330 Ann Biol Clin, vol. 70, n◦3, mai-juin 2012
Biologie au quotidien
percutanée, le tissu sous-cutané de la loge du boîtier était
friable au cours de l’extraction. L’examen bactériologique
du boîtier et de la sonde de stimulation a comporté un
rinc¸age à l’eau distillée qui a été ensemencée sur une
gélose au chocolat, gélose au sang de mouton et bouillon
d’enrichissement aérobie et anaérobie. Un bacille à Gram
positif était isolé et identifié comme Corynebacterium
striatum.
Le diagnostic d’endocardite infectieuse bactérienne à Cory-
nebacterium striatum a été donc confirmé et le patient a
été mis sous antibiothérapie à base de ciprofloxacine et
vancomycine pendant six semaines avec mise en place
d’un nouveau stimulateur cardiaque au niveau du côté
opposé. L’évolution a été marquée par une amélioration
clinique avec défervescence et normalisation de la protéine
C réactive.
Discussion
Le nombre de porteurs de stimulateur cardiaque à tra-
vers le monde est estimé à plus de trois millions [2].
L’endocardite est la complication infectieuse la plus
grave qui peut survenir après implantation du stimula-
teur cardiaque [2]. Dans une série récente rapportant 189
infections de stimulateur cardiaque, l’endocardite prouvée
a représenté 23 % de l’ensemble des cas étudiés [3]. La
contamination du stimulateur cardiaque peut survenir soit
précocement au moment de l’implantation par des micro-
organismes de la flore cutanée, soit tardivement suite à une
contamination hématogène à partir d’un foyer à distance ou
inconnu [3].
Dans les séries rapportant des endocardites sur stimula-
teur cardiaque, les staphylocoques coagulase négative sont
impliqués dans plus des 50 % des cas, essentiellement dans
les infections tardives, alors que le Staphylococcus aureus
est plus fréquent dans les infections précoces [3]. D’autres
germes peuvent être impliqués, notamment les Gram positif
(streptocoque, entérocoque...), les bacilles à Gram négatif
(entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa...) exception-
nellement les mycobactéries, Candida et Aspergillus [2].
Corynebacterium striatum fait partie du genre Coryne-
bacterium qui comporte 73 espèces. Elle s’en distingue
par sa capacité à réduire les nitrates, utiliser le glucose,
le saccharose mais non le maltose [4]. Cette espèce est
souvent considérée comme un contaminant, mais depuis
quelques années, elle est de plus en plus incriminée dans des
infections diverses, notamment nosocomiales, souvent avec
présence de matériels, incluant des méningites, arthrites
et endocardites aussi bien chez l’immunocompétent que
l’immunodéprimé [4]. Selon les données de la littérature,
seuls deux cas d’endocardite sur stimulateur cardiaque à C.
striatum sont publiés.
Pour notre cas, l’isolement de Corynebacterium striatum
aussi bien dans l’hémoculture que dans le stimulateur a
permis de retenir l’hypothèse de la contamination du maté-
riel au cours de l’implantation avec migration de la bactérie
le long de la sonde, ce qui est consolidé par l’état friable de
la loge sous-cutanée du boîtier.
Différents facteurs de risque d’endocardite sur stimu-
lateur cardiaque ont été avancés : une corticothérapie
prolongée, la mise en place de plus de deux sondes,
l’existence d’un hématome postopératoire, l’inexpérience
de l’opérateur, la fièvre 24 heures après l’implantation [5].
Pour notre patient, aucun de ces facteurs de risque n’a été
signalé.
Concernant la présentation clinique, les endocardites sur
stimulateur cardiaque sont plus fréquemment symptoma-
tiques que les autres types d’infections puisque la fièvre
est présente dans 84%à93%descas[6]. Leur présenta-
tion sous forme de choc septique est rare [6], des atteintes
pulmonaires peuvent parfois survenir suite à une embo-
lie septique. Des cas de pleurésies et d’abcès pulmonaires
ont été rapportés [7]. Dans notre cas, la présentation cli-
nique était parlante par l’association de la fièvre à un souffle
systolique à l’auscultation.
L’échocardiographie est l’examen clé pour la visualisation
des végétations ; sa sensibilité en mode transœsophagien
est régulièrement supérieure à 90 % [8].
Le diagnostic microbiologique de l’endocardite sur stimu-
lateur cardiaque est primordial pour une antibiothérapie
adaptée. Il repose sur les hémocultures et surtout les
examens des prélèvements peropératoires lors du retrait
des différentes parties du matériel (boîtier, segment
proximal et distal des sondes). Il comporte un examen
direct particulièrement important en cas de présence des
végétations, une mise en culture sur différents milieux
usuels et d’enrichissement [3]. La sonication du matériel
contribue à l’amélioration de la sensibilité de l’examen
bactériologique [9].
C. striatum est naturellement sensible à de nombreux
antibiotiques incluant les bêtalactamines, glycopeptides,
gentamicine et rifampicine. Cependant, les différents iso-
lats associés à des infections sur matériels sont de plus en
plus résistants à de nombreux antibiotiques [2].
Le traitement des endocardites sur sonde de stimulateur car-
diaque repose sur une antibiothérapie adaptée et l’ablation
du matériel. Le délai d’ablation par rapport au début de
l’antibiothérapie est variable : différentes études recom-
mandent une ablation précoce du matériel en raison du
faible pouvoir bactéricide des antibiotiques sur des germes
adhérents à la sonde et une durée d’antibiothérapie de 4 à
6 semaines [8].
Lorsque le retrait du matériel est impossible chez les
patients « stimulateur cardiaque dépendants », la seule
thérapeutique proposée reste celle d’une antibiothérapie
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