Premie
`res identifications de lymphocytes T
dans les plaques d’athe
´roscle
´rose
L’une des raisons majeure de cette ignorance résidait dans
la difficulté technique à identifier les cellules immunocom-
pétentes : aucun des sous-types lymphocytaires ne possède
une morphologie spécifique après sa différenciation ou son
activation. Le développement d’anticorps monoclonaux
spécifiques de molécules sélectivement exprimées sur les
sous-populations lymphocytaires et celui des « Clusters of
Differenciation » (CD), ont ouvert la voie à une identifica-
tion précise des leucocytes et à une meilleure connaissance
de leur distribution dans la plaque d’athérome.
Au début des années 1980, Goran Hansson et Jan Holm ont
utilisé ces nouveaux marqueurs dans un travail publié dans
le Journal of Clinical Investigation, qui visait à identifier et
à positionner les différentes populations leucocytaires dans
la plaque d’athérosclérose. Sans grande surprise pour ceux
qui connaissaient la littérature classique de Virchow, la
plupart des cellules spumeuses ont alors été identifiées
comme des macrophages. Une proportion conséquente de
ces cellules exprimait une protéine du CMH de classe II,
HLA-DR, indiquant leur capacité à présenter des antigènes
aux cellules T CD4+, et suggérant fortement que la réponse
immunitaire et un processus inflammatoire actifs étaient des
acteurs potentiels de l’athérogenèse. Cet article fut le pre-
mier à proposer et démontrer clairement un rôle de l’immu-
nité cellulaire dans l’athérosclérose.
Des cellules T CD4+ ont été trouvées, en quantité impor-
tante, dans l’épaulement et la chape fibreuse de la plaque
d’athérosclérose, où elles représentent environ 20 % du
total des cellules présentes. Les cellules T CD8+ sont pres-
que aussi abondantes que les cellules CD4+ dans les parties
périphériques de la plaque. Quasiment aucun neutrophile
n’a été détecté dans la plaque, indiquant que l’inflammation
à ce niveau évolue dans un contexte chronique et stable.
De plus, la rareté des cellules B dans la plaque d’athérome
oriente plus vers une réponse cellulaire que vers la piste
d’une immunité humorale. La dominance des cellules T
dans les plaques a été confirmée sur des critères fonction-
nels. Des méthodes indirectes de détection des cellules B et
T ont été ensuite utilisées, toujours par l’équipe de Goran
Hanson : affinité spécifique des cellules B pour les anti-
immmunoglobulines, « rosetting » avec des érythrocytes
de mouton. Aucune cellule B n’a été détectée dans la plaque
alors que 5 % des cellules isolées étaient des cellules T.
Ces découvertes ont été publiées en 1986 par l’équipe de
G. Hansson, et ont été appuyées à la fin de cette même
année par un travail de Gown identifiant des cellules posi-
tives pour le LCA (leucocyte common antigen) de type lym-
phocytaire dans les plaques d’athérome.
Une re
´action immune active
Les deux tiers des cellules T isolées des plaques d’athéro-
sclérose sont HLA-DR positives, indiquant un processus
immun actif au sein de la plaque. Bien que la plupart des
cellules exprimant HLA-DR dans les plaques d’athéro-
sclérose soient d’origine leucocytaire, une proportion non
négligeable de CML HLA-DR positive a été trouvée dans la
plaque alors que les CML de la media ou d’intima saine
étaient toutes négatives pour ce marqueur. Thorsby et son
équipe avaient déjà démontré, en 1980, que les cellules
endothéliales vasculaires pouvaient activer les cellules
Tvia HLA-DR, identifiant ainsi un lien entre la paroi
vasculaire et le système immunitaire. Il devint alors évident
que les cellules T étaient impliquées dans l’expression
aberrante de HLA-DR ; en 1983, Pober démontra que
l’interferon-γ(IFN-γ), sécrété par les cellules T, induit
l’expression de molécules du CMH de classe II par des cel-
lules endothéliales en culture. Quelques années plus tard, le
groupe de Hansson démontrait que l’IFN-γinduit l’expres-
sion d’HLA-DR par les CML et que l’expression des molé-
cules du CMH de classe II est induite, in vivo, dans un
modèle animal d’athérosclérose.
La découverte de l’expression de molécules du CMH suite à
une atteinte vasculaire poussa Hansson et son équipe à tes-
ter l’hypothèse selon laquelle une immunomodulation
pourrait inhiber la resténose vasculaire. Un inhibiteur sélec-
tif des cellules T, la cyclosporine A, a d’abord été utilisé
dans un modèle d’atteinte endothéliale chez le rat.
La cyclosporine A a, dans ces conditions, entraîné une
réduction de l’expression des molécules du CMH et de la
prolifération des CML, ainsi qu’une réduction de la resté-
nose artérielle. Bien que cette découverte fut alors ignorée
par l’industrie pharmaceutique, la génération suivante de
modulateurs des cellules T, représentée par la rapamycine
(sirolimus), eut plus de succès. L’utilisation de stents libé-
rant cet immunomodulateur pour éviter la resténose après
angioplastie, est aujourd’hui de pratique clinique courante
et directement issue des travaux fondamentaux que nous
rapportons ici.
De façon surprenante et paradoxale, l’IFN-γinhibe forte-
ment la différenciation et la prolifération des CML vascu-
laires in vitro et in vivo. Libby et Amento démontrèrent en
1991 que l’IFN-γdiminue également la capacité des CML à
produire des fibres de collagène, suggérant un rôle potentiel
des cellules T dans l’amincissement de la chape fibreuse,
facteur de déstabilisation de la plaque d’athérosclérose [1].
Dans leurs premières études sur les plaques humaines,
Hansson et al. avaient détecté l’IFN-γdans et autour des
cellules T, suggérant un effet paracrine intra-plaques qui
fut confirmé ultérieurement par des méthodes plus moder-
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STV, vol. 22, n°3, mars 2010
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