Enluminures en terre d’Islam
entre abstraction et figuration
La figuration est-elle totalement exclue de l’art islamique ? Fourmillantes de personnages
et de vie, les nombreuses miniatures qui ornent certains livres semblent prouver le
contraire. A travers quelque quatre-vingts prestigieux manuscrits arabes, persans et turcs,
l’exposition illustre le paradoxe entre un art excluant toute représentation d’êtres animés
et l’existence, dans les livres du monde islamique, de nombreuses miniatures.
A côté d’une esthétique commune édifiée autour du Coran et rejetant la figuration, coexistent,
dans les textes littéraires, historiques et scientifiques de nombreuses représentations figurées.
Même si elle ne fait pas l’objet d’un interdit explicite dans le Coran, l’image figurative est, dès
l’origine, totalement exclue du domaine religieux. Cette impossibilité va conduire à la formation
d’un art original basé sur la calligraphie, l’entrelacs géométrique et l’arabesque qu’on retrouvera
également dans le domaine du profane.
Exclue des sciences strictement religieuses, la figuration est restée limitée dans le monde arabe
à l’illustration de textes scientifiques et à de très rares œuvres littéraires comme les Maqamât
d’al-Harîrî ou Kalila wa Dimna, fables animalières venues d’Inde. Du fait sans doute de leurs
origines culturelles différentes, Persans et Turcs élargirent le champ des oeuvres illustrées au
domaine de l’histoire, de l’épopée et de la poésie. Le Shâhnâmeh, grande épopée nationale
iranienne en est le plus bel exemple. Dans certains contextes historiques, apparurent même
des représentations d’ordre religieux en dehors du Coran et des sciences qui lui sont associées.
Corans, albums de calligraphie, textes d’astronomie ou d’astrologie, de pharmacopée ou de
zoologie, grands textes littéraires, recueils de poésie, chroniques historiques et représentations
religieuses témoignent au fil du parcours de la riche activité culturelle du monde islamique du
VIIIe jusqu’au XIXe siècle. L’exposition qui comporte en outre cinq livres audiovisuels à feuilleter,
s’ouvre sur un magnifique Coran andalou du XIVe siècle et se clôt sur l’image emblématique du
Prophète chevauchant al-Burâq, sa monture fabuleuse.
Comptant parmi les plus beaux exemplaires de l’art du livre en terre d’Islam, les pièces présentées
dans l’exposition font partie d’un programme de numérisation intégrale de plus de trois cents
manuscrits arabes, persans et turcs, réalisée grâce au mécénat de la Fondation Total. Ils sont
accessibles en ligne dans Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF (gallica.bnf.fr).