33 SEPTEMBRE 2016
ECONOTE
Société Générale
Département des études économiques et sectorielles
DETTE PUBLIQUE AMÉRICAINE : VERS UN FINANCEMENT DE
PLUS EN PLUS INTERNE ET PRIVÉ
Depuis le début des années 2000 jusqu’à la mi-2008, la part de la dette
publique fédérale américaine détenue par les non-résidents est passée de 30% à
50%, sous l’effet de l’accumulation de réserves de change par les banques
centrales des économies émergentes (Chine en tête) et des pays exportateurs de
pétrole, des interventions de change périodiques de la Banque du Japon et des
opérations de carry trade yen-dollar.
L’envolée de la dette publique américaine au lendemain de la « Grande
récession » de 2008 (+40 pts de PIB), combinée aux achats de la Fed dans le
cadre de sa politique de quantitative easing, a certes induit un rééquilibrage partiel
de la base des investisseurs. Pour autant, la détention étrangère s’est maintenue
autour de 50%, les non-résidents restant très actifs sur le marché des Treasuries.
Deux évolutions majeures sont toutefois à noter depuis 2014 :
i) la part de dette publique américaine tenue par les non-résidents a
commencé à se replier : les pays émergents sont devenus vendeurs nets de
titres américains (avec le repli de leurs réserves de change). Cette tendance a
été partiellement contrebalancée par les investisseurs privés, notamment
européens, qui se sont de plus en plus substitués aux banques centrales
émergentes dans l’achat de Treasuries.
ii) Du côté des résidents, la part de la dette totale détenue par la Fed s’est
légèrement repliée à la faveur d’une augmentation de celle des investisseurs
institutionnels notamment (mutual funds, fonds de pension et assureurs), et
dans une moindre mesure des banques.
Ces changements de structure dans la détention de la dette américaine
(moindre détention étrangère, substitution du secteur privé au secteur officiel)
induisent davantage de détention pour motif de « spéculation » (écarts de
rendements) que pour motif de « précaution » (réserves de change). Dans ce
contexte, et dans la mesure ces tendances seraient amenées à se poursuivre,
une plus forte volatilité sur le marché des Treasuries n’est pas à exclure au cours
de ces prochaines années.
Amine TAZI
1
Clémentine GALLÈS
+33 1 58 98 76 31
clementine.galles@socgen.com
1 Amine TAZI, auteur de la
note, était économiste au
sein du Département des
Études Économiques et
Sectorielles, en charge des
études macro-financières et
du suivi des États-Unis.
25%
30%
35%
40%
45%
50%
55%
1998
2000
2002
2004
2006
2008
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2014
2016
POURCENTAGE DE TITRES DU TRÉSOR AMÉRICAIN
DÉTENU PAR LES NON-RÉSIDENTS
Source : Département du Trésor américain
ECONOTE | N°33 SEPTEMBRE 2016
2
Malgré l’accumulat
ion quasi-continue de déficits publics
depuis le milieu des années 1970, les États-Unis n’ont
pas de difficultés à financer leur endettement public,
tant au niveau domestique que par les non-résidents.
Plus particulièrement, la détention de la dette
américaine par les étrangers, qui a nettement
augmenté depuis les années 2000, reste aujourd’hui
très importante (46 % de la dette détenue par le public
cf. Encadré). La forte hausse de la dette publique
fédérale au lendemain de la « Grande récession » de
2008 (de 63 % du PIB fin 2007 à 105 % mi-2016) n’a
pas changé la donne. Le le du dollar comme
monnaie de réserve, de transaction et de valeur refuge
reste un atout de taille pour le pays. Pour autant,
l’afflux de capitaux étrangers « traditionnels » marque
le pas sur la période récente : la détention de la dette
américaine par les non-résidents commence à reculer,
ce qui interroge à nouveau sur la possibilité d’une
rupture dans le mode de financement du déficit
américain. Nous décomposons dans cette étude
l’évolution récente de la tention de la dette
américaine en trois phases distinctes, en analysant ses
déterminants et ses implications.
2
Cette mesure n’inclut pas la dette des États fédérés et des autres administrations publiques locales (environ 3000 Md$), ni la dette des
agences fédérales telles que les Federal Home loan Banks (FHLB) ou la Government National Mortgage Association (GNMA ou Ginnie Mae),
ou encore celle des Government-Sponsored Enterprises (Fannie Mae et Freddie Mac). En revanche, elle inclut de la dette
intragouvernementale. Elle n’est donc pas comparable à la mesure de la dette publique communément retenue en Europe, qui comprend la
dette locale mais exclut la détention intragouvernementale. Pour plus de détail et une comparaison-pays,
cf.https://www.chicagofed.org/publications/chicago-fed-letter/2016/353.
3
Le concept de dette fédérale selon les Flow of Funds (FoF) établis par la Fed (15402 Md$ au T1-2016) diffère de la mesure du Trésor (19265
Md$) en ce qu’il exclut la détention intragouvernementale, à l’exception des Federal Government Retirement Funds (FGRF), considérés
depuis septembre 2015 comme faisant partie du secteur financier. A quelques ajustements près, la dette détenue par le public selon le
Trésor américain (13925 Md$) est ainsi égale à la dette fédérale au sens FoF, de la détention de titres des FGRF (1700 Mds$). Pour des fins
de simplification et de comparabilité, nous qualifierons ce concept de dette fédérale détenue par le public au sens FoF (13702 Md$).
4
La part détenue par les banques atteint 26 % si l’on comptabilise, en sus des Treasuries, les titres des agences gouvernementales (GSE,
Government Sponsored Enterprises), non comptabilisés dans la dette fédérale (même si ces agences bénéficient de la garantie publique).
ENCADRÉ. STRUCTURE DE DÉTENTION DE LA DETTE FÉDÉRALE AMÉRICAINE
Au T1-2016, la dette publique fédérale américaine2 atteint 19 265 Md$ (105 % du PIB) selon le département du
Trésor américain. Ce montant peut être décomposé en deux parts distinctes :
i) la dette « intragouvernementale » (5 340 Md$, soit près de 28% tu total), détenue par des organismes
appartenant au gouvernement fédéral (principalement les Social Security Funds et les Federal retirement funds).
Celle-ci peut être considérée comme une dette du gouvernement fédéral envers lui-même. Elle traduit
essentiellement le réinvestissement, par les agences fédérales, de leur surplus de cash en titres du Trésor. Il s’agit
essentiellement de titres non-négociables.
ii) la dette « détenue par le public » (13 925 Md$) se répartit entre détenteurs domestiques (investisseurs privés,
secteur bancaire et financier, Réserve fédérale, gouvernements locaux) et étrangers (investisseurs privés ou
secteur officiel). Il s’agit essentiellement de titres négociables.
Cette étude se concentre sur les titres du Trésor américain « détenus par le public »3. Ceux-ci sont détenus par
des non-résidents à hauteur de 46 % (6287 Md$), dont 30 % (4072 Md$) par le secteur officiel (banques
centrales, organisations internationales et régionales) et 15 % par des investisseurs privés étrangers. La serve
fédérale apparait ensuite comme second détenteur avec près de 18 % du total. Les investisseurs institutionnels
domestiques détiennent de leur côté 17 % des titres (dont 11% uniquement pour les fonds mutuels), suivis par
les ménages (8 %) puis les collectivités locales et leurs fonds de pensions (6%). Les banques et les compagnies
d’assurance américaines ne détiennent qu’une faible part de titres du Trésor, respectivement 4%4 et 2%.
0
2 000
4 000
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2002
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2012
2014
2016
Dette détenue par le public
Dette intergouvernementale
Source : Département du Trésor américain
Mds$
45,8%
18,3%
4,1%
17,6%
14%
GR. 2 : DÉTENTION DE LA DETTE US* À FIN Q1-2016
Non-résidents
Réserve fédérale
Banques
Autres institutions financières
(essentiellement Mutual funds, fonds
de pension et assureurs)
Autres (Ménages et collectivités
locales notamment)
Sources : Fed, SG
*Titres du Trésor détenus par le public
ECONOTE | N°33 SEPTEMBRE 2016
3
LA DÉTENTION ÉTRANGÈRE DE DETTE
AMÉRICAINE A NETTEMENT AUGMENTÉ
DEPUIS LE DEBUT DES ANNÉES 2000
Au cours des années 2000, le financement du déficit
public des États-Unis par les non-résidents a
nettement progressé, sous l’effet :
- de l’accumulation de réserves de change par les
banques centrales des économies émergentes
(Chine en tête) et des pays exportateurs de pétrole,
et des stratégies d’investissement de leurs fonds
souverains ;
- des interventions de change périodiques de la
Banque du Japon et du report des investisseurs
privés japonais sur les titres du trésor américain
(opérations de carry trade suscitées par le
différentiel de taux d’intérêt avec les États-Unis).
La progression des déséquilibres mondiaux sur la
période5, associée à une plus grande intégration
financière au niveau mondial (diversification des
portefeuilles et augmentation des flux financiers
transnationaux) sont les principaux facteurs expliquant
cette tendance (J. Andritzky, 20126). Du côté des pays
exportateurs de pétrole, l’augmentation du prix du baril
sur la période a alimenté leur épargne excédentaire et
favorisé l’achat de Treasuries au regard de la politique
de change menée par une majorité d’entre eux.
Entre 2000 et mi-2008, les non-résidents ont ainsi
accumulé près de 1500 Md$ de titres du Trésor
américain (dont la moitié par la Chine et le Japon,
suivis des pays de l’OPEP, du Brésil et de la Russie),
soit plus de 80 % de la progression de la dette fédérale
sur la période. La part de la dette détenue par les non-
résidents est ainsi passée de 30 % au début des
années 2000 à plus de 50 % en 2008.
L’excès d’épargne mondial (global saving glut) qui a
caractérisé cette période pré-crise a ainsi contribué à
5
Fort excèdent d’épargne dans les pays émergents, corollaire à
l’accumulation de déficits courants colossaux par certains pays avancés.
6
J. Andritzky, IMF (2012): “Government Bonds and Their Investors: What
Are the Facts and Do They Matter?”
maintenir de faibles taux d’intérêt à long terme aux
États-Unis, en dépit du resserrement monétaire opéré
par la Fed au milieu de la décennie. Cette situation,
alors qualifiée de conundrum par A. Greenspan, a
contribué à la formation de la bulle immobilière et à la
crise du subprime qui a suivi.
In fine, jusqu’à la crise, la dette publique américaine
n’a que peu progressé, mais a été essentiellement
achetée par le secteur officiel non-résident,
notamment des pays asiatiques et exportateurs de
pétrole.
ET S’EST MAINTENUE MALGRÉ
L’ENVOLÉE DE L’ENDETTEMENT PUBLIC
APRÈS LA GRANDE RECESSION DE 2008
L’envolée de l’endettement public américain depuis
mi-2008 (+ 40 pts de PIB), conséquence de la relance
budgétaire massive face à la « Grande récession »,
s’est accompagnée d’un certain rééquilibrage de la
base d’investisseurs vers la détention interne. Celui-
ci est lié à de nombreux facteurs
- le quantitative easing de la Fed, qui a conduit
celle-ci à accumuler près de 2000 Md$ de titres
du Trésor entre le QE1 (initié en décembre 2008)
et le Q3 (achevé en octobre 2014) ;
- une volonté affichée de la Chine, de la Russie et
d’autres pays émergents de rééquilibrer leurs
portefeuilles et de diversifier leurs réserves ;
- un retour progressif d’un biais domestique avec
l’aversion pour le risque.
Pour autant, les étrangers sont restés très actifs sur
le marché des Treasuries : le stock de dette
accumulé par les non-résidents (près de 3700 Md$)
a même été plus important qu’avant-crise. En
conséquence, le ratio de détention étrangère s’est
maintenu autour de 50 % jusqu’en 2014.
Dans le détail, sur les 8525 Md$ de dette
supplémentaire enregistrée depuis mi-2008, 43 % ont
été accumulés par les non-résidents, contre 57 % par
les investisseurs résidents (dont 23 % par la Fed, près
de 10 % respectivement pour par les fonds mutuels et
les ménages, et 5 % par les banques).
25%
30%
35%
40%
45%
50%
55%
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
GR. 3 : POURCENTAGE DE TITRES DU TRÉSOR
AMÉRICAIN DÉTENU PAR LES NON-RÉSIDENTS
Source : Département du Trésor américain
0
2 000
4 000
6 000
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10 000
12 000
14 000
1998
2000
2002
2004
2006
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2010
2012
2014
2016
Mds$
GR. 4 : STOCK DE DETTE FÉDÉRALE AMÉRICAINE (DÉTENUE PAR LE
PUBLIC)
Non-résidents
Fonds mutuels, fonds de pension (hors fédéral) et assurances
Fed
Autres (Ménages, collectivités locales et autres investisseurs domestiques)
Banques
Source : Fed, calculs SG
ECONOTE | N°33 SEPTEMBRE 2016
4
Le maintien d’une forte présence des étrangers sur le
marché des Treasuries tient à de nombreuses
explications. D’une part, la résorption des déséquilibres
courants a été moins importante et moins rapide
qu’attendu, avec la persistance de larges excédents
parmi les pays exportateurs de pétrole et en Chine, et
ce jusqu’en 2014. Les premiers ont bénéficié de
l’envolée du prix du pétrole sur la période, tandis que la
Chine trainait le pas pour rééquilibrer son modèle de
croissance vers la demande intérieure. D’autre part, le
resserrement monétaire aux États-Unis, initialement
attendu dès 2014, a finalement été repoussé après les
tensions induites par l’annonce du tapering7 sur les
pays émergents à l’été 2013. Enfin, la crise de la dette
souveraine en zone euro a contribué à une certaine
raréfaction des titres « sûrs » sur le marché obligataire :
en 2014, l’encours d’obligations souveraines de long
terme des pays de l’OCDE notées AAA ne représente
plus que 42 % du total, contre 52% en 2011. Les titres
du Trésor américains ont donc continué de jouer le rôle
de valeur refuge, ce qui a maintenu l’appétit des
investisseurs étrangers.
Au final, à fin mai 2016, la Chine et le Japon restent les
principaux détendeurs étrangers de titres du Trésor
américain, totalisant à eux deux près de 40 % de la
détention des non-résidents.
7
Annonce par la Fed de la réduction progressive de ses achats de
titres dans le cadre du QE3, pour une fin programmée fin 2014.
Ces données, fournies par le Département du Trésor américain,
doivent pour autant être interprétées avec précaution dans la
mesure l'existence de « centres financiers internationaux »
(Bahamas, Bermudes, Iles vierges britanniques, Iles Cayman,
Panama…) peut biaiser la détention non-résidente à la hausse. En
effet, les statistiques sur les avoirs des non-résidents ne font
souvent pas la distinction entre les détenteurs intermédiaires et
les « néficiaires » finaux : à titre d’exemple, un centre
international de services financiers (Irlande, Luxembourg,
Royaume-Uni, Iles Cayman) peut enregistrer des avoirs le
bénéficiaire final est un résident du pays émetteur, ce qui conduit
à une surestimation de la détention par les non-résidents.
DEPUIS 2014, LA TENTION DE DETTE
AMÉRICAINE EST DE PLUS EN PLUS
INTERNE ET PRIVÉE
Deux évolutions majeures caractérisent le marché des
Treasuries sur la période récente.
La part de dette publique américaine détenue par
les non-résidents a commencé à se replier en 2014,
passant de 50% à 45 % du total. De nombreux pays
sont en effet devenus vendeurs nets de titres
américains, en particulier les pays asiatiques (Japon et
Chine notamment), mais aussi les pays d’Amérique
latine (Brésil et Mexique notamment).
L’accumulation des réserves de change par les
banques centrales émergentes, marque en effet le pas
depuis 2014, voire s’est retournée, pour de
nombreuses raisons. Outre la diminution de l’excédent
d’épargne à recycler dans certaines économies
(rééquilibrage des modèles de croissance), le
ralentissement de la Chine et de nombreuses
économies émergentes, associé aux anticipations de
dépréciation de leurs monnaies et à l’effet taper
tantrum (reflux des capitaux initialement partis vers les
pays émergents) ont induit des sorties de capitaux
dans ces pays, inversant la tendance observée jusque
là. L’effondrement du prix du pétrole depuis la mi-2014
a quant à lui largement affecté les revenus des pays
exportateurs, limitant également leur accumulation de
réserves. Enfin, l’arrêt des interventions de change de
la Banque du Japon semble également avoir contribué
à ce phénomène.
Dans le me temps, les ventes nettes de titres du
Trésor américain par les pays émergents ont été en
partie contrebalancées par des achats nets côté
européen (Royaume-Uni, Suisse, France et Allemagne
notamment). Cela s’explique en partie par l’appétit des
investisseurs privés européens pour les actifs
américains dans une logique de recherche de
rendement, compte tenu de l’élargissement de l’écart
de taux d’intérêt au profit des États-Unis.
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
2002
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2014
2016
Mds $
GR. 5 : DÉTENTION DE TITRES DU TRÉSOR AMÉRICAIN PAR LES NON-
RÉSIDENTS
Chine
Japon
Autres pays émergents*
Autres**
OPEP (hors Angola, Gabon, Lybie et Iran) & Russie
Sources : Trésor US, calculs SG
* Brésil, Pays des Caraibes, Chili, Colombie, Mexique, Inde, Corée, Singapour, Taiwan, Thailande, Turquie
** Essentiellement UE, Suisse et autres pays asiatiques
Principaux détenteurs étrangers de
titres du Tsor américain (fin mars
2016 - Département du Tsor)
Mds de $ % du total
1. Chine 1244,0 20,0%
2. Japon 1133,2 18,3%
3. Iles Cayman* 260,2 4,2%
4. Irlande 259,8 4,2%
5. Bsil 249,5 4,0%
6. Suisse 228,7 3,7%
7. Luxembourg 221,8 3,6%
8. Royaume-Uni 216,5 3,5%
9. Hong Kong 192,7 3,1%
10. Taiwan 181,5 2,9%
11. Belgique 151,7 2,4%
12. Inde 118,0 1,9%
13. Singapour 109,2 1,8%
14. Arabie Saoudite 103,7 1,7%
15. Allemagne 97,1 1,6%
16. Russie 88,2 1,4%
….
Autres pays 1353 21,8%
TOTAL 6208,3 100,0%
ECONOTE | N°33 SEPTEMBRE 2016
5
La seconde tendance qui s’est dégagée depuis
deux ans est la substitution de plus en marquée des
investisseurs privés au secteur officiel dans l’achat
de titres de dette américaine par les non-résidents.
D’une part, les politiques de quantitative easing lancées
par les autres grandes banques centrales (BCE, BoJ)
ont favorisé des sorties de capitaux de la zone euro et
du Japon, les investisseurs privés reportant leur excès
de liquidité à l’étranger, en partie vers les titres de dette
souveraine américaine. De l’autre côté, la libéralisation
progressive des mouvements de capitaux en Chine,
associée aux craintes relatives au ralentissement
chinois et émergent ont induit une réorientation des
capitaux vers les États-Unis. Ces évolutions sont
intervenues dans un contexte où la Fed opérait son
tapering, qui a eu pour effet de stabiliser l’encours de
dette publique qu’elle détient à son bilan , de
provoquer des anticipation de hausse de taux
américains et de favoriser ces mouvements de
capitaux.
Cette tendance s’étend aux autres titres de long terme
américains, hormis les actions : les investisseurs privés
étrangers ont, en plus des Treasuries, également
augmenté leur achats d’obligations corporate et
agencies américaines. Sur la base des données de
balance de paiements, il est aussi intéressant de noter
l’augmentation des flux d’IDE étrangers vers les États-
Unis en 2015 alors que les flux d’investissement en
portefeuille reculaient.
CONSÉQUENCES DES CHANGEMENTS
DANS LE MODE DE FINANCEMENT DE
LA DETTE AMERICAINE ?
Ce changement de structure dans la détention de la
dette américaine (secteur privé vs. officiel) traduit en
grande partie le passage d’une détention pour motif
de « précaution » (réserves de change) à un passage
pour motif de « spéculation » (écarts de
rendements). Plusieurs facteurs devraient contribuer à
une poursuite de ces tendances :
i) le maintien de politiques monétaires ultra
accommodantes côté européen et japonais (QE
notamment) devrait maintenir l’appétit des
investisseurs privés étrangers pour les titres
américains, à des fins de recherche de rendement.
ii) si elle maintient pour le moment la taille de son
bilan constante depuis la fin 2014 malgré l’arrêt du
QE3, la Fed devrait réduire à moyen terme la taille de
son bilan, en arrêtant le réinvestissement des tombées
de principal arrivant à maturité.
iii) les exigences réglementaires de plus en plus
contraignantes devraient favoriser une détention
accrue de titres de dette souveraine de qualité par les
institutions financières privées.
iv) l’évolution des déséquilibres mondiaux (large
excédent courant en zone euro, rééquilibrage de la
croissance chinoise, modeste remontée des prix des
matières premières,…) va aussi dans le même sens;
v) enfin, l’ouverture progressive du compte de
capital de la Chine devrait aussi se traduire par une
augmentation des investissements privés chinois à
l’étranger et, corrélativement, une baisse des achats de
titres étrangers par la banque centrale.
Une plus forte volatilité sur le marché des
Treasuries devrait accompagner ce passage d’un
modèle de détention « buy and hold » (secteur
officiel) à une détention plus opportuniste (en
fonction des écarts de rendement) par le secteur
privé (étranger, mais aussi interne). Cette hausse de
la volatilité serait en outre favorisée par d’autres
tendances, qui devraient également se prolonger :
moindre liquidité de marché, développement du
trading/gestion électronique, recherche de rendement
dans un environnement de taux bas
-350
-300
-250
-200
-150
-100
-50
0
50
100
150
200
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350
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2013
2014
2015
2016
GR. 6 : FLUX D'ACHATS NETS DE TITRES DU TRÉSOR AMÉRICAIN PAR
LES NON-RÉSIDENTS
Afrique
Asie
Amérique latine
Europe (UE28 et hors UE)
Autres pays
Canada
Source : Trésor US, calculs SG
Mds $, cumul 12 mois
-600
-400
-200
0
200
400
600
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
GR. 7 : ACHATS DE TITRES DU TRÉSOR AMÉRICAIN PAR LES
NON-RÉSIDENTS
Secteur officiel
Secteur privé
Source : Trésor US
Mds $, cumul 12 mois
-200
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
GR. 8 : ACHATS DE TITRES DE LONG-TERME AMÉRICAINS PAR LES
NON-RÉSIDENTS
Total
Achats nets de Treasuries
Achats nets d'actions
Achats nets d'obligations corporate
Achats nets d'agencies
Source : Trésor américain
Mds $, cumul 12 mois
1 / 8 100%