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particulières, mais il conviendrait selon cette vue que la théorie sociologique se détournât de
« la » société, une sorte d’hypostase conceptuelle à caractère essentiellement idéologique ne
pouvant servir qu’à embrouiller la saisie des interactions sociales. De l’autre côté, et dans la ligne
cette fois d’un très évident « classicisme » sociologique, on soutient que la théorie du rapport
social ne peut pas faire l’économie de la « société », quitte pour cela à se mettre en accord avec
les lignes de force de l’évolution actuelle en définissant cette totalité comme « système » et en
accueillant d’un tonitruant « rien de nouveau sous le soleil » la formation concrète d’un
« espace » globalisé de l’économie et, plus généralement, du « contrôle » : oui à la société, en
somme, mais comprise alors comme « système » empirique des circulations planétaires
quelconques. Bref, d’un côté des approches de la « relation sociale » et de l’autre de grandes
théories de « la société sans hommes », pour reprendre ici une formule célèbre.1
Or, il nous semble que c’est justement dans cette conjoncture, où le classicisme
sociologique donne des signes inquiétants de devenir l’apanage exclusif du systémisme
luhmannien (et de lui être abandonné sans regret par les amoureux du « social » et de la
« relation »), qu’il faut placer la sociologie de Michel Freitag, tout comme il nous semble que
c’est sur le terrain de ce classicisme qu’il faut montrer la valeur de cette sociologie quand elle
vise à dépasser sur le mode critique et politique la double mise entre parenthèse de la totalité
significative qui s’exprime aussi bien dans le positivisme de la relation que dans le mysticisme du
système. C’est donc la structure même du champ théorique contemporain qui sera à l’horizon du
séminaire que nous proposons puisque notre enquête voudra éprouver la valeur du dépassement
que propose Michel Freitag quand il refuse de réifier les pôles de cette alternative et de s’obliger
sur cette base à chercher ensuite dans la « communication » des raccordements factices entre le
vécu et les systèmes. Plus généralement, c’est entre l’effritement déjà presque consommé de la
discipline sociologique en de multiples « choses » (le secret, les jeunes, le discours, l’amour, le
travail, le vécu, la déviance, le vote, le don, l’agir, etc.) et les théories de l’unité « sans sujet ni
fin » qui font elles aussi, quoiqu’en sens contraire, bon marché de l'histoire, que nous nous
demanderons si cette « discipline » peut encore être une manière de regarder son temps sans y
1 C’est dans le paysage théorique marqué par cet écartèlement que le groupe d’étude sur la postmodernité avait, dès
1986, défini sa propre entreprise.