Aux confins du Système solaire, Eris se dévoile : Une lointaine jumelle de Pluton ?
Sa surface apparaît par ailleurs couverte d'une mince et brillante pellicule de glace d'azote. Circonstance
d'exception Riches en information, les occultations d'étoiles sont des phénomènes ardemment recherchés des
spécialistes. Ils parcourent le monde afin de les surprendre et de les chronométrer. C'est la seule méthode capable
de déceler, depuis la Terre, des détails morphologiques de l'ordre du kilomètre et des variations équivalentes à un
milliardième d'atmosphère dans l'environnement de l'objet occultant. Cependant, sa mise en oeuvre et sa prédiction,
des années à l'avance, sont très difficiles et représentent un défi. Ici, la discrète étoile de la constellation de la
Baleine, 25 000 fois trop faible pour pouvoir être aperçue à l'oeil nu, avait été identifiée en 2007 par une équipe de
Rio de Janeiro (Brésil) dans un recensement conduit au télescope de 2,2 m de l'ESO, à La Silla. Quelques semaines
avant le rendez-vous, une campagne menée par des équipes de Rio Janeiro, Grenade (Espagne) et Genève
(Suisse) a confirmé que l'ombre d'Eris projetée dans la lumière stellaire survolerait bien l'Europe méridionale ou
l'Amérique du Sud. Au final, elle a effleuré le Brésil, l'Uruguay, la Bolivie, l'Argentine, le Pérou, le Chili. En tout, un
ensemble de 26 télescopes étaient mobilisés pour la scruter. Dix se sont, hélas, trouvés sous les nuages. Les deux
télescopes de San Pedro de Atacama et un troisième, belge, basé à La Silla, ont bien détecté l'événement attendu.
Portrait d'Eris Éris appartient au club très fermé des « planètes naines » du Système solaire. Il y côtoie l'astéroïde
Cérès et les objets transneptuniens Haumea, Makemake et Pluton, en hibernation au-delà de Neptune. Cette
catégorie d'objets possède une masse insuffisante pour avoir réussi à nettoyer son orbite des corps qui s'y trouvent
en éjectant les intrus. Pluton représente ainsi 0,2 % de la masse de la Terre et Éris 0,25 %. Éris boucle une
révolution autour du Soleil en 560 ans. Son orbite de forme allongée le fait osciller entre 6 et 15 milliards de
kilomètres de notre étoile. Sa trajectoire s'avère inclinée de 44° par rapport au plan moyen de circulation des
planètes dans le Système solaire. Sa surface, à l'instar de celle de Pluton, est dominée par la glace d'azote N2 et
recèle par ailleurs moins de 10 % de glace de méthane CH4. Aujourd'hui, Éris se trouve près de son point
d'éloignement maximum (aphélie). à presque 100 fois la distance de la Terre au Soleil. Il possède un petit satellite
(une lune) naturel Dysnomia. Les résultats inédits de l'occultation Première surprise : Éris voit ses dimensions
rétrécir. Son diamètre se trouve ramené à 2 326 kilomètres. En conséquence, la densité de l'astre passe à 2,52
grammes par centimètre-cube. Ce qui suggère un gros corps rocheux couvert d'un modeste manteau de glace d'une
centaine de kilomètres d'épaisseur, les deux composantes comptant pour des proportions de 85 % et 15 %. Autre
révélation : Éris apparaît extrêmement brillant. Son sol réfléchit. 96 % de la lumière solaire incidente ! C'est bien
davantage que les 80 % constatés avec de la neige fraîche. De quoi peut bien se composer une telle matière
immaculée ? « Difficile de l'imaginer, répond Bruno Sicardy, enseignant-chercheur au LESIA (Observatoire de Paris,
CNRS, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris-Diderot). Cet éclat pourrait s'expliquer par la jeunesse ou
fraîcheur du sol gelé : il ne date pas des origines du Système solaire. Au fur et à mesure qu'Eris s'approche ou
s'éloigne du Soleil sur son orbite, son atmosphère d'azote se condense en fine couche brillante d'environ un
millimètre d'épaisseur. Puis, elle se volatilise de nouveau. » Au plus proche du Soleil, la température atteindra
-238°C (35 kelvins). L'azote se sublimera. Des régions sous-jacentes plus sombres apparaîtront exposées. Une
infime atmosphère - quelques 100 000 fois plus ténue que celle de la Terre, semblable à celle de Pluton, se
dégagera. Aujourd'hui dormante, drapée dans sa fine pellicule d'azote glacé, Éris est une jumelle éloignée de Pluton
prête à s'éveiller d'ici quelques siècles. Selon les calculs, la prochaine occultation d'étoile par la naine lointaine se
produira en août 2013 au-dessus du Pacifique sud. Les aficionados prennent déjà date.
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