Interactions endomètre-embryon au cours de lPimplantation : du

Interactions endomètre-embryon
au cours de limplantation : du follicule
au remodelage vasculaire de lutérus
Interactions endometrium-embryo in implantation.
From follicle to uterine vascular remodelling
Nathalie Lédée
1
Jean-Claude Challier
2
Françoise Ferré
3
1
Inserm U782,
Université Paris-Sud,
UMR-S0782,
Implantation et dialogue maternofœtal,
92140 Clamart,
France
2
UMPC-Site Saint-Antoine,
Inserm UMRS938,
Cellules souches fœtales,
75571 Paris cedex 12,
France
3
Inserm U1016,
Institut Cochin,
Génomique, épigénétique
et physiopathologie de la reproduction,
75014 Paris,
France
Résumé. Limplantation embryonnaire a été examinée dans des aspects cliniques et
fondamentaux récents. La question de lenvironnement pré- et périconceptionnel interpelle
aujourdhui dans sa valeur prédictive du succès de la grossesse. Lapproche biochimique
des liquides folliculaire, séminal et endoluminal constitue une source dinformations dans
lexploration des marqueurs préconceptionnels. Des résultats intéressants ont été obtenus en
utilisant le G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) folliculaire pour documenter la
compétence ovocytaire ou/et lexpression des interleukines endométriales (IL-15 et IL-18
ARNm) dans létablissement de biomarqueurs de réceptivité utérine. Limplantation requiert
un environnement endométrial équilibré en cytokines, chémokines et sécrétions diverses
constituant ainsi une véritable niche implantatoire. Les microarrays ont permis didentifier
les principaux gènes régulés en phase de réceptivité. Pour étudier limplantation humaine,
des modèles in vitro ont été développés, en particulier leffet hatching de la zone pellucide,
les conditions dadhérence de lembryon à lépithélium endométrial et la clairance de la
mucine 1. La décidualisation a aussi été abordée dans des modèles in vitro, suggérant
un mécanisme AMPc-dépendant. Dans la phase détablissement de la placentation, le
trophoblaste extravillositaire adopte un phénotype invasif et migre dans la décidue jusquau
myomètre selon un processus bien orchestré et des mécanismes partiellement apparentés à
ceux observés avec des cellules cancéreuses conduisant à dimportantes modifications de la
vascularisation utérine. Des approches épigénétiques pourraient permettre prochainement
den décrypter les dysfonctionnements afin de mieux comprendre les principales pathologies
de la grossesse. Les interactions cellulaires entre trophoblaste extravillositaire, cellules
épithéliales, stromales et vasculaires endométriales et cellules immunitaires sont le pivot de
la consolidation de cette niche implantatoire. Elles sont au centre de lacceptation immuno-
logique de lembryon. Ce dialogue semble essentiel à ladaptation de la vascularisation
utéroplacentaire ainsi quà la croissance et le développement approprié du conceptus.
Mots clés : implantation, follicule, endomètre, décidue, trophoblaste
Abstract. Mechanisms related to the embryo implantation have been examined under new
clinical and basic aspects. Analysis of pre- and peri-conceptional environments highly
suggest a possible predictive value for successful pregnancy. Biochemical investigation of
preconceptional fluids (follicular, seminal or endoluminal fluids) are raising clue informations
and suggest the possibility of preconceptional biomarkers. Interesting results were obtained
using either follicular granulocyte colony-stimulating factor (G-CSF) concentration as biomar-
ker of oocyte competence or IL-15 and IL-18 endometrial mRNA expression as biomarker of
uterine receptivity. Implantation requires an environment equilibrated in endometrial cytoki-
nes, chemokines and various secretions to constitute a true implantation niche. Microarrays
have identified key genes regulated specifically at the phase of uterine receptivity thus during
the implantation window. For human implantation, in vitro models have been developed to
investigate effects of embryo hatching from the zona pellucida, the mucin 1 clearance linked
to the process of embryo adhesion to the endometrial epithelium. Decidualization has been
also addressed by in vitro models showing a cAMP-dependent mechanism. During placenta-
tion, the extravillous trophoblast shows an invasive phenotype and migrates into decidua up
to the myometrium.by implementing a well programmed mechanism with some similarities
with invasive cancer cells leading to noticeable changes in the vascular uterine bed. Epige-
netic studies may give us clue to decipher some placental dysfunctions implicated in the
main pathologies of human pregnancy. Cellular interactions between extravillous tropho-
blast, epithelial, stromal, vascular and immune uterine cells are central to allow the construc-
tion of this implantation niche. They are crucial to let mechanisms of local immune tolerance
to the embryo to take place, allowing the development of an adequate uteroplacental vascu-
lature with an appropriate fetal growth and development.
Key words: implantation, follicle, endometrium, decidua, trophoblaste
doi: 10.1684/mte.2010.0304
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2010 ; 12 (4) : 285-94
médecine thérapeutique
Médecine
de la Reproduction
Gynécologie
Endocrinolo
g
ie
Tirés à part : N. Lédée
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 12, n° 4, octobre-novembre-décembre 2010
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«Limplantation de lembryon est-elle la dernière
frontière de la procréation médicalement assis-
tée ? ». Venant de Robert Edwards, « père » il y a 30 ans
du premier bébé-éprouvette, la question interpelle [1].
Cest un fait, le taux moyen dimplantation des embryons
conçus par FIV/ICSI reste faible, 20 % environ. Cela ne
facilite pas la mise en place de la seule mesure suscep-
tible de réduire les grossesses multiples post-FIV : le trans-
fert dun seul embryon dans lutérus et non de plusieurs
pour potentialiser les chances de succès. Dès lors, la
compréhension clinique de la réceptivité utérine et, plus
largement, du dialogue précoce de lembryon avec lendo-
mètre devient un des enjeux majeurs de la reproduction.
Lobjectif de la médecine de la reproduction nest pas
uniquement la grossesse, mais la naissance denfants bien
portants. Il faut pour cela prendre en compte lhôte, la mère
et son aptitude à recevoir lembryon et à construire autour
de lui sa matrice nourricière [2].
La décidualisation de lendomètre en phase sécrétrice
moyenne, au sens large où nous lentendons, est ce phé-
nomène postovulatoire de remodelage endométrial qui
inclut la transformation sécrétoire des glandes, larrivée
de cellules utérines natural killer (uNK) spécialisées et un
remodelage de la paroi des artères spiralées. Au prix de
cette différenciation sous contrôle de la progestérone (P4)
et de lAMP cyclique (AMPc), les fibroblastes du stroma
endométrial (FSE) décidualisé acquièrent la propriété
unique de réguler linvasion trophoblastique, de résister
aux agressions du stress oxydatif et, enfin, de développer
un environnement de tolérance immunitaire local et pro-
grammé. Chez lhomme, la décidualisation du comparti-
ment stromal survenant en phase lutéale moyenne se
déroule indépendamment de lembryon et ne nécessite
pas sa présence, contrairement à la plupart des espèces
animales. Cela permet denvisager la possibilité que
lanalyse de marqueurs biochimiques, à partir de biopsies
dendomètre prélevées au cours de cycles non concep-
tionnels, soit informative pour le déroulement dune
grossesse ultérieure [3].
Linterprétation de la complexité des phénomènes
implantatoires par des techniques mettant en œuvre
des modèles ex vivo/in vitro humains ainsi que la
génomique et la transcriptomique nous ouvrent de
nouveaux horizons. Le but est dapprocher les
interactions cellulaires dynamiques entre les cellules
épithéliales, stromales, endothéliales et immuno-
compétentes présentes dans lendomètre au cours de la
fenêtre de réceptivité pour reconstituer ainsi de façon
satisfaisante le processus implantatoire. Dans une
première partie, nous développerons une approche
clinique avant daborder les perspectives davenir que
nous offrent les progrès de la recherche. La deuxième
partie est consacrée à lexpression des gènes lors du
cycle menstruel et aux modèles in vitro dimplantation
et de décidualisation, la troisième à linvasion du
trophoblaste extravillostaire et à langiogenèse vascu-
laire qui permettent limplantation durable et le déve-
loppement des produits de conception.
Implantation embryonnaire humaine :
daujourdhui à demain
Les concepts de fenêtre implantatoire
et de réceptivité utérine impliquent
dexplorer précisément lendomètre
en phase lutéale moyenne
En dehors de cette fenêtre précise, lendomètre est
réfractaire à toute implantation et a pour simple mission
de se défendre de toute infection et/ou agression exté-
rieure. Néanmoins, malgré la connaissance théorique
accumulée depuis les études de Psychoyos [4], aucune
approche clinique de routine nest apparue satisfaisante,
principalement du fait des variations dun cycle à lautre.
Par exemple, lhistologie-datation avec marquage des
récepteurs hormonaux se révélera insatisfaisante, et
lapparition des pinopodes non valable, du fait de la
variation dun cycle à lautre chez un même individu.
Lanalyse de la prometteuse protéine antiadhésive, la
mucine-1 (MUC1), nécessite la présence de lembryon
pour être régulée négativement. Le screening à base
dintégrines est spécifique à certaines pathologies, inflam-
matoire principalement.
La quasi-totalité de la littérature traitant des anomalies
vasculaires et de la placentation a établi un consensus sur
la haute valeur prédictive négative en termes de grossesse
évolutive en cas danomalies vasculaires (mauvaise
perfusion) en phase lutéale moyenne ou de trouble de la
prolifération endométriale (endomètre trop mince).
Néanmoins, lensemble des données échographiques a
une très faible spécificité et est peu utile en clinique, car
on nidentifie pas qui doit être traité et qui ne doit pas
lêtre, et surtout aucun paramètre napparaît prédictif du
succès dune tentative de traitement. En revanche, cette
méthode a le mérite de dépister les mauvais pronostics.
Lexploration échographique utilisant les technologies
de troisième dimension associée à une angiographie
avec analyse digitale permet une exploration précise et
quantifiée de la vascularisation utérine et améliore ainsi
la sensibilité du dépistage.
Cette observation consensuelle entre cliniciens invite
néanmoins à rechercher un rationnel moléculaire entre
les anomalies vasculaires (artères spiralées) et léchec
dimplantation.
Les travaux de Loke [5] ont permis de montrer que
linflux dans lendomètre en phase lutéale des uNK était
un élément constructif, essentiel au processus implanta-
toire, contrairement à ce que lon pensait précédemment.
Cest cette mobilisation cellulaire qui instaurerait le
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dialogue immunotrophique à lorigine de la croissance du
fœtus et létablissement dun réseau vasculaire adapté.
Ces présomptions ont été confirmées puis admises par le
monde scientifique [6].
Ces uNK sont particulières dans leur phénotype et
dans leur fonction et se distinguent des cellules NK san-
guines. Très sommairement, les cellules NK sanguines
sont la première ligne de défense de lorganisme. Tout
ce qui nest pas soi est tué immédiatement (cellules
infectées ou cancéreuses). Leur particularité est liée à
leur cytotoxicité aboutissant à la production de cytokines
pro-inflammatoires Th-1. Les uNK sont différentes et se
caractérisent dans une situation normale par une
sécrétion de cytokines Th-2 dominante à lorigine de
limmunotrophisme (base de la croissance fœtale) et de
langiogenèse (développement vasculaire adapté du
placenta). Cela est à lorigine du concept selon lequel la
grossesse est un phénomène Th-2. Ce concept, bien que
révisé, souligne limportance de léquilibre environne-
mental utérin dans le processus dimplantation.
Des données récentes suggèrent que le dialogue
visant à favoriser limplantation est bien plus précoce,
pré- et périconceptionnel, et concerne aussi lenvironne-
ment gamétique (liquides folliculaire, séminal) et
embryonnaire (fluide endoluminal et liquide tubaire).
Environnement pré- et périconceptionnel
gamétique et embryonnaire
Le liquide folliculaire participe aux étapes finales de
maturation de lovocyte dans la trompe. Il contrôle,
avant lovulation les dernières modifications transcrip-
tionnelles et post-transcriptionnelles qui permettront à
lembryon deffectuer ses synthèses protéiques au cours
des premières étapes de segmentation. Son rôle réel est
finalement peu connu. De nombreux facteurs de crois-
sance et cytokines sont présents dans les follicules prêts
à ovuler. Néanmoins, des données récentes permettent de
suspecter un rôle majeur de celui-ci dans la physiologie
normale. Le réseau européen Embryo Implantation
Control (EMBIC) a étudié des liquides folliculaires indivi-
duels tout en établissant une traçabilité de chaque prélè-
vement pour sélectionner les prélèvements correspondant
à un embryon qui parviendra à naître. On peut donc par
cette méthode établir un lien entre lexpression au sein de
lenvironnement ovocytaire et le futur potentiel de vie et
dimplantation de cet ovocyte après fécondation. Létude
en immuno-essai sur microbilles en multiplex a permis
didentifier un biomarqueur significativement prédictif
du potentiel implantatoire, le granulocyte colony-
stimulating factor (G-CSF) en cycle aussi bien stimulé
que naturel [7, 8]. Alors que certains ovocytes ont un
potentiel de naissance dépassant les 40 %, dautres ont
un potentiel de moins de 10 %, alors que rien morpho-
logiquement ne permet de les distinguer. Le G-CSF est
produit par certaines cellules du tractus reproductif
comme les cellules de la granulosa [9], endométriales,
stromales, déciduales et placentaires. Il est intéressant de
voir que ce biomarqueur du potentiel implantatoire de
lovocyte avant lovulation est décrit dix jours plus tard,
donc au moment de limplantation proprement dite,
comme augmentant dans le sérum en cas de grossesse
en cycle naturel [10] et stimulé après FIV/ICSI [9].
Quel est le sens de ce message, où sont les rationnels
des mécanismes ? Est-ce lovocyte lui-même ou une
action à distance du liquide folliculaire ? Très vraisembla-
blement les deux, de manière non exclusive et complé-
mentaire. Nous nen sommes quàlétape délaboration
dhypothèses, mais leur énoncé propre ouvre de nou-
veaux horizons à la recherche. On peut spéculer que le
niveau de G-CSF folliculaire nous donne une information
essentielle sur lovocyte : son habilité au dialogue pré-
coce avec son environnement. Ce dialogue permettra la
préparation dun utérus réceptif, et cela avant même que
lembryon soit généré. Lhypothèse est que la qualité
dun ovocyte semble bien être sa capacité intrinsèque à
préparer lutérus et à influer sur lensemble de son envi-
ronnement vers une voie de tolérance immunitaire.
Lutérus est un lieu de rencontre,
de dialogue et dachèvement
Dans sa globalité, cet organe est remarquable par son
organisation cyclique et sa plasticité. Des études récentes
ont ainsi étudié la composition du fluide endoluminal au
moment de la ponction en phase périovulatoire, grâce à
des techniques de lavage endoluminal ou flushing utérin
[11]. Cest une procédure indolore qui permet détudier le
milieu endoluminal. La cellule épithéliale endométriale
apparaît comme polarisée, avec une sécrétion apicale
en direction de la lumière différente de celle en direction
du stroma et des vaisseaux [12]. Cette polarisation sug-
gère un rôle spécifique des messages envoyés. Dans
cet esprit nous avons en outre mis en évidence que des
sécrétions dIL-18 et de mannose-binding lectin (MBL, un
régulateur du complément) étaient significativement
augmentées en cas dinfertilités dites inexpliquées dès le
moment de la ponction [13, 14]. Une étude plus récente
utilisant la technique dimmuno-essai sur billes en multi-
plex a permis de mettre en évidence lexpression luminale
chez des patientes enceintes au décours de la FIV de
chémoattractants et certaines cytokines de limmunité
innée : lIL-1RA, RANTES, MCP-1, lIP-10, MIP-Iβet
MIP-α, G-CSF et IL-15. En termes finalistes, la mission uté-
rine à ce stade serait très clairement dattirer lembryon et
de préparer sa matrice en conséquence. En utilisant la
même méthode, mais une semaine plus tard en fenêtre
implantatoire, des expressions anormales ont été obser-
vées pour des cytokines clés comme le leukemia inhibi-
tory factor (LIF) en cas déchecs dimplantation [15].
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Enfin, lendomètre lui-même peut être analysé au cours
de cycle non conceptionnel afin de documenter le futur
environnement embryonnaire auquel sera confronté
lembryon transféré.
Les cellules uNK sont le pivot du processus implanta-
toire, leur mobilisation théorique a lieu au moment de
la fenêtre implantatoire. Chez les patientes en échec
dimplantation, on peut très facilement faire un comptage
par immunohistochimie de ces cellules CD56+ en fenêtre
implantatoire. Il est fréquent de constater soit un excès,
soit une déplétion dans des contextes pathologiques.
Ainsi, nous retrouvons, comme pour lembryon, une
notion essentielle de stabilité. Embryon et endomètre
semblent obéir à la « loi du milieu ».
Lenvironnement cytokinique dans lequel évolueront
ces uNK au contact du trophoblaste est probablement
essentiel. Ainsi, dans ces contextes déchecs implantatoires
inexpliqués, nous avons étudié le tripode IL-18/IL-12/IL-15
censé représenter léquilibre cytokinique nécessaire ou
adapté à limmunotrophisme. Linterleukine-18 est une
cytokine bivalente. Elle sera Th-1 en présence dexcès
dIL-12 et -15 ou Th-2 si les IL-12 et -15 sont exprimées à
taux moindre, mais nécessaire. Léchec dimplantation
peut aussi bien résulter dun défaut dexpression et/ou de
sécrétion Th-2 que dun excès de sécrétion Th-1 [16, 17].
Un excès cytotoxique et une activation des cellules uNK
en véritables cellules cytotoxiques (lymphokine activated
killers [LAK]) peuvent constituer une limite à linvasion
trophoblastique et être nocifs pour lembryon. À linverse,
labsence de ces sécrétions au niveau de lendomètre sug-
gère une absence de réactivité de la muqueuse utérine,
réactivité pourtant nécessaire au phénomène dapposition
entre les épithéliums embryonnaire et utérin.
Léchographie avec angiographie digitalisée, nouvelle
méthode non invasive, est la méthode la plus adaptée
pour étudier langiogenèse endométriale [18]. Une angio-
genèse inadaptée est corrélée très significativement avec
ces anomalies dexpressions cytokiniques. Une telle appro-
che peut ainsi servir de base pour une évaluation molécu-
laire et prévenir léchec dimplantation et de gestation.
Lexpression génique
au cours du cycle menstruel
prépare limplantation
Parmi les techniques dinvestigation nouvelles, la
génomique fonctionnelle a permis ces dernières années
des avancées importantes dans le décryptage des méca-
nismes de préparation à limplantation au cours du cycle
menstruel, notamment lors de la phase de réceptivité uté-
rine. La technique des puces à ADN (DNA-microarrays)a
été appliquée à des échantillons dendomètre de différen-
tes phases du cycle utérin. Les résultats ont été analysés
par Giudice en 2006 [19] et interprétés par la technique
danalyse en composante principale (PCA) et celle du
clustering hiérarchique.
La PCA montre que le profil dexpression génique
déchantillons de tissus dont la provenance est connue
correspond aux phases du cycle menstruel : proliférative
(P), sécrétoire précoce (SP), moyenne (SM) et tardive (ST)
enfin menstruelle (M). Des échantillons atypiques sont
cependant observés dans chaque phase. Bien que la plu-
part des études soient convergentes, des disparités ont été
observées quant aux gènes régulés en raison de léchan-
tillonnage des tissus, de variables techniques dans lhybri-
dation, des critères utilisés pour lanalyse des résultats.
Le clustering hiérarchique met en évidence deux bran-
ches principales, lune formée par les phases proliférative
précoce et SP, lautre par les phases SM et ST. La dépen-
dance hormonale a été stigmatisée dans chaque phase
afin dinterpréter les modifications du profil dexpression
des gènes. Les échantillons de la phase P ou les explants
endométriaux traités par lestradiol (E2) sont caractérisés
par des taux dE2 élevés. Ils peuvent être comparés à ceux
de la phase M dans laquelle E2 circulant est trop
faible pour mettre en évidence les gènes E2-régulés.
Les molécules dont lexpression génique est stimulée
sont la glycoprotéine-1 de loviducte, la connexine-37,
lolfactomédine-1 (une glycoprotéine sécrétée dont
lexpression est réduite dans une autre étude), SFRP4
(secreted frizzled related protein 4). Les molécules dont
lexpression est réduite sont des métalloprotéinases
MMP-1, 3 et 10, des interleukines IL-1β, IL-8, IL-11, linhi-
bine βA et SOX4 (facteur de transcription, Sry-related
HMG-bOX 4).
La phase SM sous la dominance de P4 avec de faibles
taux dE2 peut être comparée à la phase P ou aux explants
dendomètre traités par P4 pour détecter les gènes P4-
régulés. Mais cest surtout lors du passage P à SP que
sexpriment de tels gènes. Ainsi, lexpression de la
MUC1, de Dkk1 (Dickkopf-related protein 1, inhibiteur
de la voie Wnt) ainsi que celle dIL15 saccroît. De P à
SP, lexpression de la N-cadhérine est abaissée et celle
de FOXA1 est augmentée. Chez la souris et lhumain, en
comparant oestrus-dioestrus et SP versus P respective-
ment, lhydroxystéroïde déshydrogénase (HSD) 17β2 est
augmentée via les récepteurs de P4 (PR) dans le stroma
et par voie paracrine dans lépithélium. Cette transition
annonce la fin de la dominance dE2 dont les récepteurs
ER seront diminués dans le stroma et disparaîtront de
lépithélium en phase SM.
Lorsquon passe de la phase SP (16 jours du cycle ou
LH + 2) à SM, cest-à-dire en phase de réceptivité (20 à
24 jours du cycle ou LH + 6 à LH + 10), les gènes cxcl4 ou
pf4, une chémokine, et LIF sont transcrits en abondance.
IL-15 est aussi plus transcrit et pourrait contribuer avec
CXCL4 au recrutement des leucocytes. Des gènes de
protéines sécrétées sont aussi activés : CRISP3 (cystein-
rich secretory protein 3), impliqué dans le remodelage
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 12, n° 4, octobre-novembre-décembre 2010
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de la matrice extracellulaire (MEC), et SCGB2a2, dont la
protéine, la sécrétoglobine 2A-2, aux fonctions immuni-
taires de chimiotactisme et probablement de transporteur
de stéroïdes, est utilisée dans la détection de certains
cancers du sein. Dautres gènes sont plus transcrits, en
particulier ceux dantioxydants comme la glutathione pero-
xydase 3 (GPX3) ou la métallothionéine (isoformes 1G, 1H,
1E, 1F, 1L, 1X et 2A) captant aussi des métaux lourds
(cuivre, zinc ou cadmium, mercure, etc.) en protection de
lendomètre préimplantatoire. Une réduction de la tran-
scription est observée pour la SFRP, lolfactomédine-1, PR
et PR membranaire, ER-α, MUC1, HSD17β2 et MMP11 qui
signaient larrivée en phase sécrétoire.
En phase ST, on assiste à une réduction de P4 entraî-
nant lexpression de gènes impliqués dans la constitution
de la MEC (métalloprotéinases, activateurs du plasmino-
gène, facteur de saignement endométrial), dans linflam-
mation (IL-1β, IL-8, CCL2, MCP1), dans la vasoconstriction
et dans la contraction (prostaglandines induites par la
cyclo-oxygénase COX2).
Ces observations concernent lévolution de lendomè-
tre en labsence dembryon. Lendomètre, jusque-là
réfractaire à toute implantation, est prêt à recevoir
lembryon. Ce dernier a acquis dès avant la conception
une aptitude à simplanter qui se consolide au fur et à
mesure de sa progression dans le tractus génital. Il doit
être compétent pour sa fixation dans un utérus réceptif.
Lors de son arrivée dans la lumière utérine au moment
de la phase de réceptivité, il sinstaure un dialogue pro-
pice à sa fixation et à sa nidation par lintermédiaire du
liquide intra-utérin ou par contact cellulaire et grâce à la
décidualisation du stroma endométrial. Pour des raisons
éthiques, ces dernières étapes ne peuvent être explorées
que dans des modèles animaux ou dans des modèles
humains in vitro.
Quapportent les modèles in vitro
au décryptage de limplantation ?
Blastocystes animaux et endomètre humain
Les étapes de limplantation dans les modèles ani-
maux ont été analysées récemment [20]. Pour les modèles
in vitro, peu de laboratoires disposent aujourdhui de
blastocystes humains affectés à la recherche, alors que les
curetages permettent de préparer des tissus endométriaux
susceptibles de décidualiser en culture. Des modèles in
vitro ont donc été développés qui utilisent principalement
des cellules de lignées néoplasiques dendomètre et de
trophoblaste. Ces modèles devraient permettre de définir
les conditions optimales de fixation des blastocystes
àlendomètre.
Le choix des cellules endométriales est guidé par leur
capacité à mimer les cellules in vivo. Les cellules
Ishikawa (ISH) dérivent dadénocarcinomes. Elles sont
adhérentes, à phénotype mixte, épithélial et glandulaire,
et modérément polarisées [21]. Elles expriment des
molécules de surface et dadhérence telles que MUC1,
lostéopontine, CD44, des récepteurs ER, PR, AR et à la
lutéotropine, des cytokines telles que LIF, IL1β, 6 et 11,
LIFR, IL1Rα, des chémokines comme IL8, des hormones
morphogènes comme lactivine et son récepteur. Le point
fort de ces cellules réside dans leur phénotype mixte, leur
polarisation modérée, leur sensibilité aux stéroïdes et leur
fonction sécrétoire, comparé à celui dautres lignées
comme HES sans récepteurs à P4, peu adhérentes et à
phénotype uniquement épithélial. Autant de caractéris-
tiques qui ont justifié leur utilisation comme modèle
dendomètre in vitro.
Des blastocystes de souris prélevés par lavage après
quatre jours de gestation adhèrent au plastique des boîtes
de culture et aux cellules ISH cultivées sur plastique, mais
non sur verre [22]. Le pourcentage dattachement I, après
48 heures dincubation, est compris entre 90 et 100 %.
À la suite dune fixation légère au paraformaldéhyde, un
attachement II irréversible est mis en évidence dans envi-
ron 40 % des cas. Le retrait de la zone pellucide par
courte immersion dans du liquide tyrode acide augmente
la proportion dattachement II de 33 à 53 % et lemploi
danticorps anti-MUC1 na pas deffet sur ces résultats.
Le traitement par P4 réduit bien le taux des récepteurs
ERα. Lors de la préincubation des cellules ISH avec E2,
puis par E2 plus la médroxyprogestérone (MPA), lattache-
ment II atteint 70 % et augmente limmunoréactivité de
MUC1, du kératane sulfate et des glycanes reconnues par
la lectine-DBA. Ce traitement affecterait les cellules ISH et
le blastocyste. La disparition de MUC1 au niveau du site de
fixation du blastocyste alors quautour MUC1 persiste en
mosaïque sur lépithélium, est observée dans 70 % des
cas ; elle a été estimée par immunofluorescence à 17 %.
En revanche, on nobserve pas de modifications de la loca-
lisation apicale de la sialomucine CD164 (ou endolyne)
dans les cellules épithéliales au niveau des sites de fixation.
Ces résultats montrent que la fixation du blastocyste
dépend du mode dancrage de lépithélium sur la MEC
en relation avec sa dépolarisation plus une redistribution
des molécules dadhérence et/ou louverture de lespace
intercellulaire pour linfiltration du blastocyste. Le départ
de la zone pellucide favorise modérément le taux datta-
chements, confirmant lutilité de léclosion artificielle en
procréation médicalement assistée, même si cette opéra-
tion ne modifie pas significativement la disparition de
MUC1. Une imprégnation des ISH par E2, puis par E2
plus un dérivé de P4, favorise ladhérence. Cela confirme
des résultats antérieurs observés chez la souris selon les-
quels elle serait responsable de lentrée en phase de
réceptivité de lendomètre qui permettrait au blastocyste
dacquérir sa compétence à lattachement, lui-même agis-
sant ensuite sur la durée de la fenêtre de réceptivité, la
décidualisation et la poursuite de limplantation [20].
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 12, n° 4, octobre-novembre-décembre 2010 289
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