CESAR DOIT MOURIR Paolo Taviani, Vittorio Taviani, Italie (2012

Copyright © Festival de Cinéma Européen des ArcsRévélations Culturelles. Toute repro-
duction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
CESAR DOIT MOURIR
Paolo Taviani, Vittorio Taviani, Italie (2012)
A partir de 10 ans
Conseillé pour les 11 ans et plus.
Les frères Paolo et Vittorio Taviani, nés en Toscane en 1929 et 1931, sont
réalisateurs, scénaristes et producteurs. Après des études d’art à l’Université
de Pise ils se tournent vers le cinéma, marqués par les films de Roberto Ros-
sellini. Ils débutent avec des documentaires puis s’orientent, dans les années
60, vers la fiction avec des films engagés, orientés vers les conflits ouvriers,
la lutte des classes. Ils co-réalisent tous leurs films.
PRIX :
Ours d’Or du meilleur film et Prix du jury œcuménique à la Berlinale 2012
David de Donatello au meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur producteur,
meilleur montage 2012
Prix interprétation masculine, Prix Lycéen, Prix Università di Corsica au Festi-
val du Cinéma Italien d’Ajaccio
Prix FIPRESCI du meilleur acteur dans un film de langue étrangère au Festi-
val international du film de Palm Springs 2013
Prix Jean Renoir des lycéens 2013
(Entre autres)
Copyright © Festival de Cinéma Européen des ArcsRévélations Culturelles. Toute repro-
duction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
FILMOGRAPHIE :
1954 : San Miniato, luglio '44 (CM)
1962 : Un homme à brûler
1963 : Les Hors-la-loi du mariage
1967 : Les Subversifs
1969 : Sous le signe du scorpion
1971 : Saint Michel avait un coq
1974 : Allonsanfan
1977 : Padre padrone
1979 : Le Pré
1982 : La Nuit de San Lorenzo
1984 : Kaos, contes siciliens
1987 : Good Morning, Babilonia
1989 : Le Soleil même la nuit
1992 : Fiorile
1996 : Les Affinités électives
1998 : Kaos II
2001 : Résurrection (TV)
2004 : La Sanfelice (TV)
2007 : Le Mas des alouettes ( (d'après le roman d'Antonia Arslan Le Mas des
alouettes : Il était une fois en Arménie)
2012 : César doit mourir
2015 : Contes italiens
TAGS : théâtre, littérature, réalité-fiction, jeu, prison, liberté
SYNOPSIS :
Italie. Théâtre de la prison de Rebibbia. La représentation de Jules César de
Shakespeare s’achève sous les applaudissements. Les lumières s’éteignent
sur les acteurs redevenus des détenus. Ils sont escortés et enfermés dans
leur cellule. Mais qui sont ces acteurs d’un jour ? Pour quelle faute ont-ils été
condamnés et comment ont-ils vécu cette expérience de création artistique
fédératrice ? Un vrai-faux docu-fiction, une belle et magistrale leçon de vie et
de cinéma.
EXTRAIT INTERVIEW AVEC LES RÉALISATEURS :
Vous considérez Shakespeare comme une de vos rences majeures.
Pourquoi ?
Paolo Taviani : Nous disons en blaguant que Shakespeare a été pour nous un
père, un frère et un fils. Dans notre jeunesse, c’était un mythe : nous avons lu
ses œuvres, perçu sa grandeur et nous avons utilisé dans notre travail les ins-
truments qu’il nous a donnés. Mais son œuvre était si accessible que nous
nous en sommes toujours sentis très proches, comme d’un grand frère génial.
Copyright © Festival de Cinéma Européen des ArcsRévélations Culturelles. Toute repro-
duction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
Car il ne faut pas cesser de le répéter : il est important de toujours redécouvrir
Shakespeare. Maintenant que nous sommes devenus très âgés, nous avons
décidé que nous pouvions changer Shakespeare un petit peu, le déconstruire
pour le réassembler d’une autre manière. Et nous l’avons fait pour le cinéma
qui est un monde assez différent de celui de Shakespeare. Nous avons aussi
pensé que ce serait une bonne idée de monter cette pièce de théâtre en pri-
son.
Comment avez-vous fait le casting ?
Paolo Taviani : Quand nous avons rencontré ces acteurs, ils étaient à la fois
des détenus et des acteurs. Fabio Cavalli nous a beaucoup aidé car c’est un
metteur en scène de théâtre qui a dédié une partie de sa vie au théâtre en
prison. Il nous a donné la possibilité de rencontrer les détenus. Ensuite, nous
en avons choisi quelques uns. Pendant les auditions et les répétitions, ils ont
donné leurs véritables noms, pas des pseudonymes, ils ont pleuré, se sont
mis en colère, alors qu’ils savaient que tout cela serait dans un film qu’on ver-
rait dans les salles italiennes. Cela nous a beaucoup étonné tout comme le
fait qu’ils jouaient très bien, même si c’était d’une façon peu conventionnelle.
Quand l’acteur dit "je vais tuer César", il y a une douleur qui n’est pas celle
d’un acteur habituel car on ressent son propre passé. Ces acteurs détenus
étaient capables de communiquer d’une manière très émotionnelle.
Pourquoi avoir réalisé le film en noir et blanc ?
Vittorio Taviani : Aujourd’hui, il y a tellement d’images en couleurs qui donnent
une représentation très naturaliste. Nous voulions montrer autre chose : ce
qu’il y a dans l’âme de ces gens. C’est pour cela que nous avons choisi le non
réalisme du noir et blanc. Pour nous, tout cela a été une expérience unique.
Quand nous sommes entrés pour la première fois dans la prison, c’était
comme pénétrer dans un monde nouveau. La complexité du destin humain
est très mystérieuse.
(Source – Cineuropa:
http://cineuropa.org/it.aspx?t=interview&l=fr&did=216198)
BANDE-ANNONCE: https://www.youtube.com/watch?v=DkuQE3HzUPE
Copyright © Festival de Cinéma Européen des ArcsRévélations Culturelles. Toute repro-
duction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
THÉMATIQUES ET INTERPRÉTATIONS:
Une scénarisation du réel ou un docu-fiction
La mise en abyme qui entretient un jeu d’illusion et de désillusion est
au service du genre du film : le docu-fiction ou documentaire fiction.
L’oscillation entre représentation et répétition ainsi que couleur et noir et blanc
donnent une impression de réel scénarisé. La pièce vient peu à peu
s’immiscer dans le quotidien des incarcérés et l’artifice du jeu devient vite leur
réalité. Les couloirs et les cellules agissent comme des espaces scéniques
pour les acteurs prisonniers. Les gardiens sont happés par la performance
des détenus et s’apparentent à des spectateurs enjoués. Lors du monologue
de Brutus, les détenus se positionnent également en temps que spectateurs
derrière les grilles de la prison. La présence d’un public au sein même du film
ajoute à la mise en scène du réel. Ainsi, réel et représentation se brouillent.
Le film se focalise sur le pouvoir de l’interprétation, inhérent au fa-
çonnage des personnages. La pièce vient habiter le quotidien de ces derniers.
L’interprétation des répliques est parfois si prenante que les acteurs se les
approprient : « c’est comme » et « on dirait que ». Le docu-fiction est nourri
par l’absence de commentaire. Cela renforcerait une impression de prises de
vue directes inscrivant les images dans le genre documentaire. Le film débute
avec la captation finale de la pièce : le plan fixe et la multitude des points de
vue convergent en effet vers une illusion d’objectivité. Cette objectivité est à la
fois illusoire et temporelle car le film bascule de la couleur au noir et blanc.
Ce balancement souligne le passage de la captation (le résultat final), à la
construction de la pièce. Puisque la pièce n’est pas encore en vie, elle ne
peut être filmée en couleur. Les scènes en noir et blanc accentuent égale-
ment le sort d’enfermement des détenus ou plus simplement marquent
l’analepse du film.
Copyright © Festival de Cinéma Européen des ArcsRévélations Culturelles. Toute repro-
duction interdite sans l’autorisation de l’auteur.
La dimension humaine et universelle du film
La dimension humaine et universelle du film réside dans la présentation
des personnages ainsi que dans les thèmes avancés. Les frères Taviani
s’affranchissent de la théâtralité en proposant une représentation cinémato-
graphique de Jules César. Ce choix permet de présenter différemment les ac-
teurs de la pièce. Les plans de cinéma rendent possible une lecture plus ap-
profondie des visages. Alors qu’au théâtre les tensions sont habituellement
exprimées par les corps, les gros plans cinématographiques montrent les dé-
tenus directement habités par leur personnage. Une exploration de l’intériorité
de chacun d’entre eux est possible, les humanisant et les individualisant.
Cette volonté d’humanisation est particulièrement palpable dans l’évolution de
la première et dernière séquence. Initialement, les détenus sont présentés en
groupe. Une contre-plongée présente l’ensemble de la prison comme bâti-
ment imposant et encadré, ou tous les détenus sont logés à la même en-
seigne. D’autres images, comme le défilé des ombres des incarcérés sur le
mur, entretiennent une certaine mise à distance vis à vis de ces hommes. La
foule anonyme est détectable par le bruit de voix assourdis, ou les cris des
prisonniers perceptibles hors
champs. La séquence ultime
propose un regard nouveau
sur ces détenus, filmés indivi-
duellement, comme Cassius.
La scène montre un homme
seul, exprimant une solitude
humaine dont nous sommes
tous un peu victime. La ré-
plique qu’il prononce : « De-
puis que j’ai connu l’art, cette
cellule est devenue une pri-
son. » le sensibilise. Une
autre évolution peut être perçue dans ce qu’énoncent les intertitres entre les
plans d’exposition des incarcérés puis le générique de fin qui présente leur
future émancipation dans un domaine artistique. Les détenus sont étiquetés
avec l’inscription de leur infraction sous leur visage mais l’évolution de ces in-
tertitres enlève les stigmatisations faciles et initiales. La mise en musique de
la pièce a permis de faire évoluer les incarcérés sur un plan humain.
La matière humaine du film ne se perçoit pas uniquement dans le traite-
ment de l’évolution des personnages mais dans les thèmes abordés. La pièce
qu’ont choisi les cinéastes parle de la trahison nécessaire d’un homme au
service d’une cause politique. Il est question de la lutte des pouvoirs et de li-
berté. En effet, le monologue de Brutus se focalise sur la lutte contre la ty-
rannie et pour la liberté. Ces thèmes ont une portée universelle et intempo-
relle puisque le monologue de Brutus ne s’encre dans aucun contexte spatio-
temporel limité. Aux motifs symétriques récurrents, emblématiques de
l’univers carcéral, s’oppose une représentation artistique qui libère les incar-
cérés. L’art nourrit une forme d’illusion continuelle, une abstraction, en con-
traste avec le monde étriqué dans lequel ils vivent. Cette libération se mani-
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !