoignent l’USPD et dénoncent la guerre
impérialiste et capitaliste.
Le 9 novembre 1918, la révolution, partie de la révolte des marins de la flotte de Kiel, emporte le régime
impérial ; le kaiser Guillaume II abdique ; c’est la légende du « coup de poignard dans le dos » qui aurait
fait perdre la guerre à l’armée allemande. Des ouvriers et des soldats s’emparent de Berlin où est proclamée
la République, et par Scheidemann (SPD), et par Liebknecht (USPD). Or, les deux courants du socialisme
n’ont plus du tout les mêmes conceptions.
- Liebknecht et Luxemburg veulent une révolution sociale, dite spartakiste, à la manière de la
révolution bolchevique et de Lénine, qui renverserait la société en s’appuyant sur des conseils de
soldats et d’ouvriers. Ils fondent le KPD le 1er janvier 1919 (Parti communiste allemand), se coupant
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du SPD. Remarques : Les spartakistes dénoncent l’alliance entre la bourgeoisie et les socialistes, ce
qui est une trahison de la cause ouvrière car cette alliance se fait sur le dos des prolétaires.
- Ebert (SPD), devenu chancelier à la suite de Scheidemann, veut écraser la révolution spartakiste. Le
ministre de l’Intérieur Noske, avec l’appui de l’armée et des corps-francs (volontaires), écrase dans
le sang les communistes lors de la « semaine sanglante » (6-13 janvier 1919). Rosa Luxemburg et
Karl Liebknecht sont assassinés par les corps-francs. Il s’agit d’une véritable guerre civile.
L’alliance du SPD au pouvoir avec l’armée (et donc les forces conservatrices) est à l’origine de la haine des
communistes pour les social-traîtres. Le mouvement ouvrier est durement divisé avec des communistes
(300 000 membres en 1920) qui s’opposent frontalement aux socialistes.
Dans ce contexte révolutionnaire, le chef du patronat allemand, Hugo Stinnes s’engage à d’importantes
concessions aux syndicats (ADGB = Allgemeine Deutsche Gewerkschaftbund) à condition que ces derniers
ne soutiennent pas la révolution spartakiste.
B. Les années 1920 et la République de Weimar : l’apogée de la social-démocratie
La République de Weimar est un régime fragile née de la défaite et sur le sang des révoltés spartakistes. Par
ailleurs, le régime a accepté le traité de Versailles dénoncé comme un « diktat » par la Droite nationaliste et
les éléments les plus conservateurs.
Le SPD, avec le président Ebert, domine ce régime parlementaire et fait voter de nombreuses lois en faveur
des travailleurs : journée de 8 heures de travail, institutions de conseils d’entreprises en 1920 (instance de
négociations entre représentants du personnel et de la direction), conventions collectives obligatoires,
assurance chômage en 1927 alors que l’Allemagne compte 1 million de chômeurs, construction de
logements ouvriers.
L’ADGB compte alors 3 millions d’adhérents.
Cependant, le régime est toujours menacé à sa droite par les nationalistes, à sa gauche par le KPD qui
suivent les consignes du Kominterm venues de Moscou et de Staline : l’Internationale communiste, créée en
1919. Staline impose à tous les partis communistes d’Europe de lutter en priorité contre les socialistes,
qualifiés de « social-fasciste ». Et ce au mépris de la montée des courants fascistes en Europe liés à la crise
économiques de 1929 et à ses conséquences. Alors que la République de Weimar connaissait une certaine
stabilisation, l’Allemagne est touchée de plein fouet et compte 6 millions de chômeurs en 1932.
C. Une concurrence fratricide fatale face au nazisme
Les années 30 sont marquées par la montée du parti nazi (NSDAP) qui désigne des responsables : le régime
parlementaire, le traité de Versailles, les juifs, les socialistes et les communistes. Hitler promet aux ouvriers
allemands le retour au plein emploi et le parti développe des structures d’aide sociale. En 1930, 28 % de ses
membres sont des ouvriers. Les SA entretiennent une violence de rue permanente contre les militants de
Gauche, avec la complicité de la Police et de la Justice.
Or, le KPD mené par Ernst Thälmann, refuse de constituer un front républicain avec les socialistes contre les
nazis : il applique en cela les consignes de Staline de la tactique « classe contre classe ». Non seulement le
KPD voient dans le SPD l’allié du capitalisme, mais en plus, il espère que les excès des nazis amèneront une
révolution ouvrière.
Le mouvement ouvrier allemand, à l’image de la France, est donc divisé face au danger fasciste ; ce qui lui
sera fatal. Et quand Staline se rendra compte de son erreur, les nazis auront déjà éliminé le SPD. Le KPD se
retrouvera seul. Quand le Kominterm appellera à constituer des fronts populaires rassemblant les partis de
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Chapitre 7 : Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875
Gauche contre le fasciste, il sera trop tard (contrairement à la France où le Front populaire accède au pouvoir
en 1936).
Face à cette division de la Gauche, Hitler remporte les élections législatives de 1932 avec 33 % des voix (le
SPD ne fait que 20, 4 % ; le KPD 16, 8 %). Soutenu par la Droite conservatrice, Hitler est nommé
Chancelier par le président Hindenburg, le 30 janvier 1933.
Dès lors, les événements s’enchaînent :
- Le 27 février, lors de l’incendie du Reichstag provoqué par des militants nazis, Hitler interdit le KPD
et dénonce un complot communiste. Des milliers de militants sont déportés en camps de
concentration.
- Le 23 mars, malgré l’opposition du SPD, Hitler obtient les pleins pouvoirs.
- Entre mars et juillet 1933, tous les partis sont interdits, ainsi que les syndicats. Les militants sont
assassinés, en camps ou en exil. La grève est interdite en 1934.
La Gauche et le mouvement ouvrier ont été décapités par les nazis et la lutte clandestine est quasi impossible
du fait de la surveillance de la Gestapo.
Les ouvriers sont alors encadrés dans les structures nazies comme le Deutsche Arbeitsfront. Le nazisme
repose avant tout sur l’alliance avec le patronat.
III.
Deux Allemagnes, deux socialismes (1945-1989)
A. La renaissance du mouvement ouvrier entre l’Est et l’Ouest
Après la défaite allemande, le pays est partagé en quatre secteurs d’occupation ; le parti nazi est interdit, la
dénazification écarte et condamne ses membres les plus éminents. Les partis politiques ennemis du nazisme
sont restaurés. Désormais, c’est la guerre froide qui va influer sur les orientations du mouvement ouvrier.
Cependant, dans la zone d’occupation soviétique, les socialistes sont contraints, sous la menace soviétique et
donc de Staline, d’intégrer du parti communiste appelé SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands) en
1946. Lors de la séparation de l’Allemagne en deux Etats en 1949, le SED devient l’unique parti de RDA, et
le SPD devient la principale force politique de gauche de RFA. Le KPD y est même interdit en 1956 dans le
contexte de la Guerre froide et de l’opposition Est-Ouest.
Les conceptions du syndicalisme diffèrent aussi. En RFA, le DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund), proche
du SPD, devient la grande centrale syndicale avec 6 millions d’adhérents. En RDA, l’unique confédération
syndicale (FDGB) ne défend pas les intérêts des travailleurs mais devient un outil aux mains du pouvoir
dictatorial communiste : le droit de grève est interdit…
B. La RDA, un Etat totalitaire communiste sous l’œil de Moscou
La RDA est une démocratie populaire, un régime totalitaire, dominé par un parti unique, le parti
communiste, soumis aux consignes centralisatrices de Moscou.
L’absence de liberté et la répression en cas de contestations maintiennent les populations sous le joug. Le
SED les encadre dès leur plus jeune âge jusqu’à la mort grâce à des organisations et des cérémonies
(« Jeunesse libre allemande », jour de la femme…). La police secrète, la STASI (Staatssicherheit), exerce
une veille constante par le biais des dénonciations et de ses nombreux agents. Pour la période, les dirigeants
de RDA sont Walter Ulbricht (1950-1971) et Erich Honecker (1971-1989).
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L’économie est transformée sur le modèle soviétique via les collectivisations de terres et les nationalisations
touchant les sources d’énergie, les industries, les transports et les banques. Les plans quinquennaux fixent
les objectifs à grand renfort de propagande. Dans un premier temps, la priorité est donnée à l’industrie
lourde en RDA puis aux industries de consommation car le pays doit apparaître comme une vitrine du
socialisme face à l’Occident ; les matières premières nécessaires à son industrie sont importées des autres
pays socialistes dans le cadre du CAEM (conseil d’assistance économique mutuelle).
La RDA se spécialise dans la production industrielle de technologie avancée notamment dans le domaine
militaire. Le régime récupère d’ailleurs la tradition militaire prussienne : l’armée est la seconde en
importance du Pacte de Varsovie.
Mais cette façade ne parvient pas à masquer aux yeux des populations les failles béantes du système, appelé
« socialisme réel » :
- la priorité donnée à l’industrie lourde a de graves conséquences sur l’économie : l’agriculture
manque de matériel, les rendements baissent, les revenus réels décroissent, l’approvisionnement des
villes est difficile (d’où les interminables files d’attente pour des denrées hypothétiques), les paysans
négligent les productions des coopératives pour travailler leurs lopins individuels dont ils écoulent la
production au marché noir.
- les populations souffrent de pénuries aggravées par l’importance donnée à l’armement (contexte de
guerre froide). Toutes les productions de consommation (vêtements, électroménager, automobile) ont
une production insuffisante et de mauvaise qualité.
- les logements manquent également, les jeunes couples devant souvent atteindre plus de dix ans avant
d’obtenir un logement.
- La société est censée ne comporter que deux classes sociales : les ouvriers et les paysans. Mais en
réalité, elle est dominée par des cadres privilégiés, liés au parti communiste qui constituent la
« Nomenklatura ».
La mort de Staline en mars 1953 suscite l’espoir d’une plus grande liberté accordée dans les démocraties
populaires. A Berlin, des émeutes éclatent suite au durcissement des conditions de travail des ouvriers et à
l’accélération de la mise en place de l’économie planifiée.
60 000 manifestants s’en prennent aux symboles du communisme, excédés par la situation économique et
politique. Ils réclament la démocratie dans les entreprises, des élections libres et la réunification. Ulbricht
fait appel aux Soviétiques qui répriment la révolte avec des chars : 80 morts et 25 000 arrestations.
Le paradoxe est énorme : un régime marxiste qui étouffe une tentative « révolutionnaire » mais
spontanée venant des ouvriers pour améliorer leur condition de vie et de travail. C’est trahir les
doctrines de Marx sur lesquelles le régime prend appui… !
Malgré la propagande et la censure omniprésente, les populations les plus qualifiées quittent la RDA pour la
RFA via Berlin-Ouest. Voilà pourquoi les autorités décident la construction du mur de Berlin, en août 1961,
qui isole totalement Berlin-Ouest de la RDA. C’est, pour l’Occident, le symbole de la faillite du régime
communiste qui doit empêcher sa population de fuir.
La nouvelle politique de réformes lancées par Mikhaïl Gorbatchev, la Perestroïka (1986), scelle la mort du
régime qui ne veut faire aucune concession. Des manifestations réunissant plusieurs centaines de milliers de
personnes se déroulent à Leipzig. Sans le soutien soviétique, le régime est paralysé dans l’inaction. Les
Allemands de l’Est, les Ossi, franchissent le mur qui est ouvert le 9 novembre 1989. C’est la débâcle du
SED qui perd les premières élections libres de la réunification allemande de 1990, et devient le PDS (Partei
des Demokratischen Sozialismus). C’est l’échec du « socialisme réel ».
C. Le socialisme démocratique en RFA
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1) La social-démocratie sans Marx
Jusqu’aux années 1960, le SPD connaît des revers électoraux au profit de la CDU (Union chrétienne
démocrate ou Droite conservatrice) qui est au pouvoir. La menace soviétique en Europe, le contre-modèle de
la RDA, la défense exclusive du monde ouvrier détournent les électeurs du SPD. Le nombre de militants
recule même dans une période marquée par la prospérité économique allemande.
La perte de vitesse du SPD est aussi due à l’apaisement des relations patronat-travailleurs négocié entre les
syndicats (DGB) et le chancelier Konrad Adenauer. Les lois de1951 et de 1952 instituent la cogestion au
sein des entreprises : des représentants du personnel siègent aux côtés des représentants actionnaires. C’est
un véritable droit de regard donné aux travailleurs sur les décisions des entreprises. La lutte syndicale est
remplacée par le dialogue social (l’orientation du DGB devient réformiste) améliorant les conditions de
travail, les salaires, la réduction du temps de travail. La cogestion est un des facteurs du « Miracle
économique allemand »
Aussi, le courant réformiste l’emporte au sein du SPD : il entend en faire non plus le parti des ouvriers
mais le parti du peuple, en se coupant de ses références marxistes.
2) Le tournant radical du congrès de Bad Godesberg (1959) : l’abandon du marxisme
Remarques :
- La démocratie est l’objectif premier, dans une Allemagne portant la culpabilité du nazisme et de la
Seconde Guerre mondiale.
- La démocratie est proclamée aussi face au communisme de RDA qui participe au totalitarisme.
- La démocratie est la seule voie pour aboutir au socialisme, et non la révolution armée (que prône le
marxisme).
- Dénonciation des erreurs du communisme, notamment en RDA et dans les démocraties populaires.
- Le SPD accepte le capitalisme comme système économique et la démocratie libérale qui garantit les
droits fondamentaux de l’individu. On parle d’économie sociale de marché.
Economie sociale de marché : modèle économique de la RFA qui concilie le libéralisme économique avec
une politique sociale de protection des travailleurs garantie par l’action de puissants syndicats (le DGB
compte 6,7 millions d’adhérents en 1967).
Ce tournant libéral du SPD lui assure le pouvoir de 1966 à 1982 avec comme chancelier socialistes Willy
Brandt et Helmut Schmidt. C’est le temps de l’apogée de la social-démocratie.
Cependant, la jeunesse, travaillée par le passé nazi et par la révolte étudiante de 1968, s’oppose à ce virage
libéral et constitue une opposition d’extrême-gauche (APO : Opposition extra-parlementaire) marquée par le
marxisme et la révolution. Certains de ses membres basculent dans le terrorisme, commettant attentats et
enlèvements de dirigeants. Le meilleur exemple est la Fraction armée rouge ou « bande à Baader ». Son
impact dans le milieu ouvrier est très limité. Ses dirigeants se suicident en prison en 1978.
3) Le virage libéral du chancelier Schröder (1998-2005)
La disparition du bloc communiste et de la RDA discrédite les idées de gauche en général et le SPD perd les
élections en 1990. Parallèlement, l’audience des syndicats diminue dans une société où les classes moyennes
sont plus nombreuses et où l’écologie devient un thème porteur (12 millions de syndicalistes en 1991, 7
millions en 2001).
En 1998, le SPD de Gerhard Schröder gagne les élections en constituant une alliance avec les écologistes :
« coalition rouge-verte ». Désormais, le SPD se place au centre de l’échiquier politique et prend des mesures
de rigueur face aux difficultés économiques du pays : lois dites « Hartz » qui libéralisent les conditions de
travail, qui réduisent la protection sociale. Ce n’est rien de moins qu’une remise en cause partielle du
modèle social allemand.
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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis de la fin du XIXème siècle à
nos jours
Chapitre 7 : Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875
Une partie des syndicalistes et des socialistes quittent alors le SPD et fondent un parti anti-libéral, Die
Linke, dirigée par Oscar Lafontaine. Aux législatives de 2009, Die Linke fait 12 % contre 23 % pour le
SPD.
Die Linke fait de très beaux scores dans l’ancienne RDA où une partie de la population regrette les
avantages sociaux du communisme. On parle d’Ostalgie.
Ouvertures possibles pour un sujet :
Quel avenir pour un socialisme qui a considérablement évolué au gré des événements en un siècle et demi ?
Les partis qui se réclament aujourd’hui du socialisme semblent très loin des fondamentaux de ce courant
puisque la social-démocratie s’est ralliée à l’économie libérale ?
Comment concilier socialisme et une mondialisation néolibérale, animée par l’exploitation des masses et la
déréglementation à outrance ? Ne retrouve-ton pas la situation des ouvriers du milieu du XIXe siècle mais à
l’échelle de la planète ?
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