BISCRU Serge de Thaey est un peu nerveux… De tempérament, s’entend ! Vif, à l’affût, toujours dans l’action et la passion. Il s’apprête pourtant à lancer son entreprise et à commercialiser son invention, le Biscru, avec un aplomb et un calme qui imposent le respect. Nerveux en la circonstance, il pourrait l’être… Ce soir, un joli chèque sous forme de « prêt d’honneur » lui sera officiellement remis à l’occasion d’un petit pince-fesses qui n’est guère sa tasse de thé. Tout se passera bien. Huiles et banquiers seront bienveillants, bien qu’un peu interloqués d’avoir à soutenir un projet qui échappe un peu à la norme. Si le feu vert est donné en cette soirée de juillet, l’histoire ne commencera vraiment que deux mois plus tard, soit aujourd’hui : le Biscru est dans nos rayons, vous êtes les premiers à pouvoir les goûter. En voici l’histoire, le pourquoi et le comment. Serge est cuisinier de formation et de profession. Il a longtemps officié au centre écologique Terre Vivante, où nous avons appris à le connaître. Avide d’expériences, il migre alors quelques années au Canada pour mettre en place un réseau de cantines bio en milieu scolaire. C’est là qu’il rencontre une passionnée d’alimentation crue qui prépare des galettes déshydratées dont elle agrémente ses repas quotidiens. Tilt, boom, hop, c’est l’idée ! Celle qu’il ramène en France quelques années plus tard avec la ferme intention de s’en inspirer pour créer un produit accessible à tous. Le but recherché, c’est de confectionner de petites feuilles d’aliments végétaux, crus et séchés. On peut les appeler, chips, galettes, croquants, pétales ou tuiles, leur caractéristique est de se « tenir », sans que farine, oeuf, graisse, cuisson ou friture n’y contribuent. Les graines de sarrasin sont la base du mélange, celles de lin et tournesol le liant. Ces oléagineux libèrent leur huile une fois trempés ; ce sont eux qui donnent une certaine compacité à l’ensemble. Mais pas assez ! Il manque encore la botte secrète… Serge va bien sûr la trouver, l’ingrédient magique s’appelle le psyllium. Il s’agit d’une graine d’origine indienne, que l’on utilise en diététique naturelle pour favoriser le transit ou réduire le taux de cholestérol. Intégrée à faible dose au mélange initial, elle donne du corps à l’ensemble. Reste à fabriquer à grande échelle ce qui ne l’est pour l’instant qu’en cuisine. Mais déshydrater la pâte obtenue pour éviter la cuisson n’est pas chose facile. Il convient en effet de trouver un outil adapté pour y parvenir… Un fabricant impliqué dans la filière du poisson séché accepte alors d’adapter son déshydrateur pour le Biscru et rend viable le projet. Sympa, vraiment. Le prototype est un grand « placard » en inox dans lequel circule intensément un air à 40°. Après un peu plus de trois heures de fonctionnement, la pâte est sèche, la tuile croustillante, le Biscru prêt à être mis en sachet. Pour payer la machine, le « prêt d’honneur » ne sera pas de trop… Il a notamment été accordé parce que l’organisme qui l’attribue* s’est proposé de faire entrer le projet de Serge dans une case bien à la mode, celle du « développement durable ». Riche idée ! Mais en quoi consiste-t-elle ? Le naturel, rien que le naturel… Celui du bio, celui de Serge qui sans effort ni calcul n’a jamais douté de la nécessité de se fournir auprès des paysans locaux pour l’approvisionnement de ses matières premières. Nous sommes sur le magnifique plateau du Trièves, en Isère, et le plus lointain de ses fournisseurs en lin, tournesol, sarrasin ou légumes n’est qu’à 12 kilomètres de l’atelier… À gauche : Serge de Thaey. À droite : Gérard Chevally, qui cultive sur cette parcelle le sarazin du Biscru. Le Biscru est une véritable innovation. De celles qui dureront, les meilleures, parce qu’elles sont le fruit d’un cheminement dans le bio, pas d’une volonté de se démarquer. On ne peut s’empêcher de penser au Pain des Fleurs, aux Pétales de Patates Douces… Autant d’exemples pour lesquels la magie culinaire a surgi chez des gens investis, pas dans les cellules Recherche et Développement des grandes entreprises du fossoyage alimentaire. Ces petites tuiles déshydratées constituent un aliment facile à comprendre et à consommer. Grands et plus jeunes l’adopteront à l’apéro, en en-cas, à la place du pain, avec les salades, en décoration... Il en existe cinq déclinaisons pour l’instant, faiblement salées ou naturellement sucrées aux figues ou aux dattes. Toutes sont saines, digestes, sans gluten**. Goutteuses, authentiques, proches du véritable goût de chacun de ses ingrédients. Après dégustation, on peut refermer le paquet et conserver le produit. Vous a-t-on laissé entendre qu’on est un peu séduit ? Betterave-carotte • Epinard-Romarin • Tomate-paprika Pomme-datte • Figue-citron