Cours 10 : Diversification des espèces et évolution Des espèces ou des individus très proches peuvent présenter une grande diversité de phénotypes qui ne peut pas s'expliquer par de simples mutations. L'association entre les mutations et le brassage génétique au cours de la méiose et de la fécondation ne suffit pas à expliquer la grande diversité des organismes. Il existe d'autres mécanismes, d'origine génétique ou non, qui permettent de créer une grande diversité d'espèces, mais aussi d'augmenter la variabilité au sein de celles-ci. I) La diversification des génomes A) Le polyallélisme et le polymorphisme Chez les espèces à reproduction sexuée, même s'il existe une stabilité importante du génome (quantité d'ADN, nombre et emplacement des gènes sur les chromosomes, ...), la diversité génétique au niveau des individus est à l'origine d'une très grande variabilité des phénotypes. La quasi-totalité des gènes existent sous forme de plusieurs allèles = polyallélisme (c'est l'existence d'au moins deux allèles pour un gène donné) et les fréquences de chaque allèle peuvent varier d'une population à l'autre. On peut caractériser chaque population par l'ensemble des allèles qu'elle possède (= pool allélique). Le polymorphisme de la population se définit par la variabilité des phénotypes au sein d'une population. Le concept de polymorphisme génétique (du grec « poly » plusieurs et « morphê » forme) désigne la coexistence de plusieurs allèles pour un gène ou locus donnés, dans une population. Il explique qu'une espèce présente des individus aux caractères phénotypiques différents (appelés morphotypes) au sein d'une même population. D'autre part, un gène est dit polymorphe si au moins deux de ses allèles sont présents à une fréquence supérieure ou égale à 1% dans la population. B) Les mutations ponctuelles: l'origine du polyallélisme 1) Généralités Les différents allèles d'un même gène présentent des différences de séquence plus ou moins importantes qui résultent de l'accumulation de mutations géniques survenues au cours du temps. Ces mutations (changements de la séquence de nucléotides de l'ADN) sont rares, spontanées et aléatoires (non orientées) ; elles peuvent toutefois être favorisées par certains facteurs d'origine environnementale comme le rayonnement UV. Une mutation peut être plus ou moins étendue, c'est-à-dire qu'elle concerne une portion plus ou moins grande de la séquence nucléotidique. Les mutations ponctuelles ne concernent qu'une paire de nucléotides. Remarques : - Seules les mutations se produisant dans les cellules germinales peuvent être transmises à la génération suivante et être à l'origine d'un nouvel allèle. - La fréquence de mutation par gène et par génération est estimée à 10 -6. 2) Rappel sur les principaux types de mutations Rappel : On distingue les mutations ponctuelles et les mutations chromosomiques (duplication, translocation, inversion, délétion, insertion…). Les mutations chromosomiques correspondent à des cassures ou des remaniements de chromosome qui sont visibles au niveau du caryotype car concernent un grand nombre de nucléotides dans l'ADN. Les mutations ponctuelles correspondent à la modification d’une seule ou quelques paires de bases azotées dans la molécule d’ADN et ne sont donc invisibles au niveau du caryotype. Les mutations géniques ponctuelles sont de plusieurs types : les substitutions, les additions et les délétions. Les substitutions sont dues au remplacement d'une paire de nucléotides par une autre. Ce remplacement peut : ⇒ ne pas provoquer de changement au niveau de la séquence d'acides aminés de la protéine codée par le gène. La mutation est dite silencieuse (ou neutre) car elle n'a pas de conséquences phénotypiques. ⇒ Dans le cas contraire, elle peut induire le remplacement d'un acide aminé par un autre, la mutation est dite faux-sens (ex : drépanocytose Glu->Val, chr 11 ; phénylcétonurie Glu->Lys, chr 12) ⇒ ou créer un codon stop qui induit un arrêt prématuré de la traduction : la mutation est dite non-sens. Les additions ou insertions sont dues au gain d'au moins une paire de nucléotides alors que les délétions sont dues à la perte d'au moins une paire de nucléotides (ex : délétion : mucoviscidose, 3 nucléotides délétés, chr 7, Phe 508 éliminé). Elles sont le plus souvent décalantes et en changeant le cadre de lecture induisent une modification importante de la séquence en acides aminés. Les conséquences phénotypiques sont donc souvent lourdes d'autant que la possibilité d'un codon stop est forte. Les mutations qui induisent un changement de séquence de la protéine peuvent avoir des répercussions sur la structure de la protéine et donc sur sa fonction, qui peut être altérée. Les mutations non-sens sont à l'origine de la synthèse d'une protéine écourtée, le plus souvent non fonctionnelle. Une mutation ne sera transmise que si elle affecte les cellules sexuelles, par contre, lorsqu'une mutation s'effectue sur les cellules somatiques la mutation n'est pas transmise. Au sein d'une espèce, le polymorphisme des gènes résulte de l'accumulation de mutations au cours des générations. Suivant leur nature et leur localisation, les mutations ont des conséquences variables sur le phénotype moléculaire. C) Les duplications géniques et la complexification des génomes : origine des nouveaux gènes Certains mécanismes peuvent aboutir à la formation de nouveaux gènes. Il s'agit de phénomènes de duplication lors desquels une ou plusieurs copies d'un gène peuvent être créées. Ces copies subissent ensuite une transposition (= migration vers un autre locus) et éventuellement des mutations, chaque copie évoluant de son côté en fonction du nombre de mutations qu'elle subit. On obtient alors des gènes différents, codant pour des protéines aux fonctions voisines ou complètement différentes, mais qui présentent de grandes similitudes au niveau de leur séquence nucléotidique. Ces gènes qui dérivent d'un même gène ancestral sont qualifiés d'homologues et constituent une famille multigénique. C'est le cas chez l'homme, par exemple, des gènes qui codent pour les différentes chaînes de globines. Ces phénomènes de duplication-transposition-mutation ont joué un rôle important dans la complexification du génome au cours du temps. 1) La notion de famille multigénique Lorsque l'on compare les séquences nucléotidiques de certains gènes, on constate qu'ils peuvent présenter de très grandes similitudes et on dit qu'ils sont homologues et qu'ils descendent du même gène ancestral. On parle alors de famille multigénique. Une famille multigénique est donc un ensemble de gènes présents chez une même espèce, présentant des homologies de séquences, et dérivant d'un gène ancestral qui s'est multiplié au cours de l'évolution. 2) Mécanisme à l'origine des familles multigéniques Le mécanisme précis est : duplication-transposition-mutation. Les familles de gènes sont issues d'une ou plusieurs duplications de gène ancestral. La duplication est la fabrication de deux copies identiques d'un gène. Certains crossing-over inégaux peuvent modifier le nombre de copies d'un gène au niveau du génome. Le transfert n'est pas équilibré (le nombre de gènes est différent entre les deux cellules issues de la méiose I) : il y a duplication de certains gènes. Le phénotype résultant après fécondation n'est pas pour autant anormal ou pathologique. La seconde version peut ainsi muter pendant des générations sans conséquence phénotypique jusqu'à aboutir à une nouvelle molécule et une nouvelle fonction. La duplication est suivie de la transposition : c'est le transfert d'un duplicata (d'une copie) en un autre locus. Cela peut se faire sur le même chromosome ou sur un autre chromosome ; dans ce dernier cas on dit qu'il y a translocation. Les familles multigéniques proviendraient donc d'un gène ancestral commun qui aurait subi des duplications, transpositions et mutations au cours du temps. C'est l'ensemble de ces trois mécanismes qui aurait entraîné une complexification des génomes. L'ensemble des gènes issus de duplications suivies de mutations constitue des familles multigéniques. On admet que lorsque deux séquences protéiques présentent plus de 20% de similitudes, deux séquences nucléotidiques présentent plus de 40% de similitudes, ces similitudes ne peuvent être dues au hasard et témoignent d'une parenté entre les séquences. Les séquences sont alors qualifiées de séquences homologues. Les mutations affectant indépendamment chaque copie, on dit qu'il y a évolution divergente des duplicata. On utilise les pourcentages de similitudes entre les séquences pour établir la chronologie des duplications : plus les similitudes entre les séquences nucléotidiques de deux gènes actuels sont importantes, plus la duplication dont ils dérivent est proche dans le temps. Remarque : Plus le % d'identité est important, moins la molécule ancestrale commune hypothétique est ancienne. Bilan : Les mutations et les duplications sont les deux sortes d'innovations génétiques engendrant la variabilité des génomes au cours de l'évolution. Les mutations sont à l'origine : - des différences entre gènes homologues chez différentes espèces apparentées, - des différences entre allèles d'un même gène chez une même espèce, - des différences entre les gènes homologues appartenant à une même famille multigénique. Les mutations permettent la diversification du génome sans en augmenter la taille. Les duplications sont à l'origine de la création de nouveaux gènes et constituent ainsi le processus fondamental de complexification du génome. Toutes ces innovations génétiques sont aléatoires et leur nature ne dépend pas des caractéristiques du milieu. D) Mutation des gènes du développement et évolution 1) Mutation des gènes du développement et innovations morphologiques Les gènes homéotiques sont des gènes impliqués dans le développement. Ils permettent la synthèse de protéines qui contrôlent l'expression des gènes et donc le devenir des cellules dans un organisme pluricellulaire. Ces gènes se retrouvent chez tous les animaux et possèdent des régions très similaires, quelle que soit l'espèce considérée. Les gènes homéotiques dérivent tous d'un gène ancestral qui s'est dupliqué et diversifié, mais toutes les protéines codées comportent un homéodomaine de 60 acides aminés hautement conservé au cours de l'évolution. A cet homéodomaine protéique correspond une séquence ADN appelée homéobox (est une séquence de 180 paires de bases nucléotidiques qui code pour l'homéodomaine). Des mutations sur les gènes du développement sont susceptibles d’avoir des conséquences phénotypiques beaucoup plus importantes si elles ne sont pas létales ni éliminées par la sélection naturelle. En effet, les gènes du développement sont les gènes architecturaux de l’organisme : ils codent des protéines qui orchestrent le développement de l’individu. De telles mutations, très rares, peuvent être corrélées à des modifications du plan d’organisation et donc être impliquées dans l’évolution des espèces. Les mutations des gènes du développement, et en particulier des gènes homéotiques, pourraient expliquer les discontinuités évolutives. Ils ont été observés dans de nombreux groupes d’êtres vivants très éloignés phylogénétiquement. Leurs séquences nucléotidiques sont très proches. On parle d’homologie de séquences. Le " – " indique une homologie. On observe une homologie de 92 % entre l’Homme et la souris, et de 83 % avec la drosophile (mouche). L’homologie de ces séquences nucléotidiques peut paraître en contradiction avec la diversité des êtres vivants. Le développement est une cascade de phénomènes agissant sur une structure formée précédemment. Toute modification d’une étape modifie le résultat final. La diversité des êtres vivants peut donc s’expliquer par des variations dans la chronologie du développement, le degré et la localisation d’expression des gènes du développement. Les hétérochronies sont des modifications de la durée et de la vitesse du développement embryonnaire ou de la croissance, au cours de l’évolution. Elles seraient impliquées dans des modifications importantes du plan d’organisation, telles que le passage de la nageoire à la patte chez les Tétrapodes ou l’acquisition des caractères fondamentaux de la lignée humaine. 2) Hétérochronie, exemple des vertébrés Les membres de tous les tétrapodes, qu’il s’agisse de la souris, du poulet, de la grenouille..., sont gouvernés par un groupe de gènes, Hoxd, qui contrôlent le nombre et la forme des os qui les composent. Ces gènes s’expriment en deux vagues: la première, qui met en place les os des avant-bras et bras, ainsi que ceux des cuisses et jambes ; la seconde, qui fait s’exprimer ceux des poignets et mains, ainsi que ceux des chevilles et pieds. Le passage d'une nageoire à insertion pluribasale (= les nageoires paires sont soutenues par plusieurs pièces osseuses, caractère primitif) au membre chiridien monobasal (= un seul os s’articule sur la ceinture osseuse, caractère dérivé) des Tétrapodes s'est effectué suite à une mutation sur un gène homéotique. La transformation des nageoires en pattes des Tétrapodes pourrait être une simple mutation concernant un gène homéotique Hox D13 : une mutation aurait modifié le territoire d’expression du gène Hox D13. Tiktaalik = poisson osseux qui présente une mosaïque de caractères primitifs des "poissons" et dérivés des tétrapodes (traduction : fin = nageoire, limb = membre, wrist = poignet, primitive jaws = mâchoires primitives,scales = écailles, neck = cou, flat head = tête plate, ribs = côtes) Par exemple, chez les vertébrés, le gène du développement Hox-D13 s’exprime dans les différentes régions du membre et de la nageoire lors du développement : – dans un premier temps, ce gène s’exprime dans la partie basse du bourgeon de membre ou de la nageoire et est à l’origine de la formation de la base osseuse du membre (humérus, radius, cubitus) ou de ses homologues osseux de la nageoire ; – dans un deuxième temps, l’expression du gène se poursuit à l’extrémité antérieure du bourgeon du membre et sur ses bords inférieur et supérieur guidant la mise en place des doigts. Par contre, un repli épidermique important se forme chez les poissons, et on observe que l’activité de Hox D13 reste limitée à la partie inférieure du bourgeon de membre ; seuls des rayons d’origine dermique se mettent en place. Requin Spatulaire Poisson-zèbre Souris Evolution des membres et expression du gène Hox D13 (apical ectodermal ridge = AER = crête ectodermique apicale ; apical ectodermal fold = AEF = pli ectodermique apical) Les conséquences de cette mutation ont contribué à la conquête de nouvelles niches écologiques terrestres par les individus qui en étaient porteurs. Des formes vivantes différentes peuvent donc résulter d’une modification du développement plus que d’une différence génétique. 3) Hétérochronie, exemple de la lignée humaine D'autres mutations concernent non pas la mise en place d'un organe mais la durée des différentes phases du développement. Les changements qui touchent les durées et les périodes de l'ontogénèse (mise en place des tissus) sont des hétérochronies. Les changements de période ou de durée peuvent concerner la gestation, l'âge du sevrage, la durée de l'enfance, l'arrivée de la puberté, l'espérance de vie,... Les mutations aboutissant à des hétérochronies ont sans doute joué un rôle de première importance dans l'apparition du genre Homo. Si l'on compare les caractères crâniens adultes et fœtaux de l'Homme et du Chimpanzé, on peut observer que les crânes fœtaux de ces deux espèces diffèrent peu : le trou occipital est centré, le front est haut et bombé. Ces caractères ne se retrouvent pas à l'état adulte chez le Chimpanzé pour lequel le trou occipital a basculé vers l'arrière à l'âge d'un an, ce qui accompagne l'acquisition de la quadrupédie des adultes, et la voûte crânienne s'est abaissé. Chez l'Homme, au contraire, ces caractères fœtaux sont encore marqués. Durant le développement postnatal, le trou occipital est resté bloqué à la base du crâne, ce qui impose une bipédie permanente chez l'adulte. La voûte crânienne a conservée des caractères juvéniles ce qui permet l'acquisition fondamental : la taille importante du cerveau. L'Homme conserve donc à l'état adulte des caractères juvéniles. Ces caractères sont nommés caractères néoténiques. Bilan : Des mutations affectant des gènes du développement peuvent avoir des répercussions sur le positionnement des structures anatomiques, sur la chronologie et sur la durée relative de mise en place des caractères morphologiques. De telles mutations ont des conséquences spectaculaires et peuvent être responsables de l'apparition de nouveaux plans d'organisation. E) Les hybridations et la polyploïdisation, diversification du vivant La ploïdie d’une cellule caractérise le nombre d’exemplaires de ses chromosomes. Les cellules eucaryotes sont généralement haploïdes (n chromosomes) ou diploïdes (2n chromosomes). Dans certains cas on peut observer un nombre supérieur à 2, on parle alors de polyploïdie. Elle concerne essentiellement les végétaux (50 % d’espèces polyploïdes). Certaines espèces, bien que très similaires à d'autres, possèdent cependant un nombre bien plus élevé de chromosomes. Les techniques modernes de la génétique permettent de montrer que leur génome correspond à une hybridation entre deux espèces différentes. Le plus souvent, une anomalie dans le déroulement de la méiose entraîne une augmentation de la ploïdie des cellules, c'est-à-dire du nombre d'exemplaires des chromosomes. La première étape résulte d’une hybridation entre les deux espèces parentales de spartines (plantes halophiles) S. maritima (60 chromosomes) et S. alterniflora (62 chromosomes), qui est à l’origine de l’espèce S.towsendi (hybride allopolyploïde) (30 + 31 = 61 chromosomes). Elle forme des fleurs, mais ne produit pas de gamètes viables. En effet, les différences entre les génomes des deux espèces parentales sont relativement importantes, de sorte que certains chromosomes de l’hybride ne s’apparient pas correctement au cours de la méiose, rendant impossible la répartition équitable des chromosomes entre les cellules filles (Comme ces chromosomes proviennent de deux espèces différentes, ils ne sont pas homologues et l’appariement lors de la méiose est impossible). En conséquence, S. towensendi ne produit pas de graines et est donc stérile. La deuxième étape à l’origine de S. anglica est la polyploïdisation du génome de S. towensendi. Au cours de mitoses il y a duplication des chromosomes, mais il n’y a pas de division du cytoplasme (pas de télophase). Il en résulte que le nombre de chromosomes de ces cellules et de toutes celles qui en dérivent est double : 122 au lieu de 61 : on parle de polyploïdisation. Dans les cellules à l’origine des gamètes et possédant un tel caryotype, la méiose se déroule normalement, S. anglica contrairement à S. towensendi est fertile. Les gamètes à 61 chromosomes sont viables et la fécondation rétablit le nombre de 122 chromosomes. La polyploïdie peut donc résulter d'une doublement du stock chromosomique d'une même espèce : dans ce cas on parle d'autopolyploïde. Les espèces dites allopolyploïdes résultent de l'addition d'un génome de deux espèces différentes. La polyploïdie génère un gigantisme des plantes, notamment au niveau de la fleur et donc des fruits. C’est pourquoi on l’observe régulièrement dans les espèces cultivées : 70% des plantes à fleurs (angiospermes) ont eu au moins un évènement de polyploïdisation dans leur histoire évolutive. La polyploïdisation est plus rare dans le monde animal (ex : le crapaud Batura triploïde). Bilan : La diversification génétique peut résulter d’une hybridation entre deux espèces conduisant à la genèse d’un hybride stérile. L'hybridation de deux individus d'espèces différentes conduit à un hybride ayant hérité d'un lot de chromosomes non homologues de chaque parent. L'absence d'homologues rendant impossible l'appariement en prophase 1, la méiose ne peut aboutir : ces hybrides sont donc stériles. Dans certains cas, s'effectue le doublement de l'ensemble des chromosomes de l'hybride reformant des paires d'homologues. La fertilité est rétablie et les descendants sont tous polyploïdes. Si l’hybridation est suivie d’une polyploïdisation, chaque chromosome est alors présent en nombre pair. La méiose est alors possible, l’hybride est donc fertile. La polyploïdisation est la multiplication naturelle ou artificielle du nombre de chromosomes aboutissant à l'état polyploïde (3n, 4n, etc.…). La polyploïdisation contribue massivement à l’évolution en taille des génomes, en augmentant la quantité de matériel génétique. On voit ici une source de diversification des génomes puisqu’il y a augmentation du nombre de gènes susceptibles de subir des mutations à l’origine de nouvelles protéines. F) Le transfert horizontal de gènes, diversification du vivant Les génomes peuvent évoluer du fait de l’acquisition de gènes provenant d’autres organismes : on parle de transfert horizontal de gènes, par opposition au transfert vertical qui s’effectue de génération en génération (par reproduction sexuée, ou par division cellulaire). Un transfert horizontal correspond à la transmission de gènes entre espèces différentes, d'un virus à une plante ou un animal par exemple. L'information génétique exogène, acquise s'intègre au génome des cellules hôtes qui est ainsi modifié et l'exprime, ce qui modifie son phénotype. Si le transfert affecte les cellules germinales, le génome modifié peut être transmis aux générations suivantes. Il existe plusieurs mécanismes de transferts horizontaux. Les bactéries par exemple peuvent échanger des fragments d'ADN par transformation, transduction ou conjugaison. Chez les bactéries, les transferts horizontaux sont très fréquents ; ils ont, pour la première fois été décrits pas Griffith, en 1928. C’est l’un des mécanismes expliquant comment des résistances aux antibiotiques peuvent se propager chez les bactéries. Expériences de Griffith (1928) : (les expériences de 1 à 4) Expériences 1 à 4 : expériences de Griffith, Expériences 5 et 6 : expériences de Avery, MacLeod et McCarty Différents mécanismes de transferts horizontaux sont aujourd’hui établis, comme des transferts faisant intervenir des « vecteurs », par exemple des virus. Le transfert par voie virale correspond à l’acquisition par des cellules eucaryotes de matériel génétique étranger (virus…). Ce transfert est réalisé par des rétrovirus, dont l’information génétique se présente sous forme d’ARN. Ils ont la capacité de transformer une copie de leur ARN en ADN qui peut être intégré de manière durable dans le génome de la cellule infectée. On parle alors de virus endogène. Si cette intégration se fait au sein du génome des cellules germinales le matériel génétique étranger intégré se transmet à la descendance par le biais de la fécondation. 10 % du génome humain serait ainsi issu d’un transfert par voie virale. L’une des propriétés des virus permettant ce transfert génétique est leur capacité à fusionner avec la membrane plasmique d’une cellule afin d’y pénétrer. Cela est rendu possible par l’existence de protéines à la surface des virus qui, en interagissant avec les récepteurs situés sur les cellules cibles, rendent possible la fusion du virus avec la cellule infectée. Bilan : Les virus sont des agents de diversification du vivant puisqu’ils permettent l’acquisition par de nombreux organismes de gènes viraux. L’acquisition du gène Env, par un primate ancestral, résulte d’un transfert horizontal suite au parasitisme de cellules germinales par un rétrovirus exogène ancestral. Ensuite, ces séquences ont été transmises verticalement de génération en génération chez l’espèce ancestrale de primate puis dans toutes les espèces qui en dérivent. L’incorporation d’un rétrovirus dans le génome d’une espèce résulte d’un transfert horizontal. En revanche la transmission du provirus au cours des générations successives d’une espèce, puis de celles qui en dérivent, résulte d’un transfert vertical classique. En considérant les transferts horizontaux, l'arbre phylogénétique devient un réseau phylogénétique complexe où chaque branche est reliée à une autre ! Remarque : 10% du génome humain contiendrait de l'ADN d'origine virale. Quelques gènes d'origine virale ont muté et s'expriment pour assurer d'autres fonctions au sein de l'organisme. II) Le devenir des innovations génétiques En fonction d'un contexte écologique précis (pression du milieu, compétition entre êtres vivants…) certains phénotypes peuvent présenter un avantage ou un désavantage : le milieu exerce une sélection des phénotypes. Les innovations génétiques qui apparaissent n'ont pas toutes le même effet. Certaines peuvent n'en n'avoir aucun : elles sont qualifiées de neutres. D'autres, peuvent être à l'origine d'un avantage ou d'un désavantage pour l'individu qui en est porteur. A) La sélection naturelle (Charles Darwin, 1859) D'un point de vue historique, la véritable "révolution" est le concept de sélection naturelle développé par Charles Darwin en 1859 dans son livre De l’origine des espèces. Il s'agit d'un mécanisme évolutif qui se produit sous trois conditions : _ Les êtres vivants présentent une variabilité _ Cette variabilité est au moins en partie héritable _ Cette variabilité est corrélée à une variation du succès reproducteur. Cela veut dire que les mutations qui présentent un avantage sélectif pour l'individu ont tendance à se répandre alors que celles qui sont nuisibles ont tendance à voir leur fréquence diminuer (voire disparaître) dans la population. Ceci est dû au fait que les individus porteurs d'une mutation favorable parviennent plus facilement à maturité sexuelle et se reproduisent donc plus que les autres (exemple de la phalène du bouleau). C'est la sélection naturelle et elle joue un rôle extrêmement important dans la variation des fréquences alléliques dans les populations. Exemple : Les différents phénotypes de la phalène du bouleau La phalène du bouleau est un papillon nocturne qui passe la journée immobile sur les troncs d’arbres et les murs où elle peut être la proie d’oiseaux. En Grande- Bretagne, les populations de cette espèce étaient, jusqu’au milieu du XIXe siècle, constituées d’individus de forme claire (typique). C’est à cette époque que fut capturé dans la région fortement industrialisée de Manchester un papillon totalement sombre (carbonaria ou mélanique). Une étude génétique a montré l'existence de plusieurs allèles contrôlant des phénotypes dont 2 principaux : l'allèle sombre "c+" dominant et l'allèle clair "c" récessif. (Le déterminisme génétique de cette coloration est monogénique et autosomique, l'allèle carbonaria C+ étant dominant sur l'allèle typica c (récessif), ainsi : [forme mélanique] : C+c ou C+C+ (hétérozygote ou homozygote) ; [forme claire] : cc (toujours homozygote). La fréquence de ces deux phénotypes au début du XXème siècle est présentée dans le document cidessous : Pour expliquer cette évolution, l’expérience de « lâcher-recapture » fut réalisée. Des papillons des 2 phénotypes sont marqués d’une tache de peinture, puis lâchés : – soit dans la région de Birmingham (région industrielle et polluée dont les arbres sont recouverts de suie) ; – soit dans le Dorset (région rurale dont les arbres sont surtout clairs). Les nuits qui suivent le lâcher, les papillons survivants sont « recapturés » puis dénombrés. Le taux de « recapture» est indicatif du nombre d’individus survivants et assimilé à un taux de survie. Dans les environnements non pollués, les troncs d'arbres recouverts de lichens sont plus clairs. Les Phalènes typica, mieux camouflées, échappent à leurs prédateurs et ont plus de chances de transmettre leurs allèles aux générations suivantes. Au contraire, dans les environnements plus pollués, les troncs d'arbres dépourvus de lichens sont plus sombres. Les Phalènes carbonaria, mieux camouflées, échappent à leurs prédateurs et ont plus de chances de transmettre leurs allèles aux générations suivantes. Bilan : Un caractère qui permet à un individu de survivre et de se reproduire mieux que s'il en était dépourvu est ce que l'on appelle une adaptation. En accumulant les modifications aléatoires avantageuses, la sélection naturelle se traduit donc par une adaptation étroite des espèces à leur milieu et à leurs conditions de vie. B) La persistance d'allèles morbides La drépanocytose ou anémie à hématies falciformes est une maladie génétique récessive liée à une anomalie de l’hémoglobine. L’hémoglobine anormale HbS diffère de l’hémoglobine normale HbA par l’emplacement d’un seul acide aminé dans la chaîne bêta. Cette anomalie est due à une mutation ponctuelle du gène codant cette protéine. (voir cours S4). Les personnes homozygotes HbS/HbS souffrent d’une anémie sévère, celles qui sont hétérozygotes HbA/HbS fabriquent les deux types d’hémoglobine et ne souffrent que d’une légère anémie surtout invalidante en altitude ou lors d’efforts intenses. Le paludisme ou malaria est une maladie due à un parasite unicellulaire : le plasmodium qui réalise une partie de son cycle dans le sang de l’Homme. Il se multiplie dans les globules rouges et entraîne leur destruction. Infections de globules rouges par Plasmodium Bien que les mécanismes ne soient pas clairement identifiés, le plasmodium se développe moins bien dans les globules rouges possédant de l’hémoglobine HbS que dans ceux possédant de l’hémoglobine HbA. Les individus HbS/HbS ne contractent que rarement le paludisme (toutefois ceux-ci meurent de drépanocytose). Les individus hétérozygotes HbA/HbS développent une résistance pour le paludisme par rapport aux homozygotes HbA/HbA. Le plasmodium aurait du mal à infecter les hématies contenant HbS. L'allèle muté HbS confère donc dans certaines zones géographiques un avantage sélectif. C) Le devenir des mutations neutres Les mutations (sens large) neutres, qui ne modifient pas le phénotype macroscopique d’un organisme, et donc qui n’ont pas d’impact sélectif, peuvent néanmoins se répandre au sein d’une population, selon les aléas des croisements entre individus : on parle alors de dérive génétique pour ce phénomène. C’est ce que nous montre l’existence des différentes séquences existant pour les chaînes alpha de l’hémoglobine chez les diverses espèces de Vertébrés. Ces différences sont dues à l’accumulation au cours du temps de mutations germinales neutres puisque les chaînes alpha ont toutes conservées le même rôle (transport d’O2). Ces mutations neutres ne sont pas déterminantes pour l’évolution phénotypique des espèces, mais elles expliquent l’évolution des séquences des molécules homologues appartenant à des espèces différentes au cours du temps. D) La dérive génétique et l'effet du hasard Les différents allèles d’un gène n'apparaissent pas en même temps durant l’évolution d’une espèce. De plus, ils peuvent conférer un avantage ou un désavantage aux individus qui les portent. Leurs fréquences vont donc changer au cours du temps. De manière générale, l’ensemble des mécanismes décrits comme étant des forces évolutives (sélection naturelle, mutation, recombinaison, dérive, migration…) contribue à faire varier les fréquences alléliques des gènes. Pour la plupart de ces forces, un mécanisme moléculaire est mis en jeu. Mais la dérive génétique concerne l'évolution au sein d’une population ou d'une espèce de la fréquence des allèles ou des génotypes (combinaison des deux allèles d’un gène hérités des chromosomes paternel et maternel au moment de la fécondation) d’un gène causée par des phénomènes aléatoires et impossible à prévoir, donc indépendamment des mutations, de la sélection naturelle et des migrations. La dérive génétique c'est donc l'évolution d'une population causée par des phénomènes aléatoires et imprévisibles comme la rencontre aléatoire des gamètes lors de la fécondation. La dérive génétique concerne surtout les allèles neutres c’est-à-dire qui ne confèrent ni avantage ni désavantage sélectif. Les effets de la dérive génétique sont d'autant plus importants que la population est petite. En effet, le petit nombre de géniteurs et/ou de descendants fait que statistiquement certains allèles ne seront pas transmis. La dérive génétique conduit donc, de façon aléatoire, à l'augmentation ou à la diminution de la fréquence des différents allèles et ainsi à une diminution de la diversité génétique d'une population. La dérive génétique est un des mécanismes majeurs de l'évolution. Dans une population plus grande (100 individus), un allèle ne se fixe que dans 2 cas sur 20 seulement. On peut en conclure que, plus une population est petite, et plus les effets de la dérive génétique sont importants, et plus la diversité génétique dans la population sera menacée. La dérive génétique et la perte de diversité génétique sont des phénomènes naturels, mais ils peuvent être amplifiés par des pratiques artificielles, aboutissant à la réduction des effectifs, par la prédation ou une fragmentation du paysage (déforestation, utilisation agricole) ; ou encore la dépression de consanguinité. Si la population est trop petite, la probabilité qu'il existe un allèle adapté au nouveau facteur de l'environnement est faible. Le risque d'extinction de l'espèce sera important. C'est pourquoi il est nécessaire de maintenir les espèces à l'état sauvage avec des effectifs significatifs, afin d'empêcher les effets délétères de la dérive génétique. E) Sélection naturelle et environnement La théorie de la sélection naturelle permet d'expliquer et de comprendre comment l'environnement influe sur l'évolution des espèces et des populations en sélectionnant les individus les plus adaptés et elle constitue donc un aspect fondamental de la théorie de l'évolution. La sélection dépend des conditions environnementales et si des populations différentes ne sont pas soumises aux mêmes conditions, la pression de sélection (désigne un phénomène qui se traduit par une évolution des espèces vivantes soumises à certaines contraintes environnementales) qui s'exerce sur ces deux populations va induire des différences dans la fréquence des différents allèles présents dans les deux populations. Les migrations de populations diminuent fortement les différences alléliques entre les populations. Elles créent un brassage important des gènes entre les populations qui peut enrichir le pool génique de chaque population puisqu'elles peuvent gagner des allèles provenant d'une autre population. D'autre part ce brassage peut diminuer les différences. Les migrations vont donc uniformiser les populations. Les migrations peuvent également être à l'origine de nouvelles populations. Si un petit groupe d'individus se retrouve isolé, il va pouvoir évoluer indépendamment sous la pression sélective de son nouvel environnement et créer une population originale. Ce mécanisme a sans doute participé à l'évolution des différentes populations humaines au cours de l'histoire. III) Diversification sans modification des génomes A) Des associations entre êtres vivants On appelle association d’organismes l’interaction durable entre des organismes d’espèces différentes. La symbiose est la plus connue de ces interactions. Elle correspond à l’association obligatoire de deux espèces qui, toutes deux, tirent profit de cette interaction. Les lichens sont par exemple issus de l’association symbiotique entre une algue unicellulaire et un champignon. Les êtres vivants vivent en interaction les uns avec les autres. Certaines de ces interactions peuvent être plus étroites et constituer des associations ; si l’association est durable et à bénéfices réciproques, on parle de symbiose. Les êtres vivants associés peuvent exercer une influence réciproque et provoquer des modifications de leurs phénotypes (lichens par exemple). Les mycorhizes, qui sont des associations symbiotiques entre des champignons du sol et des racines de végétaux, favorisent la croissance des deux partenaires de l’association. En développant un réseau de filaments retenant facilement l’eau et les sels minéraux autour des racines, le champignon favorise l’absorption racinaire et donc la croissance du végétal. Le champignon, quant à lui, bénéficie de matières organiques produites par la plante. Certaines associations entre deux êtres vivants peuvent se traduire par la synthèse de nouvelles substances, la mise en place de nouvelles structures ou encore la modification de comportements qui n’existent pas individuellement chez chacun des partenaires. Ainsi, par ces associations, de la diversité se manifeste, sans pour autant que les informations génétiques des partenaires ne soient modifiées. Une espèce de salamandre (Ambystoma maculatum) pond des oeufs verts. Cette couleur est liée à la présence dans l’enveloppe de l’œuf et dans l’embryon, d’algues unicellulaires chlorophylliennes. L’algue (Oophila amblystomatis), est à l’intérieur même des cellules d’embryons : on parle d’endosymbiose. À gauche, l’embryon de la salamandre en endosymbiose avec l’algue verte. À droite, indiquée par des flèches, l’endroit de la pénétration de manière encore inexpliquée des algues, à l’intérieur des œufs. Les embryons de salamandre bénéficient du dioxygène produit par l’algue lors de la photosynthèse. L’O2 est utilisé par l’algue et la salamandre pour la respiration. La lumière augmente la vitesse du développement embryonnaire et accélère l'éclosion. La présence des algues améliore le développement des embryons grâce à leur photosynthèse. Les algues Oophila ont besoin des déchets produits par l'embryon (déchets azotés, CO2...) pour se multiplier. Les algues utiliseraient ces déchets pour réaliser leur métabolisme (notamment la photosynthèse). Bilan : La symbiose est une association permanente entre deux organismes d’espèces différentes vivant ensemble, qui se traduit par des effets bénéfiques pour l’un comme pour l’autre. Lorsque l’un des deux organismes contient l’autre, on parle d’endosymbiose. Différentes données scientifiques semblent montrer que certains organites des eucaryotes se sont mis en place par un processus d’endosymbiose. Ainsi les mitochondries, les chloroplastes seraient, issus de l’endosymbiose de bactéries dans des cellules eucaryotes. Le processus d’endosymbiose est donc source d’une diversification du vivant, voire même à l’origine d’une explosion du nombre de formes vivantes différentes (théorie de l’origine endosymbiotique de différents organites). B) La transmission culturelle des comportements Chez les vertébrés principalement, certains comportements sont transmis au sein d'un groupe : il s'agit de comportements culturels. Ces comportements sont le résultat d'un apprentissage, ils ne sont pas déterminés génétiquement. Ces comportements sont d'autant plus transmis qu'ils présentent un avantage sélectif (reproduction, recherche de nourriture…). Une source de diversité des êtres vivants peut être acquise après la naissance par apprentissage et transmise d’une génération à l’autre par voie non génétique. Les comportements animaux entrent en partie dans ce cadre. Certains, très stéréotypés, apparaissent innés, d’autres très variables selon les individus apparaissent plutôt acquis après la naissance et fruits d’un apprentissage. C’est le cas par exemple de l’apprentissage du chant chez les pinsons : Le jeune pinson acquiert après la naissance plusieurs thèmes de chant en écoutant ses parents. Le chant se précise et se complexifie petit à petit durant la phase d’apprentissage qui dure 10 mois. Selon le lieu de naissance et donc les congénères à sa proximité, le chant sera différent, ce qui prouve l’importance du contexte environnemental dans l’apprentissage du chant. On distingue, rien que dans le sud-ouest de la France, 14 chants différents chez les pinsons. Sur des jeunes pinsons élevés seuls, on note un chant qui restera très primitif, simple, ce qui montre l’importance des adultes dans l’apprentissage du chant. L’expérience sonore doit être faite précocement, sinon le jeune pinson n’est plus capable d’adapter son chant à celui entendu. Cette période est qualifiée de période critique. Elle se caractérise par une plasticité cérébrale qui autorise les apprentissages, dont celui du langage. Analyse comparée du chant de deux espèces de pinsons. Chant du pinson de Cahors (a) et chant du pinson des Landes (b). Ils apparaissent totalement différents en raison d’un apprentissage distinct. Les tracés en rouge correspondent aux fréquences (en kHz) émises lors du chant. Chez les animaux, surtout chez les vertébrés, certains comportements peuvent être qualifiés de « culturels ». Ils résultent d’une transmission au sein d’une société d’individus vivant en commun : les comportements ainsi transmis ne sont pas déterminés génétiquement, mais appris au contact des congénères. Ceci a pu être mis en évidence chez les singes, les oiseaux, les cétacés, les rats. On a ainsi montré que certains oiseaux, élevés sans adulte, présentent un chant déstructuré, comportant certains motifs caractéristiques de l’espèce mais incomplètement associés. Ceci montre que c’est en imitant le chant des autres individus que le chant s’élabore. Des observations de terrain et des expériences ont prouvé que les chimpanzés apprennent à reproduire une action en observant la manière dont leur congénère la réalise. Dans un premier temps, suivant l’apparition d’un nouveau comportement, celui-ci est appris par observation d’un individu de la même génération. Dans un second temps, l’apprentissage des jeunes se fait auprès d’individus expérimentés plus âgés. Bilan : Ces exemples, non exhaustifs, montrent qu’il existe de nombreux mécanismes de diversification des êtres vivants. De tels processus enrichissent la biodiversité et jouent un rôle important dans les mécanismes de l’évolution. Cette diversité est le résultat d’un apprentissage qui se transmet de manière non génétique. IV) Notion d'espèces et la spéciation A) Définition et caractérisation d'une espèce La biodiversité est source de transformation des espèces existantes et de naissance de nouvelles espèces au cours du temps. Le concept d’espèce est complexe et délicat à définir. Il a ainsi connu de multiples définitions au cours de l’histoire de la biologie. La définition de l’espèce repose sur des critères variés et dépend des objectifs que l’on se fixe. Au début du XVIIIe siècle, Linné, en voulant réaliser un essai de classification, base la première définition de l’espèce sur des critères phénotypiques héréditaires. On regroupe alors au sein d’une espèce les individus qui se ressemblent, l’objectif étant de classer les espèces à un moment donné de l’histoire de la Terre. Par la suite, au milieu du XVIIIe siècle, Buffon considère comme fondamental le critère d’interfécondité pour définir l’espèce. Des individus appartiennent à une même espèce s’ils peuvent se reproduire et engendrer une descendance féconde. Exemple : Jument × Âne = Mulet (stérile). Le croisement est ici possible mais, le mulet étant stérile, on en déduit que la jument et l’âne forment deux espèces différentes. Ces deux définitions ont ensuite été réunies par Cuvier à la fin du XVIIIe siècle : « Une espèce est un ensemble d’individus nés les uns des autres et qui se ressemblent morphologiquement. » En 1942, Ernst Mayr définit l’espèce comme un ensemble de groupes de populations naturelles capables de se reproduire, mais isolés du point de vue reproductif des autres groupes. C’est cette définition qui est aujourd’hui utilisée. La notion d’isolement reproductif est essentielle puisque des individus qui se ressemblent ne sont pas forcément de la même espèce. Cet isolement, d’origine génétique, implique la rupture des échanges génétiques entres individus. Les mécanismes d’isolement reproductif sont variés : forme des organes reproducteurs non compatibles, périodes de reproduction non synchronisées, milieux de vie différents… Remarque : Il existe des exceptions, qui sont nombreuses chez les plantes, mais aussi chez les animaux comme par exemple le chameau de Bactriane x Dromadaire --> hybrides interféconds Une population d’individus identifiés comme formant une espèce n’est définie que durant un laps de temps fini car : – si un nouveau groupe d’individus isolés de l’espèce initiale s’individualise, une nouvelle espèce est définie. Cela implique un processus de spéciation avec acquisition d’un isolement reproductif ; – si un ensemble d’individus cesse d’être isolé génétiquement ou qu’il ne comporte plus de représentants, l’espèce disparaît. B) La spéciation La spéciation est le processus conduisant à l'individualisation de nouvelles espèces. La naissance de deux nouvelles espèces à partir d'une espèce mère implique un isolement reproductif de 2 populations. Les causes possibles de cet isolement : - L'isolement géographique ou écologique : certains évènements climatologiques peuvent morceler l'aire de répartition de l'espèce en dressant des barrières + ou - infranchissables. - L'isolement sexuel : lié à des innovations génétiques responsables de décalages dans les périodes de reproduction, d’incompatibilités physiologiques ou anatomiques, ... - la stérilité des individus hybrides. L'isolement reproducteur des populations est la conséquence d'un isolement génétique : il n'y a plus d'échanges d'allèles. Les populations vont alors évoluer indépendamment sous l'effet du hasard et de la sélection naturelle et formeront deux espèces distinctes.