La philosophie grecque et la pensée de l`Orient - E

La philosophie grecque et la pensée de l'Orient
Autor(en): Werner, Charles
Objekttyp: Article
Zeitschrift: Revue de théologie et de philosophie
Band (Jahr): 26 (1938)
Heft 107
Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-380333
PDF erstellt am: 24.05.2017
Nutzungsbedingungen
Die ETH-Bibliothek ist Anbieterin der digitalisierten Zeitschriften. Sie besitzt keine Urheberrechte an
den Inhalten der Zeitschriften. Die Rechte liegen in der Regel bei den Herausgebern.
Die auf der Plattform e-periodica veröffentlichten Dokumente stehen für nicht-kommerzielle Zwecke in
Lehre und Forschung sowie für die private Nutzung frei zur Verfügung. Einzelne Dateien oder
Ausdrucke aus diesem Angebot können zusammen mit diesen Nutzungsbedingungen und den
korrekten Herkunftsbezeichnungen weitergegeben werden.
Das Veröffentlichen von Bildern in Print- und Online-Publikationen ist nur mit vorheriger Genehmigung
der Rechteinhaber erlaubt. Die systematische Speicherung von Teilen des elektronischen Angebots
auf anderen Servern bedarf ebenfalls des schriftlichen Einverständnisses der Rechteinhaber.
Haftungsausschluss
Alle Angaben erfolgen ohne Gewähr für Vollständigkeit oder Richtigkeit. Es wird keine Haftung
übernommen für Schäden durch die Verwendung von Informationen aus diesem Online-Angebot oder
durch das Fehlen von Informationen. Dies gilt auch für Inhalte Dritter, die über dieses Angebot
zugänglich sind.
Ein Dienst der ETH-Bibliothek
ETH Zürich, Rämistrasse 101, 8092 Zürich, Schweiz, www.library.ethz.ch
http://www.e-periodica.ch
LA PHILOSOPHIE GRECQUE
ET LA PENSÉE DE L'ORIENT
Vers la fin de la pensée ancienne, àl'époque alexandrine, c'était une
opinion communément répandue que la philosophie grecque avait eu
son origine en Orient. Numénius, le précurseur du néo-platonisme, au
deuxième siècle de notre ère, exprime l'opinion générale en disant que
Platon était un Moïse parlant grec.
Cette opinion n'a pas été admise par les historiens modernes. Seuls,
quelques auteurs, comme Roth et Gladisch, en Allemagne, ont repris
la thèse de l'origine orientale de la philosophie grecque. Roth, en par¬
ticulier, avoulu démontrer que la philosophie grecque est venue de
l'Egypte. Mais cette thèse est aujourd'hui complètement abandonnée.
Les historiens de la philosophie s'accordent pour estimer que la pensée
grecque n'a que peu de chose àla pensée de l'Orient, et qu'elle
manifeste une création spontanée de l'esprit. C'est ce qu'a forte¬
ment marqué l'éminent philologue et philosophe écossais, John Bur¬
net, dans le beau livre qu'il aconsacré àla première philosophie grec¬
que. Il fait observer qu'on ne saurait affirmer que les Egyptiens ou
les Babyloniens aient eu une philosophie. Le seul peuple de l'antiquité
qui ait eu, àcôté des Grecs, une philosophie, c'est le peuple hindou.
Mais il serait téméraire de prétendre que la philosophie grecque est
venue de l'Inde ;on peut penser, au contraire, que c'est la philosophie
hindoue qui est venue de la Grèce. Quant àla théologie mystique des
Oupanishads et du bouddhisme, elle appartient sans doute en propre
NB. Ces pages doivent servir d'introduction àun ouvrage sur la philosophie
grecque qui paraîtra prochainement.
no CHARLES WERNER
àl'Inde ;mais c'est une théologie, plutôt qu'une véritable philosophie.
Peut-être ya-t-il, dans cette manière de voir, un jugement trop
tranché. Pour notre part, nous voudrions accorder une plus grande
importance àla spéculation qui s'est développée dans l'Inde pendant
les siècles qui ont précédé la naissance du Bouddha, et qui élabora la
notion de l'Etre un et universel, caché sous l'apparence changeante
du monde. Mais il reste vrai que cette spéculation, qui d'ailleurs n'a
pas eu d'influence sur la philosophie grecque, appartient autant àla
théologie qu'à la philosophie proprement dite. D'une manière géné¬
rale, la pensée orientale, dans la mesure elle avoulu donner une
explication de l'univers, s'est exprimée par des mythes ;elle s'est
revêtue d'une enveloppe de formes sensibles. Cette pensée émanait
de la collectivité ;elle représentait la force de la tradition. C'est en
Grèce que sont apparues pour la première fois de grandes personna¬
lités, qui ont rompu avec la manière traditionnelle de penser et qui
ont converti les associations religieuses en des écoles, adonnées àla
pure recherche de la vérité. Ce sont ces hommes, dont Pythagore est
resté le type, qui se sont formé de l'univers une conception originale,
posant les problèmes d'une façon nouvelle et s'efforçant d'en indiquer
la solution du point de vue de la seule pensée rationnelle.
Il est vrai qu'en Grèce même la spéculation philosophique aété
précédée d'une spéculation religieuse, qui nous aété conservée dans
la Théogonie d'Hésiode et dans les fragments de Phérécyde de Syros.
La question peut donc être posée de savoir si la théologie grecque a
subi l'influence de la théologie orientale. C'est ce que pensait Gla¬
disch :la théologie grecque aurait subi de très bonne heure l'influence
de l'Orient, et c'est par son intermédiaire que cette influence s'est
exercée sur la philosophie. Mais cette thèse, elle aussi, est abandonnée.
Assurément, la théologie grecque offre certaines ressemblances avec
la théologie de l'Inde, de Babylone et de l'Egypte. Mais elle en offre
aussi avec les mythes de contrées plus éloignées, comme la Polynésie,
de sorte que, dans l'impossibilité nous sommes d'établir une filia¬
tion directe, ces ressemblances s'expliquent par une même réaction
de la conscience collective devant les forces naturelles.
Ainsi l'opinion aujourd'hui régnante est que la pensée grecque
possède, vis-à-vis de la pensée orientale, une autonomie presque com¬
plète et qu'elle manifeste une sorte de création. On pourrait résumer
cette opinion par la parole d'un auteur anglais que Théodore Gom¬
perz amise en tête de son grand ouvrage Les Penseurs de la Grèce :
LA PHILOSOPHIE GRECQUE ET L'ORIENT m
«C'est àun petit peuple... qu'il aété donné de créer le principe du
progrès. Ce peuple fut le peuple grec. Excepté les forces aveugles de la
nature, rien ne se meut dans cet univers qui ne soit grec par son
origine ».
Cependant, tout en acceptant pleinement cette thèse, on peut la
présenter d'une manière moins exclusive que ne l'ont fait certains
auteurs. Sans vouloir contester en rien la profonde originalité de la
pensée grecque, et sans prétendre établir aucune filiation de doc¬
trines particulières, on doit admettre une influence générale de
l'Orient sur la Grèce. Assurément, les Grecs n'ont pas reçu des Orien¬
taux une véritable philosophie, non plus qu'aucune véritable science.
Mais ils en ont reçu des matériaux accumulés par une très longue
expérience, et une certaine ébauche d'explication de l'univers. C'est
par l'invitation àpenser qu'ils ont reçue de l'Orient que les Grecs ont
été mis sur la voie de l'explication rationnelle, ils devaient rem¬
porter de si éclatants triomphes.
Au sujet de cette influence exercée par l'Orient sur la pensée grec¬
que, contentons-nous de marquer, très brièvement, les points sui¬
vants.
Tout d'abord, les Grecs eux-mêmes ont eu conscience de ce qu'ils
devaient àla sagesse de l'Orient. Ils ont toujours parlé avec le plus
grand respect de la science et de la civilisation orientales. Laissons
de côté les témoignages de l'époque alexandrine. Mais nous avons des
témoignages émanant d'une époque bien antérieure. L'opinion d'Hé¬
rodote est connue :il pensait que la religion et la civilisation grecques
étaient venues de l'Egypte. Rappelons la parole que Platon, dans le
Timée, fait adresser àSolon par un prêtre égyptien :«Vous, Grecs,
vous êtes des enfants ». Aristote dit que les sciences mathématiques
sont nées en Egypte, les prêtres avaient le loisir nécessaire à
l'étude. Aussi bien les Grecs ont-ils pensé que Thaïes et Pythagore
avaient importé les mathématiques d'Egypte :c'est ce qu'ont dit
expressément Eudème pour Thaïes, et Isocrate pour Pythagore. Afin
d'expliquer le savoir encyclopédique de Démocrite, on lui attribuait
des voyages dans l'Inde et dans diverses autres contrées. Tous ces
témoignages constituent un hommage bien significatif rendu par les
Grecs àla pensée de l'Orient.
En second lieu, c'est un fait que la philosophie grecque est née au
contact de l'Orient. La philosophie est née dans les colonies fondées
en Ionie, sur la côte de l'Asie mineure, les Grecs se sont trouvés en
112 CHARLES WERNER
contact avec les populations orientales. Le berceau de la philosophie
aété la ville de Milet, la plus active et la plus riche des villes de
l'Ionie. Vers la fin du septième siècle, son tyran, Thrasybule, réussit
àconclure une alliance avec Alyatte, roi des Lydiens. Par l'intermé¬
diaire des Lydiens, Milet fut mise en relation avec Babylone et
l'Egypte :elle avait son temple àNaucratis. C'est peut-être àla
science babylonienne que Thaïes emprunta l'idée du retour pério¬
dique des éclipses, grâce àlaquelle il prédit l'éclipsé de soleil qui mit
fin àla guerre entre les Lydiens et les Mèdes.
L'essor de la pensée grecque adonc eu pour siège la côte de l'Asie
mineure. Milet adonné Thaïes, Anaximandre et Anaximène ;
Ephèse adonné Heraclite ;l'île de Samos adonné Pythagore ;Colo¬
phon adonné Xénophane. Ensuite, lors de l'invasion perse, le théâtre
de la philosophie s'est déplacé vers l'ouest ;il s'est fixé dans l'Italie
méridionale et la Sicile, les Ioniens fondèrent des villes. Pythagore
s'établit àCrotone, Xénophane àElèe, qui donna son nom àl'école
éléate ;Empedocle appartient àla Sicile. Puis survient un renouveau
de la pensée ionienne. Milet, comme pour achever par un don royal sa
contribution àla philosophie, produit Leucippe, le fondateur de l'ato¬
misme ;Clazomènes produit Anaxagore, qui ouvrit àAthènes l'école
fut enseigné Socrate. Diogene, parodié en même temps que Socrate
dans les Nuées d'Aristophane, est d'Apollonie en Crète. Quant à
Démocrite, il était d'Abdère, cette ville fondée par les Ioniens en
Thrace, et lui-même, grand philosophe, semble annoncer le philosophe
plus grand encore qui viendra des confins de la Macédoine. Ce n'est
qu'après tout ce premier et si beau développement que la philosophie
grecque s'établit àAthènes :mais alors Athènes était devenue le
rendez-vous des nations, et la philosophie put ygarder le contact
avec l'Orient.
Cette première union du génie grec et du génie oriental est repré¬
sentée surtout par le grand nom de Pythagore. La théorie pythagori¬
cienne de l'âme asubi l'influence de l'Orient. Cette théorie vient de
l'orphisme, et l'orphisme n'est pas purement grec :il est de l'in¬
troduction en Grèce du culte thrace de Dionysos. Les communautés
orphiques ont surtout fleuri dans l'Italie méridionale et la Sicile,
les Ioniens, venus d'Asie mineure, étaient nombreux. C'est sous l'in¬
fluence de l'orphisme que Pythagore aconçu l'âme comme la vraie
substance immortelle. Et le développement qu'il adonné àsa théorie
marque un accord profond entre sa pensée et la pensée de l'Orient.
1 / 10 100%

La philosophie grecque et la pensée de l`Orient - E

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !