UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LYON
D. U. PHILOSOPHIE DE L’OSTEOPATHIE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2015-2016
MEMOIRE
QUAND LA SOUFFRANCE VIENT DE L’ENFANCE
Le toucher sollicite la pulsion mais lui donne forme et limite.
Il impulse un mouvement vers autrui, […]
mais vise à faire naître le sujet à lui-même
1
.
Présenté par Chantal ROPARS
Directeur de Mémoire :
Yan PLANTIER
1
P. Prayez, Le toucher en psychothérapie. Paris, Epi, 1994, p. 74.
2
SOMMAIRE
Introduction ............................................................................................................................................................. 3
I Névrose infantile .................................................................................................................................................. 4
1. Phase précoce du développement psychique : pulsion de vie, constitution du Moi et du
narcissisme primaire ................................................................................................................................................ 4
2. Phase de développement psychosexuel au sein d’une famille ............................................................... 6
II Deux buts et trois opérateurs de la psychanalyse .................................................................................. 8
III Ostéopathie et névrose infantile .............................................................................................................. 10
1. Etat des lieux des concepts et méthodes utilisés par les ostéopathes aujourd’hui..................... 10
2. Réanimer la pulsion de vie et restaurer le narcissisme, un meilleur axe de travail ? ................ 13
3. Transfert, sexualité, interprétation, quels opérateurs en ostéopathie ? .......................................... 18
Conclusion .............................................................................................................................................................. 20
Bibliographie ........................................................................................................................................................ 21
3
INTRODUCTION
La plupart des traumatismes corporels récents bénins créent des symptômes
fonctionnels dans le corps qui sont soignés aisément par ostéopathie. Les progrès du
traitement sont rapides, visibles et même assez guliers. Dans des cas plus difficiles de
traumatismes corporels sévères, comme un accident de la voie publique, le patient peut
développer des troubles anxieux d’Etat de Stress Post-Traumatique. Dans la majorité de ces
rencontres avec le mauvais sort, l’ostéopathie tissulaire produit encore, quoique plus
lentement, des effets thérapeutiques très positifs, surtout si l’ostéopathe connait et comprend
ces troubles anxieux particuliers. Ces traumatismes sont dits de « névrose actuelle ».
Cet écrit concerne la prise en charge d’autres patients encore, ceux dont le
développement psycho-sexuel de la période infantile a été émaillé de difficultés sérieuses ou
de traumatismes, dans la réalité de la vie de l’enfant (i.e. abandon précoce) ou dans sa vie
fantasmatique (i.e. conviction de ne pas être aimé). L’amélioration des tensions et des
symptômes dus à ces souffrances infantiles est difficile car ils résistent au traitement
ostéopathique. L’ostéopathe a quelques indices pour discriminer l’origine infantile des
troubles mais ils sont pauvres : les tissus ne se dénouent pas malgré les soins, des douleurs ou
des symptômes fonctionnels défient parfois toute logique, des comportements et des traits de
caractère exacerbés (hystériques ou obsessionnels) rendent la vie éprouvante au patient sans
qu’il parvienne à modifier ses comportements destructeurs (tels des addictions alimentaires ou
de toxiques) ou défensifs (comme le repli social). Bien que la cause de sa souffrance
appartienne à son histoire psychique, le patient n’en sait rien et il consulte un ostéopathe car
ce sont des symptômes du corps qui le font souffrir. L’ostéopathe, qui manque ordinairement
de connaissances théoriques et surtout empiriques sur l’inconscient, a tendance à verser dans
l’analyse sauvage pour tenter de faire évoluer ces prises en charge difficiles.
Ce mémoire a pour but de réfléchir sur une autre façon d’aborder cette problématique
qui me paraitrait moins étrangère à l’esprit de l’ostéopathie. Il commence par un bref rappel
concernant la construction psychique infantile et trois opérateurs essentiels de la psychanalyse
dans les troubles de la névrose infantile. Je mettrai cela en regard avec les procédés à visée
psychothérapeutique souvent utilisés dans le champ de l’ostéopathie. Enfin je proposerai un
autre axe de travail : animer la pulsion de vie et restaurer le narcissisme. Cet axe, qui me
parait rassembler le corps et la psyché dans une même dynamique, faciliterait aussi un travail
psychique qui, s’il reste insuffisant, évoluerait au sein d’une relation thérapeutique plus juste.
4
I NEVROSE INFANTILE
Selon un article de 1915
2
Freud postule l’existence d’un inconscient comme cessaire pour
expliciter des phénomènes psychiques conscients aussi élémentaires que le simple fait de
comprendre. Quel serait l’agencement de la structure psychique autour de cet inconscient ?
Après un remaniement effectué en 1920, Freud représente l’appareil psychique sous forme de
rapports entre trois lieux ou instances différentes : le Ça, ou Inconscient est constitué de
pulsions dont certains représentants parviennent au Conscient, le Moi. Elles sont filtrées par
une censure, produite par le Surmoi, lui-même constitué de l’intériorisation des interdits
parentaux et sociétaux. Cette représentation, simplifiée à l’excès, reste utile pour se
représenter le destin des pulsions qui ne peuvent s’établir dans le Moi : elles sont refoulées
parce que le Surmoi les a rendues inacceptables, tout autant que des traumatismes violents,
comme la mort prématurée d’un être cher. Comment se construit cet appareil psychique ?
1. Phase précoce du développement psychique : pulsion de vie, constitution du Moi et du
narcissisme primaire
Selon Federn
3
, la première phase de la construction de la psyché d’un enfant est sa perception
d’exister, d’abord sur le plan corporel, puis sur le plan psychique. C’est la constitution d’un
Moi corporel et d’un Moi psychique qui, s’ils sont conformes au désir parental et à une
certaine forme de normalité sociétale, deviennent constamment conscients dans le temps et
dans l’espace. Le précipité de ces deux ébauches de Moi en une image unifiée de soi, grâce au
stade du miroir et à une identification à un adulte enviable, constituera le noyau primaire du
narcissisme
4
, base d’estime de soi qui permettra à l’adulte de « se sentir bien dans sa peau ».
La mise en action de ces processus repose sur la pulsion, force qui active, pousse, met
en mouvement la vie psychique. Cette notion de pulsion est fondamentale en psychanalyse
pour crire la vie de la psyché et, plus précisément, pour élaborer un modèle explicatif de
l’articulation entre le corps et la psyché
5
. Il semble que la notion de mouvement soit tout aussi
fondamentale chez Still quand il cherche à définir comment la vie sarticule avec la matière
6
:
2
Freud S. [1915] « L’inconscient », in Métapsychologie. Paris, Gallimard, 1981, p. 66.
3
Federn P. [1952] La Psychologie du moi et les psychoses, Paris, PUF, 1979.
4
Chiland C. « Narcisse ou le meilleur des mondes possibles », in Homo psychanalyticus. Paris, PUF, 1990, p.
219. Cela [le narcissisme] comprend : une juste estime de soi, la croyance en la possibilité d’être aimé en
complément du mouvement objectal de la croyance en la possibilité d’aimer, une pleine acceptation de son
identité avec possibilité d’identification à autrui et capacité de supporter les différences, notamment celles liées
au sexe, un sentiment de continuité, d’unité, de cohésion de soi impliquant la distinction du dedans et du dehors.
5
Freud S. [1915] « Pulsion et destin des pulsions » in Métapsychologie. Paris, Gallimard, 1981, p. 18. Le
concept de pulsion nous apparaît comme un concept limite entre le psychique et le somatique, comme le
représentant psychique des excitations, issues de l'intérieur du corps et parvenant au psychisme, comme une
5
L’ostéopathe trouve là le domaine sur lequel il peut s’appuyer pour
toujours. Ses devoirs en tant que philosophe l’avertissent que la vie et la
matière peuvent être unies et que l’union ne peut continuer s’il existe
quelque empêchement au mouvement libre et absolu.
En termes de pulsions, Freud postule principalement l’existence d’une pulsion de vie,
qui rassemblerait les pulsions d’autoconservation (assouvir sa faim) et les pulsions sexuelles
(suçotement du sein prolongeant la tétée), les dernières s’étayant sur les premières. Notons
que dans le corpus psychanalytique freudien le sexuel ne désigne pas la génitalité mais le
supplément de plaisir au-delà des besoins d’autoconservation.
A la pulsion de vie s’opposerait une pulsion de mort que Freud sest résolu à théoriser
selon ses données cliniques et l’histoire contemporaine qui montraient l’échec des vœux de
bonheur et de paix pourtant proclamés par chacun. Quant au narcissisme, évoqué plus haut,
Freud lui oppose l’investissement d’autrui et du monde extérieur, notamment à partir de
l’observation de la passion amoureuse qui promeut un fort investissement d’Objet (investir
autrui) au détriment de l’investissement du Moi (ou investissement libidinal narcissique)
7
.
Selon Colette Chiland
8
, psychanalyste contemporaine, l’investissement d’Objet n’est au
détriment de l’investissement dirigé vers le Moi que dans la passion amoureuse. Elle suggère
un modèle à deux pôles le Moi et l’objet et deux modalités d’investissement Eros et
Thanatos les pulsions de vie et les pulsions de mort, l’investissement positif qui lie et unit et
l’investissement négatif qui délie et détruit.
Le pôle narcissique (investissement du Moi) reçoit un investissement positif par la
pulsion de vie et négatif par la pulsion de mort. Il y a ainsi un narcissisme heureux et un
narcissisme mortifère. Le narcissisme heureux permet à l’enfant de construire son unité
psychique, son identité, une continuité d’être. Il repose sur la stimulation agréable produite
par les soins maternels. Son opposé, le narcissisme mortifère, est la répétition pure des
expériences vécues, quelles qu’elles soient, la recherche de stimulation sans pouvoir faire le
tri entre les stimulations bienfaitrices et les stimulations délétères. Chiland a élaboré ce
modèle à partir de sa clinique avec des patients arriérés profonds qui s’automutilaient lorsque
mesure de l'exigence de travail qui est imposée au psychique en conséquence de sa liaison au corporel. […]
Toute pulsion est un morceau d’activité.
6
Still A. T. [1899] Philosophie de l’ostéopathie. Vannes, Sully, 1999, p. 164.
7
Freud S. [1914] Pour introduire le narcissisme. Paris, Payot, 2012.
8
Chiland C. « Narcisse ou le meilleur des mondes possibles », in Homo psychanalyticus. Paris, PUF, 1990.
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