14:59 Page 10 10 Courant côtier de Nouvelle-Guinée Nouve velle e e Bretagnee Bret Courant côtier de Nouvelle-Bretagne PapouasieNouvelle-Guinée Mer des Salomon Encore mal connus des océanographes, les courants de bord situés le long des côtes des continents ont un impact non négligeable sur les grands mécanismes climatiques de la planète. En passant de l’océan Indien dans l’Atlantique le courant des Aiguilles influence la circulation océanique mondiale, alors que les courants de bord situés dans la mer des Salomon et la mer de Corail sont des acteurs majeurs de grands phénomènes climatiques comme Enso (El Niño Southern Oscillation). Îles Salomon Jet Nord Vanuatu Vanuatu Australie Courant équatorial Sud Jet Nord Calédonien Mer de Corail NouvelleNouvell ouve Calédonie alédo Les principaux courants en mer de Corail et mer des Salomon. La valse des courants en mer des Salomon argement influencée par les mouvements des masses d’eau océaniques, la variabilité climatique du Pacifique est fortement dépendante des courants qui parcourent cet océan. Lionel Gourdeau, océanographe à l’IRD, et ses collègues de Toulouse et Nouméa1-2, donnent pour exemple le phénomène Enso (El Niño Southern Oscillation), qui représente la variabilité climatique la plus marquante aux échelles interannuelles. Cette oscillation climatique, qui tous les 3 à 7 ans déplace le réservoir d’eau chaude de l’ouest à l’est du Pacifique équatorial, est largement associée aux intenses courants de bord le long des continents. Les courants de bord ouest du Pacifique Sud, qui longent les côtes est des continents, alimentent le réservoir d’eau chaude du Pacifique équatorial et sont la principale source qui alimente le sous-courant équatorial remontant en surface vers les côtes d’Amérique. Dans cette région du Pacifique Sud, la complexité du relief sous-marin et les chapelets d’îles ne sont pas sans impacter ces courants de bord aux caractéristiques encore mal connues. La mer des Salomon, par laquelle ils transitent, est une mer semi-fermée entre la Papouasie-Nouvelle-Guinée à l’ouest, la Nouvelle-Bretagne au nord et les îles Salomon à l’est. Peu explorée, ce n’est que tout récemment, sous l’égide du programme Clivar/ Spice dans lequel sont impliqués des chercheurs du Legos, que cette mer commence à dévoiler la complexité des courants qui y transitent. Les mesures de la pente de l’océan par altimétrie satellitaire, le développement de modèles régionaux à haute résolution ainsi que l’analyse des profileurs de courant s’accordent pour confirmer le cheminement des eaux remontant vers le nord. En se partageant entre les détroits de Vitiaz et des Salomon pour atteindre la région équatoriale, ces eaux forment un nouveau courant, baptisé Courant Côtier de Nouvelle-Bretagne. L’utilisation de planeurs sous-marins par les chercheurs a encore révélé les particularités du courant côtier de Nouvelle-Guinée. En faisant la navette entre les îles Salomon et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, ces planeurs ont permis d’identifier que ce courant évolue à des profondeurs largement supérieures à celles envisagées sans que les spécialistes ne disposent d’une explication à cette singularité. L’importante activité tourbillonnaire de la région entraîne une variabilité des transports d’eau pouvant aller du simple au double en quelques mois. La valse de ces courants, leur variabilité tant en intensité qu’en température n’est pas sans relation avec les grands phénomènes océaniques comme Enso. « La Niña de 2007-2008 est à l’origine d’une baisse significative des transports en mer des Salomon qui montre le lien étroit entre Enso et les courants de bord pour l’alimentation du réservoir d’eau chaude », souligne Lionel Gourdeau. La prochaine campagne Pandora, avec la pose de mouillages dans les différents détroits ainsi que la poursuite de l’utilisation « planeurs sousmarin » devrait mieux suivre ces anomalies climatiques dans la mer des Salomon et aider à comprendre comment elles influencent les phénomènes climatiques à l’échelle du Pacifique. ● 1. S. Cravatte et A. Ganachaud. 2. Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales. Contact Du nouveau en mer de Corail En mer de Corail, l’image classique qu’un large courant équatorial sud alimenterait les courants de bord ouest ne correspond pas à la réalité. En rencontrant les nombreuses petites îles qui forment l’archipel du Vanuatu et de la NouvelleCalédonie, le courant équatorial sud se scinde en différents « jets zonaux » se propageant vers les côtes australiennes. Dans le cadre des campagnes Secalis, menées entre 2004 et 2006, les premières observations des jets nord Vanuatu et nord Calédonien ont été menées grâce à un planeur sous-marin. Le jet nord Calédonien, d’une largeur de 100 km environ, représente presque la moitié des transports entrant en mer de Corail. En cherchant à trouver l’origine de ce jet, grâce à des analyses récentes de l’ensemble des résultats des campagnes Secalis, les spécialistes ont mis en évidence la présence d’un nouveau courant de bord le long de la Nouvelle-Calédonie, le courant est Calédonien. Les particularités du flux entrant en mer de Corail ont aussi motivé les équipes de l’IRD à entreprendre, dans le cadre du projet Secargo, des mesures à haute résolution spatiale entre la Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu et les îles Salomon. Les océanographes espèrent ainsi améliorer les connaissances en climatologie portant sur la région et en observer la variabilité saisonnière. Cette campagne est aussi l’occasion de déployer des flotteurs Argo afin d’étudier le devenir des jets à leur bifurcation dans les différents courants de bord ouest australien. ● Contact [email protected] [email protected] © IRD/Christophe Maes Recherches Les courants océaniques Sous-courant équatorial © IRD/L .Corsini 23/12/10 Glider (ou planeur sous-marin) servant à étudier les courants en mer de Corail. Un acteur de la circulation océanique atlantique a fonte des glaces dans l’Atlantique Nord due au réchauffement climatique va-t-elle impacter les grands courants marins qui redistribuent eaux chaudes et froides entre le Nord et le Sud ? Les spécialistes restent prudents, mais des hypothèses sur un ralentissement de cette circulation océanique, voire son arrêt, sont avancées. Quand les eaux chaudes et salées des tropiques remontées par le Gulf Stream se refroidissent au Groenland, elles gagnent en densité et coulent. Ce mouvement initie un courant de fond qui descend le long des côtes américaines jusqu’à l’Antarctique. Cette circulation pourrait bien ralentir, voire s’arrêter, si la fonte des glaces d’eau douce de l’Arctique venait à rendre la mer moins salée et donc moins dense, limitant ainsi cette coulée. Avec des conséquences majeures pour le climat planétaire. « Le courant des Aiguilles chaud et salé qui descend à l’ouest de l’océan Indien pourrait en partie contrebalan- cer cette perte de sel dans l’Atlantique et ainsi soutenir la circulation atlantique », suggère Pierrick Penven, chercheur à l’IRD. Descendant jusqu’à la pointe sud de l’Afrique, il se retourne alors sur lui-même pour revenir dans l'océan Indien, une portion pénétrant l’Atlantique sous forme de tourbillons (voir schéma). Alors que des études en paléoocéanographie montrent une corrélation entre le passage du courant des Aiguilles dans l’Atlantique et le climat planétaire, Mathieu Rouault de l'Université de Cape Town et ses partenaires ont identifié au niveau de la zone de retournement du courant un pic de réchauffement. Ces travaux de modélisation, menés dans le cadre d’une coopération entre l’UCT, l'IRD et le CNRS, suggèrent que le flux de chaleur et de sel passant vers l'Atlantique a doublé ces 25 dernières années. Le réchauffement climatique viendrait alors augmenter le flux de chaleur et de sel réinjecté dans l’Atlantique par le courant des Aiguilles, soutenant ainsi la circulation atlantique pour- Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 57 - novembre/décermbre 2010 tant impactée négativement par ce même réchauffement. « D’autres travaux soulignent une augmentation similaire de la pénétration du courant des Aiguilles en Atlantique Sud, mais les processus impliqués restent encore discutés », souligne Pierrick Penven. Plus localement, des travaux sont en cours pour © Cartes : IRD/L .Corsini 000_007_010_IRD57 Gu stream comprendre son rôle dans les remontées d’eau le long des côtes africaines (systèmes d’upwelling g), des zones particulièrement riches en plancton et donc importantes en terme de ressources halieutiques. Ces recherches menées par l’IRD pourraient présenter des résultats importants pour la gestion des pêcheries au sud de l’Afrique. ● Contact [email protected] UMR Laboratoire de Physique des Océans (CNRS-Ifremer-IRD-Université de Bretagne occidentale).