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copier une réalité extérieure prise pour modèle, quel est le critère qui peut
alors nous assurer de la fidélité de la copie ou modèle (réalité) ?
Si la copie doit être identique ou conforme au modèle, c’est que la
copie devient aussi modèle, indissociable au modèle. Nous assistons là soit à
un dédoublement du modèle soit à l’immanence de la vérité à l’esprit. On
rejoint ici Platon pour qui la vérité est quelque peu innée autrement on ne la
connaitrait jamais. Car, lorsque l’homme juge du vrai, pense Martial
Geuroult, il a déjà la notion même de vérité, il a une conscience immédiate
de sa signification (M. GUEROULT, « La définition-Descartes et Spinoza »,
in la vérité, Actes du XIIème congrès des sociétés de Philosophie de la
langue française, Bruxelles-Louvain, Nauwelaertd du 22 au 24 Août 1964,
p. 44).
On ne peut donc prendre pour critère de la vérité la conformité de l’esprit
avec la réalité. Kant avait raison de dire qu’un critère universel est sûr de la
vérité, celui qu’on pourrait appliquer à toutes les connaissances sans
distinction de leurs objets, est tout à fait impossible et absurde. Si du point
de vue de la matière de la connaissance, il est impossible de déterminer le
critère universel de la vérité, il est possible de déterminer du point de vue de
la forme de la connaissance. La logique nous détermine les critères de la
vérité formelle. Mais la logique ne peut pas aller plus loin. Si la vérité peut
se définir par correspondance de l’esprit au réel, inversement, on peut penser
que la vérité se définit avant tout par la cohérence de la pensée avec elle-
même.
3. LA VERITE COMME COHERENCE INTERNE DE L’ESPRIT
AVEC LUI-MEME
Dans la conception précédente, la vérité résidait dans la conformité à
la réalité ; mais dans la vérité-cohérence, il s’agit de la conformité de
l’esprit, non pas à une réalité extérieure, mais à lui-même. Un esprit
conforme à lui-même, c’est celui qui se conforme aux lois qui lui sont
internes. La vérité, c’est alors la cohérence interne de la pensée.
Si la vérité-correspondance est intrinsèque, la vérité-cohérente est, par
contre, intrinsèque dans ce sens qu’elle est accord de la pensée avec elle-
même. La vérité-cohérence suppose l’existence au préalable des principes
rationnels, des cadres épistémologiques. En effet, tout raisonnement valable
s’appuie sur des principes qui, selon une célèbre formule de Leibniz, « sont
nécessaires comme les muscles » (Cf. LEIBNIZ, Nouveaux essais sur
l’entendement humain, I, Paris, Flammarion, 1990). Ces principes sous-
tendent tous les raisonnements. « A l’origine de la vérité, il y a donc ces