Partager la beauté et la grandeur des arts de l`Islam ». Interview d

INTERVIEW
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LES ARTS DE L’ISLAM
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Quand et comment furent constituées les
collections d’arts de l’Islam du Louvre ?
Henri Loyrette. Leurs histoires et leurs origines
sont variées. Quelques objets, comme le baptistère
de Saint Louis (voir p. 31) et certaines pièces de
jade, proviennent des collections royales et sont
conservées en France depuis parfois le Moyen Âge ;
c’est aussi le cas de l’aiguière de cristal de roche qui
provient du trésor de Saint-Denis (voir p. 27). Mais
la majorité des pièces provient de dons faits au
musée entre la fin du e siècle et la Seconde
Guerre mondiale et d’achats effectués par les
conservateurs du Louvre à la même période. Un lot
d’environ 3 000 pièces est un dépôt du musée des
Arts décoratifs consenti en 2006 et qui complète
parfaitement les collections du Louvre : ce sont
souvent les mêmes donateurs qui ont fait preuve de
générosité envers les deux institutions. Le Louvre
conserve un important ensemble d’objets archéo-
logiques d’époque islamique provenant du site de
Suse en Iran. Et le musée continue régulièrement
de s’enrichir, par des dons et par des acquisitions.
Comment a été pensé le réaménagement
de ces salles ?
H. L. Le projet est né d’une constatation que
j’avais faite dès mon arrivée au Louvre, en 2001 :
notre musée possédait l’une des plus belles collec-
tions au monde dans le domaine des arts de l’Islam,
mais un dixième seulement des œuvres était pré-
senté et, faute de place, nous ne pouvions ni remon-
ter les éléments d’architecture ni déployer notre
collection de tapis. Il était indispensable qu’une
civilisation si importante, si intimement liée à
l’ensemble des domaines couverts par le Louvre,
touchant tant de siècles et de pays, ait enfin droit
à des espaces dignes en qualité et en surface.
Dès le départ, notre parti pris a été de ne pas
remodeler des salles existantes, mais de construire
de nouveaux espaces. Et de le faire à la fois dans
l’esprit des lieux et en nous efforçant de capter ce
qui se faisait de plus beau et de plus novateur dans
le domaine de l’architecture, ce que le palais du
Louvre s’est toujours attaché à faire, à chaque
époque, tout au long de son histoire.
La création et l’intégration de ces nouveaux
espaces ont constitué un véritable défi architec-
tural et même technique, dans cette cour Visconti,
lieu chargé d’histoire, situé au cœur même du
palais du Louvre. Pour répondre à ce défi, les
architectes Mario Bellini et Rudy Ricciotti ont su
trouver un subtil et élégant équilibre entre le clas-
sicisme de la cour du e siècle et l’évocation des
arts de l’Islam à travers une verrière ondulante,
remarquablement novatrice, alliant le verre et le
métal, qui prolonge l’aplomb des façades de la
cour Visconti.
Le Louvre est avant tout un musée d’art :
de quelle façont la logique esthétique
s’articule-t-elle avec une nécessaire approche
anthropologique ?
H. L. La vocation du Louvre a toujours été d’être
un musée universel, dont les collections se com-
posent d’œuvres d’art ou de pièces archéologiques
exceptionnelles et singulières, dont une grande
partie provient de commandes prestigieuses. Les
objets exposés ont donc des qualités esthétiques
évidentes et la redécouverte des arts de l’Islam
que nous proposons aux visiteurs du Louvre passe
par l’intérêt esthétique qu’ils suscitent. Cepen-
dant, bien que n’étant pas un musée anthropolo-
gique, le Louvre ne s’inscrit pas dans une démarche
qui privilégierait l’art pour l’art. Chaque œuvre est
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grandeur des arts de l’Islam >>
Logées dans un nouvel environnement architectural
et scénographique, les collections d’art islamique du
Louvre sont de nouveau accessibles au grand public.
> INTERVIEW D’HENRI LOYRETTE, PRÉSIDENT-DIRECTEUR DU MUSÉE DU LOUVRE, PAR GUY BELZANE
HENRI LOYRETTE
Conservateur du
patrimoine depuis 1975,
il a été pensionnaire de
l’Académie de France
à Rome de 1975 à 1977.
À son retour, il devient
conservateur au musée
d’Orsay. Il en est nommé
directeur en 1994. Il est
conservateur général
depuis 1995 et membre
de l’Institut (Académie
des beaux-arts) depuis
1997. Il est président-
directeur du musée
du Louvre depuis 2001.
Spécialiste du XIXe siècle,
il a été commissaire de
nombreuses expositions
(« Impressionnisme :
les origines, 1859-1869 »
en 1994, « Marcel Proust :
l’écriture et les arts » en
1999, « Manet : les natures
mortes » en 2000, etc.).
Il a également écrit ou
dirigé plusieurs ouvrages :
Gustave Eiffel (1985), Degas :
« Je voudrais être illustre
et inconnu » (1988), etc.
P O IR F L
© DR
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LES ARTS DE L’ISLAM
replacée dans son contexte historique et géogra-
phique afin d’en faciliter la compréhension. Notre
volonté est de partager la beauté et la grandeur
des arts de l’Islam avec le public.
Ces collections montrent finalement
assez peu d’objets religieux. Comment
l’expliquez-vous ?
H. L. Il ne faut pas confondre les arts de « l’Islam »
− la civilisation − avec les arts de « l’islam » − la
religion. S’il est vrai qu’en 1893 il y avait une sec-
tion d’« art musulman » au Louvre, perçue donc
comme réservée à des objets d’art à vocation prin-
cipalement religieuse, les termes d’« art islamique »
ou d’« art de l’Islam » se sont imposés au milieu du
e siècle pour désigner l’ensemble de la produc-
tion artistique du monde islamique, qu’elle soit
religieuse ou non. Ces arts concernent des terri-
toires allant de l’Espagne aux confins de l’Inde, où
se mêlent des populations musulmanes, chré-
tiennes, juives. Il serait réducteur d’imaginer
qu’une aire aussi vaste n’ait produit que des objets
d’art strictement religieux. L’art de cour et les pro-
ductions profanes, extrêmement riches et variés,
y occupent une place essentielle.
L’accès de ces collections au grand public
se fait dans un contexte particulier, de
tensions entre l’Occident et l’Islam…
H. L. Ce nouveau département s’impose
comme un lieu à la fois témoin et carrefour d’une
compréhension mutuelle, une passerelle entre
Orient et Occident, qui parleront de leurs diffé-
rences, mais aussi de leur histoire commune, de
leurs interpénétrations mutuelles tout au long des
siècles. Le choix même du nom de ces espaces
– « département des Arts de l’Islam » – s’inscrit
dans une démarche que le Louvre assume pleine-
ment. Il s’agit bien de présenter la face lumineuse
d’une civilisation, qui engloba une humanité infini-
ment variée et riche. À travers ce geste artistique,
nous avons souhaité mettre en avant une approche
large et inclusive qui rassemble des mondes extrê-
mement divers (andalou, mamelouk, ottoman,
persan, etc.).
Dans quelle mesure la dimension péda-
gogique est-elle présente ?
H. L. Le visiteur n’est pas convié à un simple
parcours au cœur des œuvres, mais à un voyage
sensible, grâce à des outils pédagogiques l’aidant à
se repérer dans le temps et dans l’espace.
Ce parcours est scandé de panneaux illustrés
par des textes, des chronologies, des cartes animées
permettant de suivre l’évolution des terres d’Islam.
Des animations multimédias donnent les clés de
lecture de cette civilisation : importance du phéno-
mène urbain, diversité des langues et des cultures,
présence des religions, etc. Elles apportent égale-
ment des précisions en montrant, par exemple, que
l’art islamique fait autant appel à la figuration
qu’aux motifs géométriques ou qu’un même objet
peut relever de la sphère religieuse ou de la sphère
profane en fonction du contexte dans lequel il est
utilisé. Enfin, pour approfondir certains aspects
essentiels à la compréhension de la collection et
des objets, le visiteur dispose de nombreux outils
multimédias expliquant les innovations techniques
comme celles du verre émaillé, de la céramique
lustrée ou des métaux incrustés. Des thèmes plus
spécifiques comme l’écriture ou la calligraphie sont
développés par l’image et par le texte et plusieurs
programmes expliquent le contexte de création de
certaines œuvres majeures.
Rez-de-cour
du département
des Arts de l’Islam,
musée du Louvre.
MAKARIOU Sophie
(sous la dir. de).
Les Arts de l’Islam
au musée du Louvre.
Paris : musée du
Louvre/Hazan, 2012.
SAVOIR
©M. BELLINI/R. RICCIOTTI/2012 MUSÉE DU LOUVRE/ANTOINE MONGODIN
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