Les conséquences
d’un tel modèle
sont connues :
spéculation,
corruption...
Le modèle d’
«usine du monde»
montre également
ses limites…
…L’inflation
rogne la
compétitivité, et
les salaires
continuent de
grimper.
Pour autant, la
consommation
intérieure
n’augmente pas
comme elle le
devrait, et les
problèmes se
multiplient.
La saga du TGV
en juillet 2011
reflète la
recherche d’une
croissance à tout
prix, où la quantité
néglige la qualité.
Cette économie de casino, où la spéculation effrénée s’appuie sur des
protections politiques locales – sans même parler de corruption – se conforte
de circuits parallèles non officiels. Les masses financières de la tontine (Hui)
ou le shadow banking (formé de placements de particuliers) représentent sans
doute le double des dépôts bancaires. Que des difficultés interviennent, et le
système peut être atteint de thrombose, comme l’illustrent en 2011 les milliers
de faillites d’entreprises dans la région de Wenzhou, lesquelles avaient
emprunté aux shadow banks à des taux jusqu’à 70% l’an ! Ce modèle de
soutien de la croissance par l’investissement massif était similaire au Brésil
dans les années 70 ou au Japon dans les années 80. On connait la suite.
Deuxième moteur : l’exportation. Le modèle d’« usine du monde »
montre ses limites actuellement, à la fois parce que les marchés occidentaux
sont moroses et parce que les coûts de main d’œuvre augmentent
inéluctablement. Certes, les exportations chinoises ont encore caracolé cette
année, passant de 1 577 milliards de dollars en 2010 à 1 898 en 2011. Certes,
les investissements directs étrangers continuent leur progression, passant de
106 milliards de dollars en 2010 à 115 en 2011. Mais l’inflation très
importante rogne la compétitivité. Le chiffre moyen admis est de +5,5% en
2011, mais ceci masque des hausses de +60% pour les légumes et la viande de
porc, du même ordre pour les logements, le tout à l’avenant. Alors on
augmente les salaires de l’ordre de +20% par an. Et – fait nouveau depuis
l’année dernière – on le fait maintenant de plus en plus sous la pression de
grèves à répétition, de plus en plus ouvertes et commentées.
Le troisième moteur, celui de la consommation intérieure, devrait donc
servir de relai. C’est même devenu la doxa officielle. Mais la part de la
consommation dans le PIB n’augmente pas. Elle a même légèrement régressé
de 40% du PIB en 2010 (total des ventes de détail) à 39% (même en période
de récession, la consommation américaine représente 70% du PIB). La
nouvelle classe moyenne chinoise est plus riche que les statistiques ne le
disent. L’argent caché des Chinois (cf. TOPIC février 2011) représente
vraisemblablement près du double des revenus totaux recensés. Mais ils vont
se placer dans des biens durables. Un garçon en ville ne peut tout simplement
pas se marier aujourd’hui s’il ne possède pas un appartement. Le reste des
revenus, déclarés ou non, est stocké sous forme d’épargne, parce que le
financement public de la santé, de l’école, des retraites est encore à un stade
peu avancé et que seul un matelas personnel de liquidités peut y parer. Les
autorités, qui mettent en place des systèmes variés de protection sociale, le
savent bien. Elles savent aussi que la fenêtre de tir pour le faire se refermera
en 2015, lorsque la courbe de dépendance démographique (actifs par rapport
aux jeunes et aux vieux), exceptionnellement favorable actuellement, va
s’inverser. Mais tout cela va moins vite que la musique ou que l’inflation.
La recherche permanente et brouillonne de la croissance à tout prix a
privilégié la quantité au détriment de la qualité, comme l’illustre, parmi bien
d’autres, la saga du TGV. Dans sa hâte à se doter du plus vaste système
ferroviaire au monde (13 000 km de voies initialement prévues fin 2012,
50 000 d'ici 2020), la Chine a mis la charrue avant les bœufs. La destitution en
février 2011 du ministre des Chemins de fer, Liu Zhijun, pour corruption avait
levé un coin du voile. On savait que le ministère du Rail était devenu un Etat
dans l’Etat et qu’il dépensait au-delà de toute raison. Les projets de
développement, financés par la dette, ne représentaient pas moins de
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