MAGAZINE Des futurs ingénieurs agronomes partagent leur vision d’une agriculture idéale Redécouvrir la cueillette sauvage tout particulièrement dans le Jura V ETHNOBOTANIQUE De nombreuses plantes poussant spontanément dans la nature sont comestibles ou ont des vertus médicinales. Conseils et astuces pour récolter raisonnablement et sans risques S e nourrir et se soigner avec des plantes sauvages, est-ce encore possible aujourd’hui? Oui, à condition de bien connaître ces plantes à portée de main, gratuites et bonnes pour la santé. Et pour les connaître, encore faut-il se rendre dans la nature et retrouver le lien qui nous unit à elle. Nourriture corporelle et spirituelle donc! C’est la promesse de la cueillette en nature, qui rencontre un intérêt croissant dans le public, affirme François Couplan, ethnobotaniste spécialiste des plantes sauvages pratiquant la cueillette depuis 64 ans. Le scientifique, qui est aussi homme de radio, a bien voulu nous indiquer comment, où et quand bien pratiquer la cueillette, en particulier dans le canton du Jura. Ceci en tenant compte d’un principe élémentaire: ces richesses naturelles exigent discernement et délicatesse, sans quoi elles risquent de ne pas se renouveler correctement, voire de s’épuiser. Voici donc les règles de base d’une cueillette respectueuse et sans risques, ni pour la nature, ni pour les cueilleurs. Quelles plantes sont intéressantes? «La première étape est de savoir quelles sont les plantes qui nous intéressent, explique François Couplan, il ne faut ramasser que des plantes que l’on a identifiées avec certitude.» Dans la région jurassienne, il existe un large éventail de stages sur les plantes sauvages. Il est aussi possible d’apprendre avec des livres et même recommandé d’en prendre un avec soi lors de la cueillette. Il faut aussi savoir qu’il existe des plantes protégées que l’on ne peut pas cueillir et des plantes semi-protégées que l’on ne peut pas déraciner. Pour connaître ces plantes, on peut se rendre sur le site www.jura.ch et consulter l’Ordonnance sur la protection de la nature qui donne toutes les informations nécessaires. Attention aux faux amis! Il existe des cas connus de personnes qui se sont intoxiquées en se trompant au moment de la cueillette. Il est donc important de bien se renseigner sur les plantes que l’on veut cueillir. «On pourrait par exemple facilement confondre la fleur de robinier (fleure blanche) qui est très goûteuse, avec celle de cytise (fleure jau- La cueillette des cynorrhodons. Tout à droite, François Couplan, ethnobotaniste spécialiste des plantes sauvages, qui pratique la cueillette depuis 64 ans. ne), qui se révèle être très nocive pour la santé», cite notamment François Couplan. Au printemps, il faut se méfier de la ressemblance entre le muguet qui est toxique et l’ail des ours qui dégage une forte odeur et peut être utilisé dans la préparation du pesto notamment. L’épinard sauvage quant à lui est parfois confondu avec l’Arum maculatum, très toxique! Comment se prémunir de telles erreurs? Malheureusement, à l’heure actuelle il n’existe pas d’organisme officiel qui contrôlerait les plantes des cueilleurs, comme c’est le cas pour les champignons. Il faut donc rester très attentif afin d’éviter les incidents malheureux. Les plantes sauvages sont très concentrées en principes actifs et c’est pour cela qu’elles doivent être consommées avec modération: elles sont parfois trop fortes pour notre organisme et peuvent provoquer des troubles digestifs, légers mais incommodants. Pour une récolte réussie, il faut choisir des plantes de qualité. «Préférer celles qui poussent dans des lieux sauvages à celles qui croissent au bord des routes, souvent polluées par Quand faut-il cueillir? La récolte a été bonne. Elle est prometteuse pour les plaisirs de la table. 14 | Mardi 13 octobre 2015 | Le Quotidien Jurassien Chaque plante a une période de récolte différente, donc il est nécessaire de se renseigner pour chaque espèce. De plus, il faut savoir que la partie que l’on veut cueillir joue un rôle important dans le choix de la date de cueillette. Mais en règle générale, les bourgeons sont cueillis au printemps. Les feuilles le sont avant la floraison. Les fleurs et les sommités fleuries avant l’épanouissement complet et les tiges en automne. Les fruits charnus doivent être récoltés à parfaite maturité et les fruits secs au moment où ils se détachent facilement de l’arbre. C’est à ce moment que les graines sont complètement mûres. Maintenant à vous de jouer. Il n’y a pas besoin de beaucoup d’efforts pour transformer les balades en vrai moment didactique et en découverte gastronomique. MR les hydrocarbures, poursuit François Couplan. De même, on évitera les bords de chemins où les chiens ont l’habitude de faire leurs besoins. Ne cueillir que des végétaux en bonne santé et sans insectes. Pour s’en assurer, il suffit de regarder sous les feuilles, c’est souvent là qu’ils se cachent. Avant toute consommation, il est important de bien les rincer à l’eau claire.» Comment cueillir? Lorsque l’on cueille des plantes sauvages, il faut aussi penser à préserver leur habitat ainsi que le végétal lui-même, ceci pour garantir son retour l’année suivante. Dans le Jura, la limite légale est fixée à une poignée et sans utiliser d’outils. François Couplan la juge trop restrictive et cite le cas de l’ortie: sa cueillette, même en quantités assez importantes, ne mettra pas sa repousse en danger. Pour les autres espèces, il conseille toujours d’éviter de récolter la totalité des plantes d’une même espèce à un endroit donné: laisser en place au moins un tiers des individus. De même, il vaut mieux s’abstenir de récolter un sujet isolé. Ne pas déraciner une plante, sauf si on la prélève précisément pour sa racine, bien entendu. Si ce sont les jeunes pousses ou les feuilles qui nous intéressent, PHOTOS © FRANÇOIS COUPLAN alors il s’agit de tirer délicatement, en tenant la plante entre le pouce et l’index, l’objectif étant de ne pas l’abîmer. Il est important de ramasser seulement ce dont on a besoin dans l’immédiat car les plantes ne se conservent pas longtemps. On peut les garder au frigo, une fois lavées et rangées dans des sachets en plastique. Lors de la récolte, les sacs en plastique ne sont pas indiqués, car ils augmentent la transpiration des plantes et les ramollissent. Un sac en tissu est mieux adapté. En automne, il est utile de laisser quelques graines et petits fruits secs sur les arbres. Durant l’hiver, cela sera la nourriture principale de nombreux animaux. Il serait dommage de les en priver. MARINE REYNARD, filière AGRO1 à la Haute Ecole de paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (hepia) • Pour en savoir plus: François Couplan, Le régal végétal: plantes sauvages et comestibles, Editions Ellebore, 2009, www.couplan.com. Serge Schall, Mon jardin de plantes médicinales comment les cultiver, les conserver, les utiliser, Editions Larousse 2014. Ordonnance sur la protection la nature, site du canton du Jura www.jura.ch rubrique Autorité> Administration> Environnement et équipement> Environnement (ENV)> Protection de la nature et du paysage> Protection des espèces.