I. LA DONNEE DE SANTE
Avant 2004, la donnée de santé n’était pas considérée comme une donnée sensible. De ce fait, elle
ne bénéficiait pas de ce statut particulier, qui est aussi celui des données relatives à l’orientation
sexuelle des personnes ou encore à leur appartenance syndicale.
Sous l’impulsion de la Directive du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes
physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel6, les données de santé ont acquis le
statut de données sensibles en France en 20047 ; ainsi, elles sont interdites de traitement par principe,
et « partageables » par exception.
Les exceptions sont toutefois nombreuses et la première est tout simplement l’accord exprès de
l’intéressé. C’est souvent à ce stade que le bât blesse, d’ailleurs, puisque les impératifs d’une prise en
charge rapide du patient et la nécessité d’une circulation aisée de l’information aboutissent à la
revendication par les professionnels d’un consentement présumé du patient au partage de ses données.
On constate que, même en dehors de la sphère de la prise en charge thérapeutique, cette
revendication existe. Ainsi, il n’est plus envisageable aujourd’hui pour un développeur d’applications
mobiles en santé de recueillir le consentement de l’utilisateur autrement que par le biais d’un
« disclaimer » du type de ceux de Google ou d’Apple, qui ne sont ni clairs, ni loyaux, ni appropriés,
alors que ce sont les caractéristiques de l’information en matière de santé.
Pour échapper à la réglementation relative à la protection des données de santé qui semble
extrêmement contraignante (et qui est en réalité surtout mal connue), l’argument de la donnée de
« bien-être » est souvent avancé. S’il ne s’agit pas de données de santé, le responsable de l’application
ou de la solution, pense qu’il peut ne pas faire appel à un hébergeur agréé de données, voir qu’il n’a
pas de consentement à recueillir. C’est une idée fréquemment répandue contre laquelle il convient de
lutter : il n’existe pas de donnée « de bien-être », dès lors qu’est une donnée est relative à la santé - au
sens large8 - de la personne. Peu importe que la donnée soit créée par le patient, qu’elle n’ait aucune
valeur pour un médecin ou que son recueil ne soit qu’accessoire dans l’application ! La distinction
« santé » versus « bien-être » est, peut-être, une distinction en matière de segments commerciaux, mais
elle n’a pas de fondement juridique.
« Les solutions de santé mobile devraient comporter des garanties de
sécurité spécifiques et adaptées, comme des mécanismes appropriés
d'authentification du patient et le cryptage de ses données, pour limiter les
risques d'abus. La sécurité et le contrôle des accès devraient aussi constituer
un terrain propice à de futures activités de recherche et à des projets
innovants »9.
Ainsi, toute donnée relative à l’état physique, mental ou social d’une personne, pouvant être
identifiée directement, indirectement ou même par référence à un numéro d’identification, doit être
considérée comme une donnée de santé.
6 PE et Cons. UE, dir. 95/46/CE, 24 oct. 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données : JOUE L 281, 23 nov. 1985
7 L. n° 2004-81, 6 août 2004 relative à a protection des personnes physiques à l'égard des traitements données à caractère
personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : JO 7 août 2004
8 « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de
maladie ou d'infirmité ». Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, adopté par la Conférence
internationale sur la Santé les 19-22 juin 1946 et entré en vigueur le 7 avril 1948.
9 Commission européenne, Livre vert sur la santé mobile, 2014, disponible sur
[ec.europa.eu/newsroom/dae/document.cfm?doc_id=5187]