Les signatures géniques de cellules
souches prédisent la survie des
patients atteints de leucémie aiguë
myéloblastique
Les premières expériences de Dick et al. ont fourni des
modèles in vivo d’hématopoïèse humaine normale et maligne
[12, 13]. Ces modèles utilisent des animaux immunodé-
primés qui possèdent encore l’immunité résiduelle innée et
adaptative de l’hôte, des microenvironnements murins, et des
cytokines murines, limitant ainsi la réactivité avec les cellules
humaines transplantées. Les expériences de Kamel-Reid et
Dick (1988) [12] ont été réalisées à partir d’hôtes murins
bg/nu/xid, afin d’examiner la différenciation des progéni-
teurs granulocytes/monocytes, puis chez la souris SCID pour
modéliser la leucémie aiguë lymphoblastique [13]. La greffe
hématopoïétique normale est plus efficace lorsque les sou-
ris SCID sont transplantées et traitées avec des hormones
humaines. De plus, cela a permis de détecter des cellules
plus primitives que les progéniteurs [14].
Récemment, le laboratoire de Dick a examiné seize cas
de LMA [1]. Ils ont séparé les cellules en différents
groupes (CD34+CD38-, CD34+CD38+, CD34-CD38-et
CD34-CD38+) et les ont utilisées dans un essai amé-
lioré de xénotransplantation comme ci-dessus. Les données
démontrent que les CSL sont retrouvées dans au moins
deux populations, confirmant ainsi les rapports précédents
[15]. La majorité des CSL sont présentes dans la fraction
CD34+CD38-, comme l’ont prouvé leurs travaux antérieurs
[2, 9]. Cependant, il y avait également des CSL dans
d’autres populations, ce qui pourrait conduire à une xéno-
greffe avec les populations n’exprimant pas les marqueurs
CD34+CD38-. La génération de cellules avec le phénotype
des fractions non-CSL confirme que la LMA est structurée
hiérarchiquement, car il existe la même diversité phénoty-
pique dans les cellules filles différenciées, et les fractions de
CSL peuvent aboutir à des fractions non-CLS. De plus, les
CSL ne peuvent pas être définies par les seuls marqueurs
CD34+CD38-.
Ensuite, les auteurs ont examiné les programmes transcrip-
tionnels des CSL. Ils ont créé un profil génétique de CSL
afin de le comparer à un profil génétique de CSH. Les
auteurs ont voulu déterminer si les CSL partagent ou non des
programmes d’expression avec les CSH. Utilisant l’analyse
génétique d’enrichissement, ils ont trouvé un groupe de
44 gènes représentatifs des CSH qui sont différentiellement
exprimés dans les CSL, comme par exemple MEIS1,EVI1,
MDR1,ERG et HLF (ces gènes sont importants pour la régula-
tion des cellules souches normales et l’oncogenèse). De plus,
ils ont réalisé une analyse protéomique et ont découvert un
enrichissement des voies de signalisation Jak-STAT et Notch.
Ils ont ensuite étudié la signature génétique des CSL et des
CSH afin d’établir des corrélations possibles avec le devenir
clinique des patients. Les auteurs ont classifié 110 cas de
LMA selon leur pronostic (bon ou mauvais) et ont comparé
leur signature génétique. Ils ont trouvé une association entre
leur signature (CSL, CSH) et les personnes ayant un mauvais
pronostic.
Enfin, les auteurs ont examiné 160 personnes atteintes de
LAM sans pronostic (cytogénétiques normaux). Ils ont trouvé
qu’il y existe une corrélation négative entre une expression
élevée de CSL et la rémission des patients. Ils ont également
démontré une corrélation négative entre une expression éle-
vée de CSH et la survie. Ceci prouve qu’un profil génétique
des cellules souches, et non des gènes seuls, peut déterminer
la survie d’un patient.
La mutation FLT3-ITD (duplications internes en tandem de
Flt3) peut prédire un mauvais aboutissement dans la LAM.
Dans cette même étude de 160 LAM, les profils génétiques
de CSL et CSH peuvent identifier les patients avec un mau-
vais devenir, et ce, indépendamment de la mutation FLT3-ITD.
Par conséquent, les auteurs ont conclu qu’il est nécessaire
d’obtenir le profil génétique des cellules souches (CSL et
CSH) afin de déterminer le pronostic et la thérapie à utiliser
(standard ou greffes de cellules souches).
Potentiel thérapeutique
L’identification et l’isolation de CSC dans les tumeurs solides
et hématologiques ont progressé significativement pendant la
dernière décennie grâce aux améliorations des techniques
de cytométrie de flux et de xénotransplantations et à celle
des anticorps commerciaux. À ce jour, la littérature met
l’accent sur l’élimination des CSC à l’aide d’anticorps spé-
cifiques dirigés contre les antigènes de surface. Néanmoins,
les différences dans les voies de signalisation, démontrées
par le laboratoire de Dick et al., bien que limitées, sont
une autre possibilité de différencier les CSC des CSH. Afin
que les agents thérapeutiques spécifiques des CSC (anti-
corps, petits inhibiteurs moléculaires, composés synthétiques
et ARN d’interférence) puissent être utilisés comme thérapies
d’avenir, ils auront besoin de démontrer leur spécificité pour
les CSC, sans effets secondaires sur les tissus sains environ-
nants. Le travail de Dick et al. contribue ainsi à la résolution
de ces problèmes.
Remerciements. L’auteur remercie le Dr Benoit D. Roussel et Clé-
mentine Le Magnen pour leur relecture.
Conflits d’intérêt : Aucun.
RÉFÉRENCES
1.Eppert K, Takenaka K, Lechman ER, et al. Stem cell gene expres-
sion programs influence clinical outcome in human leukemia. Nat Med
2011 ; 17 : 1086-93.
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ematologie, vol. 18, n o4, juillet-août 2012
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