G. Baudin Biologie du diabète. Gérard Baudin Laboratoire de Radio Immunologie - CHU - Nîmes. Résumé Les glucides occupent une place majeure dans le métabolisme énergétique de l’organisme : ils partagent avec les lipides, et en étroite corrélation avec eux, le rôle de stockage et d’utilisation de l’énergie. Deux hormones jouent un rôle central dans la régulation de ces métabolismes : l’insuline et le glucagon. Les aspects biochimiques du métabolisme du glucose, de l’insuline et du glucagon sont rappelés afin d’introduire l’étude analytique et clinique des diabètes sucrés. Métabolisme glucidique / Insuline / Glucagon LE MÉTABOLISME GLUCIDIQUE : RAPPELS BIOCHIMIQUES ðLes glucides occupent une place majeure dans le métabolisme énergétique : des 4 composants organiques classiques (glucides, lipides, protéines et nucléotides), les glucides partagent avec les lipides, le rôle de stockage de l’énergie, ce qu’ils font sous forme de polysaccharides. Rôle essentiel du foie Les glucides sont apportés à l’organisme sous une forme le plus généralement complexe (saccharose/ amidon) et ils sont absorbés au niveau de l’intestin après avoir été scindés en oses simples par des osidases du suc digestif. (figure 1) figure 1 Le glucose est conduit au foie par la veine porte et là, est transformé en glucose-6-phosphate (G6P), qui peut suivre 5 voies différentes suivant les besoins de l’organisme, réglés par des mécanismes hormonaux. Correspondance : Gérard Baudin - Laboratoire Radio Immunologie - Centre Hospitalier Universitaire - 30029 Nîmes Cedex Tél : 04 66 68 32 47 - Fax : 04 66 68 32 85 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2001 - vol.25 - n°2 55 Biologie du diabète sus qui synthétisent des acides gras et des stéroïdes (cholestérol) à partir de l’acétyl CoA. En même temps, cette voie synthétise des pentoses (le D ribose essentiellement), nécessaires à la synthèse des acides nucléiques. Enfin, cette voie dégrade les pentoses en hexoses qui peuvent rejoindre la glycolyse. Intestin Glucides Glucose Glucose circulant Veine Porte Hépatocyte Glycogène (Glucose 6 phosphatase) G1P G6P Neoglucogenèse Glycolyse Ac. Pyruvique Voie des pentoses (NADPH / ribose) Ac. Aminés Ac. Nucleiques Acétyl CoA (Cycle de Krebs) Ac. Gras (Lipides) CO2 + H2O + énergie Corps cétoniques 5. Stockage sous forme de lipides lorsque toutes les voies précédentes sont saturées : c’est l’acétyl CoA et l’acide citrique du cycle de Krebs qui vont initier cette voie de fabrication des acides gras. Ces mêmes acides gras servent de "réserve" puisque leur dégradation va fournir de l’acétyl CoA qui pourra être utilisé dans le cycle de Krebs. Figure 1. Métabolisme hépatique des glucides. 1. Hydrolyse en glucose et phosphate par la glucose-6-phosphatase (quasi exclusivité de l’hépatocyte - un peu dans le rein -) produisant du glucose circulant distribué aux cellules. 2. Transformation en énergie par l’infigure termédiaire de la glycolyse (figure 2 ) : une molécule de glucose donne 2 acides pyruviques eux même transformés en acides oxalo-acétiques (AOA) et acétyl coenzyme A (acétyl CoA) : ces deux molécules donnent naissance au cycle de Krebs qui produira CO2 + H2O + NAD réduit et FAD réduit. Ces nucléotides pyridiniques réduits donneront, par l’intermédiaire de la "chaîne respiratoire", des molécules d’ATP concourant à la distribution de l’énergie. G6P 2 Acides pyruviques AOA Acétyl CoA Cycle de Krebs H2O 56 Le ffoie oie est donc l’or gane pr incipal l’organe principal régulateur du métabolisme glucidique : en effet il est le seul organe qui laisse "sortir" le glucose. Les cellules périphériques CO2 NADH2 FADH2 (Chaîne respiratoire) ATP H2O Figure 2. Glycolyse. Une molécule de glucose permet ainsi la fabrication de 22 liaisons énergétiques sous forme de nucléosidephosphates. 4. Stockage dans les cellules hépatiques et musculaires par polycondensation en glycogène : le "carrefour" étant ici le glucose-1-phosphate (G1P). La glycogénolyse servant à alimenter - dans le muscle, la production d’énergie (glycogèneàG1PàG6Pà glycolyse), - dans le foie : la production d’énergie et la régulation de la glycémie (glycogèneàG1PàG6Pàglucose libre). 3. Transformation en nucléotides pyridiniques réduits (ici NADPH) par la "voie des pentoses-phosphate" : ce nucléotide est essentiel dans les tis- (figure 3) figure 3 Les autres cellules utilisent le glucose dans un but de synthèse énergétique (ATP), de synthèse de réserves (glycogène, lipides) ou de synthèse de glycoprotéines. - Lors de l’utilisation musculaire, les myocytes utilisent l’énergie (ATP – Créatine-phosphate) et dégradent leurs réserves (glycogène) : l’acide lactique, déchet produit par anaérobiose, est reconduit au foie où il pourra être retransformé en G6P figure 4 (néoglucogenèse) (figure 4). Cette Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2001 - vol.25 - n°2 G. Baudin néoglucogénèse prendra le relais, par l’intermédiaire du foie, lorsque la réserve en glycogène sera insuffisante. L’alanine et les autres acides aminés glucoformateurs (et donc les protéines) ou le glycérol (donc les lipides) seront fournisseurs de sucres. Catabolisme des Acides Gras Acétyl CoA Sang Corps cétoniques Cycle de Krebs Glucose Glycogène (muscle) Tissus périphériques Proteoglycanes G1P Glycoproteines Acétyl CoA Utilisation Figure 5. Cétogenèse. G6P Glycolyse Voie des pentoses On comprend donc, à ce niveau, les phénomènes physio-pathologiques : Ac. Pyruvique Acétyl CoA - La cétonémie est normalement fai- Ac. Lactique Energie Cellule périphérique ble (noter que les corps cétoniques inhibent la glycolyse et la lipolyse ; ce qui conduit à leur utilisation énergétique préférentielle). Retour au foie (neoglucogenèse) Sang - Elle augmente au cours du jeûne glucidique : utilisation accrue des acides gras avec insuffisance d’utilisation au niveau hépatique (déficit en AOA) donc passage sanguin, c’est la cétoacidose du jeûne. Figure 3. Métabolisme périphérique des glucides. G6P - Au cours d’un diabète de type 1, il Acides Aminés glucoformateurs Sang Alanine Acide lactique Glucose Acides Aminés Acide lactique Acide lactique G6P Proteines Energie Cellule périphérique Figure 4. Néoglycogenèse. - Une dernière voie intéressante est figure 5 la cétogenèse (figure 5) : c’est une voie mineure de dégradation de l’acétyl CoA, uniquement hépatique. Lors du catabolisme des acides gras, une quantité importante d’acétyl CoA est formée et doit donc être métabolisée. Pour cela, les acétyl CoA se "conden- y aura : . Déficit en insuline : diminution de l’entrée du glucose dans la cellule. sent" en corps cétoniques (acide acétylacétique et acide β OH butyrique), quittent l’hépatocyte et sont retrouvés au niveau des cellules périphériques où ils sont alors retransformés en acétyl CoA qui sera utilisé comme source énergétique (cette utilisation étant stimulée par l’insuline). Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2001 - vol.25 - n°2 . Arrêt de la glycolyse normale donc néoglucogenèse accrue, d’où utilisation de l’AOA et déficit en ce métabolite. . Catabolisme des acides gras accru dans les hépatocytes, d’où accumulation d’acétyl CoA. . En l’absence d’AOA, le métabolisme de l’acétyl CoA se fera donc par la voie des corps cétoniques. . Pas d’utilisation périphérique des corps cétoniques par déficit en insuline, d’où cétoacidose très importante (coma acidocétosique). 57 Biologie du diabète L’insuline INSULINE ET GLUCAGON : RAPPELS BIOCHIMIQUES Plusieurs hormones participent au contrôle de l’équilibre glycémique. Le rôle majeur est toutefois joué par les hormones pancréatiques que sont l’insuline et le glucagon. Ces hormones sont sécrétées dans la portion endocrine du pancréas, les îlots de Langerhans, qui ne constituent que 1%, en poids, de cet organe. Disséminés dans le tissu exocrine, les îlots assurent la sécrétion de l’insuline par leurs cellules β et du glucagon par leurs cellules α. Structure L’insuline, quelle que soit l’espèce, est constituée de 2 chaînes. Les insulines des mammifères ont une structure primaire très proche, l’insuline de porc ne différant de l’insuline humaine que par 1 acide aminé et l’insuline de bœuf par 2 acides aminés seulement. La molécule d’insuline est constituée de deux chaînes polypeptidiques : une de 21 acides aminés (chaîne A) et une de 30 acides aminés (chaîneB). Ces deux chaînes sont reliées par deux ponts disulfure A7-B7 et A20-B19 figure 6 (figure 6). La configuration tridimensionnelle des insulines des différentes espèces est très proche, expliquant ainsi que l’activité biologique des insulines soit semblable. Le monomère, forme circulante principale, a un poids moléculaire d’environ 6000. Biosynthèse L’insuline est formée à partir d’un précurseur, la proinsuline de poids moléculaire d’environ 9000. La proinsuline est monocaténaire : les deux chaînes de l’insuline étant reliées, de l’extrémité C terminale de la chaîne B à l’extrémité N terminale de la chaîne A, par un peptide, le pepfitide de connexion ou C peptide (figure 7 7). Figure 6. Structure de l'insuline. Figure 7. Structure de la proinsuline. 58 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2001 - vol.25 - n°2 G. Baudin La transformation de proinsuline en insuline dans l’appareil de Golgi et dans les granules de transport jusqu’à la membrane cellulaire (demi-période d’environ 60 minutes) fait intervenir des enzymes à activité trypsine et carboxypeptidase et conduit à la formation de quantités équimolaires d’insuline et de C peptide. La glycémie est le stimulus principal de la biosynthèse et de la sécrétion d’insuline. Secrétion L’insuline et le C peptide des granules sont libérés par exocytose : ce mode de sécrétion - le principal - est fonction des stimuli primaires (glycémie surtout) et secondaires (hormones). Une sécrétion de base existe, en dehors de tout stimulus exogène. En réponse aux stimuli, la sécrétion est biphasique : d’abord une élévation en moins d’une minute représentant l’insuline stockée dans le compartiment immédiatement mobilisable, puis, après une diminution, une deuxième sécrétion plus lente représentant de l’insuline stockée mais aussi une insuline nouvellement synthétisée. Les stimuli influençant la sécrétion d’insuline sont de diverses origines. - Des métabolites : le glucose, la plu- part des acides aminés (arginine surtout), les acides gras et les corps cétoniques dans une moindre mesure stimulent la secrétion. - Des hormones : hormones gastrointestinales (gastrine, secrétine, glucagon), hGH, glucocorticoïdes, oestrogènes, progestérone stimulent la secrétion. - Des neuro-médiateurs : les agents cholinergiques stimulent la sécrétion et les catécholamines l’inhibent. Les α bloquants stimulent donc la sécrétion et les β bloquants la dépriment. Circulation et catabolisme Insuline, proinsuline et C peptide circulent sous forme libre, l’insuline sous forme de monomère. La proportion de proinsuline circulante peut représenter jusqu’à 20 % de l’immunoréactivité insulinique totale et peut-être considérablement accrue dans certains états pathologiques. La demi-vie de l’insuline dans le secteur vasculaire sanguin est brève environ 5 minutes -: - le foie, organe important d’action et de dégradation, prélève 50 % de l’insulinémie en un passage - celle-ci est donc nettement plus élevée dans la veine porte -. - le rein prélève, lui, 40 % de l’insulinémie - l’insuffisance rénale se traduit donc par une demi-vie plasmatique de l’insuline augmentée -. Presque tous les tissus de l’organisme utilisent et dégradent l’insuline, le foie et le rein étant les deux sites majeurs. La demi-vie de la proinsuline est d’environ 20 minutes : sa dégradation ne s’accompagne pas de conversion en insuline ; c’est d’autre part un inhibiteur compétitif de la dégradation de l’insuline. Le C peptide n’est pas dégradé et est éliminé sans modification dans l’urine. Actions physiologiques L’insuline exerce des effets métaboliques multiples : son rôle, par son effet sur l’homéostasie glycémique, est une stimulation de la mise en réserve de l’énergie ; le glucagon exerce un effet inverse de mobilisation des substrats énergétiques. - Sur les glucides : l’insuline stimule la glycogènogenèse (foie, muscle strié) et inhibe la glycogènolyse et la néoglucogenèse hépatiques. - Sur les lipides : l’insuline stimule la lipogenèse (tissu adipeux, foie) et inhibe la lipolyse et la cétogenèse (foie). L’utilisation périphérique des corps cétoniques est favorisée par l’insuline : le déficit en insuline favorisera donc l’apparition d’une acidocétose. - Sur les protéines : l’insuline stimule le transport intracellulaire des acides aminés (tissu adipeux, muscle strié) et accroît leur incorporation dans les protéines. La synthèse des protéines est accrue au niveau des ribosomes dans le foie et le muscle strié. L’insuline diminue le catabolisme protidique. Mode d’action L’action cellulaire de l’insuline est médiée par un récepteur - le récepteur de l’insuline - à activité tyrosine-kinase. Ce récepteur, de type 2, est un tétramère α2 β2. La liaison extra-cellulaire de l’hormone au récepteur conduit à l’autophosphorylation du domaine intracellulaire. Les récepteurs ainsi activés sont alors reconnus, grâce à leurs domaines SH2, par les protéines cibles. Ces protéines, phosphorylées, jouent alors leur rôle dans la signalisation cellulaire. Le glucagon Structure Polypeptide de 29 acides aminés, le glucagon a très peu varié au cours de l’évolution : la composition en acides aminés est similaire chez de nombreux mammifères et oiseaux. Son poids moléculaire est d’environ 3500 figure 8 (figure 8). NH2NH2-HIS-SER-GLU-THR-PHE-THR-SER-ASP-TYR-SER-LYS-TYR-LEU-ASP-SER1 5 10 15 -ARG-ALA-GLU-ASP-GLU-ASP-PHE-VAL-GLU-TRP-LEU-MET-ASN-THR-COOH COOH 20 25 29 Figure 8. Structure du glucagon. Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2001 - vol.25 - n°2 59 Biologie du diabète Biosynthèse et sécrétion Circulation et catabolisme Le glucagon est synthétisé au niveau du reticulum endoplasmatique des cellules α du pancréas, il est stocké et transporté sous forme de proglucagon dans les granules. Comme l’insuline, il est clivé en peptide actif au moment de la stimulation. Le glucagon circule sous forme libre ; sa demi-vie dans la circulation est brève - moins de 5 minutes -, le foie étant l’organe majeur d’action et de dégradation. La glucagonémie portale est d’environ 10 fois plus élevée que la glucagonémie périphérique. Le glucagon est filtré par le glomérule et pratiquement totalement réabsorbé par le tubule proximal. Comme pour l’insuline, presque tous les tissus utilisent et dégradent le glucagon, le foie et le rein étant les deux sites majeurs. Le plasma exerce une importante activité de dégradation du glucagon, cette dégradation pouvant être inhibée en grande partie par un inhibiteur des protéases comme l’aprotinine. Les stimuli sont : 1. Des métabolites : l’hyperglycémie diminue et l’hypoglycémie augmente la sécrétion de glucagon. Les acides aminés et les protéines stimulent le glucagon comme l’insuline. Acides gras et corps cétoniques inhibent la sécrétion. 2. Des hormones : la sécrétion de glucagon est inhibée par l’insuline. 3. Des neuro-médiateurs : les agonistes ß adrénergiques stimulent la sécrétion du glucagon. A l’inverse de l’insuline, des agents cholinergiques inhibent la sécrétion de glucagon et les cathécholamines la stimulent. Mode d’action L’action cellulaire du glucagon est médiée par un récepteur activant l’adénylate cyclase par l’intermédiaire de la protéine G. L’AMP cyclique – second messager – activera alors la protéine kinase A, véritable enzymeclé de la cascade de réponse à l’hormone. Actions physiologiques Comme pour l’insuline, les effets métaboliques du glucagon sont multiples. - Sur les glucides : le glucagon inhibe la glycogènogenèse et stimule la glycogènolyse et la néoglucogenèse hépatiques. - Sur les lipides : le glucagon diminue la lipogenèse (foie) et stimule la lipolyse (tissu adipeux, foie) et la cétogenèse (dans le foie mais à des concentrations supra-physiologiques). - Sur les protéines : le glucagon exerce un effet catabolique au niveau hépatique à des concentrations supraphysiologiques, le glucagon accroît l’uréogenèse. - Enfin, le glucagon stimule la sécrétion insulinique : cet action est accrue par l’hyperglycémie et inhibée par les catécholamines. Summary Glucids are the main components of the energetic metabolism. In close relations with lipids, glucids stock and use the energy of the organism. Two major hormones, insulin and glucagon, are in charge of the main role in this metabolism regulation. We remind biochemical aspects of glucose, insulin and glucagon metabolisms, in introduction of analytic and clinical study of diabetes mellitus. Glucid metabolism / Insulin / Glucagon 60 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2001 - vol.25 - n°2