Entre  Genève  et  Soleure,  il  y  a  la  France  comme 
puissance, comme protectrice, comme médiatrice, 
et l’Empire romain germanique. Son ambassadeur 
malgré sa proximité avec Berne et le succès populaire des 
prédicateurs  réformés.  Elle  est  bien  située  pour  être  le 
centre du jeu diplomatique entre le roi et les Confédérés, 
liés par la «paix perpétuelle» de 1516 et l’alliance de 1521. 
L’ambassadeur  de  France,  le  «bassidor»  comme  disent 
les Soleurois, devient le personnage important de la ville, 
pourvoyeur d’emplois, organisateur de fêtes, dispensateur 
quelle que soit leur religion: peu importe leur Dieu, pourvu 
qu’ils soient unis, le plus unis possible. C’est la tâche de 
l’ambassadeur de maximaliser la cohérence de l’ensemble 
helvétique.
Genève, devenu  protestante  en 1536,  est alors  dans  une 
proximité périlleuse avec la Savoie, qui ambitionne de s’en 
emparer. La cité de Calvin n’a de traité de combourgeoi-
sie  qu’avec  Berne,  protection  qu’elle  souhaite  renforcer 
en demandant formellement en 1571 à être admise dans 
l’alliance confédérale. La France appuie de tout son poids 
cette revendication. Les cinq cantons catholiques de Suisse 
centrale, Uri, Schwytz, Unterwald, Lucerne et Zoug, s’y 
opposent farouchement. Ils envoient des délégations à 
Soleure et Fribourg, plutôt favorables, pour les dissua-
der  d’accueillir  l’hérétique  Genève,  «peuple  infâme  et 
sans Dieu». 
Le  massacre  des  huguenots  français,  à  la  Saint-Barthé-
    
peuvent  plus  espérer  s’entendre  avec  les  catholiques,  et 
d’autant moins que des catholiques suisses ont participé 
aux crimes de Paris. 
De  leur  côté,  les  cantons  catholiques  s’activent  avec  la 
Savoie, à laquelle ils promettent leur aide si elle prend 
Genève, ou Vaud, ou les deux. Une alliance est même jurée 
à Turin en 1578, après qu’une pluie de cadeaux et magni-
      
de Suisse centrale. 
Soleure  n’est  pas de cette partie.  Peut-être parce  qu’une 
opinion protestante y subsiste, ou parce le «bassidor» se 
montre  convaincant.  Celui-ci  s’inquiète  en  effet  de  l’al-
liance de Turin: elle est une menace de guerre sur l’espace 
helvétique. Berne, pour sa part, la juge déloyale puisque 
les cantons catholiques renoncent à la reconnaissance de 
ses nouvelles possessions vaudoises. 
Après la tentative de Jacques de Savoie de mettre la main 
sur Genève, en 1578, l’alarme est au plus haut. Soleure 
se joint  alors à Berne et  à la  France  de Henri  III pour 
signer, le 8 mai 1579, un traité «perpétuel» pour la pro-
tection de Genève. 
C’est un texte majeur dans l’histoire des deux villes.
Genève est intégrée avec Vaud dans la paix perpétuelle qui 
avait été conclue en 1516 entre François 1er et les cantons 
suisses; les citoyens genevois sont placés sur le même pied 
que les sujets du roi en France; Henri III s’engage à mettre à 
disposition un contingent de 1500 hommes aussi souvent 
que Berne et Soleure se verraient obligées d’envoyer des 
troupes protéger Genève. Mais l’ambassadeur a son mot à 
dire sur la situation. Il se trouve donc placé en position de 
décideur sur les affaires genevoises et suisses. 
Soleure, quant à elle, acquiert dans la Confédération un 
rôle politique auquel son catholicisme ne la prédestinait 
pas.  Elle  se  met  à  même  de  porter  des  jugements  et 
d’entreprendre des actions qui transcendent les adhésions 
religieuses, rôle qui conforte celui que la France prétend 
jouer.
Le  traité  de  Soleure  est  renforcé  en  1584  par  l’apport 
de Zurich, qui signe un accord de combourgeoisie avec 
Genève, forte pour deux siècles de la protection des deux 
plus puissants cantons suisses. 
La France d’après 1789 n’a pas de visées différentes pour 
la Suisse que la France d’avant: la paix confédérale avant 
tout.  Seule  la  méthode  change:  Genève  est  annexée  et 
Soleure occupée, avec le reste du pays. Les deux villes ne 
pourront plus rien l’une pour l’autre.
ENTRE GENÈVE 
ET SOLEURE
L’agent français