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u cours du processus normal de guérison d’une plaie, l’organisme
développe la vascularisation pour former le tissu de granulation et
reconstituer la peau lésée. Ce tissu contient des fibroblastes, les cellules
qui fabriquent les mucopolysaccharides et les fibres de collagène
nécessaires pour la formation du nouveau tissu conjonctif.
Les myofibroblastes sont des fibroblastes spécialisés qui sont à l’origine de
la rétraction de la plaie au cours du processus normal de guérison. L’alpha-
actine musculaire lisse des fibroblastes s’organise en faisceaux filamenteux dits
« fibres de stress ». Elles permettent le mouvement rétractile qui va conduire à
la rétraction de la plaie. Les myofibroblastes sont des cellules essentielles pour
le remodelage du tissu conjonctif qui a lieu pendant la guérison ou le dévelop-
pement d’une fibrose.
La cicatrisation est la réaction normale de l’organisme à une plaie, au cours
de laquelle les fibroblastes déposent des couches de collagène. La rétraction de
la plaie est un processus continu qui dépend des myofibroblastes. Il arrive parfois
que la formation du tissu cicatriciel aille plus vite que sa destruction, ce qui
aboutit à une production et à des dépôts excessifs de collagène que l’on appelle
fibrose. Les traumatismes et réparations répétées conduisent les myofibroblastes
à sécréter une matrice extracellulaire aboutissant à une fibrose des organes et
des tissus. Si cette fibrose est trop importante, elle entraîne des raideurs et gène
les fonctions.
L’évolution normale du tissu cicatriciel passe d’un stade où il est faible et
facilement rompu à une phase où il devient rouge et proéminent pour enfin
terminer par être pâle et mince. Pendant que la formation de la cicatrice évolue
au cours de la phase de remodelage, de larges faisceaux de collagène
s’accumulent (Fig. 5.4.1). Le rétrécissement du tissu et le collagène sont ensuite
stabilisés par la synthèse de la matrice extracellulaire par les myofibroblastes. Tant
que la cicatrice reste d’un rouge qui semble plus accentué que la normale, le
remodelage se poursuit.
Intervention essentielle n°4
Prise en charge et amélioration
des cicatrices
PRINCIPAUX OBJECTIFS
Connaître les caractéristiques des tissus cicatriciels
en phase de remodelage.
Connaître la différence entre une cicatrice
hypertrophique et une chéloïde.
Savoir évaluer le stade de la cicatrisation.
Savoir comment soigner une cicatrice et les
adhérences avec la compression, les massages,
les étirements, les exercices et la pose d’attelles
progressives.
Savoir quand des vêtements compressifs sont
indiqués et quand ils ne sont plus efficaces.
A
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La cicatrisation tente d’intégrer à la fois l’aspect
cosmétique et fonctionnel. Le processus de remodelage
prend entre trois semaines et deux ans environ. On peut
évaluer la cicatrice en examinant la pigmentation, la
flexibilité, la hauteur et la vascularisation. Lorsque la
cicatrisation est achevée, la cicatrice est douce, flexible et
a une vascularisation normale (elle ne blanchit pas sous la
pression).
La peau remodelée est plus fragile et elle a une résis-
tance à la traction plus faible que la peau normale, entre 70
et 80 % environ. Au moment où la plaie se referme, cette
résistance à la traction n’est même que de 15 % par rap-
port à la normale, ce qui veut dire que ce tissu reste très
fragile. Il faut donc le protéger des traumatismes. Ceux-ci
entraînent la formation d’œdèmes et augmentent le risque
d’infection conduisant à des réactions inflammatoires.
Les inflammations chroniques peuvent avoir pour consé-
quence de rendre la peau plus épaisse et moins élastique
(fibrose).
Selon certaines études, l’adjonction d’une tension
pendant le processus de guérison augmenterait la
résistance à la traction de tous les tissus mous et des os.
La pose d’attelles, les séries de plâtres, les mouvements et
les activités sont les moyens d’appliquer lentement et
durablement une tension sur le tissu en voie de cicatrisation
pour le remodeler dans une nouvelle position.
Les immobilisations prolongées et ininterrompues
entraînent une perte de la résistance à la traction et la
désorganisation des fibres de collagène. L’application d’une
pression légère et constante ou l’étirement de la plaie
pendant la phase de cicatrisation sont des moyens simples
de réduire le plus possible le volume de la cicatrice et de
forcer les fibres de collagènes à s’organiser de façon plus
ordonnée (Fig. 5.4.2).
Intervention essentielle n° 4 : Prise en charge et amélioration des cicatrices
Figure 5.4.1 Faisceau de collagène de type I en phase de remodelage
Figure 5.4.2 Effets d’une pression ou compression légère
sur le tissu cicatriciel
PRESSION
Intervention essentielle n° 4 : Prise en charge et amélioration des cicatrices
59
Figure 5.4.3 Comparaison d’une cicatrice hypertrophique avec une chéloïde
Chéloïde: prolifération cutanée dans la plaie
et les zones adjacentes normales.
Cicatrice hypertrophique: prolifération cutanée
dans les limites de la plaie.
limites initiales de la plaie). Fortement surélevées, elles
peuvent être prurigineuses, dures et hypersensibles.
Elles peuvent se développer jusqu’à un an après la bles-
sure et persister indéfiniment. Leur traitement est difficile
et ne donne pas souvent de résultats satisfaisants.
Méthodes générales à appliquer
pendant la cicatrisation
Dans le cas des lésions ulcératives de l’ulcère de Buruli,
il faut fréquemment exciser des zones cutanées étendues
et couvrir les parties découvertes par des greffons cutanés.
Une fois que la guérison du site récepteur (et du site de
prélèvement des greffons) a eu lieu, on observe souvent
des cicatrices hypertrophiques. Si l’on ne maîtrise pas le
processus, des déformations handicapantes deviennent
probables à cause des rétractions importantes et de la
formation sans contrôle de tissu cicatriciel épaissi.
Cicatrices hypertrophiques et chéloïdes
Les cicatrices hypertrophiques et les chéloïdes résul-
tent d’une hyperproduction de collagène pendant la guérison
de la plaie et constituent donc une réaction anormale. Les
cicatrices hypertrophiques apparaissent à la suite d’une
prolifération du tissu cutané limitée à la zone de la plaie
et se développent dans les 6 à 8 semaines qui suivent la
réépithélialisation de la peau. Elles tendent à être plus
fréquentes dans les zones soumises à de fortes tensions
ou des mouvements importants. Les lobes des oreilles, la
face antérieure du cou et la paroi de la cage thoracique sont
également des endroits où l’on observe souvent ce type de
cicatrices. Au début, elles sont surélevées, rouges et prurigi-
neuses puis, avec le temps, elle s’aplatissent spontanément.
Dans le cas des cicatrices hypertrophiques, on observe
pendant la cicatrisation une hyperproduction de fibres de
collagènes qui s’enroulent les unes sur les autres comme
des cordages et aboutissent à la forme irrégulière des
nodules (Fig. 5.4.1 et 5.4.2). Ces nodules remplis de colla-
gènes forment ensuite un tissu cicatriciel épaissi et rigide
(fibrose), à l’origine des rétractions. Les cicatrices hyper-
trophiques en forme de bandes peuvent gêner le
mouvement et la circulation. On les observe fréquemment
au voisinage des articulations.
On sait depuis de nombreuses années que l’application
d’une pression constante et contrôlée à la surface d’une
cicatrice hypertrophique en cours d’évolution permet, sur
le long terme, de diminuer la cicatrice et d’obtenir une
surface cutanée plus souple, plus douce et plus flexible. La
figure 5.4.2 illustre les effets d’une pression exercée sur un
tissu cicatriciel en voie de guérison.
Les chéloïdes résultent de la prolifération du tissu
conjonctif dans la zone de la plaie, ainsi que dans la
zone cutanée normale adjacente (elles dépassent les
RETENEZ
La cicatrice
hypertrophique
est une réaction exagérée pen-
dant la guérison de la plaie;
survient plus fréquemment
dans les zones mobiles où
s’exercent de fortes tensions;
est considérée comme une
prolifération du tissu cutané
qui tente de se réparer;
est surélevée, érythémateuse,
prurigineuse et n’empiète pas
sur le tissu normal;
commence à se développer
de 6 à 8 semaines après la
réépithélialisation de la peau;
s’aplatit avec le temps.
Intervention essentielle n° 4 : Prise en charge et amélioration des cicatrices
60
Figure 5.4.4 Déformations causées par des cicatrices et des adhérences
En l’absence d’intervention, ou en négligeant la mise en
position de correction, on aboutit à des déformations
limitant les mouvements et les fonctions.
Les interventions mises en œuvre pour les cicatrices
hypertrophiques en cours d’évolution comprennent la
compression, les séries de plâtres, la chirurgie et le soutien
psychologique. On obtient une compression légère avec
des bandes élastiques, que la plaie soit ouverte ou refer-
mée. Cependant, ces bandes sont parfois difficiles à poser,
gênantes et pas très jolies. Après guérison de la plaie,
l’utilisation de vêtements compressifs individualisés facilite
l’exercice d’une pression constante jusqu’à ce que la
cicatrisation soit achevée (de 12 à 18 mois). Ces vêtements
sont moins gênants mais nécessitent pour le patient de
bénéficier du soutien psychologique de la famille et du
personnel soignant pour l’encourager à bien les porter.
On observe les meilleurs résultats lorsque la com-
pression est appliquée 23 heures sur 24 jusqu’à la fin du
processus de cicatrisation. Dans les zones difficiles, comme
l’aisselle, le coude, le genou, le pouce, les espaces
interdigitaux, le cou et le nez, on obtient la compression
en insérant de la mousse de latex sous les bandes ou les
vêtements compressifs (Fig. 5.4.5). Lorsqu’on utilise la
mousse de latex, il convient de s’assurer qu’elle n’irrite pas
la peau et que la personne n’est pas allergique aux produits
en latex. S’il y a des rétractions des tissus mous, on les
traite avec des plâtres successifs ou des attelles (Fig. 5.4.6).
Il est important de retenir que la compression par des
bandages ou des vêtements compressifs n’a plus
d’effets bénéfiques lorsque le processus de cicatrisation
est arrivé à son terme, c’est-à-dire au bout d’un an au
moins en général.
Intervention essentielle n° 4 : Prise en charge et amélioration des cicatrices
61
Figure 5.4.6
Utilisation de
plâtres successifs
ou d’attelles pour
diminuer les
rétractions des
tissus mous et
améliorer le
mouvement
Figure 5.4.5
Utilisation de
mousse de latex
pour améliorer
la compression
dans des endroits
difficiles et pour
protéger les zones
où une attelle
anti-déformation
est posée
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