Mousson via Lunéville et Nancy (8). Mais la victoire de René II sur Charles le
Téméraire mit fin à ces efforts, d'ailleurs inégalement suivis d'effets. En 1477,
dès le succès décisif de Nancy, le duc prit contre eux un décret d'expul-
sion (9).
Au début donc des années de la Renaissance, les juifs étaient interdits de
résidence dans les duchés de Lorraine et Bar ainsi que dans la ville libre de
Metz. On n'en connaît pas dans les temporels des évêques de Toul et de Verdun,
seules quelques familles devaient subsister sur les terres administrées par l'évê-
que de Metz, essentiellement dans le Saulnois, mais aussi peut-être à Saint-
Avold. Mais d'autres étaient toujours installées à proximité. Ainsi à
Sarreguemines, ville placée sous la souveraineté des ducs de Lorraine. La
mesure d'expulsion de 1477 y fut appliquée, mais les juifs purent se réfugier à
Welferding, village situé à proximité, mais sous la souveraineté des comtes de
Sarrebruck Nassau. Plus loin vers l'est, leur situation était particulièrement
mouvante. En Alsace où n'existait aucune autorité centrale, chaque prince, cha-
que ville, chaque seigneur, laïc ou ecclésiastique, faisait ce qu'il jugeait le plus
conforme à ses intérêts. Les principaux adversaires des juifs, en cette longue fin
du Moyen Age étaient d'abord les commerçants chrétiens, boutiquiers et arti-
sans regroupés dans leurs corporations, et qui craignaient la confrontation avec
des concurrents se contentant de bénéfices moindres. Ils furent donc tout natu-
rellement à l'origine des mesures d'éloignement qui se prirent d'abord dans les
villes principales, Strasbourg en tout premier lieu, puis s'étendirent peu à peu
aux villes moyennes. C'est ainsi que se constitua alors ce judaïsme rural si
caractéristique de l'Allemagne rhénane alors que celui de l'Allemagne médié-
vale avait été plutôt urbain (10). Ce fut le prélude à un véritable bouleversement
économique et social.
En effet, cette mutation, essentielle dans l'histoire des juifs de nos régions,
se produisait au moment où de profondes transformations sociales et économi-
ques affectaient le monde rural. Ce sont ces mutations, que nous allons à présent
étudier, qui expliquent le surprenant renversement de la tendance, en ce qui les
concerne, tant en 1564 de la part des autorités françaises ayant la charge de la
place forte de Metz, qu'en 1597 du duc de Lorraine Charles III (11). Tendance
qui s'accentuera encore lorsque à partir de 1634, les armées françaises occupè-
8. Pour plus de détails, on se rapportera à FRAY (J.-L.), « La présence juive au Moyen
Age », dans Archives juives №27/2, 1994, p. 25-38.
9. On les accusa, mais bien plus tard, de ne pas avoir été loyaux envers le duc René, ayant
paraît-il vendu des chevaux autant aux Lorrains qu'aux Bourguignons. LEMALET
Martine, Maggino Gabrielli, dans Archives juives op. cit. p. 41.
10.
On estime que vers 1550, ne vivent en Alsace guère plus de cent à cent vingt familles
juives, dont la moitié dans le comté de Hanau Lichtenberg. WEIL (G.), « l'Alsace »,
dans Histoire des Juifs en France, BLUMENKRANZ (B.)( dir.) Privas, 197.
11.
Charles III avait décidé en 1597 d'autoriser un certain Maggino Gabrielli, « consul
général de la nation hébraïque et levantine », de s'installer à Nancy pour y ouvrir 2
banques et un Mont de Piété. L'affaire avorta. Cf. LEMALET Martine supra.