La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 2 - mars-avril 2011 | 63
LE SYMPTÔME
Mots-clés
Symptôme
Neuro-imagerie
Psychiatrie
IRMf
Keywords
Symptom
Neuroimaging
Psychiatry
fMRI
parenchymateuse ou le fonctionnement du
cerveau sous forme d’images. Or, il existe
une très grande hétérogénéité au sein de ces
approches, due à l’emploi de différents appa-
reillages, au recours à des procédés très variés
dans l’acquisition des données et à la mise en
œuvre d’une multitude de méthodes pour les
traiter. Il est ainsi possible d’appréhender et
de montrer, par des images, des aspects très
différents du cerveau, comme son volume, sa
conformation, des densités ou des volumes
régionaux, les faisceaux principaux, le fonction-
nement de certaines régions cérébrales, voire les
interactions fonctionnelles entre ces régions.
À partir de données recueillies chez plusieurs
individus, il est également possible de faire des
statistiques qui renseignent sur les variables
cérébrales étudiées. Il est par exemple intéres-
sant de constater qu’une figure sur laquelle on
observe une différence localisée de fonctionne-
ment cérébral entre un groupe de patients et
des sujets contrôles correspond en réalité à une
projection de tests statistiques sur une image
de cerveau standard. L’image n’est alors qu’une
représentation particulière de données numé-
riques, réduites et agglomérées sous formes
de pixels pour être accessibles, via la modalité
visuelle, à notre entendement.
Au terme de ces considérations, il devient néces-
saire de s’interroger sur la possibilité d’envisager
que des images du cerveau nous renseignent sur
le symptôme psychiatrique.
En réponse à cette question, soulignons qu’un
des premiers intérêts de la neuro-imagerie est
probablement qu’elle pose sur le symptôme un
regard autre que celui de la clinique mais qui lui
est complémentaire. En effet, un des objectifs
fondamentaux des investigateurs engagés dans
les études utilisant la neuro-imagerie consiste
à rattacher un type de phénomène clinique à
un processus neurobiologique. Cette démarche
nécessite de s’interroger sur le symptôme lui-
même, sans se satisfaire d’une rapide corréla-
tion entre un score clinique arbitraire et une
quelconque variable cérébrale. La recherche de
dysfonctions cérébrales associées à la maladie
mentale passe en effet par une réflexion sur le
phénomène clinique à étudier, ce qui oblige à le
retranscrire, au moyen des outils de la psycho-
logie expérimentale, en processus élémentaires
tels que ceux-ci puissent éventuellement être
reliés au fonctionnement neural. Ce travail
d’interprétation offre une première lecture
clinico-neurofonctionnelle, sur laquelle repose
la construction du dessin expérimental, visant
à identifier les corrélats anatomo-fonctionnels
d’un symptôme donné. Il est d’autant plus diffi-
cile que la dimension symptomatique étudiée
est en rapport avec un fonctionnement cognitif
ou un schéma comportemental élaboré.
Dans les situations les plus simples, le symptôme
est pris au plus près de ce qu’il est, c’est-à-dire
qu’il ne subit guère de transformation pour
pouvoir être accessible à l’expérimentation. C’est
le cas, par exemple, des symptômes relevant
d’une phobie spécifique, qui sont généralement
abordés au moyen de paradigmes expérimen-
taux consistant simplement à provoquer des
symptômes. Dans cette perspective, les symp-
tômes sont assimilés aux phénomènes associés
à l’émotion induite par un stimulus phobo-
gène. Des patients arachnophobes se prêtant
volontairement à une expérience se sont ainsi
vus confrontés à des images représentant des
araignées, pendant que leur activité cérébrale
était examinée par IRMf. Il a été constaté que
ce schéma d’exposition entraîne une activa-
tion excessive de certaines régions cérébrales
impliquées dans le traitement émotionnel des
informations. Cette hyperactivation concerne
plus précisément des régions comme le noyau
amygdalien et l’insula, connues pour appartenir
au circuit de la peur (2). De tels résultats ne font
a priori rien d’autre qu’authentifier le lien entre
le symptôme phobique et l’émotion spécifique
dénommée peur. Ils contribuent néanmoins à
replacer ce symptôme, avec sa composante
subjective, dans un référentiel neurobiologique
qui se veut objectif. Les effets de cette forme
d’objectivation sont encore très hypothétiques,
mais on ne peut exclure qu’elle aboutisse à une
utilisation opératoire. Par exemple, on peut
imaginer que l’arachnophobie sera susceptible
de ne plus être définie à terme comme la peur
des araignées, en tant que phénomène ressenti
par le sujet et exprimé dans son discours, mais
comme un profil neurofonctionnel particulier
induit par les représentations d’araignées.
En ce qui concerne d’autres types de symp-
tômes, dont la construction est plus complexe,
leur abord par la neuro-imagerie nourrit une
réflexion plus importante encore sur leur nature