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Introduction
La correspondance de Cicéron a reçu une attention minime, surtout en comparaison
des traités théoriques de cet auteur. Comme la bibliographie de cette thèse l’atteste, peu
nombreux sont les articles consacrés à ces lettres, et plus rares encore sont les livres qui
portent entièrement sur elles ou l’une d’elle. Globalement, les écrits modernes recouvrent cinq
champs de recherche : les problèmes de chronologie, de datation et de transmission de ce
corpus1, les questions historiques, où cette correspondance sert de support d’information2,
l’analyse du style littéraire3, l’étude des éléments extérieurs que sont les emprunts grecs et les
citations4, enfin, la focalisation sur une lettre précise et sa compréhension dans un contexte
historique et littéraire qui regroupe souvent les quatre champs précédemment cités5. Ce sont
essentiellement des historiens qui l’ont étudiée, y trouvant une source d’informations de
première main, parfois à des fins polémiques, comme l’acerbe ouvrage de J. Carcopino Les
Secrets de la Correspondance de Cicéron. Ce monument antique est longtemps demeuré dans
l’oubli, avant qu’Erasme ne le redécouvre, et a suscité de nombreux rejets dès sa réapparition
tant les lecteurs répugnaient à découvrir la face cachée d’un orateur auquel ils vouaient un
culte admiratif.
Parmi les ouvrages récents, celui de J. Boes en 1990 traite des rapports entre la
philosophie de Cicéron et les lettres de celui-ci. En écrivant La philosophie et l’action dans la
correspondance de Cicéron, cet auteur cherche à vérifier l’absence de fondement des
accusations, déjà largement réfutées, que J. Carcopino avait lancées contre l’orateur romain.
Suivant une progression chronologique6, J. Boes cherche à vérifier la « sincérité » de Cicéron
grâce à celle de ses lettres, convaincu que leur ensemble n’était pas voué à la publication7 et
que leur témoignage permet de connaître les obstacles qui ont fait avancer la pensée de
l’Arpinate8. L’ensemble conserve toutefois une optique historique, même s’il s’agit d’histoire
1 L. Ross-Taylor ( 1937, 1949, 1964 ), T. Murphey ( 1998 ), J. H. Nicholson ( 1992, 1994-1995, 1998 ), S. Pittia
( 2002 ), C. Weyssenhoff ( 1966 ), A. Setaioli ( 1976 ) et D. R. Shackleton-Bailey ( 1958-1959, 1960, 1994 ).
2 M. H. Dettenhofer ( 1990 ), E. Fallu ( 1970, 1973 ), J. Jacobs ( 1984 ) et T. Mitchell ( 1975 ).
3 D. et P. Cogny ( 1984 ), H. Cotton (1984, 1985 ), P. Cugusi ( 1998 ), R. Hariman ( 1989 ), G. O Hutchinson
( 1995, 1998 ) et R. Monsuez (1952, 1953, 1954 ).
4 B. Baldwin ( 1992 ) et R. B. Steele ( 1900 ).
5 R. G Boehm ( 1980, 1981, 1985 etc… ), L.-A. Constans ( 1931 ), J. L. Moles (1982 ) et W. S Watt ( 1980,
1981).
6 La philosophie et l’action dans la correspondance de Cicéron. Après une première partie intitulée « intérêt
philosophique et contexte philosophique d’une œuvre non philosophique », il s’attache à la « genèse de la
philosophie de Cicéron d’après le témoignage de la correspondance » puis à la « philosophie de Cicéron d’après
la Correspondance : quelques aspects d’un platonisme vécu ».
7 Ibid., p. 7.
8 Ibid., p. 33 et p. 173-175.