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4 - Les années fondatrices du judaïsme suisse (1866 à 1933)
Grâce à l'égalité juridique avec les autres citoyens suisses, les juifs des années 1870 purent pour la première
fois choisir librement leur domicile, leur profession et aménager leur vie religieuse sans restriction. De
nouvelles communautés furent créées, surtout en Suisse romande. A la fin de la Première Guerre mondiale, il
y en avait vingt-cinq en Suisse, chapeautées par la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI),
fondée en 1904. Elles mirent en place les infrastructures indispensables à la vie communautaire, soit des
lieux de prières, des cimetières, des écoles religieuses (yechivoth) et des associations de bienfaisance. La
plupart des synagogues encore en place furent construites avant la Première Guerre mondiale dans le style
mauresque historisant traditionnel de l'époque (Saint-Gall en 1881, Zurich en 1883, Berne en 1906).
L'émancipation amena de profonds changements. Grâce à une immigration en provenance d'abord d'Alsace,
du sud du Bade et du Vorarlberg, puis d'Allemagne et d'Europe orientale, la population juive passa de 3000
personnes en 1850 à 21 000 en 1920. De rurales, les communautés devinrent urbaines. Les juifs s'établirent
surtout à Zurich, Bâle et Genève, trois centres où vivaient 55% d'entre eux en 1910. Certains ouvrirent des
magasins, fondèrent des entreprises industrielles, contribuèrent pour une large part au développement de
l'industrie du textile et de la dentelle, participèrent à l'essor de l'horlogerie dans le Jura neuchâtelois et
bernois ainsi qu'à Bienne (Movado, Ebel, Tavannes Watch). Dans les années 1930, ils ouvrirent plusieurs
grands magasins (notamment Maus et Nordmann, Loeb). L'établissement de la famille Dreyfus, à Bâle, fondé
au début du XIXe s. déjà, et celui de Julius Bär, à Zurich, s'imposèrent dans le secteur des banques privées. De
rurale, la structure professionnelle devint urbaine et ne se distingua bientôt plus de celle du reste de la
population.
Les quelque 4000 juifs d'Europe orientale, qui fuyaient la misère et les persécutions de la Russie tsariste,
amenèrent en Suisse des traditions religieuses et des coutumes pas toujours bien vues par leurs
coreligionnaires établis de plus longue date et largement assimilés. De même que la société s'ouvrait aux
juifs, de même ceux-ci étaient influencés par leur environnement. Ils étaient fiers de remplir leur devoir de
citoyens, de soldats, de pompiers, entraient dans les sociétés sportives, prenaient part à la vie culturelle,
artistique et scientifique. A partir des années 1890, ils créèrent aussi leurs propres structures: l'association
sportive Maccabi Suisse en 1918, l'Union suisse des organisations de femmes juives en 1924. L'intégration,
souvent aisée, entraînait fréquemment une assimilation totale, parfois au prix d'un renoncement à toute
référence au judaïsme. Toutefois, les incidents antisémites récurrents, l'interdiction de l'abattage rituel en
1893 (condamnant la mise à mort des animaux de boucherie par section de la carotide), montraient aussi que
les citoyens suisses non juifs avaient accepté l'égalité intellectuellement, mais que les sentiments
judéophobes n'avaient pas disparu pour autant.
Les années 1918 à 1933 furent une période de consolidation et d'intégration, comme le montre la carrière
politique de David Farbstein, qui représenta les socialistes au Conseil national de 1922 à 1938. Parallèlement,
l'existence d'un antisémitisme latent devenait de plus en plus manifeste. Près des deux tiers des congrès
sionistes organisés entre 1897 et la Deuxième Guerre mondiale eurent lieu en Suisse (Sionisme).
Auteur(e): Ralph Weingarten / UG
5 - De 1933 à 1945
La montée du national-socialisme soumit les juifs de Suisse à une double pression: exposés à la propagande
antisémite venant d'Allemagne, ils furent aussi victimes de l'idéologie qui la sous-tendait et qui trouva un
terreau fertile dans le frontisme, ainsi que dans une partie de la petite et de la grande bourgeoisie. En
l'absence d'une loi condamnant le racisme et compte tenu de l'agressivité de l'Etat national-socialiste, ils
optèrent pour une ligne défensive, après avoir combattu et dénoncé l'antisémitisme, de 1933 à 1937, par des
procès en partie victorieux contre la diffusion du faux intitulé Protocoles des sages de Sion. La politique
officielle à l'égard des étrangers, des naturalisations et des réfugiés, souvent teintée d'antisémitisme larvé,