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2. ELABORATION ET ARGUMENTATION
2.1. Traitement intégré des patients à l’hôpital général
2.1.1. Le modèle biopsychosocial
Le modèle biopsychosocial fut élaboré par George Engel (Engel, 1977), qui l’a ensuite développé au
niveau clinique grâce à la description du cas d’un patient souffrant d’arythmies cardiaques causées par
le fait que ce dernier se sentait délaissé par son médecin traitant (Engel, 1980). Dans cette théorie,
Engel formulait une alternative à une médecine très réductionniste et dont l’évolution technologique se
faisait de plus en plus rapide. Presque trente ans plus tard, le modèle biopsychosocial est toujours fort
d’actualité (Borrell-Carrio et al., 2004). Cependant, il en est de même pour les difficultés qui continuent
de se présenter lors de sa mise en pratique (Astin et al., 2006).
Le modèle biopsychosocial est aussi théorique que pratique et clinique. En tant que théorie, il nous aide
à comprendre la façon dont la souffrance, les maladies et les affections sont influencées par différents
niveaux d’organisation, allant du niveau social au niveau moléculaire. Au niveau pratique et clinique, il
nous aide à comprendre que l’expérience subjective du patient fournit une contribution fondamentale
permettant d’aboutir à un diagnostic, un pronostic et des soins humains corrects.
Les conséquences pour la pratique clinique de tous les jours ne sont pas négligeables. Les liens entre
santé mentale et santé physique sont compliqués – les expériences subjectives dépendent de lois
physiologiques auxquelles elles ne peuvent toutefois pas être réduites. Bien que les modèles explicatifs
circulaires pour les maladies soient théoriquement corrects, lors du choix d’un traitement, il importe de
trouver le juste milieu entre ces modèles explicatifs circulaires sous-jacents et des liens plus linéaires.
Alors qu’une participation plus active du patient à la relation avec le prestataire de soins est conforme
aux tendances culturelles occidentales, il se peut que celle-ci ne soit pas acceptée universellement.
Borrell-Carrio et al. (2004) proposent les piliers suivants, sur lesquels doivent se baser les soins
biopsychosociaux:
1. La nécessité pour un médecin de s’observer et de s’adapter de façon continue afin de s’accorder
tel un instrument de musique aux besoins du patient individuel.
2. La construction active d’un climat de confiance.
3. L’utilisation d’un style émotionnel caractérisé par une curiosité empathique.
4. Une vigilance constante face au biais propre au prestataire de soins.
5. La nécessité d’enseigner aux prestataires de soins les aspects émotionnels aidant à poser le
diagnostic et à construire une relation thérapeutique.
6. Le besoin de valoriser le côté intuitif du contact avec les patients.
7. Le fait que la communication d’informations cliniques factuelles doit promouvoir le dialogue avec
le patient et ne peut se limiter à une mise en pratique « mécanique » de protocoles de traitement.
Il va sans dire qu’il n’est nullement simple d’appliquer ces piliers dans la médecine contemporaine,
surtout dans les hôpitaux généraux, comme l’a confirmé une enquête récemment menée aux Etats-Unis
auprès des médecins et spécialistes (Astin et al., 2006). Celle-ci visait à connaître l’importance
accordée aux facteurs psychosociaux par les médecins (généralistes et spécialistes). La première chose
qui en ressortait était qu’au total, seulement 27 % des personnes interrogées (nonobstant un stimulus
financier) l’avaient complétée, ce qui peut sérieusement fausser les résultats (qui seront probablement
considérés comme exagérément positifs). La plupart des personnes interrogées reconnaissent
l’importance des facteurs psychosociaux, tandis qu’un tiers estime que prêter davantage d’attention à
ces facteurs ne contribuerait pas ou très peu au traitement. Une minorité considérait la formation
satisfaisante, tandis qu’une autre minorité désirait davantage de perfectionnement.