no CHARLES WERNER
àl'Inde ;mais c'est une théologie, plutôt qu'une véritable philosophie.
Peut-être ya-t-il, dans cette manière de voir, un jugement trop
tranché. Pour notre part, nous voudrions accorder une plus grande
importance àla spéculation qui s'est développée dans l'Inde pendant
les siècles qui ont précédé la naissance du Bouddha, et qui élabora la
notion de l'Etre un et universel, caché sous l'apparence changeante
du monde. Mais il reste vrai que cette spéculation, qui d'ailleurs n'a
pas eu d'influence sur la philosophie grecque, appartient autant àla
théologie qu'à la philosophie proprement dite. D'une manière géné¬
rale, la pensée orientale, dans la mesure où elle avoulu donner une
explication de l'univers, s'est exprimée par des mythes ;elle s'est
revêtue d'une enveloppe de formes sensibles. Cette pensée émanait
de la collectivité ;elle représentait la force de la tradition. C'est en
Grèce que sont apparues pour la première fois de grandes personna¬
lités, qui ont rompu avec la manière traditionnelle de penser et qui
ont converti les associations religieuses en des écoles, adonnées àla
pure recherche de la vérité. Ce sont ces hommes, dont Pythagore est
resté le type, qui se sont formé de l'univers une conception originale,
posant les problèmes d'une façon nouvelle et s'efforçant d'en indiquer
la solution du point de vue de la seule pensée rationnelle.
Il est vrai qu'en Grèce même la spéculation philosophique aété
précédée d'une spéculation religieuse, qui nous aété conservée dans
la Théogonie d'Hésiode et dans les fragments de Phérécyde de Syros.
La question peut donc être posée de savoir si la théologie grecque a
subi l'influence de la théologie orientale. C'est là ce que pensait Gla¬
disch :la théologie grecque aurait subi de très bonne heure l'influence
de l'Orient, et c'est par son intermédiaire que cette influence s'est
exercée sur la philosophie. Mais cette thèse, elle aussi, est abandonnée.
Assurément, la théologie grecque offre certaines ressemblances avec
la théologie de l'Inde, de Babylone et de l'Egypte. Mais elle en offre
aussi avec les mythes de contrées plus éloignées, comme la Polynésie,
de sorte que, dans l'impossibilité où nous sommes d'établir une filia¬
tion directe, ces ressemblances s'expliquent par une même réaction
de la conscience collective devant les forces naturelles.
Ainsi l'opinion aujourd'hui régnante est que la pensée grecque
possède, vis-à-vis de la pensée orientale, une autonomie presque com¬
plète et qu'elle manifeste une sorte de création. On pourrait résumer
cette opinion par la parole d'un auteur anglais que Théodore Gom¬
perz amise en tête de son grand ouvrage Les Penseurs de la Grèce :