Sagesse du judaïsme

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Quentin Ludwig
Sagesse
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© Groupe Eyrolles, 2006, ISBN 2-7081-3590-2
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PREMIÈRE PARTIE
B
INTRODUCTION
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Ne néglige pas les discours des sages,
et entretiens-toi de leurs maximes ;
car tu apprendras d’eux l’instruction,
et l’art de servir les grands.
(Siracide 8:8)
Pour cet ouvrage, j’aurais pu me contenter d’un
peu plus de 1000 citations, proverbes, aphorismes, dictons ou citations en rapport avec la
sagesse juive. Le lecteur aurait ainsi eu à sa
disposition, pour une année complète, trois
pensées juives à méditer, à prendre avant chaque
repas ou à utiliser comme prière (certains des
aphorismes cités dans cet ouvrage, extraits des
Pirké Avots (voir annexes), sont d’ailleurs utilisés
dans la communauté juive comme prières). Il m’a
cependant semblé qu’il n’était pas interdit de
s’instruire en méditant ; c’est la raison pour
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laquelle cet ouvrage comprend également des
annexes contenant des articles consacrés aux
ouvrages importants dont est extraite la matière
de ce livre ainsi qu’un petit dictionnaire des
personnages et faits importants dont il est
question dans notre ouvrage.
Ce livre est ainsi divisé en trois parties.
Dans la première partie, il sera expliqué ce qu’est
la sagesse juive et quelles sont ses particularités.
Pour des raisons qui sont intimement liées à
l’histoire juive, une part importante de la sagesse
est condensée dans de petites histoires humoristiques mais nous avons fait l’impasse sur cette
« sagesse populaire ».
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La seconde partie sera consacrée aux citations
extraites des livres juifs, aux aphorismes, aux proverbes, aux récits, etc., proprement dits. Dans la
mesure du possible, nous indiquerons toujours la
provenance de notre citation. Ceci permettra aux
lecteurs désireux d’en savoir plus de se reporter
à la source pour retrouver l’extrait dans son
contexte. Parfois aussi, ce retour à la source
(surtout s’il s’agit du Talmud) lui permettra de
trouver un commentaire ou une anecdote en
rapport avec la vie juive. Le lecteur comprendra
que pour ce qui concerne les proverbes juifs,
ladinos ou arabo-juifs, il n’est pas possible d’indiquer la source : ces textes font partie du
patrimoine commun et, bien souvent, existent
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d’ailleurs en différentes versions selon les
civilisations. En se reportant à la source, le lecteur
ne s’étonnera pas, non plus, de trouver parfois un
texte légèrement différent de celui repris dans
cet ouvrage. Il existe, en effet, de très nombreuses traductions des ouvrages de référence
(dont la Bible) et, selon le traducteur, le texte en
langue française peut varier sensiblement (c’est
la raison pour laquelle nous indiquons dans la
bibliographie les ouvrages consultés).
Dans la troisième partie il sera question des principaux personnages à l’origine de la sagesse
juive. La biographie de ces personnages est
inversement proportionnelle à leur célébrité
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dans le monde non-juif ; ainsi, si tout le monde
connaît Moïse, l’œuvre de Hillel (un contemporain
de Jésus-Christ) est fort peu connue alors
qu’aucun juif n’ignore les querelles qui ont opposé
Hillel à Chamaï (dans notre ouvrage, de
nombreuses citations de sagesse proviennent de
commentaires du talmudiste Hillel).
Cet ouvrage s’adressant essentiellement à des
personnes non pieuses, pour la plupart nonjuives également, nous n’avons retenu que les
citations n’ayant aucun rapport avec la religion.
Ainsi, la sagesse juive, ici citée, devient une
sagesse universelle même si elle garde quelques
spécificités. Le peuple ne s’est d’ailleurs pas
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trompé sur ce point car de nombreux proverbes
de notre civilisation judéo-chrétienne proviennent
de la Bible sans que plus personne n’en ait
conscience. Il en est ainsi des proverbes « Tant
qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », « On ne
discute pas des goûts et des couleurs », « Il n’y a
pas de fumée sans feu », « Toute vérité n’est pas
bonne à dire », etc.
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Sources de la sagesse juive
Pour écrire cet ouvrage nous nous sommes servis
de nombreuses sources dont les plus importantes
sont :
•
La Bible (Ancien Testament).
•
Le Talmud.
•
Le Séfer hamitsvoth (le Livre des
Commandements).
•
Le Pirqé Avot (les Leçons des Pères du Monde).
•
L’avot de Rabbi Nathan.
•
Des ouvrages traitant de l’humour juif.
•
Des ouvrages traitant du mysticisme juif
(kabbale, hassidisme, etc.).
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De manière à ce que le lecteur s’y retrouve
facilement et puisse le cas échéant accéder aux
ouvrages de base, il m’a paru important de
consacrer – dans les annexes – quelques pages
pour situer ces ouvrages d’un point de vue
historique et religieux.
Qu’est-ce que la sagesse ?
Le mot sagesse peut prendre divers sens,
lesquels recouvrent non des comportements
différents mais des niveaux ou des origines
différentes et dont le but ultime est un idéal
d’autonomie et de bonheur. Ainsi, on parlera de
sagesse aussi bien pour décrire le comportement « éclairé » d’une personne dans sa vie
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quotidienne (qu’il s’agisse de son comportement
financier, éthique, matrimonial, etc., importe peu)
que pour décrire un comportement plus exceptionnel qui fait référence à une tradition, à une
philosophie, à une religion. On est « sage »
lorsqu’on économise de l’argent pour doter sa
fille ou lorsqu’on prévoit du matériel de secours
pour partir en expédition, mais on est « sage »
également lorsqu’on conforme sa vie pour plaire
à Dieu, pour atteindre un état de sainteté. On voit
ainsi qu’il existe plusieurs niveaux de sagesse et
que celle-ci puise sa substance autant dans un
savoir ancestral, une philosophie de vie, une
religion que dans une pratique quotidienne. Il
sera question ici tant de l’une – la Sagesse avec
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une lettre majuscule – que de l’autre, c’est-àdire la sagesse au quotidien. Une question se
pose néanmoins : existe-t-il une sagesse juive qui
soit particulière à ce peuple ou à cette religion ?
Spécificités de la sagesse juive
La Sagesse occupe une place toute particulière
dans la religion juive que ce soit dans le judaïsme
antique, le judaïsme rabbinique ou la kabbale. En
effet, la sagesse juive occupe une place de
premier choix dès les premiers instants de la
création du monde car il est dit qu’elle fut la
compagne de Dieu. D’ailleurs les ouvrages de
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mystique juive et, en particulier, les ouvrages traitant de kabbale, décrivent la Sagesse comme
l’une des dix émanations de Dieu. Étant donné
que dans le judaïsme les rôles de l’homme et de
la femme sont parfaitement répartis, on peut
également décrire une sagesse spécifique à
l’homme et à la femme. Dans ce cas, le mot
sagesse désigne plus précisément les « devoirs »
de l’homme et de la femme ; devoirs qui sont
différents selon le sexe comme cela est clairement précisé dans les ouvrages religieux. Dans le
judaïsme, la nature n’étant jamais oubliée, on
peut également décrire une sagesse appliquée
aux animaux et à la nature. Nous nous propo-
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sons, dès lors, de passer très rapidement en
revue les différents niveaux de sagesse qui sont
spécifiques au judaïsme.
La Sagesse de Dieu et la séfira Hokhma
Personne mieux que les kabbalistes n’a parlé de
la Sagesse de Dieu. D’ailleurs, un kabbaliste
contemporain écrit que « à cause de l’absence
de la cabale, la Torah se dessèche et l’on dit
qu’elle est pareille aux autres sagesses des
nations. » (Charles Mopsik, Cabale et Cabalistes.
Albin Michel. Spiritualités vivantes, page 248).
Pour cet auteur, c’est donc, en quelque sorte, la
kabbale qui donne sa spécificité à la sagesse
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juive. Ce qui est vrai mais n’est pas exclusif. Pour
les premiers kabbalistes, la Sagesse et la lumière
se confondent d’une certaine manière : l’une et
l’autre étant à l’origine de la création.
Pour les kabbalistes tardifs (c’est-à-dire ceux
vivant à l’époque postérieure au Zohar), Dieu doit
être reçu sous deux aspects : le Dieu inconnaissable, infini, le Dieu caché, appelé En Sof, dont il
n’est presque rien dit puisqu’il est inconnaissable
et le Dieu créateur, le Dieu d’Israël, lequel se
manifeste sous la forme de dix sphères (ou séfiroth) qui interagissent et créent le lien entre
l’homme et En sof. Trois séfiroth (le pluriel de
séfira étant séfiroth) occupent la première place ;
ce sont : Kétèr (la Couronne), Bina (l’Intelligence)
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et Hokhma (la Sagesse). Pour les kabbalistes, le
monde a été créé par l’émanation de Dieu dans
les dix séfiroth mais la vraie création, à partir du
néant, s’est manifestée lorsque a surgi Hokhma,
la Sagesse supérieure. Pour les kabbalistes,
Hokhma (le père) et Bina (la mère) – la sagesse
et l’intelligence – sont unis dans un véritable acte
d’amour créateur. Pour les kabbalistes, la
Sagesse est la matière première, la lumière, dont
est fabriqué l’univers. Sans entrer dans les
détails, signalons qu’il existe une Sagesse supérieure, participation-émanation de Dieu à la
création de l’univers, Sagesse inaccessible à
l’homme et une sagesse inférieure, sagesse de
l’homme dont le siège réside dans le cerveau.
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Pour certains kabbalistes, l’une serait le début de
la Hokhma et l’autre la fin de la Hokhma. La
sagesse traverserait ainsi – dans toutes les
dimensions, de la création à l’extinction –
l’Univers auquel elle aurait donné naissance. On
comprend, dès lors, l’importance de la sagesse
dans la religion juive et ainsi que de nombreux
ouvrages canoniques lui soient consacrés.
La sagesse des humains
Dans le judaïsme, l’homme est co-créateur avec
Dieu. Il n’est pas seulement responsable de ce
qui se passe sur la Terre mais son comportement
agit également sur ce qui se produit dans l’autre
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monde. Depuis la création du monde, la présence
de Dieu (qui se manifeste par son complément
féminin, la Shekhina) est en quelque sorte en Exil
et c’est le rôle de l’homme de rendre les circonstances favorables pour que la Shekhina revienne
de l’Exil afin que le monde retrouve sa plénitude
d’avant le péché du premier homme. Dans le
Zohar (le livre de base de la kabbale mais aussi
l’un des livres canoniques du judaïsme), la question de l’Exil du Paradis est même posée en des
termes polémiques : est-ce l’homme qui est
chassé du Paradis ou, plus précisément, Dieu luimême, sous son aspect féminin, la Shekhina ?
Pour les religieux, par deux fois l’homme a raté la
possibilité de réunir le Dieu de la Thora et sa
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Shekhina. La première fois, au paradis, en mangeant le fruit de l’arbre de la vie ; la seconde fois,
sous la conduite de Moïse, en adorant le Veau d’or.
Dès lors, aujourd’hui, pour recréer l’harmonie
universelle (autant sur Terre que dans les Cieux),
l’homme est dans l’obligation d’observer les 613
commandements (mitsvots) bibliques. En observant ces commandements, il participe activement au divin, à son union avec la Shekhina, et à
la Rédemption. Cette co-participation à la
création et à la Rédemption donne ainsi un sens
à l’observation des mitsvots, même de ceux pour
lesquels aucune signification n’est proposée (on
sait que Maïmonide, dans son désir de rationalité,
a tenté de justifier les mitsvots mais sans y
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parvenir pour tous). Puisque l’observance des
mitsvots est non seulement obligatoire mais
justifie la vie sur terre, nombre de ces commandements font partie de la sagesse quotidienne
telle qu’elle est transmise de génération en
génération sous différentes formes dont les
proverbes, les sentences et l’humour.
Pour le judaïsme, chaque humain est unique ;
aussi, lors du Grand Jugement, on ne demandera
pas à Joseph pourquoi il n’a pas été Moïse mais
bien pourquoi il n’a pas été Joseph. Chaque
humain est donc irremplaçable et possède un
rôle unique dans le monde. Pour cette raison, la
sagesse juive invite chaque homme à se bien
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connaître et à se réaliser dans la limite de ses
possibilités. Puisque chaque être est unique et
co-participe à la création, l’une des principales
obligations du judaïsme concernant chaque être
humain est de se marier et d’engendrer une
progéniture. Dans l’acte d’amour, l’homme est
co-créateur avec Dieu (le juif pieux est invité à
avoir des relations sexuelles le jour du sabbat et
la tradition dit que lorsqu’un homme et une
femme sont réunis, la Shehkina est parmi eux).
Dès lors, Dieu, selon la tradition juive, ne pardonne
rien à l’homme en ce qui concerne cette
obligation (d’où la grande intolérance sexuelle
des juifs pieux).
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