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La Lettre du Gynécologue - n° 307 - décembre 2005
GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
celui du survivant, doit être obtenu par le clinicien après des
entretiens avec l’équipe pluridisciplinaire. Il doit ensuite être
transmis au juge qui peut procéder à l’audition des personnes
concernées. Enfin, les règles de sécurité sanitaire doivent être
respectées.
Concernant le consentement du couple receveur, il doit être
établi devant un juge ou un notaire qui délivre l’information
sur les conséquences de l’accueil au regard de la filiation. De
plus le couple doit remplir les conditions fixées par la loi en
termes de vie commune, s’entretenir avec l’équipe pluridisci-
plinaire du centre à laquelle doit s’adjoindre un psychologue
ou un psychiatre.
In fine, l’accueil de l’embryon est subordonné à une décision
de l’autorité judiciaire
.
Le juge (président du TGI du lieu du
domicile du couple ou son délégué) s’assure que le couple
demandeur correspond aux exigences prévues et fait procéder
à toutes investigations permettant d’apprécier les conditions
d’accueil que ce couple est susceptible d’offrir à l’enfant à
naître sur les plans familial, éducatif et psychologique.
Une fois que le processus d’accueil d’embryon a abouti à une
grossesse, la filiation de l’enfant sera établie comme en
matière d’AMP avec donneur : contrairement à l’adoption, où
le jugement crée la filiation, tout se passe comme si le couple
avait procréé naturellement, ce qui lui permet de garder secret
l’accueil d’embryon même à l’égard de l’enfant. La filiation ne
pourra être contestée à moins de prétendre que l’enfant né
n’est pas issu de l’accueil d’embryon, ce qui paraît peu pro-
bable compte tenu de l’infertilité de la femme.
UNE PRATIQUE OBJET DE VIFS DÉBATS
ET DE NOMBREUSES INTERROGATIONS
Comme le soulignait en 1989 le Comité consultatif national
d’éthique (CCNE) français, entre le don de tissus ou d’organes
(dont le principe est communément admis) et le don de
gamètes ou d’embryons, il y a une évidente et fondamentale
différence : dans ce second cas, le don se traduit par la venue
au monde d’un nouvel être humain dont il contribue à détermi-
ner l’identité, et il induit des bouleversements sociaux et psy-
chiques de la reproduction humaine dont on mesure mal les
effets possibles.
Ce qui est en jeu dans l’hypothèse d’une extension, et a fortiori
d’une légitimation de ces pratiques, c’est une remise en cause
de nos règles de filiation, et aussi des représentations connexes
de la famille comme de la personne. En 1989, le partage des
avis au sein du comité était net : les uns en refusaient le prin-
cipe même et souhaitaient que la loi l’interdise, les autres, plus
nombreux, l’admettaient dans des conditions à définir stricte-
ment par la loi.
Pour les plus réticents, le don d’embryons pose des problèmes
qualitativement plus graves que le don de gamètes. Ils souli-
gnaient que l’embryon, selon une formulation employée dans
plusieurs des avis du CCNE, doit être reconnu comme une
“personne humaine potentielle” ou une “potentialité de per-
sonne” et que sa réification (en particulier à travers le stockage
et le don) transgresse l’exigence fondamentale du respect de la
dignité humaine. Est ainsi en cause, à travers ces prises de
position, le principe même d’interventions délibérées destinées
à provoquer la fécondation pour conserver des embryons dans
des “banques”, en gérer le “stock”, et les répartir éventuelle-
ment selon les demandes de couples inféconds.
De plus, il était souligné très clairement dès cette époque, et
c’est encore le cas aujourd’hui, que l’existence d’embryons
“surnuméraires” liée aux conditions de la FIV pose un pro-
blème à ne pas éluder : celui de la maîtrise du nombre
d’embryons produits et celui de leur devenir.
Peut-on, dès lors, voir dans la pratique du don d’embryons une
possibilité acceptable du devenir de certains embryons en garde,
ou bien doit-on considérer leur destruction comme un moindre
mal ou, à défaut, les garder sans devenir envisageable ? Tels sont
les termes du débat. Faut-il donc se refuser à tout don
d’embryons et procédure d’accueil par un couple stérile, au
motif du respect absolu de l’embryon, considéré par certains
comme personne potentielle, non cessible, ou au contraire
doit-on donner la priorité au respect de la vie de ces embryons
et tenter d’assurer leur survie et leur développement en les
donnant à des couples stériles, dans des conditions à examiner
très soigneusement ? L’avis majoritaire à partir de 1994 plai-
dait en faveur de cette seconde hypothèse, reprise dans la loi.
En 1994, trois points forts sont au centre des principes qui doi-
vent guider la pratique, pour les tenants de la légalisation :
– la procréation d’embryons n’est, en tout état de cause, envi-
sageable sur indication médicale qu’au bénéfice de couples
hétérosexuels stables. Elle doit être pratiquée dans le cadre de
centres agréés de caractère public, sous responsabilité médi-
cale, strictement réglementés et en très petit nombre ;
– les indications du recours au don doivent être médicales et
strictement limitées aux cas où aucune autre solution de pro-
création n’est possible ;
– tout don doit respecter l’anonymat des donneurs, ce qui
n’exclut pas nécessairement la communication de certaines
données non identifiantes pour des raisons psychosociales ou
médicales.
Mais dans tous les cas, il était rappelé aux biologistes et aux
médecins la nécessité de limiter, dans toute la mesure du pos-
sible, le nombre d’ovocytes fécondés, pour restreindre une
forme de procréation posant des problèmes éthiques sans
aucune solution satisfaisante.
Sur ce point, l’avis ne fut pas réellement suivi d’effet et le
nombre d’embryons n’a cessé de croître depuis, avec un
manque de prise de conscience suffisant.
ACCEPTATION DE LA DEMANDE DES COUPLES,
ANONYMAT ET VÉRITÉ À L’ENFANT
Les centres n’acceptent comme receveurs en France que des
couples qui vivent une relation hétérosexuelle stable telle que
définie par la loi et qui n’ont pas d’autres possibilités d’avoir
des enfants hormis l’adoption. Mais dans d’autres pays,
comme la Belgique, ont été admis également des femmes céli-
bataires et des couples lesbiens.
Avant d’acquiescer à la demande d’un couple, tous les
centres s’assurent de la légitimité médicale de la demande
(impossibilité d’un autre mode de procréation) et prati-