Barrière hémato-encéphalique.La Pgp est présente en quan-
tité importante dans les cellules endothéliales des cap i l l a i res céré-
b r aux fo rmant la barri è re hémato-encéphalique (BHE). Cette
BHE limite la pénétration cérébrale des composés provenant du
compartiment sanguin. La Pgp capte les xénobiotiques présents
dans le tissu cérébral et les “ e f fl u e ” d i r ectement dans les cap i l l a i re s
sanguins. Par exemple, la résorption cérébrale des substrats de la
Pgp est augmentée d’un facteur 10 à 100 chez les animaux KO
déficients en Pgp comparés aux animaux sauvages
(5)
. Ainsi, il
est clair que la Pgp possède un rôle majeur dans l’intégrité de la
B H E , limitant la distri bution cérébrale de certains principes actifs.
Au vu des travaux réalisés sur les souris KO, il semble que le cer-
veau soit la structure la plus sensible aux variations de fonction-
nement de la Pgp
(5)
. Par conséquent, la modulation de l’activité
de la Pgp au niveau du système nerveux central pourrait aisément
être responsable d’effets indésirables neurologiques
(12)
. Il est
intéressant de noter que certains médicaments tels que les anti-
histaminiques H1 de deuxième génération sont dépourvus d’ef-
fets indésirables neurologiques, car ce sont des substrats de la
P g p , et cette dern i è re limite leur résorption cérébra l e, ce qui
n’était pas le cas des antihistaminiques H1 de première généra-
tion
(13)
. La dompéridone n’entraîne normalement pas d’effet
indésirable neurologique,car elle est aussi un substrat de la Pgp,
mais l’administration concomitante de vérapamil est re s p o n s abl e
d’une augmentation de la distribution cérébrale de la dompéri-
done chez le rat
(14)
.
Plusieurs études ont mis en évidence les capacités d’interactions
de différentes molécules avec la Pgp. La création de modèles cel-
lulaires de BHE a permis d’évaluer l’inhibition de la Pgp par dif-
férents principes actifs. Ainsi, il a été découvert que des antidé-
p re s s e u rs , comme la sert ra l i n e , la desméthy l s e rt raline et la
paroxétine peuvent exercer une inhibition de l’activité de la Pgp
semblable à celle de la quinidine
(15)
. Au même titre, la ciclo-
sporine A, la quinidine,la vinblastine et le vérapamil ont montré
leur potentiel à inhiber efficacement le fonctionnement de la
Pgp sur des cap i l l a i res cérébraux de rat. L’ a c t i n o mycine D, la col-
chicine, la réserpine,la doxorubicine et la progestérone peuvent
é g alement moduler l’activité de la Pgp, mais avec un effet moindre
(16)
. In vitro, le kétoconazole est un inhibiteur du fonctionne-
ment de la Pgp. Les effets du kétoconazole sur le franchissement
de la BHE par le ritonavir et le saquinavir ont été étudiés chez
des patients infectés par le VIH. La coadministration de kétoco-
nazole à la dose de 200 mg par voie orale a entraîné une aug-
mentation des concentrations de ritonavir et de saquinavir dans
le liquide céphalora ch i d i e n , a l o r s que le kétoconazole n’avait que
peu d’effets sur les concentrations plasmatiques des antipro t é a s e s .
Ces résultats démontrent cl a i rement que le kétoconazole aug-
mente la pénétration cérébrale du ritonavir et du saquinavir chez
les patients séropositifs en inhibant le transport par la Pgp.
La Pgp est aussi impliquée dans le passage cérébral de la majo-
rité des antiépileptiques. La surex p ression de ces pro t é i n e s
d ’ e fflux au niveau de la barri è re hémat o - e n c é p h a l i q u e , due à
un polymorphisme du gène ABCB1 codant pour la Pgp, explique
en partie la résistance aux traitements antiépileptiques de cert a i n s
patients
(17)
. D’autre part, la coadministration de vérapamil per-
met d’augmenter la pénétration cérébrale de la phénytoïne et de
la carbamazépine chez le rat
(18)
.
Ce type d’interaction médicamenteuse au niveau du système ner-
veux central peut conduire à l’ap p a rition d’effets indésirables. En
effet, une étude clinique a mis en évidence une interaction poten-
tielle entre le lopéramide (16 mg, p.o.) et la quinidine (600 mg,
p.o.), qui est un inhibiteur de la Pgp. Cette association a été à
l ’ o ri gine d’une légère dépression re s p i rat o i re, tandis que la même
dose de lopéramide seul n’a eu aucune conséquence sur la
fonction re s p i rat o i re. Cet effet indésirable correspond à un
a c c r oissement de la distri bution cérébrale du lopéra m i d e,c a r
cette pert u r b ation n’a pas été expliquée par une augmentation des
concentrations plasmatiques
(19)
.
Barrière hémato-testiculaire. La fonction de la Pgp au
niveau de la barrière hémato-testiculaire est analogue à celle de
la BHE, grâce à la présence de grandes quantités de protéines
dans les cellules endothéliales des capillaires sanguins. Les
études expérimentales avec des souris KOmdr1a (-/-), confir-
ment que la Pgp abaisse les concentrations en xénobiotiques
dans les testicules. En effet, les concentrations testiculaires des
substrats de la Pgp tels que la ciclosporine A ou la digoxine sont
plus élevées chez les animaux KO que chez les animaux sau-
vages (5). La ciclosporine A augmente d’une manière dose-
dépendante la concentration testiculaire en doxorubicine chez
le rat, par un blocage direct de l’activité de la Pgp (20). Au
contraire, la trifluopérazine,la ciclosporine A, l’amiodarone, la
quinidine, le K8644 (analogue de la nifédipine) et le vérapamil
administrés en intrapéritonéal avant une injection intraveineuse
de vinblastine n’ont pas pu augmenter la concentration testi-
culaire de l’anticancéreux. Les auteurs ont supposé que les
doses utilisées n’étaient pas suffisantes pour bloquer l’activité
de la Pgp au niveau testiculaire(21). Les études concernant les
rôles de la Pgp dans les testicules sont encore ra r e s , mais elles pour-
raient, comme dans le cerveau, révéler des mécanismes respon-
sables d’une toxicité spécifique.
Barrière fœtoplacentaire. La Pgp est présente à l’apex des
syncytiotrophoblastes du placenta. Son orientation lui permet
d’“ e f fl u e r ” les xénobiotiques du sang fœtal dans le sang mat e rn e l .
L’absence de la Pgp chez les souris KO entraîne une augmenta-
tion de la résorption fœtale de xénobiotiques tels que la digoxi-
ne, le saquinavir et le paclitaxel. L’exposition d’animaux trans-
géniques à un antihelminthique dérivant de l’avermectine a aug-
menté l’incidence des fentes palatines chez les fœtus déficients
en Pgp, alors qu’il n’y a aucune malformation chez les fœtus de
type sauvage et qu’il existe un taux intermédiaire de malform a-
tions chez les fœtus hétéro z y gotes ( 5 ). L’emploi d’un modèle de
barrière fœtoplacentaire développé à partir de cellules épithé-
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 3 - juillet-août-septembre 2004
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