Dans la dernière décennie du xxe siècle, l’effondrement de l’Union soviétique fait des États-Unis la seule superpuissance et le gendarme du monde. Admiré ou honni, leur modèle social, politique et culturel s’impose plus que jamais comme référence. Vingt ans après ces événements, la puissance américaine est toujours réelle mais elle est confrontée à des contestations violentes et elle n’est plus sans rivaux. C’est le moment de se pencher sur les fondements historiques des spécificités économiques, sociales, politiques et culturelles des États-Unis, et sur ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. Aujourd’hui les États-Unis Aujourd’hui les États-Unis Les États-Unis sont nés dans la confrontation des intérêts des colonies anglaises d’Amérique et de la métropole britannique. Leur société s’est fondée sur des racines européennes libérées de leurs freins par le dynamisme né de la conquête d’un espace immense et par l’arrivée d’une population d’immigrants aussi volontaire que diverse. Ils ont développé un mode de vie et une culture promis à une diffusion planétaire. L’ouvrage de Pierre Lagayette examine comment ce modèle est questionné par les évolutions contemporaines. Aujourd’hui les États-Unis Pierre Lagayette La collection « Questions ouvertes », rédigée par des spécialistes, éclaire ce qui peut être sujet à controverse et problématise pour mieux saisir les enjeux de nos sociétés. Les thèmes traversent aussi bien les programmes d’enseignement que les débats d’actualité. Directeur de collection : Jacques Limouzin PRIX: . . . . . . . . . . . 17,90 ISSN: . . . . . . . . . 1969-5543 ISBN: . . 978-2-86626-448-2 RÉF: . . . . . . . . 340QA068 2012_qo USA_couv.indd 1 15 10/06/2013 11:34:11 Aujourd’hui les États-Unis Pierre Lagayette Préface de Daniel Royot © CRDP académie de Montpellier L’auteur Pierre L agayette : professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne en littérature et civilisation américaines. Collection dirigée par Jacques L imouzin © CNDP et CRDP de l’académie de Montpellier, 2013 Couverture : La statue de la Liberté et le drapeau américain. © Joseph Sohm/Visions of America LBRF/Age Fotostock Direction de publication : ève Avigo, CRDP académie de Montpellier ; Jean-Marc Merriaux, CNDP Direction de l’édition transmédia et de la pédagogie : Michèle Briziou, CNDP Suivi éditorial : Sylvie Casanova-K arsenty, CRDP académie de Montpellier Secrétariat d’édition, relecture : Laëtitia Pourel, Isabelle Garcia, CNDP Iconographie : Adeline Riou, CNDP Infographie, PAO : Dominique Poupeau et Christophe Herrera, CRDP académie de Montpellier Catalogage p. 200 Tous droits de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de son article L. 122-5, d’une part que « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que « les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées », « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite « (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie, constituerait donc une contrefaçon, c’est-à-dire un délit. « La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende » (articles L. 335-2 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle). © CRDP académie de Montpellier La collection « Questions Ouvertes » C’est en posant des questions qu’on apprend. C’est donc par le biais du questionnement et de réponses rédigées par des spécialistes, que les ouvrages de la collection « Questions Ouvertes » ont l’ambition d’apporter un éclairage synthétique, soucieux d’objectivité et actualisé, sur quelques grands sujets de société où, trop souvent, les passions, les partis pris, les stéréotypes masquent ou déforment la réalité. Les questions sont soigneusement choisies. Presque toujours, elles sont « problématisantes », c’est-à-dire qu’elles posent un problème, et les réponses apportées – d’abord dans une formulation courte, « en bref », puis développée – sont davantage conçues pour fournir des pistes, des éléments de compréhension et de débat, que pour apporter des certitudes qui donneraient faussement à croire que le monde (le monde physique, les sociétés humaines) est simple à comprendre. ~ La série Aujourd’hui, se propose d’interroger les sociétés qui nous sont proches ou qui, éloignées, ont une influence grandissante sur l’avenir du monde. Elle est également conçue pour servir de support documentaire à l’aspect « civilisationnel » de l’apprentissage des langues. On trouvera à la fin de ce livre les ouvrages parus ou à paraître. Guide de lecture Les ouvrages de « Questions Ouvertes » sont construits de manière à permettre plusieurs modes de lecture. Ils peuvent être lus de façon séquentielle. Mais, de fait, ils favorisent aussi l’accès direct à telle ou telle question, au gré du feuilletage, à partir de l’index ou du sommaire de toutes les questions. On y entre où l’on veut, par la question qui interpelle ou en suivant ses propres interrogations. Pour éviter d’inutiles répétitions, les renvois d’une question à l’autre sont fréquents. Ils sont indiqués par la séquence [uQ xx]. Par exemple [uQ 23] renvoie à la question 23. Les notes se trouvent à la fin de chaque réponse. © CRDP académie de Montpellier Sommaire Préface.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 De la fondation à aujourd’hui 1 Les États-Unis ont-ils été enfantés dans la douleur ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 2 Comment la conquête de l’Ouest a-t-elle changé les États-Unis ?. . . . . . . . . . . . . . . . 14 3 Pourquoi le Sud a-t-il fait sécession ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 4 Comment les États-Unis sont-ils devenus les champions du capitalisme ?. . . . . . . 22 5 Pourquoi le communisme a fait trembler l’Amérique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 6 Les Américains sont-ils encore les maîtres du monde ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Le modèle économique et politique des États-Unis 7 La Constitution des États-Unis est-elle parfaite ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 8 Faut-il en finir avec l’État fédéral ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 9 Le bipartisme peut-il tenir lieu de pluralisme ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 10 Les élections américaines sont-elles incompréhensibles ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 11 Qui gouverne réellement les États-Unis ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 12 Les médias : un véritable contre-pouvoir ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 13 Les Américains et la France : je t’aime, moi non plus ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 14 L’armée américaine : une machine de guerre au service de la paix ?.. . . . . . . . . . . . . . 70 15 Y a-t-il des chercheurs d’or à Wall Street ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 16 À quoi servent les syndicats américains ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 17 Qu’est-ce qui fait la puissance de l’économie américaine ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 18 Les États-Unis sont-ils encore un modèle économique pour le monde ?. . . . . . . . . 94 19 Faut-il consommer à l’américaine ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 La société américaine 20 Les États-Unis sont-ils une nation d’immigrants ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 21 La violence : une façon de vivre ou de mourir ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 22 Être en bonne santé aux USA : une gageure ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 23 Que sont devenus les cow-boys et les Indiens ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 24 Les Américains sont-ils un peuple religieux ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 25 La mobilité des Américains est-elle une légende ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 26 L’ Amérique urbaine est-elle l’Amérique de demain ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 27 Le chemin de la réussite passe-t-il par l’école ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 28 La famille américaine existe-t-elle toujours ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 4 © CRDP académie de Montpellier La culture américaine 29 Y a-t-il un art pictural américain en dehors de Warhol ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 30 New York est-elle la capitale littéraire des États-Unis ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 31 Hollywood : le nouvel empire américain ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 32 La cuisine légère a-t-elle un avenir aux États-Unis ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 33 Les Américains parlent-ils l’anglais de la BBC ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 34 À quoi les Américains consacrent-ils leur temps libre ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182 35 « Sauvons la planète » : un slogan vide de sens pour les Américains ?. . . . . . . . . . 188 Annexes 1 Les États-Unis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 2 Répartition des États libres et esclavagistes, suite au compromis du Missouri (1820).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196 3 États-Unis : évolution du PIB par habitant entre 1980 et 2010. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 4 Les 28 premiers PIB par habitants dans le monde en 2011. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 © CRDP académie de Montpellier 5 Préface Les Français mangent, boivent et dansent américain. Ils se repaissent du « gore » hollywoodien des block-busters, et passent des heures devant leur écran de télévision pour suivre les séries consacrées aux enquêtes criminelles outre-Atlantique. Si l’achat des armes de poing était banni et la violence éradiquée aux États-Unis, nos chaînes seraient à l’évidence sinistrées. On ne lirait plus « on se croirait à Chicago » ou « un vrai western » dans les colonnes des faits divers qui évoquent les hold-ups et cavales de l’hexagone. Nombre de Français imaginent a priori que le citoyen américain qui traverse une rue pour acheter son journal doit être couvert par un voisin armé posté à sa fenêtre. La France d’aujourd’hui voit américanisation et anti-américanisme se conjuguer, paradoxalement, au travers de la surabondance d’une information qui sombre parfois dans la cacophonie. Confondu avec la pudibonderie du victorianisme, le puritanisme devient un épouvantail pour fustiger le pays qui a pourtant produit le strip-tease et les « topless gogo girls ». Le « self-made-man » a longtemps été le bouc-émissaire des adversaires du capitalisme américain avant que notre presse ne célèbre les Carnegie et Rockefeller en herbe des start-ups de la Silicon Valley, les émules décontractés de Steve Jobs et de Mark Zuckerberg, les pieds sur leur bureau et une pizza sur les genoux. Aux stéréotypes commodes s’ajoutent les anachronismes dus à la méconnaissance de l’Histoire. Les formes de l’antiaméricanisme ont certes évolué depuis le xviiie siècle mais il demeure la prophétie toujours réitérée du déclin voire de la fin des États-Unis. Buffon et l’abbé Raynal prédisaient que la faune et la flore de l’Amérique septentrionale étaient vouées à la dégénérescence. Indiens et a fortiori Européens transplantés subiraient ainsi des effets similaires menant au nanisme et à l’infécondité. Un démenti flagrant fut apporté quand Benjamin Franklin, ambassadeur à Paris, fit se lever les convives à un repas officiel pour porter un toast à l’amitié franco-américaine. Il apparut cruellement à nos dignitaires que Thomas Jefferson rendait plus d’un pied à l’abbé Raynal. Première démocratie du monde moderne, les États-Unis sont par l’antériorité de leur régime politique « la patrie des droits de l’homme » et la France ne vient qu’au second rang. La haine des Anglais motiva le soutien de la monarchie de Louis XVI aux insurgés de la guerre d’Indépendance. On pourrait dire que la Révolution américaine contribua à terme au renversement de notre Ancien Régime grâce implicitement au marquis de La Fayette. C’est dire la complexité des relations franco-américaines. 6 © CRDP académie de Montpellier Dans sa forme interrogative soutenue tout au long du texte de cet ouvrage, la problématique de Pierre Lagayette est centrée sur les fondamentaux de l’histoire, de la société et de la culture des États-Unis. Elle se situe donc bien au-dessus des vains débats sur le modèle ou contre-modèle que représente cette nation. Elle place le lecteur au cœur même d’une civilisation dont on ne peut saisir la nature et les valeurs qu’à travers les multiples correspondances entre passé et présent. L’approche ainsi choisie écarte délibérément les généralisations hâtives nourries d’avis péremptoires, de constats saisissants et de verdicts implacables non étayés par les preuves qu’apportent les sources primaires. L’auteur nous guide dans le labyrinthe américain en balisant son parcours de jalons qui éclairent progressivement des zones trop souvent laissées dans l’ombre. Chacun des chapitres non seulement explicite les données historiques et contemporaines mais suscite la réflexion grâce à une thématique qui s’enchaîne au fil des pages afin de révéler une cohérence au-delà des contradictions apparentes. Aujourd’hui les États-Unis offre une extrême diversité de sujets qui éveillent la curiosité sur des aspects inattendus. Les questions posées sous un aspect original et stimulant, un brin provocateur, traduisent bien le besoin de connaître les énigmes, les aléas et les crises d’un pays créé ex-nihilo, toujours en mouvement entre victoires et échecs, à la fois idéaliste et pragmatique, aspirant à l’unité malgré tous les facteurs qui le divisent. Le singulier qui, en anglais, suit le vocable United States (« The United States is a free country ») souligne clairement l’élan national qui porte à l’intégration d’éléments disparates. De la richesse des exposés on retiendra la notion de douleur si présente au fil de l’histoire. Les jugements quelque peu condescendants sur le sentiment d’invulnérabilité naïf et arrogant prêté aux Américains avant « 9/11 » ignorent l’incendie du Capitole par les troupes anglaises en 1814, les 600 000 morts de la Guerre de Sécession, ceux de Pearl Harbor et des deux guerres mondiales. L’ouvrage de Pierre Lagayette sait habilement proposer toute une palette où figurent par exemple les institutions, le pouvoir politique, le Pentagone, Wall Street, les églises, le melting pot, la santé, le rêve américain des immigrants, la science, l’écologie, Big Apple, Hollywood et les arts. Riche de nombreux autres thèmes Aujourd’hui les États-Unis est aussi instructif que divertissant. Daniel Royot, Professeur émérite, université Paris 3 © CRDP académie de Montpellier 7 Introduction Longtemps les États-Unis se sont offerts au monde comme modèle et comme leader. Le statut de modèle implique une singularité qui a conduit les Américains à se penser exceptionnels. John Winthrop, en 1630 déjà, parle des colons du Massachusetts en termes d’exemplarité dans A Model of Christian Charity, célèbre pour son image de la « City on a Hill ». Par contraste l’Europe apparaît comme limitée dans ses aspirations et dans ses ambitions. Elle devient un « vieux » continent où le progrès, social et individuel, semble s’étioler. En devenant indépendantes, les colonies anglaises d’Amérique inaugurent un cycle vertueux qui place la nouveauté et l’invention au centre d’un projet grandiose : acquérir et peupler tout un continent. Ainsi l’Américain se voit en homme nouveau, investi d’une mission civilisatrice : il apportera partout la liberté et le bonheur. Pour cela il se dote d’institutions originales, fonde une république modèle qui fera l’envie du monde entier. Il s’invente un mode de vie à nul autre pareil où les valeurs de la démocratie et l’acquisition des richesses forment un évangile dont il cherche à partager les bienfaits avec le reste des hommes. Le tableau idyllique brossé par les Américains de leur propre histoire fait l’impasse sur tout ce qui ne pose pas les États-Unis en modèle planétaire. Longtemps l’esclavage n’a fait l’objet d’aucune autocritique : son existence n’est même pas mentionnée dans ce texte sacré qu’est la Constitution des États-Unis. Et l’émancipation officielle des esclaves n’a pas éradiqué la haine raciale qui persiste encore de nos jours. Les Indiens, qui font partie de ce qu’on appelle aujourd’hui les « peuples premiers », n’ont pourtant jamais pu faire valoir leur antécédence : chassés, repoussés, exterminés sans état d’âme par de nouveaux arrivants plus nombreux et mieux armés, ils ont contribué à écrire l’une des pages les plus sombres de la grande saga nationale. Aujourd’hui ils luttent pour la survie de leurs traditions ancestrales, donc pour leur propre survie. Car dans la société américaine il y a ceux qui vivent d’un système économique qui exalte l’entreprise, le capital, l’initiative et le succès. L’argent mène leur monde. Et puis il y a ceux qui survivent, les laissés pour compte de la prospérité, ces pauvres qui entachent le paysage de l’opulence généralisée (du moins à ce qu’en dit l’idéologie dominante). Des petits fermiers blancs du Sud aux citoyens jetés à la rue par la crise des subprimes, en passant par les ouvriers des grandes villes, mal nourris et mal logés, ils incarnent l’échec du capitalisme bienveillant. La paupérisation du peuple des États-Unis, accélérée par la mondialisation, écorne l’image rassurante du rêve américain et contrarie ceux qui aspirent à la fortune ou aux secondes chances. 8 © CRDP académie de Montpellier Certes, les États-Unis demeurent la première puissance économique du monde, mais pour combien de temps encore ? Et pour combien de temps encore demeureront-ils le modèle et le leader du monde qu’on appelait libre du temps où seul le communisme symbolisait l’oppression et l’enfermement ? La suprématie américaine s’étiole depuis plus de trente ans. De gendarme du monde ce pays est devenu simple sentinelle, certes une sentinelle surarmée et cependant capable d’être prise tragiquement en défaut, comme lors des attentats du 11 septembre 2001. Reste que les stéréotypes ont la vie dure : dispersés aux quatre coins du monde grâce à un cinéma conquérant et une langue anglaise devenue un outil de communication presque universel, ils nous représentent une Amérique idéalisée, héroïque et heureuse, capable de sauver le monde d’un désastre militaire, économique ou écologique. Les médias s’en font régulièrement l’écho. Mais faut-il pour autant cesser de s’interroger sur le passé et le devenir de cette nation singulière, sans complaisance ni hostilité ? Pour obtenir de bonnes réponses il faut poser de bonnes questions. C’est ce que tente de faire le présent ouvrage, sans prétendre à l’exhaustivité mais avec le souci de piquer la curiosité des lecteurs et de stimuler leur esprit critique. Ainsi les États-Unis d’aujourd’hui apparaîtront-ils bien moins comme ce pays de la démesure qu’on se complaît à nous décrire pour nous rassurer sur notre normalité, mais davantage comme un semblable, courageux et persévérant, dont la puissance s’est certes érodée au fil du temps mais qui possède toujours une admirable capacité de résilience face à l’adversité, quelles que soient les circonstances. Pierre Lagayette © CRDP académie de Montpellier 9 1 En bref… Les États-Unis ont-ils été enfantés dans la douleur ? Les États, qui naissent par la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, sont issus d’un système colonial développé dans le sillage des premières immigrations au début du xviie siècle. Lieu de refuge pour les victimes de persécutions religieuses, terre d’abondance pour le bas peuple de l’Europe monarchique, possessions de la couronne anglaise exploitées pour le commerce de leurs ressources naturelles, les colonies d’Amérique finissent par se révolter contre l’oppression organisée par le Parlement de Londres et le roi. De leur refus d’être simplement à la solde des marchands de la City et du roi George naît un furieux désir d’émancipation et de liberté que seuls une guerre douloureuse et l’établissement difficile d’une république nouvelle pourront assouvir. Le système colonial À la suite des grandes découvertes, les puissances européennes s’emparent de territoires lointains pour en faire des colonies, notamment l’Angleterre, nation maritime par excellence, dont la flotte marchande est présente sur toutes les mers du globe dès le xviie siècle. Elle installe des comptoirs commerciaux un peu partout. En Amérique, le premier d’entre eux est Jamestown, en Virginie, fondé en mai 1607, bientôt tête de pont d’un commerce triangulaire entre l’Europe, la Caraïbe et le continent nord-américain. Du Nouveau Monde viennent le sucre, le tabac, le chanvre ou le goudron tandis que la mère-patrie renvoie des produits manufacturés. À ces échanges s’ajoute rapidement un trafic d’esclaves et un nouveau triangle, Afrique de l’Ouest-Caraïbes-colonies américaines, se met en place. L’Amérique du Nord devient un théâtre de luttes commerciales farouches, qui se poursuivent pendant deux siècles et opposent non seulement les nations coloniales mais des compagnies spécialement créées pour soutenir leurs économies, telles que la Compagnie de la baie d’Hudson ou la Compagnie du NordOuest. Très tôt, et pour lutter contre la concurrence, l’Angleterre décide de peupler rapidement ses établissements d’Amérique le long de la côte atlantique, entre la Nouvelle-Angleterre et la Géorgie. Les colonies religieuses Depuis la rupture de l’église d’Angleterre avec Rome en 1534, la religion anglicane peine à trouver une stabilité. La tentative d’uniformisation au début du xviie siècle 10 © CRDP académie de Montpellier Les États-Unis ont-ils été enfantés dans la douleur ? 1 soulève bien des protestations et envoie les réfractaires sur le chemin de l’exil. Les « puritains », en particulier, ces ardents défenseurs de la Réforme, sont persécutés sous le règne de Charles Ier et contraints à une fuite transatlantique. Ils forment le noyau du premier véritable peuplement de l’Amérique du Nord. Désormais, un flot continu d’émigration religieuse va renforcer la colonisation anglaise dans cette région. Le Mayflower*, en 1620, permet d’établir la colonie de Plymouth, dans le Massachusetts Mayflower : en 1621, les colons du Mayflower [uQ 24]. À sa suite, d’autres colonies, engrangèrent leur première récolte de maïs, cultivé souvent théocratiques, sont créées : grâce aux conseils des Indiens. À cette occasion, les puritains de la colonie de Plymouth qui avaient Massachusetts Bay (1630), Connecticut survécu à l’hiver et au scorbut, ainsi que leur gouver(1633), Maryland (1634), Rhode Island neur, William Bradford, partagèrent avec les autoch(1636). New York est arrachée aux tones un festin au cours duquel furent servis des Hollandais en 1664. William Penn, lui, dindes sauvages et des pigeons. Le Thanksgiving Day, « jour des actions de grâce », fête populaire obtient du roi une concession de terres célébrée le dernier jeudi de novembre, rappelle cet où il installe ses amis quakers et fonde, épisode. en 1681, la colonie de Pennsylvanie, un modèle de tolérance religieuse et de démocratie dont la charte des Privilèges inspirera plus tard les rédacteurs de la constitution américaine. Au milieu du xviiie siècle, la couronne britannique possède 13 colonies outre-Atlantique, avec une population un peu supérieure à un million d’âmes dont environ 85 % de Blancs. Ces colonies, pour certaines fortement développées, ont des désirs grandissants d’autonomie. La guerre d’Indépendance Le roi George III (1760-1820) entend, quant à lui, exercer un contrôle plus strict sur ses colonies. Afin de privilégier le commerce direct avec l’Angleterre, des droits de douane prohibitifs sont imposés aux produits importés de pays tiers : c’est l’objet, par exemple, du Sugar Act de 1764, qui taxe les mélasses antillaises et fait grimper le prix du rhum. Puis le Parlement s’en prend à la vie quotidienne des colons : la loi sur le Timbre (Stamp Act) de 1765 crée un impôt sur tous les documents légaux, les journaux, les almanachs et même les cartes à jouer. Deux ans plus tard, les lois Townshend taxent des produits courants comme le thé, le papier ou le verre. Plus de 10 000 soldats anglais assurent la défense de ces colonies et les Américains doivent payer pour leur entretien. Enfin, dès 1763, le roi a décrété l’interdiction aux colons d’occuper les terres à l’ouest des Appalaches, lesquelles sont réservées aux Indiens. Étranglés économiquement, bafoués politiquement (ils ne sont pas représentés au Parlement de Londres), les colons se révoltent contre ce qu’ils considèrent comme des abus de pouvoir royal. Après l’épisode de la Boston Tea Party (voir De la fondation à aujourd’hui © CRDP académie de Montpellier 11 encadré) et les représailles du Parlement (Lois intolérables de 1774), la protestation tourne vite à l’affrontement. Les « patriotes » du Massachusetts, galvanisés par leur leader, Samuel Adams, optent pour la lutte armée. La première escarmouche, à Lexington, le 18 avril 1775, ne fait que huit morts mais elle installe les colonies dans la guerre. Thomas Paine, dans son ouvrage Common Sense paru Everything that is right or natural pleads for separation. The blood of en janvier 1776, exhorte ses compatriotes à se the slain, the weeping voice of nature séparer de l’Angleterre. Quelques mois plus cries, “’Tis time to part”.» tard, le 4 juillet 1776, les colonies, réunies en Thomas Paine, Common Sense, January 1776 congrès à Philadelphie, proclament leur indépendance dans une fameuse déclaration rédigée par Thomas Jefferson qui affirme comme principes fondamentaux l’égalité de tous les hommes, les droits à la vie, la liberté et la recherche du bonheur ainsi que la souveraineté du peuple dans le système de gouvernement. La guerre qui commence est donc aussi bien idéologique qu’économique ou politique. C’est une véritable « révolution » qui veut d’abord en finir avec le système colonial et le pouvoir autocratique, puis instaurer un régime fondé sur le consentement des gouvernés, la liberté de pensée et l’égalité démocratique. Le conflit dure huit ans, de Lexington jusqu’au traité de Paris, signé le 3 septembre 1783. C’est une guerre longtemps indécise dans laquelle est engagée une armée américaine de 250 000 hommes au total (soldats et miliciens), commandée par George Washington. Avec l’aide de la France et de l’Espagne, les Américains résistent à l’emprise maritime des Anglais et les dominent sur le plan stratégique. Grâce à Rochambeau et La Fayette, les Américains remportent la bataille décisive de Yorktown, le 19 octobre 1781, et peuvent entamer en position de force les négociations qui conduiront à la paix. Celle-ci s’avère coûteuse en vies humaines (un peu plus de 25 000 victimes, soit 1 % de la population). Économiquement, les colonies sont exsangues. L’indépendance a coûté 170 millions de dollars et la confédération a dû emprunter lourdement. Il lui faudra près de trente ans pour éponger sa dette. La société elle-même est menacée d’éclatement : environ 20 % de la population est hostile à l’indépendance. Ces « loyalistes » sont perçus comme des traîtres. Ils subiront la privation de leurs biens et l’exil. Les lois de confiscation rapportent plusieurs millions de dollars de sorte que, à leur corps défendant, les « loyalistes » financent l’effort de guerre des « patriotes ». «« Les Pères fondateurs de la nation (E Pluribus Unum) Dans ces conditions, il est difficile de proposer une lecture triomphaliste de l’indépendance américaine. Si le mythe des origines exalte la noblesse de 12 © CRDP académie de Montpellier 1 Les États-Unis ont-ils été enfantés dans la douleur ? l’entreprise et le courage des patriotes, la réalité parle de dissensions et de luttes intestines. Comment unir treize États aussi disparates ? Les premières tentatives d’union ne sont guère concluantes : le premier Congrès continental de 1774 hésite entre guerre et réconciliation avec l’Angleterre. Le second Congrès, réuni en 1775, forme une armée, déclare l’indépendance et adopte en 1777 une sorte de constitution, les Articles of Confederation and Perpetual Union. Mais ce texte, censé forger l’union des anciennes colonies en un seul État, ne sera ratifié par les treize législatures qu’au bout de trois ans et demi, ce qui en dit long sur les résistances locales à un gouvernement unifié. Le Massachusetts et la Virginie sont en fer de lance, mais la Géorgie ou le Maryland traînent les pieds. Pourtant les articles sont peu contraignants : l’assemblée où sont représentés les nouveaux États n’a le pouvoir ni de taxer ni de lever des armées. Et il n’y a pas de président. Ceux, parmi les délégués, qui veulent un pouvoir fédéral effectif vont œuvrer pour la réunion d’une convention constitutionnelle, afin de concrétiser le projet d’unir les treize États dont la formule « E Pluribus Unum » (« De la pluralité naît l’unité ») orne depuis 1782 le grand sceau officiel des États-Unis. La devise est belle mais il reste aux Pères fondateurs de la nation – les signataires de la Déclaration d’indépendance aussi bien que les rédacteurs de la Constitution – à lui donner un sens. ııı ıı ıı ıı Boston Tea Party Parmi les taxes imposées aux colonies par le Parlement de Londres, l’une des plus impopulaires concernait le thé, dont l’importateur principal était la Compagnie anglaise des Indes orientales. Suite à un boycott organisé au Massachusetts par un marchand de Boston, John Hancock, les ventes furent divisées par 500 et le gouvernement, par le Tea Act de mai 1773, décida d’accorder une exemption de taxes à la Compagnie pour écouler ses stocks invendus. Le 16 décembre 1773, une soixantaine de Bostoniens en colère, se déguisent en indiens Mohawks, abordent les bateaux de la Compagnie dans le port de Boston et jettent 342 caisses par-dessus bord, détruisant 45 tonnes de thé pour une valeur de 10 000 livres sterling. Événement hautement symbolique de la Révolution américaine, il est resté comme un modèle de résistance à l’autoritarisme d’État, au point qu’il sera évoqué, au printemps 2010, pour rallier les opposants à la réforme du système de santé voulue par le président Obama. Pour en savoir plus • Bernard Cottret, La Révolution américaine : la quête du bonheur, 1763-1787, Paris, éd. Librairie académique Perrin, 2004. De la fondation à aujourd’hui © CRDP académie de Montpellier 13 11 En bref… Qui gouverne réellement les États-Unis ? Dire que les Américains vivent sous un régime présidentiel, c’est ignorer en partie la complexité du système politique imaginé par les Pères fondateurs qui prévoit à la fois une séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et leur rééquilibrage par le biais de dispositifs de contrôle. L’énorme mille-feuille constitué par les institutions fédérales et étatiques est-il, pour autant, au service exclusif de la collectivité ? L’action des « lobbies » ne menace-t-elle pas l’intérêt général ? L’une des réponses se trouve dans le recours à une présidentialisation du régime politique américain où le chef de l’État se porte, seul, garant du bien-être de ses concitoyens et assume toutes les responsabilités au nom de la nation. La séparation des pouvoirs Les institutions américaines s’inspirent de deux modèles : celui de John Locke qui, dans son ouvrage On Civil Government (1690), fait l’apologie d’un gouvernement qui défend les droits naturels de chaque individu, tels que la vie, la liberté ou la propriété. En cas d’abus de pouvoir de la part de ce gouvernement, le peuple est fondé à en changer. Ainsi ce dernier peut-il se prémunir contre les dangers de l’autocratie. La Constitution des États-Unis affirme clairement ces principes. Le second modèle est celui de Montesquieu qui, Tout serait perdu si le même dans L’Esprit des lois (1748), préconise une sépahomme, ou le même corps des ration effective entre les pouvoirs exécutif, législaprincipaux, ou des nobles, ou tif et judiciaire, qui s’équilibreraient en se contrôlant du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire les mutuellement. Les Pères fondateurs se sont applilois, celui d’exécuter les résoqués à garantir un certain équilibre par le biais de lutions publiques, et celui de la Constitution. Le reste s’est mis en place au fil juger les crimes ou les diffédu fonctionnement des institutions. Le pouvoir rends des particuliers.» Montesquieu, L’Esprit des lois, judiciaire, en particulier, n’a pu délimiter son périlivre XI, chap. 6, 1748 mètre que grâce aux précédents créés par les décisions des premières Cours suprêmes. Sur le plan législatif, le pouvoir essentiel semble revenir au Congrès, qui fait les lois et dispose d’un arsenal de pouvoirs exclusifs dont le plus puissant, rarement exercé, est celui de destituer le président (impeachment) qui a mené trois d’entre eux (Andrew Johnson en 1868, Richard Nixon en 1974 et Bill Clinton en 1998) au bord de la révocation. Le président partage certains pouvoirs avec le Congrès (nomination des juges fédéraux ou des ministres, négociation des «« 56 © CRDP académie de Montpellier Qui gouverne réellement les États-Unis ? 11 traités, etc.) mais il n’est en aucun cas responsable devant les chambres du succès ou de l’échec de sa politique. En revanche, il dispose d’un moyen puissant de contrôler le travail du Congrès : le veto. Ce droit d’opposition présidentielle n’est pas absolu, puisqu’il peut être annulé par un vote de chaque chambre à la majorité des deux tiers. Le pouvoir judiciaire, confié à la Cour suprême, jouit d’une certaine indépendance, puisque les magistrats (justices) de cette cour sont nommés à vie et inamovibles. Le peuple, le Congrès, les lobbies : intérêts particuliers contre intérêt général C’est le Congrès des États-Unis qui, au nom du peuple, élabore et vote les lois de la nation. Conformément au XXe amendement (1932), le Congrès se réunit le 3 janvier de l’année qui suit les élections législatives pour une session qui dure environ dix mois. Le Sénat est dirigé par le vice-président des États-Unis. Généralement, celui-ci délègue ce pouvoir à un sénateur du parti majoritaire ; à la tête de la Chambre des représentants, le Speaker of the House, également issu de la majorité parlementaire. Ces présidents ont la haute main sur tout le déroulement des procédures législatives. Celles-ci débutent par le dépôt de projets de lois (bills) émanant de parlementaires qui le font en leur nom propre, celui du président, ou de groupes d’intérêts particuliers. Ces projets sont examinés par des commissions compétentes, qui effectuent un tri préalable. Bon an, mal an, ce sont moins de 5 % des projets qui finissent par être examinés en séance. Par exemple, le 110e Congrès (2007-2009) n’a voté que 449 lois sur près de 14 000 textes soumis. Après lecture, l’adoption se fait à la majorité simple. Enfin, le texte définitif est soumis à la signature du président qui, elle seule, transforme le projet en loi (Act). Un éventuel refus de signature (veto) ou un « oubli » volontaire de signer avant la fin de la session parlementaire (pocket veto) déclenchent une révision du texte et un nouveau vote. Les propositions de loi sont d’importance très variée : le tri fait par les commissions est donc primordial. Il existe 25 commissions permanentes à la Chambre et 19 au Sénat, auxquelles il faut ajouter les commissions mixtes (Chambre/ Sénat) et les commissions spéciales (avec pouvoir d’enquête). Une fois parvenu en séance, le projet de loi est soumis à des débats dont l’issue est rendue aléatoire par le fait que seuls les présents peuvent participer au scrutin et que la discipline partisane n’est parfois pas respectée. En outre, les pressions électorales sur les membres du Congrès sont bien connues : des groupes de pression, ou lobbies, font le siège de certains élus pour s’assurer de leur soutien dans la poursuite d’intérêts particuliers. Les lobbies font partie intégrante du processus législatif : ils sont officiellement répertoriés au nombre d’environ 34 000 à Le modèle économique et politique des États-Unis © CRDP académie de Montpellier 57 Washington, et dépensent plus de deux milliards de dollars chaque année pour défendre leurs causes. Leur emprise est telle qu’il a fallu légiférer, en 1995 (Lobbying Disclosure Act) et en 2006 (Legislative Transparency and Accountability Act) pour assainir la profession et réglementer ses activités. Certains de ces groupes sont tristement célèbres, comme la NRA, National Rifle Association, qui prône la libre propriété des armes à feu, lesquelles provoquent environ 30 000 décès chaque année. Vue de l’extérieur, la pratique du lobbying paraît donc déficitaire sur le plan éthique, alors même que l’on exige des législateurs une moralité impeccable, aussi bien dans leur action au sein du Congrès que dans leur vie privée. La présidentialisation du régime Face au Congrès, le président peut se prévaloir d’être le seul représentant élu de tout le peuple américain. L’ampleur du pouvoir présidentiel, cependant, n’est pas de nature constitutionnelle : la liste des pouvoirs exclusifs (article 2, section II) semble bien courte, comparée à celle du Congrès. Pire, le président a le devoir de « rendre compte » de son action au Congrès par un discours annuel sur « l’état de l’Union ». Le régime présidentiel des États-Unis tire donc sa force de la pratique du pouvoir exécutif et non de principes intangibles. D’abord, le président représente la nation américaine toute entière : le vote populaire, tous les quatre ans, lui donne une autorité dont aucun sénateur ou représentant ne peut se flatter. Depuis un demi-siècle, à cause des médias, l’opinion publique est très sensible à la personnalité des présidents et à leur comportement, notamment en temps de crise. Figure tutélaire ou figure messianique, le président est celui vers qui la nation se tourne pour résoudre tous les problèmes du moment. Il est vrai que certains présidents ont démontré leur savoir-faire en temps de crise : Lincoln a sauvé l’Union, menacée par la sécession des États du Sud, Franklin Roosevelt a sauvé l’Amérique de la crise économique, puis de l’impérialisme germano-japonais. D’autres ont été moins heureux : Lyndon Johnson, malgré les pleins pouvoirs obtenus du Congrès, n’a pas su extraire les États-Unis du bourbier vietnamien. Et George W. Bush n’a guère brillé face au terrorisme international. Le président, soumis à la loi des sondages, parfois gêné par une législature d’opposition, souvent l’œil rivé sur sa réélection, semble n’avoir pas beaucoup d’espace, ni de temps, pour conduire une politique cohérente et durable. Pourtant, son rôle n’a cessé de s’élargir, surtout au xxe siècle. Durant les conflits, il utilise largement sa position de commandant en chef des armées : toutes les guerres récentes ont amplement démontré son pouvoir de décision en matière militaire. 58 © CRDP académie de Montpellier Qui gouverne réellement les États-Unis ? 11 À l’origine simple bras exécutif du Congrès, le président est devenu le principal initiateur des politiques nationales. Au point que l’on a pu parler, dans les années soixante, de « présidence impériale ». Et si, à certaines époques, le Congrès a tenté de reprendre la main, la Maison-Blanche reste le centre de décision politique principal. Par la suite, le discours sur l’état de l’Union a pris des allures, non plus de rapport d’activité mais de déclaration de politique générale. Certains, comme Richard Nixon, n’ont pas hésité à invoquer le « privilège exécutif » pour éviter de communiquer We want a Supreme Court which will do justice under the Constitution and au Congrès des informations cruciales. Les présinot over it. In our courts we want a dents, par ailleurs, n’ont eu de cesse de contourner government of laws and not of men.» l’autorité du Congrès en multipliant les moyens de Franklin D. Roosevelt, Fireside Chat on Reorganization légiférer sans l’aval du Capitole : c’est la fonction of the Judiciary, des « ordonnances exécutives » (executive orders) March 9, 1937 dont la portée peut être cruciale : ainsi, par exemple, l’ordonnance 9 066 de 1942 organisait l’internement des Américains d’origine japonaise dans des camps de rétention. Mais ils peuvent aussi se passer de l’aval du Sénat grâce aux « accords exécutifs » (executive agreements) qu’ils peuvent signer directement avec des gouvernements étrangers. Ce fut le cas des accords de Yalta et de Potsdam en 1945 ou ceux du Sinaï en 1975. De même, la possibilité pour le président de refuser de dépenser l’argent des budgets votés par le Congrès (ou « impoundment ») contribue à « présidentialiser » encore davantage le régime américain. À cela s’ajoute également la visibilité du président dans les médias : la fonction tribunicienne, inaugurée par Franklin Roosevelt dans ses fameuses « causeries au coin du feu » (fireside chats) permet à l’hôte de la Maison-Blanche de prendre directement l’opinion publique à témoin de son action. La télévision et Internet n’ont fait qu’amplifier le phénomène. «« Pour en savoir plus • Marie-France Toinet, Le Système politique des États-Unis, Paris, éd. PUF, 2e édition, 1990. • Robert P. Singh, American Government and Politics: A Concise Introduction, New York, Sage Books, 2002. Le modèle économique et politique des États-Unis © CRDP académie de Montpellier 59 21 En bref… La violence : une façon de vivre ou de mourir ? Nés d’une révolution violente, les États-Unis ont conservé des comportements individuels et sociaux où l’instinct de domination et celui de conservation garantissent des tensions presque permanentes. L’ordre social ne se maintient donc que par un équilibrage savant des libertés individuelles – dont celle de posséder des armes à feu – et d’une nécessaire cohésion collective. Les moyens de contrôler la violence sociale par la loi sont nombreux : réglementation des armes, répression policière, politique carcérale volontariste, peine de mort, etc. L’appât du gain a cependant favorisé l’essor d’un gangstérisme endémique et la légitimité affirmée du port d’armes décuple les dangers de mort parmi les citoyens ordinaires. Les armes et la Constitution Le deuxième amendement à la Constitution des États-Unis stipule qu’« une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes ». Même si on le replace dans son contexte historique, cet amendement énumère deux droits antagonistes : celui, collectif, de former des groupes armés pour la défense des libertés communes et celui, individuel, de posséder et utiliser des armes à des fins personnelles. Cette apparente contradiction alimente le débat sur la violence sociale et la protection des droits du citoyen depuis 1791, date de la ratification des dix premiers amendements. À l’époque, la Constitution le reconnaît, les milices étaient indispensables au maintien de l’ordre et de la paix civile : après tout, c’est ainsi que les colons américains avaient conquis leur indépendance et c’est ainsi que les nouveaux États entendaient la conserver vis-à-vis du pouvoir fédéral. Désarmer le peuple était aussi une pratique courante des monarques européens pour maintenir leurs sujets en tutelle et neutraliser toute opposition politique. Ainsi, aux États-Unis, la défense de la nation s’est-elle longtemps confondue avec l’autodéfense des citoyens et l’indispensable protection des libertés individuelles. Pourtant, un arrêt de la Cour suprême de 2008 (District of Columbia v. Heller) a finalement dissocié la formation de milices et le droit à porter des armes et autorisé l’usage de celles-ci par le citoyen, chez lui, en situation d’autodéfense. Ce faisant, la Cour élargit singulièrement le champ d’application du deuxième amendement et conforte les défenseurs du droit à porter et utiliser des armes à feu. 110 © CRDP académie de Montpellier ııı ıı La violence : une façon de vivre ou de mourir ? 21 Le deuxième amendement Le deuxième amendement, adopté en décembre 1791, est destiné à protéger le citoyen ordinaire contre tout abus de pouvoir de la part du gouvernement. Au fil du temps, ce droit a soulevé de grandes controverses liées aux menaces que font peser sur la paix sociale les armes en libre circulation. La Cour suprême des États-Unis n’a pourtant jamais voulu le remettre en cause et a même accepté, dans la récente décision District of Columbia v. Heller de 2008, le principe de posséder des armes pour l’autodéfense. À dire vrai, la question du port d’armes ne soulève de dilemmes législatifs ou judiciaires sérieux que depuis que la prolifération des armes de poing sert à aggraver l’insécurité sociale au lieu de l’éradiquer. Aujourd’hui, environ 270 millions d’armes circulent dans le pays (soit 90 armes pour 100 habitants) et près des trois-quarts des homicides annuels leur sont dus. Certaines études montrent que les armes à feu sont utilisées défensivement à peu près deux millions de fois par an. La prise de conscience a été longue à se dessiner : les premières lois sur les armes personnelles datent des années 1930 (National Firearms Act, 1934). Les contrôles se précisent avec la loi de 1968 (Gun Control Act) qui généralise le permis de port et interdit les ventes par correspondance. Puis, en 1994, une loi, fortement appuyée par l’ancien attaché de presse de Ronald Reagan, James Brady, blessé par balles et rendu paraplégique lors de l’attentat contre le président en 1982, réduit encore les conditions de vente des armes à feu, notamment les armes de guerre, automatiques ou semi-automatiques. Depuis, les législateurs ont laissé la situation se dégrader ; les Congrès successifs, à majorité républicaine, ont enterré un grand nombre de projets de loi restrictifs visant à mieux contrôler encore l’acquisition et l’usage d’armes à feu. La Cour suprême, conservatrice, tout en concédant que les autorités locales sont fondées à faire des lois visant la violence armée, persiste à défendre l’inviolabilité du deuxième amendement, dont on sait que 75 % d’Américains y sont favorables. C’est le sens de la décision McDonald v. City of Chicago, rendue en juin 2010. Cet attachement aux armes est largement encouragé par le lobby très efficace de la National Rifle Association (NRA), un groupe de pression fort de quatre millions de membres très actifs et au budget de 30 millions de dollars, dont le discours populiste trouve des échos favorables dans toutes les zones rurales du pays. Principalement une association de chasseurs à l’origine, la NRA s’est vite lancée dans le combat politique en faveur du deuxième amendement. Appuyée par des personnalités du show business comme Charlton Heston (qui en fut le président de 1998 à 2003), sa propagande a fait merveille : jouant sur la peur quotidienne (on ne peut pas laisser les criminels seuls posséder des armes) ou bien sur la nécessité d’une La société américaine © CRDP académie de Montpellier 111 pédagogie solide (ce ne sont pas les armes qui tuent mais ceux qui les portent), l’association est parvenue à convaincre un vaste électorat et à peser sur des scrutins importants, dans les États aussi bien qu’au niveau fédéral. De nombreux députés imprudents, ayant fait campagne pour le contrôle des armes, lui doivent de cuisantes défaites. La NRA joue sur du velours, car jusqu’à présent, aucune étude scientifique sérieuse n’a démontré le lien entre There is no such thing as interdiction des armes et diminution des actes de violence. a free nation where police Et même, par exemple en 2007, alors que Washington, and military are allowed D.C. vivait sous le coup de lois anti-armes très dracothe force of arms but individual citizens are not.» niennes, on y a noté une augmentation de 7 % des Charlton Heston, homicides par rapport l’année précédente. past president of the NRA, «« February 11, 1997 Violence sociale La violence aux États-Unis défie les frontières partisanes et constitue un véritable problème de société. De multiples facteurs ont favorisé la montée des tensions sociales : l’urbanisation excessive, le chômage, la question identitaire suscitée par l’immigration, la multiplication des communautés ethniques, la faillite du système éducatif ou le déclin des valeurs morales traditionnelles. À l’évidence, le fossé entre riches et pauvres n’a jamais été comblé et l’Amérique peine à faire correspondre progrès technique ou prospérité avec une bonne qualité de vie. Le différentiel entre richesse individuelle et performance économique n’est nulle part plus perceptible que dans la Sun Belt, région économiquement la plus dynamique et la plus productive au Sud et dans l’Ouest, qui affiche des taux de pauvreté et de chômage largement supérieurs à la moyenne nationale. La violence civile est ainsi devenue une affaire d’État, les gouvernements successifs cherchant vainement à en endiguer le processus. Elle s’exprime aujourd’hui par des accès de fièvre sociale qui émeuvent l’opinion publique tels que les émeutes qui ont secoué des ghettos depuis les années soixante. À cette époque, un cap supplémentaire dans l’intensité des manifestations est franchi : ainsi, à l’été 1965, le quartier de Watts, à Los Angeles, s’embrase à la suite de l’arrestation musclée d’une famille noire dont le minibus zigzaguait sur l’autoroute. L’émeute fait 34 morts. Deux ans plus tard, à Detroit, une descente de police dans un bar du quartier noir se solde par cinq jours d’émeutes et de pillages qui font 43 victimes et 1 200 blessés. En avril 1992, le quartier cosmopolite de South Central, à Los Angeles, est le théâtre de nouvelles émeutes suite à l’acquittement de policiers (blancs et hispaniques) qui avaient tabassé un jeune noir, Rodney King, lors de son arrestation l’année précédente. Batailles, pillages, incendies et destructions de bâtiments engendrent alors un lourd bilan : 53 morts et 2 000 blessés. 112 © CRDP académie de Montpellier La violence : une façon de vivre ou de mourir ? 21 Le militantisme, voire l’extrémisme, associé aux relations raciales et à la vie politique a fait des victimes notoires : le président John F. Kennedy, le 22 novembre 1963, le leader noir radical Malcolm X, le 21 février 1965, le révérend Martin Luther King, le 4 avril 1968, et Robert Kennedy, le 6 juin de la même année. De telles tragédies, qui occupent un temps la une des journaux, ne doivent pas faire oublier la violence ordinaire, quotidienne, qui représente 10,6 millions de délits. À commencer par les 1,5 million d’Américains victimes chaque année de violences domestiques (85 % étant des femmes), sans oublier les 1,7 million de délits violents commis sur le lieu de travail et les 630 000 actes de violence perpétrés à l’école. Pour y faire face, les États-Unis se sont mués, selon certains, en État policier où la répression prend le pas sur la prévention. Le thème de la sécurité, de « la loi et l’ordre » nourrit bien des slogans de campagnes électorales, surtout du côté du Parti républicain ; les exemples les plus connus étant ceux de Richard Nixon en 1968, Ronald Reagan en 1980 ou du maire de New York, Rudolph Giuliani, en 1994. Et la baisse générale de la délinquance depuis 2000 (un million d’actes criminels en moins) est couramment attribuée à un renforcement de l’action policière. Les forces de l’ordre aux États-Unis fonctionnent à différents niveaux : sur le plan local, elles travaillent sous l’autorité d’un sheriff, dont le mandat est le plus souvent électif, ou d’un maire. Au niveau des États, la diversité règne : certains possèdent leur propre police, sous l’autorité du gouverneur ou de la législature, d’autres, comme la Californie, n’en ont pas mais bénéficient de forces spécialisées (police des autoroutes, des jeux ou des transports) et de polices d’agglomération puissantes (Los Angeles Police Department, LAPD, ou SFPD à San Francisco). Au niveau fédéral, enfin, la protection est assurée par une vaste cohorte de forces policières, des agences bien connues comme le FBI (Federal Bureau of Investigations), ou des polices spécialisées (stupéfiants, frontières, parcs nationaux, etc.) qui dépendent d’au moins quatre ministères différents (Justice, Sécurité intérieure, Défense et Intérieur). À l’occasion, lors de troubles ou pour faciliter l’application des lois fédérales, les gouverneurs d’États peuvent faire appel à la Garde nationale, force militaire de réserve qui a servi aussi bien lors des émeutes de Watts en 1965, que pour mater des manifestants sur le campus de Kent State University dans l’Ohio en 1970 ou encore aider les sinistrés de l’ouragan Katrina en 2003. Le gouvernement fédéral, lui, peut utiliser le corps des US Marshals pour faire respecter les lois : en 1962, c’est sous la protection des marshals que James Meredith a pu s’inscrire et suivre des cours à l’université du Mississippi, devenant ainsi le premier étudiant noir à y être admis. L’autre moyen répressif pour contenir la violence sociale est constitué par un réseau pénitentiaire très dense de 119 prisons fédérales et 1 800 prisons d’État, La société américaine © CRDP académie de Montpellier 113 qui abritent 2,4 millions de détenus, la plus forte population carcérale du monde. Le taux d’incarcération est tel que depuis la fin des années 1990, les États-Unis ont « privatisé » le système. Il existe aujourd’hui environ 160 prisons gérées par des compagnies privées, mais elles n’abritent que 5 % de l’ensemble des détenus. La moitié des prisons fédérales (55) possèdent des quartiers de haute sécurité (appelés « Supermax ») qui entretiennent la légende des pénitenciers dont on ne peut s’évader, tel qu’Alcatraz, dans la baie de San Francisco ou Sing Sing, près de New York, et celle des prisonniers célèbres, comme Al Capone ou Charles Manson. Parmi ces détenus, un condamné à mort, Caryl Chessman, arrêté en 1948 et qui a passé 12 ans dans le couloir de la mort à attendre une exécution pratiquée seulement en mai 1960. Son sort, amplement médiatisé, a servi à attirer l’attention du public sur la peine de mort et relancé la polémique sur son efficacité. Aujourd’hui, environ 3 000 condamnés à mort attendent leur exécution dans les prisons américaines. Mais le nombre de ces exécutions a diminué de moitié depuis le début du siècle (52 en 2009 contre 98 en 1999). Non seulement quinze États ont déclaré un moratoire sur la peine de mort mais le pouvoir dissuasif d’une telle condamnation reste discutable. Pourtant, 64 % des Américains continuent de se montrer favorables à la peine capitale pour réparer les crimes les plus graves, voyant dans cette loi du Talion le moyen de répondre efficacement à la violence sociale. Gangstérisme et délinquance ordinaire C’est que la grande délinquance américaine plonge ses racines dans l’histoire même de la nation : elle est d’abord un héritage de la « frontière », cette zone de non-droit où une justice populaire expéditive prenait le pas sur la loi et trouvait au moindre litige une issue violente. La mythologie de l’Ouest, telle que l’a propagée le cinéma hollywoodien dans ses westerns, regorge de personnages « hors-la-loi » dont on observera que, malgré leurs crimes, ils ont été érigés en héros. Billy the Kid ou Jesse James sont de vrais prototypes du gangster moderne. Par ailleurs, l’urbanisation, l’industrialisation et la paupérisation ouvrière qui frappent la société américaine au xixe siècle ont pour première conséquence de jeter bien des citoyens dans la spirale du gangstérisme, dont le nom est, bien sûr, attaché à l’apparition de « gangs » à l’origine plutôt versés dans le vol que dans le meurtre. L’immigration irlandaise, puis chinoise, italienne et juive, alimente les gangs urbains, à New York, Boston, Philadelphie ou San Francisco. Ils deviennent plus violents et se professionnalisent. À la faveur de la Prohibition (1919-1933), la délinquance franchit une nouvelle étape, s’organise et s’arme pour se transformer en grand banditisme et agiter toutes les grandes métropoles des États-Unis. Dans les années 1920, Chicago devient à la fois la plaque tour- 114 © CRDP académie de Montpellier La violence : une façon de vivre ou de mourir ? 21 nante de tous les trafics, alcool, drogue, prostitution, jeux, et le symbole d’une Amérique violente, sans foi ni loi, dont les grands hommes ont pour nom Al Capone, Meyer Lanski ou Bugsy Siegel. Peu à peu, les immigrants italiens renforcent les liens entre gangsters américains et mafia calabraise ou sicilienne. Cinq grandes familles (Bonnano, Colombo, Genovese, Gambino, Lucchese) s’entre-tuent pour dominer le marché du crime ; la rue devient le théâtre d’exécutions sommaires, et les restaurants des lieux de massacres. Les États-Unis ne sont pas encore sortis de cet engrenage de violence : l’illégalité continue de produire des bénéfices colossaux. Le trafic de stupéfiants à lui seul représente plus de 320 milliards de dollars en chiffre d’affaires annuel. Et les luttes entre trafiquants font des milliers de victimes à la frontière mexicaine, notamment à Ciudad Juarez. Cependant, c’est quotidiennement que les Américains subissent les effets de la violence. Et parfois les faits divers se chargent de leur rappeler que leur propre sécurité n’est pas complètement assurée par la puissance publique. On se souvient du massacre de Columbine High School (Colorado) en avril 1999 qui a fait 12 morts parmi les élèves de cette école, ou celui de l’université Virginia Tech en avril 2007, où un étudiant pris de folie meurtrière a laissé derrière lui 32 victimes avant de se suicider. L’impact de cette violence est économique : elle coûte aux citoyens 70 milliards de dollars par an en frais médicaux et perte de productivité. Il est évidemment aussi humain, puisqu’elle ôte la vie à environ 18 000 Américains et laisse derrière elle 15 000 blessés chaque année. ııı ıı ıı Newton : l’Amérique face au commerce libre des armes Un jeune déséquilibré de 20 ans pénètre dans l’école primaire de Newton, Connecticut, le 14 décembre 2012. Il y assassine 20 enfants et six adultes à l’arme à feu avant de se donner la mort. Le tragique événement soulève une vague d’émotion. Il ravive la querelle entre partisans et adversaires de la liberté du commerce et de la détention des armes. Le président Obama annonce son intention de réglementer ce commerce et la possession de certaines armes. Le puissant lobby de la NRA (National Riffles Association) s’y oppose, qui réaffirme son argumentaire selon lequel ce ne sont pas les armes qui tuent mais ceux qui les portent et suggère de placer des gardes armés dans toutes les écoles. Pour en savoir plus • Daniel Royot, Les États-Unis, civilisation de la violence ? Paris, éd. Armand Colin, 2003. • Didier Combeau, Des Américains et des armes à feu, Paris, éd. Belin, coll. « Histoire et société », 2007. La société américaine © CRDP académie de Montpellier 115 31 En bref… Hollywood : le nouvel empire américain ? Le débat sur la vraie nature du cinéma américain – art ou industrie – est toujours vif aujourd’hui, même si l’époque des grands studios est révolue. Hollywood reste la capitale mondiale du cinéma et enchaîne les superproductions qui attirent des foules nombreuses. Ces films à grand spectacle enrichissent les producteurs tout en appauvrissant le septième art. Quelques « indépendants » luttent contre l’hégémonie d’Hollywood mais le combat est inégal. Le plaisir et la distraction du grand public l’emportent facilement sur l’esthétique ou le cinéma d’auteur. La culture de masse américaine impose ses règles dans le monde entier formant un empire du divertissement et du loisir dont le meilleur exemple est fourni par la multinationale Disney. Les origines du cinéma hollywoodien Il était une fois un inventeur nommé Thomas Edison qui, ayant déposé les brevets de diverses caméras et projecteurs de cinéma, entendait, comme tout bon businessman américain, faire respecter ses droits et encaisser de légitimes royalties. Mais le monde naissant du cinéma ne connaissait pas de règles et les premiers studios ne se hâtaient guère de payer leurs dettes. Las des poursuites judiciaires incessantes de l’Edison Trust, compagnie cinématographique fondée en 1908 dans le New Jersey, certains studios cherchent à s’éloigner à l’autre bout du pays. Essanay, en particulier, le studio qui produira les premiers films de Charlie Chaplin, transfère ses activités de Chicago jusqu’en Californie du Sud. Un petit noyau de studios se forme à Los Angeles : le climat y permet de tourner toute l’année dans de bonnes conditions et, si l’on est rattrapé par les avocats d’Edison, le Mexique n’est pas bien loin pour aller s’abriter des ardeurs chicanières de l’inventeur. Dès 1911, les studios Selig, Nestor ou Keystone choisissent le petit faubourg de Los Angeles appelé Hollywood pour y Ce n’est pas le moindre installer leurs activités. La capitale du cinéma est née. Les charme de l’Amérique tournages en plein air se multiplient : le premier à avoir profité qu’en dehors même des de ces nouveaux décors est le réalisateur D.W. Griffith salles de cinéma, tout (surtout connu pour le film historique Naissance d’une le pays est cinématographique. » nation, réalisé en 1915) qui, avec Chaplin, Douglas Fairbanks Jean Baudrillard, et Mary Pickford, fonde le premier studio indépendant, Amérique, 1986 United Artists, en 1919. Le cinéma muet connaît un succès foudroyant et attire capitaux et convoitises à Hollywood. Les maisons de production abondent et les studios vont et viennent «« 168 © CRDP académie de Montpellier Hollywood : le nouvel empire américain ? 31 au gré des créations et des rachats. L’une des plus belles réussites, qui va jeter les bases du futur système des grands studios, est la formation de la Triangle Film Corporation en 1915, entreprise dynamique qui engage de grands réalisateurs comme Griffith ou Mack Sennett et de grands acteurs comme Mary Pickford ou Lillian Gish. Rachetée en 1918 par Samuel Goldwyn, cette « startup » est à l’origine de la MGM (Metro Goldwyn Mayer). Les années 1920 voient poindre les premières stars du cinéma : outre Chaplin, qui laisse à la postérité plus de 80 films, Buster Keaton, Harold Lloyd, W.C. Fields, Gloria Swanson, Douglas Fairbanks et Rudolph Valentino transforment ce qui était un média expérimental en véritable septième art. Et en industrie, car le cinéma hollywoodien s’organise très tôt comme une entreprise commerciale, avec des investisseurs, des actionnaires, des salariés, des artistes et des clientsspectateurs de plus en plus nombreux. L’arrivée du « parlant » vers la fin des années 1920 renforce l’attractivité du cinéma et des financiers ambitieux se lancent dans l’aventure en fondant de nouvelles compagnies ou de nouveaux studios. La plupart d’entre eux sont issus de l’immigration juive du début du siècle : ils ont pour nom Samuel Goldwyn, Louis B. Mayer, Adolph Zukor (fondateur de Paramount), ou les frères Wonskolaser, des immigrants Polonais rebaptisés Warner à leur passage par Ellis Island, qui fondent la Warner Bros. Grâce à eux, dès les années 1930, Hollywood brasse des millions de dollars. Le système des studios Le cinéma n’a pas tardé, en effet, à se muer en véritable industrie. Hollywood, à partir de 1927, s’organise en système de « studios », qui pratiquent l’intégration verticale, puisqu’ils possèdent non seulement les lieux de tournage mais aussi les salles où seront projetés les films. Certains innovent aussi sur le plan technique et font évoluer les procédés d’image ou de son. Ces compagnies, dont la croissance est remarquable malgré la Grande Dépression des années 1930, se divisent en cinq « grands » studios (The Big Five) et trois « petits » (The Little Three), qui produisent 95 % des films tournés aux États-Unis. On les appelle les Majors : d’un côté, on trouve MGM, Paramount, Warner, Fox et RKO (Radio-KeithOrpheum Pictures) ; de l’autre, Universal, United Artists et Columbia. Ils ont chacun leurs salariés et, en plus du personnel technique, s’attachent par contrat les services de scénaristes (certains sont de célèbres écrivains comme F. Scott Fitzgerald, William Faulkner ou Nathanael West), de réalisateurs et même d’acteurs, dont beaucoup feront carrière enchaînés à leur employeur. Les studios font et défont les célébrités et on leur doit l’invention du « star-system » qui crée des icônes dont la gloire populaire est ahurissante. MGM est incontestablement le leader du lot, en nombre de « stars » et de films à grand spectacle : le studio La culture américaine © CRDP académie de Montpellier 169 produit deux grands classiques qui vont faire sa fortune, Autant en emporte le vent (1939) et Le Magicien d’Oz (1939). Et il a sous contrat des vedettes comme Greta Garbo ou Clark Gable. Marlene Dietrich et les frères Marx ont, eux, signé chez Paramount qui produira l’inoubliable Dix Commandements (1956) de Cecil B. de Mille. Chez 20th Century Fox, on s’intéresse en particulier aux westerns et aux comédies musicales : John Ford y tourne la plupart de ses meilleurs films et le studio s’attache les services de grands acteurs comme Henry Fonda, Marlon Brando ou Gregory Peck. Chez Warner Bros, on aime les films d’aventure et les policiers. C’est une véritable usine, qui produit plus de 60 films par an dans les années 1930. Ici, pas de sentiment : les frères Warner sont des commerçants qui recherchent le meilleur profit et leurs relations avec les acteurs sont tendues, voire conflictuelles, et se terminent souvent au tribunal. Mais Warner fera connaître de grands noms du cinéma, comme Humphrey Bogart ou Bette Davis. Quant à RKO, il invente un concept de contractualisation qui laisse entière liberté au réalisateur, engagé seulement pour tourner un nombre limité de films. Les productions sont ainsi variées et originales : Orson Welles y tournera Citizen Kane (1941) et Alfred Hitchcock Les Enchaînés (1946). Parmi les « petits » studios, Universal réussit néanmoins à attirer de grandes figures du cinéma : James Stewart, Charlton Heston et Steven Spielberg. ııı ıı ıı ıı ıı ıı ı La HUAC En 1945, le Congrès crée une commission permanente, la House Un-American Activities Committee ou HUAC, pour enquêter sur toutes les activités subversives menaçant les institutions, notamment de la part des sympathisants communistes. À ce titre, la HUAC ouvre en 1948 une enquête pour espionnage visant Alger Hiss, un ancien collaborateur de Franklin Roosevelt soupçonné de collusion avec les Soviétiques. Mais dès 1947, la commission s’intéresse aussi à l’influence de la propagande communiste dans les milieux du cinéma hollywoodien : dix-neuf acteurs, scénaristes et réalisateurs sont auditionnés et dix d’entre eux – les « Dix d’Hollywood » – refusent de répondre aux questions posées en s’abritant derrière le 1er Amendement. Ils seront inculpés d’outrage au Congrès et certains purgeront de courtes peines de prison. D’autres, à l’instar du dramaturge Bertold Brecht, ou d’Orson Welles, quitteront les États-Unis. Mais, plus grave, les dirigeants des principaux studios établissent en novembre 1947 une « liste noire » d’artistes à qui toute embauche ou prolongation de contrat seront refusées, pour cause d’association (plus ou moins lointaine) avec le parti communiste américain. Figurent sur cette liste des acteurs et réalisateurs renommés comme Charlie Chaplin (qui s’exilera en Suisse en 1952), Marlene Dietrich ou Jules Dassin. Mais dans les cinq années qui suivent, ce sont près d’une centaine d’artistes qui se voient ainsi refuser du travail dans les studios hollywoodiens. Certains trouveront accueil à l’étranger, d’autres, notamment des scénaristes, devront travailler sous des noms d’emprunt. Il faudra attendre les années 1960 pour que cette chasse aux sorcières trouve son terme. 170 © CRDP académie de Montpellier Hollywood : le nouvel empire américain ? 31 Le système hollywoodien a fini par imposer tant de contraintes aux cinéastes qu’ils ont cherché leur salut en fondant des studios indépendants : ainsi Francis Ford Coppola crée American Zoetrope en 1969, bientôt suivi par George Lucas qui, en 1971, fonde Lucasfilm qui produira toute la série des films Star Wars. Le cinéma indépendant a prospéré dans les années 1980 et 1990 mais demeure tributaire des circuits de production et de distribution toujours détenus par les grands studios. Hollywood est devenu le centre d’un grand jeu financier de plus de 10 milliards de dollars, où les studios changent de mains et les concentrations sont la règle dans un milieu de plus en plus concurrentiel. La publicité joue un grand rôle dans la promotion du cinéma et la profession ne manque pas une occasion de célébrer son propre succès en organisant des cérémonies de remises de prix au retentissement mondial : c’est le cas des Academy Awards, plus connus sous le nom d’« Oscars », attribués chaque année depuis 1929. Au total, ce sont plus de 2 700 statuettes dorées qui ont été remises, avec un impact économique planétaire pour le cinéma américain. Dans le domaine culturel aussi, la société américaine produit ses propres contre-pouvoirs et tous les happenings ne sont pas gouvernés par le conformisme. Aux côtés des cérémonies à la gloire du cinéma du système hollywoodien, le Sundance Film Festival prend en 1991 la suite d’un événement local apparu dans l’Utah en 1978. Promu et soutenu par quelques grandes personnalités comme Robert Redford, il décerne des prix désormais Blockbuster : le terme, d’abord applireconnus mais qui sont consacrés à un cinéma qué aux pièces de théâtre à succès, désigne aujourd’hui les films ayant indépendant dont les thèmes et les factures sont battu des records d’entrées ou des d’une autre nature que les superproductions et les superproductions destinées à attirer blockbusters* . un maximum de spectateurs. Superproductions et blockbusters La profession peut s’autocongratuler : les États-Unis ne souffrent aucune concurrence dans ce secteur culturel. Le cinéma reste un quasi-monopole américain où s’exerce, comme ailleurs, une certaine fascination pour le gigantisme. C’est à Hollywood qu’est apparu, pour la première fois en 1953, le procédé du cinémascope, qui permettait la projection sur grand écran, système bientôt amélioré par la Panavision (1954), elle-même détrônée par le tournage et la projection en 70 mm. Dans les années 1960 est apparu le procédé IMAX, qui permet d’utiliser des écrans géants de 30 m sur 20 m et place le spectateur au milieu de l’action du film avec des effets d’immersion très particuliers. On a même tourné des films spécialement pour ce format, comme Fantasia 2000 (1999), produit par Disney. Ces innovations font évidemment progresser l’industrie et fidélisent des spectateurs autrement sollicités par la télévision, les jeux vidéo ou même les La culture américaine © CRDP académie de Montpellier 171 DVD. Mais Hollywood ne risque pas la faillite : les recettes de ses films sont colossales. Ce que l’on nomme les blockbusters rapportent des millions de dollars (certains plus d’un milliard) : en chiffres corrigés, c’est Autant en emporte le vent qui domine les classements, suivi d’Avatar, Star Wars, Titanic, La Mélodie du bonheur, E.T. et Les Dix Commandements. Aujourd’hui, l’industrie cinématographique génère quelque 11 milliards de dollars de bénéfices annuels et représente l’une des activités les plus prospères de l’économie américaine. Le cinéma possède l’avantage supplémentaire de pouvoir se décliner sur plusieurs médias en complément des salles obscures : à la télévision et sur des supports électroniques. La rentabilité est donc souvent au rendez-vous, d’autant que la distribution des films est planétaire. On a pu ainsi reprocher au cinéma américain de pratiquer un nouvel impérialisme culturel. L’empire Disney comme exemple de tyrannie culturelle Il semble bien que le meilleur exemple de ce nouvel impérialisme soit celui de la compagnie Disney, multinationale du loisir et du spectacle dont le succès ne s’est, jusqu’ici, jamais démenti. Fondée par Walt Disney en 1923, cette entreprise a d’abord fait fortune dans le cinéma d’animation. En 1937, son long-métrage Blanche-Neige et les Sept Nains fait un tabac et ouvre la voie à la production de 25 autres longs-métrages dont la popularité grandit avec le temps. Disney inonde le monde entier de ses dessins animés et crée pour cela son propre studio d’animation. Il finance aussi des programmes Des milliers de cast members participent au à la télévision et s’impose, dans les années spectacle d'Euro Disney Resort en interpré1950, comme le vrai spécialiste des divertistant plus de 1 500 rôles. Nous travaillons sements familiaux. Son génie commercial, tous sur le même script, nous parlons le même langage du show business Disney. mais aussi sa sensibilité d’artiste, lui font ouvrir [...] Euro Disney est une scène, dont les en 1955 le premier parc d’attraction au monde, acteurs accueillant les visiteurs sont sur Disneyland, à Anaheim, dans la banlieue de scène tandis que les acteurs de soutien Los Angeles. C’est un triomphe, qui sera suivi logistique sont en coulisses. Nous recevons un public et non une foule. Notre public se d’un autre avec l’ouverture, en 1971, du Walt compose de visiteurs et non de clients. Nous Disney World Resort à Orlando, en Floride. Le n'avons pas de policiers ou de gardiens mais concept est exportable, puisque le nom de des cast members de sécurité. Nous portons Disney est déjà familier partout sur la planète. des costumes et non des uniformes. Pour finir, nous n'avons pas des manèges, mais Aussi la compagnie installe-t-elle un parc de nous proposons des aventures, des specloisirs à Tokyo en 1983, puis un autre à Marnetacles et des attractions. » la-Vallée, Disneyland Paris, en 1992, enfin un Extraits d’une brochure du parc de loisirs Disneyland Paris de Marne-la-Vallée autre à Hong Kong en 2005. Ces parcs sont intitulée « Parlez-vous le Disney ? », citée in Véronique Chesneaux, aussi destinés à vendre les produits dérivés Une Socio-Anthropologue dans les de l’univers Disney sous la marque déposée coulisses de Disneyland Paris, 1997. «« 172 © CRDP académie de Montpellier Hollywood : le nouvel empire américain ? 31 « Walt Disney ». Mais au-delà de la réussite fantastique de l’entreprise, c’est la dissémination des valeurs américaines par le biais du cinéma, des parcs et des produits qui peut poser problème. Le monde de Disney est profondément patriarcal, plein de stéréotypes et, souvent, un hymne un peu naïf et suranné à la gloire de l’Amérique, de sa générosité et du bonheur qu’elle procure. Pourtant, derrière cette façade vertueuse se pratique un capitalisme impitoyable et conquérant, bien éloigné des plaisirs magiques de l’enfance. ııı ıı ıı ıı ıı ıı Les films d’animation Depuis 1937 et la sortie du dessin animé de Walt Disney Blanche-Neige et les Sept Nains, le cinéma d’animation n’a pas cessé de progresser, esthétiquement et techniquement. L’apport de l’informatique, notamment, a permis de réaliser des films de plus en plus réalistes ou de créer des univers fantastiques de plus en plus élaborés. À partir des années 1990, les studios Pixar (créés en 1986) ont produit des longs métrages très populaires : le premier, entièrement réalisé par ordinateur, a été Toy Story (1995). Parmi les titres les plus récents, on peut retenir Ratatouille (2007) ou Là-Haut (2009). D’autres studios se sont engagés dans cette voie très lucrative, comme Dreamworks à qui l’on doit la série des Shrek et Madagascar, ou Blue Sky, créateur de Ice Age, Horton, ou Rio. Les films d’animation sont aujourd’hui produits par centaines et certains connaissent un succès planétaire, à l’exemple d’Avatar (2009) qui a rapporté plus de deux milliards de dollars. La plupart constituent des prouesses technologiques, dont la virtuosité rejoint celle des effets spéciaux, de plus en plus sollicités par les réalisateurs, dans les films à grand spectacle ou les films catastrophe. Certains studios d’animation en ont fait leur fonds de commerce, comme ILM (Industrial Light and Magic) fondé par le créateur de la saga Star Wars, George Lucas, en 1975. Les studios de Lucas viennent de se lancer eux aussi dans le long-métrage d’animation avec Rango (2011). Pour en savoir plus • Pierre Berthomieu, Hollywood classique : le temps des géants, Paris, éd. Rouge Profond, 2009. • Bertrand Mary, Walt Disney et nous, plaidoyer pour un mal-aimé, Paris, éd. Calmann-Lévy, 2004. • Jean-Loup Bourget, Hollywood, la norme et la marge, Paris, éd. Armand Colin, 2005. La culture américaine © CRDP académie de Montpellier 173 Dans la collection « Questions ouvertes » Regards sur les littoraux Pouvoirs et démocratie en France Défense et sécurité de la France au xxie siècle Les Développements durables Les Droits de l’enfant L’Eau, une ressource durable ? Regards sur le patrimoine Série Aujourd’hui Aujourd’hui l’Union européenne Aujourd’hui la Russie Aujourd’hui la Chine Aujourd’hui le Royaume-Uni Aujourd’hui l’Espagne Aujourd’hui l’Allemagne Série Science Défi énergétique et nanosciences Dans la collection « 99 questions » La France sous l’Occupation Les Relations internationales de 1945 à 1989 Le Maghreb La Vie des Français aux xviie et xviiie siècles La Révolution française L’Afrique noire ... Ces ouvrages peuvent être consultés et achetés dans toutes les librairies du réseau Scérén (CDDP, CRDP et Librairie de l’éducation, 13 rue du Four, 75 006 Paris), ainsi que sur le site www.sceren.com © CRDP académie de Montpellier 199 Catalogage Aujourd’hui les États-Unis, 2013, 200 pages Auteur : Pierre Lagayette ISBN : 978-2-24002-977-3 ISSN : 1969-5543 Réf. : 755D0217 Prix. : 17,90 euros Coll. :« Questions Ouvertes », série Aujourd’hui RAMEAU: États-Unis -- Économie politique -- Histoire -- Géographie Motbis: États-Unis / système économique / système social / Dewey: 973 États-Unis Niveaux: Secondaire / Enseignement supérieur / Publics: Élève / Enseignant / Tous publics / Achevé d’imprimer juin 2013 sur les presses de Jouve (Mayenne) Dépôt légal juin 2013 © CRDP académie de Montpellier Dans la dernière décennie du xxe siècle, l’effondrement de l’Union soviétique fait des États-Unis la seule superpuissance et le gendarme du monde. Admiré ou honni, leur modèle social, politique et culturel s’impose plus que jamais comme référence. Vingt ans après ces événements, la puissance américaine est toujours réelle mais elle est confrontée à des contestations violentes et elle n’est plus sans rivaux. C’est le moment de se pencher sur les fondements historiques des spécificités économiques, sociales, politiques et culturelles des États-Unis, et sur ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. Aujourd’hui les États-Unis Aujourd’hui les États-Unis Les États-Unis sont nés dans la confrontation des intérêts des colonies anglaises d’Amérique et de la métropole britannique. Leur société s’est fondée sur des racines européennes libérées de leurs freins par le dynamisme né de la conquête d’un espace immense et par l’arrivée d’une population d’immigrants aussi volontaire que diverse. Ils ont développé un mode de vie et une culture promis à une diffusion planétaire. L’ouvrage de Pierre Lagayette examine comment ce modèle est questionné par les évolutions contemporaines. Aujourd’hui les États-Unis Pierre Lagayette La collection « Questions ouvertes », rédigée par des spécialistes, éclaire ce qui peut être sujet à controverse et problématise pour mieux saisir les enjeux de nos sociétés. Les thèmes traversent aussi bien les programmes d’enseignement que les débats d’actualité. Directeur de collection : Jacques Limouzin PRIX: . . . . . . . . . . . 17,90 ISSN: . . . . . . . . . 1969-5543 ISBN: . . 978-2-24002-997-3 RÉF: . . . . . . . . . 755D0217 15