Good practice: aide sociale
Extrait du rapport:
Ehrler, Franziska, Caroline Knupfer et Yann Bochsler (2012) Effets de seuil et effets pervers sur l’activité.
Une analyse des systèmes cantonaux de transferts sociaux et de prélèvements. Aspects de la sécurité
sociale 14/12. Office
fédérale des assurances sociales.
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1. Brève définition
« L’aide sociale garantit l’existence aux personnes dans le besoin, favorise leur indépendance économique
et personnelle et assure leur intégration sociale et professionnelle » (Concepts et normes de calcul 2005
de la CSIAS, A.1). L’aide so ciale se conçoit comme le dernier filet de la sécurité sociale : son rôle est d’éviter
que des personnes ou des groupes de personnes soient exclus de la participation à la vie sociale. La plupart
des cantons l’organisent en s’inspirant des concepts et normes de calcul de la CSIAS.
2. Pourquoi recommander de bonnes pratiques?
Les présentes bonnes pratiques portent sur l’organisation de l’aide sociale dans la seule optique de
prévenir des effets de seuil et des effets pervers sur l’activité lucrative. Elles ne se prononcent ni ne portent
d’appréciation sur les disparités intercantonales en matière d’aide sociale. Les bonnes pratiques cherchent
surtout à éclairer les effets de seuil et les effets pervers sur l’activité qui se produisent au sein de l’aide
sociale ou en conjonction avec d’autres prestations sociales. Elles formulent, à l’attention des décideurs,
des principes susceptibles d’améliorer l’équité horizontale et verticale dans le domaine de l’aide sociale.
3. Principes pour l’organisation de l’aide sociale
3.1 Principe prévenant les effets de seuil
Principe 1 : Les règles de calcul à l’entrée et à la sortie de l’aide sociale coïncident avec celles utilisées
pour déterminer le montant de l’allocation.
Pour prévenir les effets de seuil dans le segment de revenu donnant droit à l’aide sociale, le calcul des
besoins à l’entrée et à la sortie doit se fonder sur les mêmes règles que celles utilisées effectivement pour
déterminer le montant de l’allocation.
Explication
Dans le segment de revenu donnant droit à l’aide sociale, un effet de seuil se produit lorsque la limite du
droit est calculée sur d’autres bases que le montant de l’allocation. Tel est le cas quand le calcul des
besoins tient compte de revenus plus élevés que le calcul du montant de l’aide.
Une fois que le droit aux allocations a été établi, des prestations à caractère incitatif peuvent être
octroyées. Elles dépendent de la situation personnelle. Il en est tenu compte lors de la détermination du
montant de l’aide. Lorsque les personnes concernées exercent une activité professionnelle, une franchise
sur le revenu (FR) peut leur être octroyée, ce qui signifie qu’il ne sera pas tenu compte de l’intégralité des
revenus qu’elles perçoivent sous forme de salaire. Dès lors, les ménages concernés peuvent jouir librement
d’une partie de leur revenu, ce bonus constituant une incitation au travail de nature financière. Concernant
les personnes sans activité professionnelle, un supplément d’intégration (SI) peut leur être octroyé si elles
consentent à des efforts en vue de leur réinsertion sociale ou professionnelle. Lorsque l’examen du droit à
l’aide sociale ne tient pas compte de ces éléments à caractère incitatif, les charges du ménage doivent
excéder ses revenus pour qu’il ait droit aux allocations. En effet, le salaire éventuel est imputé au revenu en
totalité et aucun supplément d’intégration n’est octroyé.
Il s’ensuit que, lorsque les éléments à caractère incitatif (FR et SI) sont pris en compte de façon différente
lors de l’examen du droit à l’aide sociale et au sein de celle-ci, les personnes touchant des allocations – et
ne devant leur entrée à l’aide sociale qu’au fait qu’elles percevaient, à l’époque, un salaire encore inférieur
voire pas de salaire – sont favorisées par rapport à celles qui exercent une activité mais n’ont juste pas
droit à l’aide sociale. Ces dernières sont confrontées à une injustice. En soi, elles auraient intérêt à réduire
leur salaire pour pouvoir prétendre à l’aide sociale. A contrario, les ménages percevant des allocations n’ont
pas intérêt à sortir de l’aide sociale en augmentant (légèrement) leur revenu.
Les deux effets de seuil – à l’entrée et à la sortie de l’aide sociale – sont représentés dans le graphique G19
pour une famille biparentale avec deux enfants, à titre d’exemple. L’effet de seuil à l’entrée () pénalise
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fortement, à salaire brut égal, les ménages qui n’ont pas droit à l’aide sociale par rapport à ceux qui
bénéficient de prestations d’aide. L’effet de seuil à la sortie () entraine une nette dégradation de la
situation des ménages qui sortent de l’aide sociale suite à une légère augmentation de revenu. La limite de
revenu brut pour entrer à l’aide sociale se situe à 45 000 francs ; la sortie intervient à partir d’un salaire brut
de 48 000 francs. Dans l’exemple illustré, l’effet de seuil se traduit par un écart de revenu disponible libre de
6800 francs par an à l’entrée de l’aide sociale ; il est légèrement plus faible à la sortie (4600 francs).
G19 Effet de seuil à l’entrée et à la sortie de l’aide sociale (famille biparentale avec deux enfants, 3½ et
5 ans)
Source : graphique original
Dans le graphique G20 ci-après, l’examen du droit à l’aide sociale tient compte de la franchise sur le revenu
réservée aux ménages qui exercent une activité professionnelle. La limite du droit est fixée en
conséquence. Ainsi, le salaire n’est pas pris en compte intégralement dans le calcul du droit à l’aide sociale.
La part imputée correspond au salaire après déduction de la franchise sur le revenu octroyée durant la
période de perception de l’aide. Le droit du ménage à l’aide sociale sera reconnu si ses revenus, après
déduction de la franchise, s’avèrent inférieurs aux dépenses reconnues. Les règles de calcul du droit étant
les mêmes que celles utilisées pour déterminer le montant de l’allocation, l’effet de seuil examiné dans
l’exemple précédent disparaît complètement (zone encerclée du graphique G20). Plusieurs cantons
appliquent déjà cette méthode de calcul. Leurs expériences sont positives. Lorsque la franchise sur le
revenu est prise en compte dans le calcul à l’entrée de l’aide sociale, cela conduit, certes, à l’élévation de la
limite du droit à l’entrée et, par conséquent, à l’élargissement tendanciel du cercle des ayants droit. Mais,
en contrepartie, les allocataires ont intérêt à sortir de l’aide sociale et personne n’a intérêt à devenir
allocataire. Dans tous les cas de figure, le revenu disponible sera plus élevé hors de l’aide sociale qu’au sein
de l’aide sociale. Par ailleurs, il est permis de supposer que le groupe des personnes qui feraient valoir leur
droit à l’aide sociale suite à l’élévation de la limite du droit est très limité. Dans le graphique G20, le salaire
brut déterminant pour l’entrée ou la sortie de l’aide sociale a changé par rapport au graphique G19 ; il se
monte désormais à 53 000 francs.
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G20 Les règles de calcul à l’entrée et à la sortie de l’aide sociale coïncident avec celles utilisées pour
déterminer le montant de l‘allocation (famille biparentale avec deux enfants, 3½ et 5 ans)
Source: graphique original
3.2 Effets de seuil en conjonction avec d’autres prestations sociales
Principe 2 : L’aide sociale est coordonnée avec d’autres prestations sous condition de ressources et avec
le système fiscal en vigueur.
Pour prévenir les effets de seuil et les effets pervers sur l’activité lucrative dans le segment de revenu
donnant droit à l’aide sociale, celle-ci doit être coordonnée avec les tarifs de l’accueil extrafamilial des
enfants, la réduction individuelle des primes et les impôts.
Explication
En l’absence de coordination avec d’autres prestations sociales et avec le système fiscal, des effets de
seuil ou des effets pervers sur l’activité lucrative peuvent se produire, même si, isolément, l’aide sociale
n’engendre pas de problèmes de ce genre. Des effets de seuil peuvent se produire dans le segment de
revenu donnant droit à l’aide sociale lorsque, par exemple, les ménages supportent des primes plus
importantes une fois qu’ils sortent de l’aide sociale. Tel est le cas lorsque le système de réduction
individuelle des primes du canton ne prend pas en charge la totalité de la prime dans le segment des bas
salaires (voir « Bonnes pratiques : RIP », principe 4). Le même phénomène peut se produire en rapport
avec les tarifs de l’accueil extrafamilial des enfants. Certains cantons déchargent les allocataires de l’aide
sociale exerçant une activité professionnelle des frais de garde des enfants en les faisant profiter de tarifs
sociaux. Mais lorsque ces personnes sortent de l’aide sociale, elles n’ont plus droit au tarif social et sont
ainsi pénalisées financièrement par rapport aux bénéficiaires de l’aide sociale. Pour prévenir ces problèmes
de façon générale, il faut tenir compte des charges nettes du ménage lors du calcul du droit à l’aide sociale.
Une alternative consiste à fixer les modalités de la prestation de transfert concernée (tarif social, RIP, etc.)
de sorte que tous les ménages dans le segment des bas salaires soient traités de façon identique, qu’ils
perçoivent ou non des prestations d’aide sociale.
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Finalement, on notera qu’il existe aussi des interactions avec les impôts. Des effets de seuil se produisent
dans le segment de revenu donnant droit à l’aide sociale lorsque les bénéficiaires de cette aide sont
exonérés fiscalement mais que les ménages n’ayant juste pas droit à l’aide sociale sont imposés. Le seul
moyen de l’éviter est de soumettre au même régime fiscal les bénéficiaires de l’aide sociale exerçant une
activité professionnelle et les ménages dont les revenus sont à peu près aussi bas mais qui ne touchent
pas d’allocations (voir « Bonnes pratiques : impôts », principe 1)1. De fait, tous les ménages devraient alors
acquitter des impôts sur leurs revenus du travail, qu’ils perçoivent ou non de l’aide. Mais cela produirait des
effets pervers sur l’activité liés à la charge fiscale au sein de l’aide sociale (voir la bonne pratique
concernant la charge fiscale grevant les bas revenus).
4. Conclusion
Pour prévenir les effets de seuil dans le segment de revenu donnant droit à l’aide sociale, les règles de
calcul à l’entrée et à la sortie de l’aide sociale doivent coïncider avec celles utilisées pour déterminer le
montant de l’allocation. Depuis l’introduction des nouvelles normes de la CSIAS en 2005, l’aide sociale met
les allocataires au bénéfice d’éléments à caractère incitatif (franchise sur le revenu et supplément
d’intégration). Mais dans de nombreux cantons, le calcul des besoins à l’entrée et à la sortie ne tient pas
compte de ces éléments, ce qui produit des inégalités de traitement, selon que le ménage a droit ou non à
l’aide sociale. Les ménages qui n’ont juste pas droit à l’aide sociale sont fortement pénalisés
financièrement par rapport à ceux qui sont entrés à l’aide sociale du fait qu’ils percevaient un revenu du
travail plus bas (à l’origine). Pour prévenir les effets de seuil et les effets pervers sur l’activité dans le
segment de revenu donnant droit à l’aide sociale, il faut aussi que l’aide sociale soit coordonnée avec les
impôts et d’autres transferts sociaux avec lesquels elle interagit.
Pour toute question:
Franziska Ehrler, Responsable Secteur Etudes, courriel: f[email protected] , Tél.: 031 326 19 17
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1 Pour compenser l’alourdissement de la charge financière des bénéficiaires de l’aide sociale, l’exonération du minimum vital devrait être
envisagée.
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