G8+5, et par quel mécanisme. Ce n'est donc pas un hasard si les dirigeants du BRIC (Brésil,
Russie, Inde, Chine) se sont pour la première fois réunis au sommet peu de temps après le
G20 de Londres et peu de temps avant le G8 de l'Aquila. C'était le 16 juin 2009 à
Ekaterinbourg (Russie). Ils y ont fait des déclarations informelles sur l'éventualité de ne plus
utiliser le dollar comme monnaie dans les échanges internationaux. Puis ils y ont
formellement appelé à une réforme du système monétaire international. La communication
déployée lors de ce sommet mit en exergue des additions : à l'échelle mondiale, les BRIC
« pèsent » près de 15% du PIB, un quart du territoire et plus de 40% de la population. Mais
cette communication n'a dit mot de cette réalité : deux d'entre eux, la Russie et la Chine, sont
des empires coloniaux.
Le renouveau tiers-mondiste, paravent d'un néo-colonialisme
La revendication exprimée depuis plusieurs années par les pays du « Sud » d'un élargissement
du nombre de membres permanents au Conseil de sécurité de l'ONU ne peut qu'être renforcée
par les négociations sur le changement climatique et le poids économique et financier des
pays émergents que traduit la transformation du G8 en G20. Pour fédérer les Etats du « Sud »
autour de leurs objectifs, les grands pays émergents re-jouent la rhétorique tiers-mondiste : ce
qui fait scandale n'est pas tant l'exclusion de certains Etats que la sous représentation et la
marginalisation de toutes les nations des régions du monde les plus peuplées et les plus vastes.
Rappelons nous : avant de déboucher sur le mouvement des non alignés, la conférence d'avril
1955 à Bandoeng, en Indonésie, s'intitulait : Conférence afro-asiatique. Alors que la lutte pour
les indépendances et la décolonisation battait son plein, la déclaration finale condamnait « le
colonialisme dans toutes ses manifestations ». 29 pays des deux continents y participèrent,
dont la Chine, le Japon, le Laos, l'Indonésie, l'Inde, le Pakistan, l'Iran, la quasi-totalité des
pays arabes, la Turquie, le Soudan. Ils regroupaient 57% de la population mondiale, 12% du
Pib mondial, 28% des sièges de l'Onu (17 sur 60), et 0% de ceux des membres permanents du
Conseil de sécurité. En ce début de 21ème siècle, l'invocation de l'avenir de la planète et de
son climat masquerait-il le rajeunissement du phénomène colonial ? Les heurts entre Hans
devenus majoritaires et Ouigours devenus minoritaire (résultante des politiques de
peuplement du gouvernement central), la répression militaire qui s'en suit sous nos yeux, sont
un témoignage d'actualité hélas classique d'une emprise territoriale centre/périphérie de type
coloniale : en Chine comme en Russie, il y en a eu d'autres et il y en aura d'autres. De façon
plus inattendue, l'accès aux ressources, aux matières premières et aux terres agricoles
illustrent singulièrement comment des pays émergents peuvent reprendre à leur compte des
méthodes impérialistes ou de domination coloniale qu'ils ont du combattre durement tout au
long des 19ème et 20ème siècles. L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et
l'ONG Grain ont alerté sur les récentes et gigantesques acquisitions de terres agricoles par la
Corée du sud, la Chine, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, au nom de leur sécurité
alimentaire, dans la foulée de la flambée des prix agricoles de 2007 à l'été 2008. Les
principaux Etats vendeurs sont l'Indonésie, le Congo (RDC), Madagascar, les Philippines, le
Pakistan, le Soudan et le Laos. Selon l'Onu, jusqu'à l'équivalent des terres arables françaises
(20 millions d'hectares) auraient été rachetées depuis 2006, principalement en Afrique. Dans
ses différentes déclarations, le sommet du G8 « + » à géométrie variable de l'Aquila proclame
la nécessité d'augmenter l'investissement agricole dans les pays pauvres, de promouvoir le
développement rural et une agriculture durable, respectueuse de l'environnement et s'appuyant
sur les familles d'agriculteurs. A cet effet, les 26 pays signataires de la Déclaration du 10
juillet 2009 sur la sécurité alimentaire à l'échelle mondiale s'engagent à l'abondement d'un
fonds, par les plus riches d'entre eux, à hauteur de 20 milliards de $ sur trois ans. Mais la
question du « néo-colonialisme agraire » posée par le directeur général de la FAO ce