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01/02/2016 |
Judaïsme
Religion du peuple juif, le judaïsme est la plus ancienne religion monothéiste, dont sont issus le christianisme
et l'islam. Le terme est aussi synonyme de judaïcité, appartenance à la culture juive.
1 - Les juifs dans les villes médiévales
Les rares vestiges transmis (bague du IIe-IVe s. provenant d'Augusta Raurica avec représentation du
chandelier à sept branches; juifs mentionnés dans la loi Gombette, rédigée après 500) ne fournissent aucune
information sur l'activité des juifs sur le territoire de la Suisse actuelle durant l'Antiquité et le haut Moyen Age.
Les premiers documents évoquant leur établissement sont postérieurs à 1150; venus de la région du Rhin
supérieur, de France et de Savoie, des juifs sont attestés à Genève depuis la seconde moitié du XIIe s., à Bâle
en 1213, puis à Zurich, Saint-Gall, dans la région du lac de Constance, à Berne, à Soleure, en Argovie et à
Lucerne à la fin du XIIIe s., à Bienne et Neuchâtel vers 1300. Leurs conditions de séjour dépendaient du bon
vouloir des autorités; constamment sous pression au bas Moyen Age, ils développèrent une grande mobilité.
Devenus serfs de la Chambre impériale (servi camerae) en 1236, les juifs furent placés sous la protection de
l'empereur. Celui-ci cédait la régale juive aux villes qui accordaient aux juifs une protection et des lettres de
franchises limitées dans le temps en contrepartie de taxes élevées ou d'impôts annuels (Impôt sur les juifs). A
Zurich, les juifs étaient tenus d'accorder des prêts aux bourgeois de la ville; ils devaient payer des
redevances sur leur fortune ainsi que des taxes personnelles (Judengeleit soit sauf-conduit garantissant leur
liberté de mouvement, péage corporel, droits de dés, de sépulture). Dans quelques villes, dont Zurich, ils
pouvaient devenir propriétaires avec l'accord préalable du Conseil; Bienne en 1305 et Schaffhouse en 1435
les autorisèrent à posséder deux maisons.
Faute de sources, il est impossible de déterminer la taille de la plupart des communautés médiévales. La
présence de synagogues à Bâle, Diessenhofen, Genève, Lausanne, Lucerne, Morat, Schaffhouse, Soleure et
Zurich au bas Moyen Age parle en faveur d'une intense vie communautaire. A son apogée, soit entre 1384 et
1393, la seconde communauté établie à Zurich devait réunir vingt familles, soit environ cent personnes
correspondant à quelque 2% de la population de la ville. Treize familles vivaient à Genève vers 1400. A
Berne, les juifs habitaient la rue des Juifs, fermée par une porte. Ceux de Genève furent les seuls à devoir
vivre dans un ghetto durant les années 1420.
Les activités professionnelles des juifs - commerce de l'argent, prêt sur gage, médecine - correspondaient à la
fonction que leur attribuait la société chrétienne. Parmi les médecins connus, on peut mentionner Vibranus de
Turre et maître Ackin (de Vesoul), exerçant à Fribourg. Rares sont les traces attestant de fortunes
personnelles (peintures murales dans la maison des frères Moïse et Mordechai ben Menachem et de leur mère
Minne, à Zurich). Marginalisation sociale et discrimination étaient le lot des juifs, qui n'avaient pas le droit
d'exercer un métier artisanal ou agricole, d'accéder aux fonctions politiques et d'être reçus dans les
corporations. Des rapports sexuels avec une chrétienne étaient passibles d'amendes élevées.
La Suisse n'a jamais connu de centre de diffusion de la culture juive. L'œuvre la plus importante née sur son
sol est le Semak de Zurich, commentaire en hébreu du XIVe s. du rabbin Moïse ben Menachem sur le Sefer
Mizvot Katan (petit livre des commandements ou préceptes) d'Isaac ben Joseph de Corbeil. Les juifs parlaient
parfaitement les langues du pays et le yiddish occidental. Les quelques témoignages d'érudition conservés
proviennent en partie d'ecclésiastiques chrétiens. A la Réforme, des hébraïsants chrétiens correspondirent
avec des érudits comme Elie Levita.
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La persécution dont furent victimes les juifs de Berne après avoir été accusés de meurtres rituels, en 1294,
fait l'objet d'une description détaillée dans différentes chroniques. Au moins vingt-huit communautés de
Suisse disparurent entre 1348 et 1350 dans des pogroms: les juifs avaient été accusés d'empoisonner les
fontaines pendant la grande peste. Berne y contribua activement en colportant cette rumeur des régions
francophones dans la partie germanophone du pays (Antisémitisme).
Peu après les pogroms, des juifs revinrent s'installer dans plusieurs villes (à Zurich vers 1354, à Fribourg en
1356, à Bâle en 1362, à Schaffhouse en 1369/1370, à Bienne et à Berne en 1375), pour y constituer de
nouvelles communautés aux dimensions restreintes: quarante-neuf personnes sont attestées à Schaffhouse,
vingt-neuf à Stein am Rhein et deux à Rheineck. Leur statut juridique et économique continua à se détériorer
vers 1400, les vexations se multiplièrent; l'interdiction d'intenter un procès à des chrétiens, imposée dans
plusieurs villes (Zurich en 1404) entravait considérablement l'exercice d'une activité économique. A la suite
d'accusations de meurtre rituel, les juifs furent chassés de nombreuses villes ou poussés à la fuite; en 1401, il
y eut de nouvelles persécutions de ce type à Diessenhofen, Schaffhouse et Winterthour.
Le déclin progressif de leur rôle de prêteurs, dès la fin du XIVe s., entraîna leur expulsion de presque toutes
les villes dès le milieu du XVe s. En 1489, la Diète décida de bannir les juifs du territoire de la Confédération à
partir de 1491 (seuls quelques médecins furent dès lors autorisés à y séjourner de manière prolongée).
Aucune étude ne s'est intéressée à leurs destinations. Quelques-uns vécurent probablement à Andelfingen
(d'où ils furent chassés en 1495) ou à Rheinau (jusqu'à leur expulsion survenue au plus tard en 1496) et dans
des villes municipales telles que Bremgarten (AG), mais la plupart partirent pour le nord de l'Italie, en
Bourgogne et en Allemagne du Sud.
Auteur(e): Gaby Knoch-Mund / UG
2 - Les communautés rurales de l'époque moderne
Les témoignages sur l'activité des juifs en Suisse dans les années 1475 à 1560 sont rares; durant la première
moitié du XVIe s. surtout, les groupes vivant sur le territoire et aux abords de la Confédération n'étaient sans
doute ni assez grands ni assez soudés pour constituer une communauté. Ce n'est qu'à la fin du XVIe s. que les
témoignages de leur présence dans les environs de Bâle (Sundgau compris), de Waldshut et de Zurzach se
multiplient. Dès 1580 au plus tard, des juifs étaient établis dans la région du lac de Constance et dans le
Rheintal voisin. Dix-sept communautés rurales y virent le jour; elles réunissaient des juifs venus s'établir
individuellement et de manière dispersée, le plus souvent près de la frontière suisse. Deux autres
communautés, celles d'Endingen et de Lengnau dans le Surbtal, vivaient dans le comté de Baden, bailliage
commun des Confédérés où les juifs étaient tolérés, ce qui n'était pas le cas dans les autres territoires de la
Confédération, Soleure et l'évêché de Bâle exceptés. Les juifs chassés des villes du sud de l'Allemagne et
d'Alsace s'y étaient refait une place dans le commerce rural, en tant que colporteurs, courtiers, marchands de
drap, de bovins et de chevaux. Si le rôle de ces marchands fut important pour leur petit cercle de clients, il
resta subalterne dans le commerce de bétail jusqu'à la construction des chemins de fer et à l'émancipation.
Dans les régions frontières situées au nord de la Suisse (de Neuchâtel à la Thurgovie et Saint-Gall, en passant
par Bâle et l'Argovie), ils étaient actifs dans le petit commerce. Les autres métiers leur restaient interdits. La
nouvelle stabilité des communautés se reflète dans la continuité des cimetières, celui de Zwingen (1572 à
1673, relayé dès 1673 par celui d'Hégenheim, près de Bâle), de Sulzburg dans le Brisgau (vers 1550), de l'île
des Juifs (Judenäule) près de Waldshut (vers 1607, remplacé par celui situé entre Endingen et Lengnau dès
1750), de Gailingen (1655) et d'Hohenems (1617), dans le Vorarlberg. Les traditions liturgiques donnent des
indications sur la provenance des communautés; elles semblent avoir eu des liens étroits avec la Souabe et la
Bavière, mais seul le cimetière de Hohenems en fournit la preuve explicite. Les mariages entre juifs de
différentes régions accentuaient l'hétérogénéité de la population. Les juifs chassés de la principauté
épiscopale de Bâle en 1694, de Dornach en 1736, de Stühlingen en 1742 trouvèrent de nouveaux protecteurs
dans les environs immédiats.
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Les communautés étaient à la fois institutions religieuses et sociétés de bienfaisance. Celles de Lengnau et
d'Endingen (659 personnes à elles deux en 1780) érigèrent en 1750 et en 1764 d'imposantes synagogues,
comme seules en possédaient les grandes communautés rurales de Souabe et de Franconie. Dès le XVIIe s., il
y eut toujours au moins un rabbin dans le Surbtal.
Des rites particuliers d'origine médiévale distinguaient le judaïsme suisse de celui d'Italie ou d'Europe
orientale. Ainsi, l'attribution du nom à un nouveau-né de sexe féminin s'accompagnait d'un rituel particulier
(Hollekreisch), partiellement maintenu jusqu'à aujourd'hui, pendant aux fêtes liées à la circoncision pour les
garçons. La confection des banderoles (mappoth) enrobant la Torah et des rideaux recouvrant l'arche sainte
est à l'origine d'un art décoratif spécifique. Les fêtes constituaient un événement collectif, visible pour tout le
village. Des enfants chrétiens se rendaient à la synagogue à l'occasion du Yom Kippour. Beaucoup
d'expressions yiddish furent adoptées par les chrétiens, ce qui renvoie à de fortes interactions culturelles en
dépit de toutes les différences religieuses. En plus du cimetière et de la synagogue, les communautés
aménageaient souvent des établissements pour le bain (Mikve) et l'abattage rituels. Les mendiants juifs de
passage étaient hébergés chez l'habitant en vertu d'un système de coupons ou Pletten ou étaient logés dans
des auberges.
Les lettres de protection (révocables) accordées aux chefs de famille étaient valables de douze à seize ans.
Les taxes pour leur renouvellement, l'utilisation des pâturages, des fontaines et des forêts, les capitations
annuelles, les "cadeaux" pour les fonctionnaires, le péage corporel et les taxes sur les marchandises
prélevées au passage des ponts, aux portes des villes (discriminatoires car exigées désormais des seuls juifs)
grevaient lourdement le budget de ces derniers qui, pour la plupart, restèrent pauvres jusqu'à l'émancipation.
Ils n'eurent pas le droit de s'établir dans les villes suisses jusqu'au XIXe s. Bâle n'échappait pas à cet interdit,
même si quelques juifs y collaborèrent à l'impression du Talmud dès le XVIe s. et si elle devint un foyer
européen d'études hébraïques au XVIIe s. (Hébreu). Les juifs étaient officiellement autorisés à se rendre aux
foires et aux marchés. Quelques gouvernements essayèrent sans succès de les chasser du petit commerce
rural.
Auteur(e): Robert Uri Kaufmann / UG
3 - Vers l'émancipation (1798-1879)
La patente de tolérance en vigueur en Autriche dès 1782 (amenée par celle envers les chrétiens non
catholiques en 1781) et l'égalité sans condition accordée aux juifs par la France révolutionnaire en 1791
marquent une rupture avec les discriminations du passé. En 1798, les juifs du Surbtal s'adressèrent au
gouvernement helvétique pour demander l'égalité, mais le Parlement refusa leur requête. Il imposa même
aux juifs autochtones des conditions plus défavorables qu'aux étrangers pour obtenir la citoyenneté; la date
(1792) de la dernière lettre de protection qui fixait un délai de vingt ans avant la naturalisation resta valable
pour eux seuls. Pendant la Médiation, les juifs argoviens continuèrent à être considérés comme des étrangers;
les naturaliser restait, semble-t-il, inconcevable pour la classe politique. En septembre 1802, lors de la guerre
des Pruneaux (Zwetschgenkrieg), les juifs du Surbtal, accusés d'avoir profité de l'Helvétique, furent victimes
de violences graves.
A la suite de la pression économique que subissaient les juifs d'Alsace, quelques-uns d'entre eux vinrent
s'installer dans les années 1780 près de Genève, dans la ville de Carouge, alors sarde. Après l'annexion de
Genève et de l'évêché de Bâle par la France, ils jouirent dans ces territoires de l'égalité jusqu'en 1814.
Quelques familles purent s'établir dans les villes de Berne et de Bâle durant les premières décennies du
XIXe s. La nouvelle communauté rurale établie à Avenches après 1826 comptait quelque 200 membres. Les
juifs cherchaient à habiter là où ils entretenaient des relations commerciales: la semaine, ceux du Sundgau
venaient travailler dans le nord de la Suisse occidentale, les juifs argoviens faisaient commerce près de chez
eux ou dans les régions voisines, ceux du sud du Bade dans le nord et l'est de la Suisse. Après une démarche
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diplomatique de la Suisse, la France accepta en 1826 d'exclure ses propres ressortissants juifs d'un accord
bilatéral sur la libre circulation des personnes. Les marchands juifs devaient donc continuer à vivre dans leurs
communautés rurales et ne pouvaient s'établir en Suisse que sur la base de privilèges individuels. Malgré
cela, des communautés virent le jour à La Chaux-de-Fonds, à Delémont et Bienne, entre 1830 et 1848. En
Suisse romande, les autorités étaient mieux disposées envers les juifs qu'en Suisse alémanique.
En 1831, les juifs d'Argovie, sous la conduite de Markus Getsch Dreifuss, reprirent la lutte pour l'égalité des
droits. Les demandes successives adressées par Dreifuss aux gouvernements argoviens entre 1831 et 1849
ou à l'Assemblée fédérale en 1848 ne donnèrent toutefois aucun résultat. Les préjugés anti-juifs avaient la vie
dure, même parmi les libéraux qui avaient accédé au pouvoir dans plusieurs cantons en 1830 ou 1831. La
nouvelle Constitution fédérale de 1848 exclut les juifs suisses de la liberté d'établissement, sous prétexte que
le principe de réciprocité susciterait un afflux de juifs alsaciens, à qui l'on attribuait en bloc des défauts. Ce fut
en 1856 seulement qu'un arrêté fédéral instaura l'égalité sur le plan commercial et juridique et accorda aux
juifs le droit de vote et d'éligibilité au niveau cantonal et fédéral, mais non communal. Les pressions
internationales exercées en particulier par la France, les Pays-Bas, les Etats-Unis - en 1863, les deux premiers
pays avaient assorti la conclusion de traités de commerce et d'établissement à l'octroi de la liberté pleine et
entière d'établissement pour les juifs - débouchèrent enfin sur une révision partielle de la Constitution en
1866, accordant cette liberté. Avec la révision totale de 1874, les juifs eurent aussi la liberté de culte.
Dans le canton d'Argovie, le publiciste catholique Johann Nepomuk Schleuniger, de Klingnau, utilisa la loi
cantonale sur l'émancipation de mai 1862 pour déclencher un mouvement populaire judéophobe, qui se
termina par la destitution du parlement, le retrait du gouvernement et la révocation de la loi. Les juifs
d'Endingen et de Lengnau durent donc attendre encore près de deux décennies (1879) avant d'obtenir la
citoyenneté sur le plan local, mais dans des institutions juives distinctes des autres. Ces concessions
marquent la fin du parcours vers l'égalité des juifs de Suisse.
Une partie de la population continua à s'opposer aux pratiques juives même après 1866. L'abattage rituel fut
contesté (en Argovie de 1855 à 1866, puis de 1886 à 1888, et à Saint-Gall en 1874-1875), comme le fut le
repos du sabbat, qui interdisait aux écoliers d'écrire le samedi. Les universités se montrèrent plus libérales: le
juif Gabriel Gustav Valentin, de Breslau, fut nommé professeur ordinaire à Berne en 1836; en 1864,
l'université de Berne avait un recteur juif en la personne de Moritz Lazarus et Zurich un doyen juif, avec Max
Büdinger.
L'exode rural favorisa la création de communautés urbaines (Porrentruy en 1854, Yverdon en 1856, Baden en
1859, Zurich en 1862, Saint-Gall en 1863, Lucerne en 1867, Liestal en 1871); elles y aménagèrent des
cimetières et édifièrent des synagogues (Genève en 1856, Avenches en 1865, Bâle en 1868 et Porrentruy en
1874). Des rabbins ayant une formation supérieure furent appelés d'abord à Genève: le philologue d'origine
alsacienne Joseph Wertheimer, en fonction de 1859 à 1908, enseigna aussi à l'université de Genève de 1874
à 1906. Une lutte pour la modernisation du judaïsme, à l'image de celle menée par les juifs allemands,
s'engagea au sein des communautés. Le débat avait été lancé par le rabbin Meyer Kayserling, qui œuvra
dans le Surbtal de 1861 à 1870, et par Dreifuss. Les premières familles juives établies dans les villes
appartenaient plutôt au courant libéral, celles restées à la campagne étaient plus conservatrices.
Même après le milieu du XIXe s., la composition des communautés resta marquée par la situation héritée de
l'Ancien Régime. L'influence alsacienne prédominait dans les communautés vivant à l'ouest de la ligne Bâle-
Liestal-Lucerne, alors que celle du Surbtal restait sensible au sein des collectivités habitant les places de
marché argoviennes et lucernoises. Leur influence, conjuguée avec celle des juifs badois, était aussi très forte
à Zurich, alors que la communauté de Saint-Gall restait attachée à celle de Hohenems, dans le Vorarlberg.
Auteur(e): Robert Uri Kaufmann / UG
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4 - Les années fondatrices du judaïsme suisse (1866 à 1933)
Grâce à l'égalité juridique avec les autres citoyens suisses, les juifs des années 1870 purent pour la première
fois choisir librement leur domicile, leur profession et aménager leur vie religieuse sans restriction. De
nouvelles communautés furent créées, surtout en Suisse romande. A la fin de la Première Guerre mondiale, il
y en avait vingt-cinq en Suisse, chapeautées par la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI),
fondée en 1904. Elles mirent en place les infrastructures indispensables à la vie communautaire, soit des
lieux de prières, des cimetières, des écoles religieuses (yechivoth) et des associations de bienfaisance. La
plupart des synagogues encore en place furent construites avant la Première Guerre mondiale dans le style
mauresque historisant traditionnel de l'époque (Saint-Gall en 1881, Zurich en 1883, Berne en 1906).
L'émancipation amena de profonds changements. Grâce à une immigration en provenance d'abord d'Alsace,
du sud du Bade et du Vorarlberg, puis d'Allemagne et d'Europe orientale, la population juive passa de 3000
personnes en 1850 à 21 000 en 1920. De rurales, les communautés devinrent urbaines. Les juifs s'établirent
surtout à Zurich, Bâle et Genève, trois centres où vivaient 55% d'entre eux en 1910. Certains ouvrirent des
magasins, fondèrent des entreprises industrielles, contribuèrent pour une large part au développement de
l'industrie du textile et de la dentelle, participèrent à l'essor de l'horlogerie dans le Jura neuchâtelois et
bernois ainsi qu'à Bienne (Movado, Ebel, Tavannes Watch). Dans les années 1930, ils ouvrirent plusieurs
grands magasins (notamment Maus et Nordmann, Loeb). L'établissement de la famille Dreyfus, à Bâle, fondé
au début du XIXe s. déjà, et celui de Julius Bär, à Zurich, s'imposèrent dans le secteur des banques privées. De
rurale, la structure professionnelle devint urbaine et ne se distingua bientôt plus de celle du reste de la
population.
Les quelque 4000 juifs d'Europe orientale, qui fuyaient la misère et les persécutions de la Russie tsariste,
amenèrent en Suisse des traditions religieuses et des coutumes pas toujours bien vues par leurs
coreligionnaires établis de plus longue date et largement assimilés. De même que la société s'ouvrait aux
juifs, de même ceux-ci étaient influencés par leur environnement. Ils étaient fiers de remplir leur devoir de
citoyens, de soldats, de pompiers, entraient dans les sociétés sportives, prenaient part à la vie culturelle,
artistique et scientifique. A partir des années 1890, ils créèrent aussi leurs propres structures: l'association
sportive Maccabi Suisse en 1918, l'Union suisse des organisations de femmes juives en 1924. L'intégration,
souvent aisée, entraînait fréquemment une assimilation totale, parfois au prix d'un renoncement à toute
référence au judaïsme. Toutefois, les incidents antisémites récurrents, l'interdiction de l'abattage rituel en
1893 (condamnant la mise à mort des animaux de boucherie par section de la carotide), montraient aussi que
les citoyens suisses non juifs avaient accepté l'égalité intellectuellement, mais que les sentiments
judéophobes n'avaient pas disparu pour autant.
Les années 1918 à 1933 furent une période de consolidation et d'intégration, comme le montre la carrière
politique de David Farbstein, qui représenta les socialistes au Conseil national de 1922 à 1938. Parallèlement,
l'existence d'un antisémitisme latent devenait de plus en plus manifeste. Près des deux tiers des congrès
sionistes organisés entre 1897 et la Deuxième Guerre mondiale eurent lieu en Suisse (Sionisme).
Auteur(e): Ralph Weingarten / UG
5 - De 1933 à 1945
La montée du national-socialisme soumit les juifs de Suisse à une double pression: exposés à la propagande
antisémite venant d'Allemagne, ils furent aussi victimes de l'idéologie qui la sous-tendait et qui trouva un
terreau fertile dans le frontisme, ainsi que dans une partie de la petite et de la grande bourgeoisie. En
l'absence d'une loi condamnant le racisme et compte tenu de l'agressivité de l'Etat national-socialiste, ils
optèrent pour une ligne défensive, après avoir combattu et dénoncé l'antisémitisme, de 1933 à 1937, par des
procès en partie victorieux contre la diffusion du faux intitulé Protocoles des sages de Sion. La politique
officielle à l'égard des étrangers, des naturalisations et des réfugiés, souvent teintée d'antisémitisme larvé,
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