ECONOTE | N°33 – SEPTEMBRE 2016
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Le maintien d’une forte présence des étrangers sur le
marché des Treasuries tient à de nombreuses
explications. D’une part, la résorption des déséquilibres
courants a été moins importante et moins rapide
qu’attendu, avec la persistance de larges excédents
parmi les pays exportateurs de pétrole et en Chine, et
ce jusqu’en 2014. Les premiers ont bénéficié de
l’envolée du prix du pétrole sur la période, tandis que la
Chine trainait le pas pour rééquilibrer son modèle de
croissance vers la demande intérieure. D’autre part, le
resserrement monétaire aux États-Unis, initialement
attendu dès 2014, a finalement été repoussé après les
tensions induites par l’annonce du tapering7 sur les
pays émergents à l’été 2013. Enfin, la crise de la dette
souveraine en zone euro a contribué à une certaine
raréfaction des titres « sûrs » sur le marché obligataire :
en 2014, l’encours d’obligations souveraines de long
terme des pays de l’OCDE notées AAA ne représente
plus que 42 % du total, contre 52% en 2011. Les titres
du Trésor américains ont donc continué de jouer le rôle
de valeur refuge, ce qui a maintenu l’appétit des
investisseurs étrangers.
Au final, à fin mai 2016, la Chine et le Japon restent les
principaux détendeurs étrangers de titres du Trésor
américain, totalisant à eux deux près de 40 % de la
détention des non-résidents.
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Annonce par la Fed de la réduction progressive de ses achats de
titres dans le cadre du QE3, pour une fin programmée fin 2014.
Ces données, fournies par le Département du Trésor américain,
doivent pour autant être interprétées avec précaution dans la
mesure où l'existence de « centres financiers internationaux »
(Bahamas, Bermudes, Iles vierges britanniques, Iles Cayman,
Panama…) peut biaiser la détention non-résidente à la hausse. En
effet, les statistiques sur les avoirs des non-résidents ne font
souvent pas la distinction entre les détenteurs intermédiaires et
les « bénéficiaires » finaux : à titre d’exemple, un centre
international de services financiers (Irlande, Luxembourg,
Royaume-Uni, Iles Cayman) peut enregistrer des avoirs où le
bénéficiaire final est un résident du pays émetteur, ce qui conduit
à une surestimation de la détention par les non-résidents.
DEPUIS 2014, LA DÉTENTION DE DETTE
AMÉRICAINE EST DE PLUS EN PLUS
INTERNE ET PRIVÉE
Deux évolutions majeures caractérisent le marché des
Treasuries sur la période récente.
La part de dette publique américaine détenue par
les non-résidents a commencé à se replier en 2014,
passant de 50% à 45 % du total. De nombreux pays
sont en effet devenus vendeurs nets de titres
américains, en particulier les pays asiatiques (Japon et
Chine notamment), mais aussi les pays d’Amérique
latine (Brésil et Mexique notamment).
L’accumulation des réserves de change par les
banques centrales émergentes, marque en effet le pas
depuis 2014, voire s’est retournée, pour de
nombreuses raisons. Outre la diminution de l’excédent
d’épargne à recycler dans certaines économies
(rééquilibrage des modèles de croissance), le
ralentissement de la Chine et de nombreuses
économies émergentes, associé aux anticipations de
dépréciation de leurs monnaies et à l’effet taper
tantrum (reflux des capitaux initialement partis vers les
pays émergents) ont induit des sorties de capitaux
dans ces pays, inversant la tendance observée jusque
là. L’effondrement du prix du pétrole depuis la mi-2014
a quant à lui largement affecté les revenus des pays
exportateurs, limitant également leur accumulation de
réserves. Enfin, l’arrêt des interventions de change de
la Banque du Japon semble également avoir contribué
à ce phénomène.
Dans le même temps, les ventes nettes de titres du
Trésor américain par les pays émergents ont été en
partie contrebalancées par des achats nets côté
européen (Royaume-Uni, Suisse, France et Allemagne
notamment). Cela s’explique en partie par l’appétit des
investisseurs privés européens pour les actifs
américains dans une logique de recherche de
rendement, compte tenu de l’élargissement de l’écart
de taux d’intérêt au profit des États-Unis.
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
GR. 5 : DÉTENTION DE TITRES DU TRÉSOR AMÉRICAIN PAR LES NON-
RÉSIDENTS
OPEP (hors Angola, Gabon, Lybie et Iran) & Russie
Sources : Trésor US, calculs SG
* Brésil, Pays des Caraibes, Chili, Colombie, Mexique, Inde, Corée, Singapour, Taiwan, Thailande, Turquie
** Essentiellement UE, Suisse et autres pays asiatiques
Principaux détenteurs étrangers de
titres du Trésor américain (fin mars
2016 - Département du Trésor)
Mds de $ % du total
1. Chine 1244,0 20,0%
2. Japon 1133,2 18,3%
3. Iles Cayman* 260,2 4,2%
4. Irlande 259,8 4,2%
5. Brésil 249,5 4,0%
6. Suisse 228,7 3,7%
7. Luxembourg 221,8 3,6%
8. Royaume-Uni 216,5 3,5%
9. Hong Kong 192,7 3,1%
10. Taiwan 181,5 2,9%
11. Belgique 151,7 2,4%
12. Inde 118,0 1,9%
13. Singapour 109,2 1,8%
14. Arabie Saoudite 103,7 1,7%
15. Allemagne 97,1 1,6%
16. Russie 88,2 1,4%
Autres pays 1353 21,8%
TOTAL 6208,3 100,0%