Note pour Cahier Formation « Solidaires » version du 2 novembre 2009.
L'évolution des méthodes de management
Au fil des années, le capitalisme a évolué en passant par différents stades: capitalisme
essentiellement familial d'abord, capitalisme managérial puis capitalisme financier... Ces
évolutions ne sont pas forcément linéaires et on peut encore aujourd'hui trouver des
entreprises familiales. Mais il nous faut comprendre les évolutions essentielles qui
dominent dans chaque période.
Le terme de management est employé depuis de nombreuses années mais s'est
généralisé dans le discours des entreprises seulement depuis une vingtaine d'année. On
parlait plutôt précédemment d'organisation du travail, de méthodes hiérarchiques..
Le terme management trouve son origine en français dans les mots manège… ménager…
avec des définitions diverses: « Le management ou la gestion est l'ensemble des
techniques d'organisation qui sont mises en œuvre pour l'administration d'une entité. »
(définition de wikipedia » ou
« Prendre en charge un groupe de travail en lui donnant les moyens individuels et
collectifs de progresser vers un meilleur équilibre efficacité / confort au service de la
stratégie de l’organisation »...
Taylorisme, fordisme, un modèle dominant le 19ème siècle et l'essentiel du 20 éme
siècle...
Le taylorisme tire son nom d'une méthode proposées par l'ingénieur américain
Frederick Taylor (1856-1915). Apparue en 1880 elle repose sur une organisation a priori
définie par des scientifiques.
L'Organisation Scientifique du Travail telle que la conçoit Taylor repose sur la
parcellisation des tâches, avec des travailleurs qui doivent se comporter en simples
exécutants dans d'immenses usines mécanisées. Taylor a introduit dans le monde du
travail une division des tâches et une séparation radicale entre ceux qui conçoivent et
ceux qui produisent. Pour Taylor, l’ouvrier n’est pas là pour penser, mais pour exécuter
des gestes savamment calculés pour lui (techniques de production, gestes, rythmes,
cadences) , il est stimulé par un système de primes au rendement. Tout travail intellectuel
et de conception doit être enlevé de la production pour être concentré dans les bureaux
de planification et d’organisation de l’entreprise.
L’industrialisation a eu pour effet de vider le sens du travail en lui ôtant sa valeur d’accomplissement
de soi dans une oeuvre comme c'était le cas pour l'artisan. Le mot "ouvrier" (celui qui fait une oeuvre)
n'a alors plus beaucoup de sens.
Taylor est tout à fait conscient du caractère abrutissant du travail ainsi proposé à l’ouvrier: " l’une des
premières caractéristiques d’un homme qui est capable de faire le métier de manutentionnaire de
gueuses de fonte est qu’il est si peu intelligent et si flegmatique qu’on peut le comparer, en ce qui
concerne son attitude mentale, plutôt à un bœuf qu’à toute autre chose. L’homme qui a un esprit vif
et intelligent est, pour cette raison même, inapte à exercer ce métier en raison de la terrible
monotonie d’une tâche de ce genre." (Taylor, 1911).
Le fordisme est un mode de développement de l'entreprise propo et mis en oeuvre par
Note pour Cahier Formation « Solidaires » version du 2 novembre 2009.
Henry Ford (1863-1947) industriel américain qui produit les voitures du même nom. Il
reprend et complète les principes du taylorisme. La division du travail est à la fois
verticale (séparation entre conception et réalisation) et horizontale (parcellisation des
tâches). Le travail à la chaîne apparaît avec une standardisation permettant de produire
en grandes séries avec des pièces interchangeables. Ford augmente le pouvoir d'achat
des ouvriers (5 dollars/jour contre 2 à 3 auparavant), pour stimuler et augmenter la
consommation. Cette augmentation des salaires avait par ailleurs pour but principal de
lutter contre le turn-over et a démission des ouvriers devenu de plus en plus élevé avec
l'apparition du travail à la chaîne, qui rendait les conditions de vie des ouvriers très
difficiles.
Les conséquences de ces organisations se sont traduites par des hausse de
productivité, une standardisation de la production pour favoriser la consommation de
masse. Ces modes d'organisation permettaient la baisse des coûts de production avec
des conséquences très néfastes sur les ouvriers: déqualification du travail ouvrier de plus
en plus répétitif et monotone et contrôle du travail par la direction. Des grèves et conflits
importants ont émaillés les années de développement de ces organisations dont les plus
importantes ont eu lieu en France dans les années 70 avec des grèves d'OS (Ouvriers
Spécialisés) notamment de l'automobile. Ces modes d'organisation et ces logiques
restent encore très présente dans de nombreuses entreprises.
Les méthodes de pilotage de la production par l'aval...du capitalisme familial au
capitalisme managérial
Le taylorisme et le fordisme se caractérisent notamment par un pilotage centralisé et « en
amont » de la production. Il est mis en place dans une période avec un capitalisme
familial (Ford, Berliet, Michelin, Peugeot, Citroen, Rothschild etc.)! caractérisé par un petit
nombre d'actionnaires qui sont aussi les propriétaires dirigeants. Ce système convient
plutôt bien pour les productions standardisées. Mais les évolutions conduisent
aujourd'hui les décideurs à partir des besoins des clients à qui on propose de multiples
produits, options, marques... On parle maintenant de pilotage de la production et du
management par l'aval...
Les familles ont cédé progressivement la place aux « managers » à la direction des
entreprises.
Alors que les entreprises gardaient lessentiel des bénédices pour autofinancer leur
développement, on assiste à des changements en profondeur dans la gestion des
Entreprises et dans les Conseils d'Administration. Les managers sont formés dans les
écoles de commerce plutôt que dans les écoles d’ingénieurs. Les système
d'interessement aux résultats de l’entreprise se développent. Ils n’ont plus la vision
«patrimoniale» de l’entreprise : le résultat compte plus que le bilan...
Plusieurs méthodes de management vont alors se développer à partir des années 1970,
1980... Pour partie importées des USA ou du Japon, elles font, dans les discours, appel à
la mobilisation des « Ressources Humaines » à l'autonomie, à l'investissement personnel.
Les cercles de qualité apparaissent ainsi aux USA dans les années 1970 et se
développent en Europe fin des années 1970 et début des années 1980... Un responsable
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principal fixe les objectifs de travail pour un problème particulier. Un groupe de travail de
4 à 15 personnes (de niveau et de service différents dans l'entreprise), se rencontrent
régulièrement pour définir, analyser, choisir, proposer et résoudre les problèmes
concernant la qualité dans le travail. De tous les problèmes, le groupe se focalise sur le
plus important et apporte sa réflexion (brainstorming).
Le toyotisme est un mode d'organisation qui nous vient du Japon. Pensé dans les
années 60 par l'entreprise Toyota, il sera médiatisé et ensuite importé dans les pays
industrialisée comme système de gestion... Selon ses promoteurs, il s'agit d'une méthode
consistant à réduire les coûts et les gaspillage, maintenir une qualité optimale des
produits tout au long de la chaîne de production notamment par la réduction des stocks
et l'adaptation de la production à la demande. C'est la production à flux tendu (ou
production « juste à temps », ou « méthode kanban »)... Le rôle des transports devient
essentiel avec des stocks qui sont sur les routes. Dans la théorie, ce système prend l'avis
des travailleurs qui doivent contribuer en permanence à analyser les problèmes et
contribuer à leur résolution.
En complément de ces évolutions du management, les Entreprises se lançent dans de
vastes mouvements de restructurations. Le développement de la sous traitance devient la
règle. Il faut « externaliser ». Tout ce qui n'est pas le coeur du métier va être dégagé des
entreprises. Les fournisseurs devront s'adapter, prendre en charge une partie de la
conception, ils seront « associés aux risques ».
On parle de « Downsizing » pour parler des dispositifs de réduction des effectifs, la
flexibilité, la précarité, les délocalisations, les processus de
« fusions/acquisitions/restructurations » se multiplient. Pendant cette période, le
capitalisme a pû faire miroiter pour les travailleurs la possibilité de développer leur
compétences et leur intelligence mais avec une réalité bien différente.
Du capitalisme managérial au capitalisme financier...
Le mouvement de libération du capital a conduit à une émancipation des logiques
financières vis-à-vis des logiques sociales mais aussi des logiques productives.Et la
libération du capital s'est accompagnée d'une attaque contre le travail. Les mesures
mises en oeuvre par Ronald Reagan et Margaret Thatcher avaient été expérimentées au
Chili, sous Pinochet qui avait servi de laboratoire
aux « Chicago boys » menés par Friedman. Elles se sont accompagnées d'un
affrontement délibéré avec le mouvement syndical (à l'occasion de la grève des
contrôleurs aériens aux USA et de la grève des mineurs en Grande-Bretagne). La crise
financière est donc un des volets d'un mouvement qui s'est traduit par une augmentation
considérable de la pression sur le travail. Un profond déséquilibre s’est installé dans le
rapport capital-travail. Les exigences financières à court terme dominent l'essentiel des
rapports de travail. Les hiérarchies issues du métier ont été remplacées par des
managers formés dans les écoles de commerce, les écoles de gestion.... La pression se
développe partout au sein des entreprises et en direction des entreprises sous-traitante.
Dans certaines grandes entreprises qui ne sont pas soumises à des menaces particulres, on assiste
en outre à un phénomène étrange. La direction fonctionne comme un état-major militaire en temps de
paix, qui simule des situations de guerre, qui effectue des manœuvres pour s’y préparer. Cela revient,
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en entreprise, à travailler la flexibilité. Les réformes de structure se succèdent. Les organisations se
modifient brutalement. Du jour au lendemain, un centre d’appels performant est délocalisé à l’autre
bout du pays alors qu’il embauchait encore une semaine plus tôt : personne ne savait qu’il allait
disparaître. Il s’agit peut-être d’assouplir les salariés, pour qu’ils deviennent plus réactifs, plus high-
tech, plus adaptés au marché...
[Et voilà le travail Chroniques de l’humain en entreprise. Interview de Philippe Davezies, enseignat
chercheur à Lyon I (Le blog d'Elsa Fayner)]
Les méthodes de management reposent désormais sur l'individualisation, le salaire au
mérite, les dispositifs de participation et d'interessement. L'infantilisation, les challenges
sont sensés mobiliser les salariés...Les évaluations du travail sont devenues de plus en
plus extérieures au travail et reposent sur des grilles et des indicateurs de débit et de
rentabilité qui traduisent la pression financière jusqu'au poste de travail. D'un côté, le
discours reste celui de la qualité totale certifiée au client mais de l'autre l'exigence de
produire sans s’embarrasser des détails conduit à une dégradation souvent importante
de la qualité « réelle » telle qu'elle est vécue par les travailleurs.
Dans cette situation, ceux qui ne sont pas dans le moule sont exclus. Des consultants se
spécialisent dans le coaching, l'employabilité (voir encadré). Outre la multiplication des
contrats précaires, une fraction du salariat est incité à travailler pour les entreprises en
indépendant.
Les conquences des évolutions des organisations du travail font de nombreux dégats
sur la vie et la santé des travailleurs. Les maladies professionnelles explosent, les
accidents du travail restent à un niveau élevé. Le lien entre les suicides et les évolutions
du travail est de plus en plus souvent démontré.
Une étude de l'Institut de Recherches Economiques et Sociale sur la productivité du travail en France
et aux USA, montre que les performances plus élevées en France sont en partie dues au fait que sont
exclues de l'emploi les fractions de la population active les moins « employables » (jeunes en
difficultés d'insertion, seniors...) La revue de l'IRES N°58
Pour les nouveaux théoriciens du management, l'employabilité est « la capacité à maintenir ou
retrouver rapidement un emploi. C'est aussi capitaliser et transférer ses expériences, évoluer, enrichir
son capital. »
Compléments à rédiger par Solidaires sur l'action syndicale...
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