CHAPITRE 7
Enrochement
7.1 INTRODUCTION
Il se présente parfois des situations de cours d’eau naturels ou de canaux où il est impossible de cons-
truire ou d’aménager en respectant les critères de stabilité précédemment définis. Lorsque le sol ne
permet pas des conditions suffisamment stables, il faut rendre le cours d’eau et les structures résis-
tants à l’érosion en les protégeant.
L’utilisation de cailloux, de roches et plus récemment de roc concassé s’est montré une solution inté-
ressante pour protéger les cours d’eau et les canaux de l’érosion et réaliser certaines structures
hydrauliques. Les roches et les cailloux sont des matériaux souvent disponibles et accessibles près de
plusieurs chantiers. Pour être efficace, leur utilisation dans des projets d’hydraulique nécessite une
bonne connaissance de leurs propriétés et des lois de l’hydraulique.
Les roches, les cailloux ou la pierre concassée peuvent être utilisés pour protéger le fond des cours
d’eau, leurs talus et construire des barrages et des seuils dissipateurs d’énergie.
7.2 DIMENSIONS ET ANGLE DE REPOS
Les cailloux et les roches peuvent être de différentes formes : sphérique, arrondie, cubique, angulaire
ou allongée.
La dimension des petits cailloux est généralement déterminée par tamisage. Les tamis sont constitués
de mailles carrées et la dimension des cailloux tamisée est définie comme la largeur de l’ouverture
entre les mailles au travers duquel la roche ou le cailloux passe pour être retenue sur le tamis aux
mailles de plus petites dimensions. Pour un cailloux arrondi ou sphérique, la dimension des mailles
du tamis sera plus grande que la dimension moyenne. Pour les cailloux de forme allongée, la plus
petite section du cailloux passera dans l’ouverture des mailles du tamis de sorte que la dimension
moyenne sera près de l’ouverture des mailles du tamis.
86
LENROCHEMENT DES TALUS ET DU FOND
Pour la stabilité des roches dans les structures hydrauliques, Stephenson (1979) considère que c’est la
surface exposée à l’écoulement qui est importante. La plus grande face est souvent la plus critique et
la plus petite dimension de cette face contrôle la stabilité.
L’angle de repos des pierres et des cailloux dépend de leur grosseur et de leur angularité comme le
montre la figure 7.1.
Figure 7.1 Angle de repos du matériel granulaire (d’après, Simons, 1961).
26
28
30
32
34
36
38
40
42
44
46
1,00 10,00 100,00 1000,00
Roc concassé
Arrondies
Angulaires
Diamètre des particules (mm)
Angle de repos (θ)
1:1
1,25:1
1,5:1
1,75:1
2:1
Pente
7.3 L’ENROCHEMENT DES TALUS ET DU FOND
Lorsque la vitesse d’écoulement est supérieure au maximum acceptable pourle type de sol rencontré,
le cours d’eau peut être protégé en recouvrant le périmètre mouillé de matériaux pouvant résister aux
vitesses rencontrées. En général, la pierre et les roches sont utilisées.
L’analyse de la stabilité d’une particule (grain de sable ou caillou) sur un talus ou dans le fond d’un
canal est analysé en détails par Julien (2002).
Plusieurs organisations et auteurs ont proposé différentes méthodes ou équations pour déterminer la
grosseur minimale des roches ou des pierres à être utilisée pour réaliser des canaux ou cours d’eau
stable aux forces érosives. Prakash (2004) présente une revue exhaustive des différentes équations
qui ont été proposées. Escarameia (1998) et FHWA (2005) sont deux publications récentes traitant de
la protection des cours d’eau et présentes différentes approches dont celle de l’enrochement (riprap).
Dans la pratique, la dimension minimale des roches ou cailloux est terminée par différentes métho-
des et la valeur de design est choisie en portant un jugement parmi les différentes valeurs calculées.
Les principales équations utilisées sont présentées dans cette section et elles sont regroupées selon
deux approches.
87
ENROCHEMENT
7.3.1 Approches non basées sur la turbulence
La méthode de Maynord (Maynord et al., 1989) estime la dimension des roches et des cailloux par
l’équation suivante :
[7.1]
d
30
D=0, 30 SF
γ
(γ
s
γ)
0,5
V
g D
2,5
d
30
= diamètre des roches dont 30 % sont de diamètre inférieur (m)
D= profondeur moyenne de l’eau (m)
SF = facteur de sécurité utilisé
V= vitesse locale moyenne (m s
--1
)
g= accélération de la gravité (9,8 m s
--2
)
γ= masse spécifique de l’eau (kg m
--3
)
γ
s
= masse spécifique de la roche (kg m
--3
)
Le facteur de sécurité SF recommandée est 1,2. La masse spécifique de la roche normalement utilisé
est de 2640 kg/m
3
. Pour des masses spécifiques de la roche de 2560 kg/m
3
et 2480 kg/m
3
, il est
recommandé de multiplier le d
30
par un facteur de 1,06 et 1,114 respectivement.
La méthode No l du U.S. Army Corps of Engineers (USACE, 1994) propose l’équation suivante :
[7.2]
d
30
D
a
=SF C
s
C
v
C
t
γ
(γ
s
γ)
0,5
V
g D
a
K
2,5
K=facteur de correction pour la pente du talus = [
1
sin
2
θ
sin
2
φ
]
θ= angle du talus par rapport à l’horizontale
ϕ= angle de repos des cailloux ou des roches
SF = facteur de sécurité (1.1 -- 1,5)
D
a
= profondeur locale de l’écoulement
C
s
= coefficient de stabilité
C
v
= coefficient de distribution verticale de la vitesse
C
t
= coefficient d’épaisseur
Pour la protection du lit d’un canal ou d’un cours d’eau, K = 1 puisque
θ0
. Le coefficient de stabi-
lité C
s
est égal à 0,30 pour les pierres angulaires et 0,375 pour les pierres rondes. Le coefficient de
distribution verticale de la vitesse Cv est égal à 1,0 pour les canaux droits et peut atteindre 1,283 dans
les courbes. Le coefficient d’épaisseur Ct est égal à 1,0 lorsque l’épaisseur de l’enrochement est égale
au d
100
.
88
LENROCHEMENT DES TALUS ET DU FOND
Le modèle de l’ASCE (Vanoni, 1977) calcule le d
50
minimum :
[7.3]
d
50
=
6W
50
π γ
s
0,333
[7.4]
W
50
=0, 0232 G
s
V
6
(G
s
1)
3
cos
3
θ
W
50
= poids des pierres (kg) pour un diamètre d
50
des pierres
G
s
= densité relative des pierres
Le modèle empirique du U.S. Bureau of Reclamation {Peterka, 1958) spécifie simplement le d
50
en
fonction de la vitesse moyenne dans le canal ou le cours d’eau :
[7.5]
d
50
=0, 043 V
2.06
a
V
a
= vitesse moyenne dans le canal ou le cours d’eau (m s
--1
)
Pour permettre les comparaison entre les différents modèles, le d
50
est estimé à 1,5 d
30
.
Pour des raisons de stabilité, il est recommandé d’utiliser des pierres de différentes dimensions dans
l’enrochement de sorte que les plus petites pierres occupent les espaces vides entre les plus grandes
pierres. Différentes répartitions de la grosseur des pierres sont recommandées par différentes organi-
sations et le tableau 9.1 présente celle de Barfield et al. (1981).
Tableau 7.1 Répartitions de la grosseur des pierres (Barfield et al., 1981).
Dimension des pierres Pourcentage du poids total des pierres plus petites
2d
50
100
1,7 d
50
85
1,0 d
50
50
0,42 d
50
15
0,10 d
50
0
L’épaisseur de l’enrochement généralement recommandée est de 2 d
50
ou de la dimension de la plus
grande pierre.
7.3.2 Approche basée sur la turbulence
La vitesse d’écoulement en un point donné d’un cours d’eau ou d’un canaln’est pas constante etvarie
localement. Ces variations locales sont d’autant plus grandes que l’écoulement est turbulent, ce qui
est généralement le cas dans les cours d’eau. Ces variations de vitesse peuvent causer des problèmes
d’érosion.
La turbulence est définie en terme de niveau ou d’intensité de turbulence (turbulence intensity) et
représente la variation de vitesse par rapport à la vitesse moyenne. Comme la turbulence est difficile à
89
ENROCHEMENT
mesurer, elle est souvent définie de façon qualitative. Des mesures effectuées en Angleterre (Escara-
meia et al., 1995) ont permis de quantifier les niveaux de turbulence (turbulence intensity) présents
dans différents tronçons. Le niveau de turbulence a été défini comme le rapport de la racine carrée des
vitesses au carré (root mean square) sur la vitesse moyenne. Les vitesses étaient mesurées près du
fond, à une profondeur correspondant à 10 % de la profondeur d’eau au--dessus du fond. En l’absence
de mesures, Escarameia (1998) d’utiliser les données du tableau 7.2.
Tableau 7.2 Niveaux de turbulence (Escarameia, 1998).
S
i
t
u
a
t
i
o
n
Niveau de turbulence
S
i
t
u
a
t
i
o
n
Qualitatif Intensité (TI)
Cours d’eau ou tronçon droit et courbes
naturelles (R/W > 26) Normal (faible) 0,12
Bordures des revêtements dans des tronçons
droits Normal (élevé) 0,20
Piliers de ponts, caissons, brise--lames;
transitions Moyen à élevé 0,35 -- 0,50
À l’aval de structures hydrauliques (déversoirs,
ponceaux, bassins de dissipation) Très élevé 0,60
L’équation de Escarameia et May (1992) qui a été développée à partir d’essais en laboratoire utilise le
concept de turbulence :
[7.6]
d
50
=CV
2
b
2g(γ
s
γ1)
d
50
= diamètre des roches dont 50 % sont de diamètre inférieur (m)
g= accélération de la gravité (9,8 m s
--2
)
V
b
=vitesse près du fond (à 10 % de l’épaisseur de l’eau au--dessus du fond
(m s
--1
)
C= coefficient intégrant l’intensité de la turbulence
Le d
50
est estimé du poids d’un cube
W
50
γ
s
13
.
Pour l’enrochement, la valeur du coefficient “C” est estimée avec l’équation suivante qui est valide
pour des TI > 0,05 et des pentes de talus inférieures 1:2 :
[7.7]
C=12, 3 TI 0, 20
TI = intensité de la turbulence (tableau 7.2)
Pour des intensité de turbulence TI < 0,5, la vitesse au fond peut être estimée :
[7.8]
v
b
=(1, 48 TI +1, 04)V
1 / 16 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !