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économique. Elles sont significatives d’une décision centrale, reflétant une volonté impériale qui
tentait de limiter les conséquences des crises économiques monétaires
25
. Les contremarques étaient
issues de l’état et leur présence permettait de remettre en circulation certaines monnaies
républicaines émises antérieurement à la période pour endiguer le manque de numéraire en
circulation sans toucher au trésor de l’état.
Ces contremarques n’ont donc aucun rapport avec les contresignatures de banquiers, de nature et
de rôle bien différents. Apposées par des acteurs privés de la vie économique de la République et au
début de l’Empire, les contresignatures étaient destinées à sécuriser des transactions commerciales
dans lesquelles l’état était peu présent. Les rares interventions de l’état dans les affaires privées de la
République concernaient le plafonnement du taux de prêt à certaines périodes délicates de l’histoire
romaine et quelques contrôles sur les livres de compte des banquiers.
L’essai et le change des monnaies
Les fausses monnaies firent leur apparition avec l’essor du développement commercial. Pour
sécuriser les frappes monétaires d’état, certains affirment que l’on créa le denier serratus, rendant
plus complexe la réalisation de monnaies fourrées avec des berges dentelées. Les faux monnayeurs
étaient aussi de vrais artistes et la difficulté technique fut vite contournée : on vit apparaître des
deniers serratii fourrés. L’état créa en parallèle un système de contrôle intrinsèque à la frappe du
denier afin de contrôler la quantité de numéraire émis. Les faussaires ne furent pas gênés par
l’introduction de systèmes de marques de contrôle complexes décrits par Hubert Zehnacker
26
. Un
contrôle humain plus minutieux se mit en place par l’application de signes sur les monnaies : on les
appelle contresignatures
27
. Elles marquaient le passage de la monnaie chez un essayeur-changeur.
Les essayeurs-changeurs furent les maillons indispensables de l’économie romaine garantissant la
qualité du numéraire en circulation. En facilitant les échanges et les paiements, ils contribuaient à
leur niveau à l’assainissement du trésor d’état ainsi qu’à l’activité commerciale, se trouvant souvent
installés dans les ports et sur les marchés. Les clients se rendaient chez des essayeurs-changeurs qui
tenaient boutique indépendamment des banquiers à l’extérieur de leurs comptoirs, sur un étal ou
dans une échoppe voisine. Ces testeurs essayaient des monnaies apportées par des personnes qui se
rendaient chez eux avec leurs créanciers afin de s’assurer de la bonne qualité des espèces au
moment de la transaction.
L’essai de monnaie est un ensemble de techniques qui variait selon les situations : les essayeurs
regardaient, tâtaient la monnaie, la faisait sonner. Ils vérifiaient son titre et contrôlaient qu’elle ne
fut pas fourrée ou saucée. Ils examinaient ses dimensions et son type en le comparant à des
échantillons qu’ils possédaient. Enfin, ils pesaient au moyen d’un trébuchet
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et vérifiaient qu’elle
n’avait pas perdu son poids d’usage par rognage ou grattage. Ils devaient alors appliquer la
contresignature par poinçonnage
29
, attestant de la vérification de la monnaie au moment des
différentes transactions. Ces signatures de nature archaïque
30
, étaient imprimées dans le métal à
l’aide d’un simple poinçon. En imprimant un coup de marteau
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sur le poinçon à l’avers ou au revers
de la monnaie, cette dernière subissait une dépression métallique en creux, laissant une trace
ineffaçable par la suite. Ce poinçonnage est observé presque uniquement sur les monnaies
d’argent
32
.
Des dépôts scellés
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étaient confiés aux argentarii dans des sacs, sur lesquels étaient apposés des
tessères nummulaires
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certifiant que les monnaies avaient été testées.
25
R .Vallentin interprète notamment une contresignature en V sur un quinaire Porcia de 94 av J.C. comme une contremarque du temps de
Vespasien. Ceci n’est pas une contremarque mais plutôt une contresignature d’essayeur qui n’a rien de commun avec une contremarque
officielle. De même pour le denier Claudia de 79 av J.C. dont le M semble lui faire penser à Massalia comme atelier !
26
H. ZEHNACKER – Recherches sur l’organisation et l’art des émissions monétaires de la République Romaine (1973).
27
Ce terme de contresignature me paraît plus adéquat que celui de signature de banquier, car ce n’est qu’au début de la République que
seuls les argentarii avaient le monopole de l’essayage des monnaies.
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Trutina : c’est une sorte de balance avec deux plateaux identiques en forme de coupe que l’on tenait à la main.
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Il est à noter que pour une contresignature de même type, il existe plusieurs poinçons d’origines différentes. A titre d’exemple, la
contresignature en « S » se retrouve souvent de taille et de forme variées sur les nombreux deniers étudiés. Ceci tend donc à prouver que
pour une même contresignature, il existait plusieurs poinçons.
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Ce sont souvent des formes simples ou des lettres comme nous le verrons par la suite dans le répertoire des contresignatures.
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Maleator : instrument semblable à un maillet, marteau en bois servant à imprimer en creux sur la surface des monnaies la signature
représentée sur le poinçon de l’essayeur
.
32
J’ai pu observer quelques monnaies de bronze contresignées provenant le plus souvent des territoires des colonies romaines.
Poinçonnées ainsi, elles ont reçu l’aval d’un trésorier de notable lors d’un paiement et devaient être considérées de même valeur que les
bronzes de la république.
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C’était des dépôts dits réguliers servant uniquement aux paiements de dettes.
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Les tessères nummulaires étaient des étiquettes en os ou en bronze attachées par une ficelle aux sacs de monnaies sur lesquelles on
pouvait lire entre autres renseignements les noms des esclaves travaillant pour un notable et les dates des transactions.