Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège
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Grétry, un compositeur à l'accent liégeois
Le nom du compositeur André Grétry est bien connu des Liégeois, mais que savons-nous réellement
de lui ? Souvent, on a dit que ses œuvres avaient été délaissées, peut-être parce que l'Opéra-comique
si riche et si varié de Grétry et de ses pairs a fini par se transformer, avec les années, en opérette ou
en opéra-bouffe.
Grétry connaît la gloire et le succès au sein même de l'opéra-comique français du XVIIIe siècle. Grâce à
son génie particulier, il réussit à traduire en musique les situations touchantes imaginées par ses librettistes :
Marmontel, Sedaine et d'Hèle dans des œuvres telles que Lucile, Le Tableau parlant, Zémire et Azor L'Amant
jaloux ou encore Richard Cœur-de-lion. Cependant, il ne se limita pas à ce genre, il anima également d'un
esprit nouveau et plus humain les tragédies lyriques et les opéras, genres pour lesquels il composa Colinette
à la cour, La Caravane du Caire ou encore Panurge dans l'Isle des Lanternes. Malgré son succès, Grétry
garda toujours une place dans son cœur pour sa ville natale, Liège.
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L'enfance à Liège
La famille Grétry provenait de Bolland, village du plateau de Herve. Le grand-père d'André-Modeste Grétry,
qui jouait du violon pour faire danser les clients de son auberge, transmit cette passion à son propre fils qui
devint premier violoniste de l'Eglise Saint-Martin.
En 1743, la famille du petit Grétry s'installa en Outremeuse dans un logement cédé par les grands-parents.
Cette maison, partiellement démolie puis restaurée au début du siècle dernier sur la base d'une gravure
d'époque, abrite aujourd'hui les collections du Musée Grétry.
Le 25 août 1750, à l'âge de neuf ans, André Grétry est admis à la collégiale de l'église Saint-Denis en qualité
d'enfant de chœur. « Je ne me rappelle qu'avec peine tout ce que j'ai souffert pendant le temps que j'ai été
attaché à l'Eglise Saint-Denis » écrira-t-il plus tard dans ses Mémoires. La sévérité de son maître le terrorisa
durant des années. Ce n'est finalement qu'en 1754, lorsqu'une troupe de chanteurs italiens s'installa sur le
théâtre de la Batte, que Grétry se découvrit « un goût passionné pour la musique ».
Dans les années qui suivirent, le jeune garçon dut abandonner sa carrière au chœur et se mit à composer. Il
commença donc par un motet, puis une fugue qu'il composa sans connaître ni règle ni principe mais avec une
originalité sans pareille qui réussit à combler ses lacunes. Après quelques ennuyeuses leçons de composition,
Grétry se décida à partir pour Rome, séjour pour lequel il obtint une bourse d'études au Collège Darchis.
Rome
Au printemps 1760, il prit la route. En 1762, après plusieurs mois de maladie qui le clouèrent au lit, il reprit à
la base ses études musicales avec Gian Battista Casali, le maître de chapelle de San Giovanni in Laterano
de Rome. Il plongea ainsi dans la composition de musique religieuse - y appliquant les procédés de musique
dramatique - et dans la composition de musique de Carnaval. Il écrivit d'ailleurs un intermezzo pour trois
personnages qui fut donné au théâtre Alibert à l'occasion du carnaval de 1765. C'est cet événement qui lança
réellement la carrière de Grétry.
Malheureusement, les échos de ce succès ne parvinrent pas jusqu'à Liège et les parents du jeune musicien
s'attendaient de plus en plus à son retour au pays. Cependant, Grétry n'avait pas très envie de rentrer à Liège
où l'attendait pourtant un emploi de maître de chapelle.
Le théâtre de Genève étant autorisé à rouvrir ses portes, il eut l'occasion d'y entendre pour la première fois des
œuvres françaises. Il commanda un livret à Voltaire, qui habitait à Ferney, non loin de Genève,. Mais aucune
suite ne sera donnée à cette demande, l'auteur redoutant quelque peu d'écrire pour un compositeur encore
inconnu. Grétry en obtint alors un de Favart, sur un récit de Voltaire, Isabelle et Gertrude, dont les ariettes
sont déjà mises en musique par Blaise, à Paris. En 1766 et 1767. L'œuvre sera donnée six fois avec succès.
Paris
Grétry débarque à Paris un matin de novembre 1767. Il a 26 ans. « Il est grand et mince, il traîne comme un
charme un air maladif qui fait craindre pour ses jours, et s'émouvoir les jeunes dames. Provincial, encore :
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il gardera toute sa vie l'accent de son pays de Liège, et quelques tournures de phrases qu'auraient bien
sanctionnées les académiciens du temps ».
Dans la Ville Lumière, Grétry se trouve rapidement des amis et des protecteurs, deux compositeurs en vogue
lui cherchent un livret et c'est finalement un certain Ligier qui se chargera de convertir un conte de Marmontel
en thème de comédie. Ce n'est malheureusement pas un succès, la Comédie Italienne n'en veut pas et la
Cour boude la représentation donnée chez la princesse de Conti. On juge cette œuvre trop italienne en raison
d'une prosodie trop ornée qui ne convient pas à la langue française.
Grétry étudie alors la prosodie de la langue française à la Comédie (comme l'avait fait Lully). Il cherche toujours
des protecteurs et c'est le comte von Creutz, l'ambassadeur de Suède, qui lui fournira un appui sans pareil.
Au moment où, sans ressource, Grétry veut plier bagage, Creutz lui présente la moitié du livret Le Huron,
adapté de L'ingénu de Voltaire par l'académicien Marmontel. L'œuvre est créée le 20 août 1768 à la Comédie
Italienne avec succès.
Quelques années plus tard, Grétry est connu et reconnu, reçu dans les meilleures maisons mais il dispose
toujours de peu de ressources. En 1771, il épouse une miniaturiste, Jeanne-Marie Grandon, dont il aura trois
filles (Jenny, Lucile, Antoinette). Mais aucune n'atteindra l'âge de vingt ans.
En 1773, Grétry met pour la première fois en musique un livret de Sedaine, Le Magnifique. Il tente sa chance
en 1775 avec Céphale et Procris à l'Académie royale de Musique il entre en concurrence avec Gluck qui
officie à l'Opéra. C'est un échec.
Il continue cependant à composer pour l'Opéra Comique. Il écrit alors deux à trois opéras par an qui sont
donnés à la Cour, à Fontainebleau ou à Versailles en avant-première, puis font les beaux jours de la Comédie
Italienne. En 1771, Zémire et Azor, une comédie-ballet en quatre actes, connaît un tel succès que Grétry
obtient une rente royale ainsi qu'une rente sur ses droits à la Comédie Italienne. Cependant, la Révolution
Française éclate et le compositeur perd sa rente royale. De sa fortune accumulée sous l'ancien régime, il ne
reste presque rien : son beau-frère a sombré dans la faillite emportant avec lui les économies prêtées par le
musicien et son propre frère meurt subitement, laissant à Grétry le soin de s'occuper de la veuve et de ses
sept enfants. La tourmente apaisée voit une résurrection partielle des œuvres de Grétry. Le 18 décembre
1803, il devient chevalier de la légion d'honneur et recouvre une pension de 2400 livres qui le met à l'abri
d'une vieillesse difficile.
Montmorency
Cependant, peu à peu, Grétry sera amené à renoncer à ses fonctions, sa santé déficiente le clouant au lit. À
dater de ce moment, il se retire à la campagne il a acquis l'Ermitage du philosophe Jean-Jacques Rousseau
à Montmorency. Dès cet instant, il cesse de composer et se consacre entièrement à la rédaction de ses
mémoires mais aussi d'un traité intitulé De la vérité de ce que nous fûmes, de ce que nous sommes et de ce
que nous devrions être. Ainsi, le compositeur ambitionne désormais d'être écrivain et petit à petit, il accumule
les volumes. Une œuvre l'accompagnera dans ses derniers pas, il l'intitule Les réflexions d'un solitaire,
sorte de mélange des œuvres de Rousseau, de Montaigne et des conversations de salon. À sa mort, des
obsèques nationales sont ordonnées.
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Selon son vœu, mais après de longs procès, les reliques de son cœur sont finalement transportées à Liège
où elles sont toujours conservées aujourd'hui.
V.D.
Mars 2009
V.D. est journaliste.
Bibliographie
« André-Modeste Grétry, 1741-1813 » Brochure réalisée sous la direction de José Quitin, Président de la
société liégeoise de Musicologie. Articles rédigés par Muriel VERBEEK et Philippe VENDRIX.
Les citations de Grétry sont tirées de ses œuvres consultées dans les éditions suivantes : Mémoires ou Essais
sur la musique, en 3T. en 3V., Paris, Imprimerie de la République, Pluviose en V (1797).
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