D O S S I E R Antibiotiques en gynécologie : traitement des infections génitales hautes ! P. Judlin* RÉSUMÉ. Les infections génitales hautes (IGH) sont des infections viscérales profondes volontiers polymicrobiennes. Elles peuvent être responsables de lésions tubaires irréversibles à l’origine d’une infertilité ou de douleurs pelviennes chroniques. La contamination se fait généralement par voie ascendante. Les pathogènes habituels, outre les micro-organismes classiques de la cavité abdominale (anaérobies, entérobactéries), peuvent être sexuellement transmissibles comme le gonocoque, et surtout Chlamydia trachomatis. Leur traitement repose sur une antibiothérapie à large spectre active sur les pathogènes habituels. Pour les IGH non compliquées, la prise en charge est actuellement effectuée en ambulatoire et la durée du traitement est d’environ 15 à 20 jours. L’association antibiotique comportera un antichlamydien (cycline, macrolide ou fluoroquinolone type ofloxacine), associé à une bêtalactamine (amoxicilline-acide clavulanique ou céphalosporine), à la pristinamycine ou à la clindamycine. Un suivi clinico-bactériologique est à réaliser pendant plusieurs mois après la fin du traitement afin de dépister les éventuelles rechutes ou le passage à la chronicité. Mots-clés : Salpingite - C. trachomatis. R ésultant le plus souvent d’une contamination par voie ascendante, les infections génitales hautes (IGH) regroupent les infections utérines (endométrites) et utéro-annexielles (salpingites). Malgré le caractère souvent faussement rassurant d’une symptomatologie atténuée, ces IGH sont encore trop fréquemment responsables de complications aiguës (abcès pelvien, péritonite…) ou, surtout, de séquelles à type d’infertilité. Nous préciserons les particularités des infections génitales, puis envisagerons la prise en charge thérapeutique de ces infections. SPÉCIFICITÉS DES IGH Spécificités anatomo-cliniques Les IGH sont des infections viscérales profondes, ce qu’il faut prendre en compte dans le choix et la durée de l’antibiothérapie. En outre, à côté des pathogènes habituels de la sphère génitale, les micro-organismes rencontrés dans les infections digestives sont souvent impliqués dans les IGH : anaérobies et entérobactéries notamment. Principaux pathogènes en cause Le tableau I regroupe les pathogènes fréquemment isolés dans les IGH. * Clinique universitaire de gynécologie-obstétrique de la maternité régionale de Nancy, Nancy. © La Lettre de l’Infectiologue, tome XIV, n° 4, avril 1999. 30 Tableau I. Principales espèces bactériennes isolées dans les infections génitales hautes. Pathogène Fréquence (%) Chlamydia trachomatis Gonocoque Anaérobies Escherichia coli Streptocoques 12-57 5-65 5-50 22-32 11-30 Soixante à 70 % environ des IGH sont polymicrobiennes. Des phénomènes de synergie entre certaines bactéries existent, aboutissant, par différents mécanismes, à une potentialisation de leurs effets pathogènes au niveau des tissus pelviens. Ainsi, la présence concomitante de bactéries anaérobies et aérobies mettrait ces dernières à l’abri de certains moyens de défense immunitaire comme la phagocytose. ! Chlamydia trachomatis. Nous ne développerons pas ici les particularités de C. trachomatis, micro-organisme intracellulaire bien connu. Nous ne retiendrons que les points influençant la prise en charge thérapeutique. C. trachomatis est certainement le pathogène potentiellement le plus délétère pour les trompes de Fallope. Alors même qu’il n’entraîne in vitro que des lésions tubaires assez limitées, il est fréquemment responsable in vivo de séquelles tubaires majeures et irréversibles (1). Les lésions scléro-atrophiques ainsi générées au niveau tubaire ne sont pas dues à la virulence directe du pathogène, mais aux phénomènes immuno-allergiques locaux que sa présence va La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 déclencher, à partir du système immunitaire local spécifique de la trompe (2, 3, 4). Après son activation, ce mécanisme immunitaire va évoluer pour son propre compte même si une antibiothérapie efficace a, dans l’intervalle, éradiqué C. trachomatis, qui n’existe plus que sous forme de corps élémentaire. L’ensemble de ce processus immuno-allergique pourra être ultérieurement réactivé en cas de nouvel épisode d’IGH. ! Mycoplasmes (Mycoplasma hominis et Ureaplasma urealyticum). Ces très petites bactéries sans paroi rigide sont, la plupart du temps, des commensaux des voies génitales, et leur rôle pathogène au niveau de l’appareil génital supérieur n’a jamais été formellement établi. Certains travaux suggèrent qu’ils seraient pourvus d’un pouvoir pathogène facultatif qui ne s’exprimerait qu’en présence d’autres micro-organismes dans l’appareil génital (5). ! Gonocoque. En France, Neisseria gonorrhoeae est retrouvé actuellement dans moins de 5 % des IGH. Cette incidence, nettement moindre que celle enregistrée dans d’autres pays comme les États-Unis, varie considérablement selon le type de populations étudié. Il est particulièrement présent dans les populations défavorisées. Une recrudescence de ce pathogène sexuellement transmissible a été récemment enregistrée dans des zones comme l’ex-URSS. ! Bactéries anaérobies. Leur rôle pathogène – isolé ou en association – dans les IGH est connu de longue date. Toutefois, la fréquence avec laquelle ces bactéries sont isolées varie considérablement d’une série à l’autre : la littérature rapporte des chiffres allant de 5 à 70 %. Cette grande variation tient aux difficultés à obtenir des prélèvements de bonne qualité. Il est possible que la cœlioscopie, qui nécessite la création d’un pneumopéritoine sous pression, altère la qualité des prélèvements. Les anaérobies les plus fréquemment isolés au cours des IGH sont Bacteroides fragilis, Peptococcus et Peptostreptococcus. Autres bactéries ou germes banals. D’origine cervicovaginale, où ils font souvent partie de la flore commensale, ces germes peuvent, dans certaines circonstances (baisse des défenses immunitaires locales, présence simultanée d’un autre micro-organisme), devenir pathogènes. Les principaux germes banals mis en évidence dans les IGH sont les entérobactéries, dont E. coli (isolé dans 22 à 32 % des infections), Proteus et Klebsiella, et les streptocoques. Compte tenu du fait que les streptocoques sont fréquemment présents dans l’appareil génital, l’isolement dans le col d’un streptocoque B, A ou d’un entérocoque ne suffit pas toujours pour affirmer leur caractère pathogène au niveau de l’appareil génital supérieur. Il paraît néanmoins préférable d’en tenir compte dans le choix de l’antibiothérapie, si une souche de ces espèces est isolée. Les staphylocoques, en particulier Staphylococcus aureus, sont isolés dans 1 % à 7 % des cas. Ils sont surtout le fait d’infections iatrogènes à la suite de gestes endoutérins (curetage, hystérographie…). ! PRINCIPES DU TRAITEMENT Principes généraux La durée adéquate de traitement d’une IGH est mal définie, et les habitudes thérapeutiques diffèrent d’une équipe à l’autre. La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 Traditionnellement, les Anglo-Saxons proposaient des durées courtes de traitement, de l’ordre de 7 jours, alors que les Européens préconisaient des durées plus longues, 2 ou 3 semaines. Depuis 1993, les recommandations américaines (Guidelines des CDC) conseillent néanmoins des durées thérapeutiques d’au moins quatorze jours (6). Pour déterminer la durée idéale de traitement, l’analyse de la littérature s’avère assez décevante et peu exploitable (7). Comme le montre notamment la métaanalyse de Walker (8), les études évaluables présentent trop de différences entre elles (définition du type d’infection, critères d’inclusion et de guérison, durée du suivi…) pour que l’on puisse en tirer des conclusions fiables quant au meilleur régime thérapeutique et à la durée optimale de traitement. À la lumière de notre expérience, nous pensons que le traitement doit être suffisamment prolongé, 15 à 20 jours en moyenne (9). Les IGH sont des infections profondes et la diffusion des antibiotiques au niveau des tissus pelviens infectés peut varier. Si les études évaluant la diffusion pelvienne des antibiotiques ne manquent pas, la plupart des études humaines ont été réalisées chez des sujets sains (10). Au cours des IGH, l’inévitable inflammation pelvienne s’accompagne souvent de modifications de la vascularisation locale avec création de micro-thromboses susceptibles d’entraver la diffusion des molécules, notamment au niveau des tissus cervicaux et paramétriaux. La fréquente constatation d’IGH décapitées par une antibiothérapie trop brève plaide également en faveur de traitements de longue durée. Enfin, certains micro-organismes comme C. trachomatis sont difficiles à éradiquer des tissus pelviens, et les persistances après deux ou trois semaines de traitement peuvent atteindre 34 %. Le suivi clinique et bactériologique doit être poursuivi plusieurs mois, afin de dépister les échecs – qui s’accompagnent rarement d’importantes manifestations fonctionnelles – et les rechutes. Ce suivi permet de constater la guérison clinique apparente. Celle-ci n’est pas nécessairement synonyme de véritable guérison de l’appareil génital, caractérisée par la restitution anatomique et fonctionnelle qui, pour être analysée, nécessite d’évaluer la fertilité ultérieure des patientes. De telles études sont rarement possibles. Le traitement du ou des partenaire(s) s’impose à chaque fois qu’un germe sexuellement transmissible a été mis en évidence. Principes de l’antibiothérapie Compte tenu des spécificités des IGH développées plus haut, une antibiothérapie à large spectre est indispensable. Celle-ci doit être active vis-à-vis des bactéries isolées, selon les données de l’antibiogramme, mais aussi des pathogènes habituellement en cause : C. trachomatis, gonocoque, anaérobies et entérobactéries. À l’heure actuelle, les IGH non compliquées sont redevables d’une prise en charge ambulatoire. Les antibiotiques actuellement disponibles se caractérisent par une cinétique et une diffusion tissulaire autorisant le recours à la voie orale ou intramusculaire. Si une cœlioscopie est effectuée préalablement à l’instauration du traitement, elle pourra aisément être réalisée 31 D O S S I E dans le cadre de la chirurgie ambulatoire. En revanche, en cas d’IGH compliquée par un abcès pelvien ou une pelvi-péritonite, l’antibiothérapie sera initiée par voie parentérale, avec un relais oral pour une durée de 15 à 20 jours. PRINCIPALES MOLÉCULES UTILISABLES Dérivés de la pénicilline Sont principalement utilisés : – L’ampicilline et l’amoxicilline en association avec un inhibiteur des bêtalactamases. L’amoxicilline + acide clavulanique est disponible par voie orale et parentérale ; l’ampicilline + sulbactam est disponible par voie orale. – Les uréido-pénicillines, comme la pipéracilline seule ou associée au tazobactam, qui ne sont disponibles que par voie parentérale. Ce sont les antibiotiques les plus largement utilisés en France dans le traitement des infections pelviennes. Si les uréido-pénicillines doivent absolument être réservées aux infections graves ou nosocomiales, l’association amoxicilline + acide clavulanique est devenue l’antibiothérapie habituelle dans le traitement des salpingites. Comme toutes les bêtalactamines, cette association dispose d’une très bonne diffusion dans les tissus pelviens (11). Les études pharmacocinétiques effectuées avec l’amoxicilline + acide clavulanique montrent une pénétration rapide et à dose efficace dans les tissus génitaux, aussi bien après injection d’une dose unique qu’en doses multiples (12). Son spectre inclut la plupart des aérobies et des anaérobies, mais pas C. trachomatis. Comme rançon de sa très fréquente prescription dans des indications très variées, on note en France, depuis quelques années, une augmentation préoccupante de la résistance à cette association chez E. coli (13). Céphalosporines Les céphalosporines disposent d’une excellente diffusion dans les tissus pelviens (14). La céfoxitine, céphalosporine de deuxième génération (C2G), était jusqu’à présent l’un des antibiotiques de référence aux États-Unis dans le traitement des IGH, malgré l’impossibilité de l’administrer par voie orale (15). Ce choix semble justifié, car les C2G disposent d’un spectre adapté aux IGH (activité vis-à-vis des bactéries à Gram négatif et de la plupart des bactéries à Gram positif ainsi que des anaérobies, mais inactivité vis-à-vis des entérocoques et C. trachomatis). Récemment, les recommandations américaines ont été élargies aux céphalosporines de troisième génération (C3G) qui ont depuis longtemps la préférence en France, où les C2G sont plutôt réservées à l’antibioprophylaxie chirurgicale. Logiquement, les C3G devraient systématiquement être associées à une molécule active sur les anaérobies. Métronidazole Ce dérivé imidazolé, actif sur la plupart des anaérobies, n’est donc prescrit qu’en association avec un antibiotique actif sur des aérobies. Aminosides Disponibles uniquement par voie parentérale, ils sont moins utilisés qu’auparavant. Ils sont actifs sur la plupart des aéro32 R bies, streptocoques et C. trachomatis exceptés. Au cours du temps, peu de résistances acquises ont été observées. Ils possèdent, en outre, une remarquable vitesse de bactéricidie qui en fait, utilisés en association, des agents anti-infectieux très intéressants. Cyclines Ces antibiotiques bactériostatiques possèdent une bonne activité in vitro vis-à-vis de C. trachomatis et des mycoplasmes. Ils constituent actuellement les molécules de référence vis-àvis de C. trachomatis. Leur efficacité sur les autres micro-organismes est aléatoire. Molécules liposolubles, les cyclines diffusent correctement dans les tissus pelviens. La pénétration cellulaire est de type passif (16). Ces produits sont utilisés la plupart du temps par voie orale : la doxycycline est la seule molécule injectable existante. Macrolides et dérivés Antibiotiques à noyau macrocyclique lactone, ils possèdent des propriétés assez voisines de celles des cyclines : bonne diffusion tissulaire, pénétration intracellulaire (transport actif), activité sur des micro-organismes intracellulaires dont C. trachomatis et U. urealyticum. À côté des macrolides C14 dérivés de l’érythromycine comme la roxithromycine, il existe des macrolides C16 tels que la josamycine, qui est mieux tolérée sur le plan digestif que l’érythromycine et n’interfère pas avec les estroprogestatifs (17). Macrolide C15 hémisynthétique possédant un atome d’azote dans le cycle lactone (azalide), l’azithromycine est un antibiotique actif sur C. trachomatis et les Ureaplasma. Son principal intérêt tient à sa longue demi-vie autorisant une prise unique. Les études ont jusqu’à présent surtout porté sur le traitement des infections basses (18). Son évaluation dans le traitement des IGH – en association avec une autre molécule – actuellement en cours n’est pas validée. Lincosamides et synergistines ! Clindamycine. Dérivé hémisynthétique de la lincomycine, elle est active sur la plupart des bactéries aérobies à Gram positif et des anaérobies. Son efficacité sur C. trachomatis est discutée, mais semble limitée. En raison de son activité sur les anaérobies, elle a longtemps constitué le seul traitement de référence des IGH aux États-Unis, où le métronidazole n’était pas disponible. Elle a en revanche été délaissée en France, en raison du risque, réel mais limité, de colite pseudo-membraneuse. Elle constitue cependant une bonne alternative aux bêtalactamines, en particulier chez les patientes allergiques. ! Pristinamycine. Elle fait partie du groupe des synergistines, qui sont apparentées par leur spectre et leur mode d’action aux macrolides, dont elles diffèrent cependant chimiquement. La pristinamycine est notamment active sur les mycoplasmes et C. trachomatis, le gonocoque, les streptocoques et certains anaérobies (Clostridium, Bacteroides). Elle est en revanche inactive sur les bacilles à Gram négatif tels que les entérobactéries. .../... La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 D O S S I E .../... Fluoroquinolones Parmi les produits disponibles, deux, la péfloxacine et surtout l’ofloxacine, présentent des caractéristiques intéressantes. L’ofloxacine a d’ailleurs obtenu l’extension d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de tous les types d’IGH. Leur pharmacocinétique et leur excellente diffusion tissulaire – les concentrations obtenues au niveau de l’appareil génital féminin sont voisines des concentrations plasmatiques – autorisent leur utilisation indifféremment par voie orale ou parentérale (19). La péfloxacine et l’ofloxacine possèdent une bonne activité sur de nombreuses bactéries aérobies, à l’exception de certains streptocoques. A la lumière de notre expérience clinique, l’efficacité de l’ofloxacine sur C. trachomatis, comparable in vitro à celle des cyclines, paraît supérieure in vivo, avec, de plus, une plus grande rapidité d’éradication. Leur utilisation n’est préconisée qu’en association, de manière à couvrir les anaérobies et éviter l’émergence de résistances. Pour cette même raison, leur prescription est à proscrire dans le traitement des cervicites isolées et à titre prophylactique chez le partenaire. De nouvelles quinolones de troisième génération, comme la sparfloxacine et la trovafloxacine, sont apparues plus récemment ou seront bientôt disponibles. Elles se caractérisent par un spectre d’activité encore plus intéressant, car élargi à la plupart des streptocoques (20), voire aux anaérobies pour la trovafloxacine. Cette dernière fluoroquinolone présente une diffusion satisfaisante dans les tissus pelviens. Elle dispose de l’indication pour le traitement des IGH, des infections abdomino-pelviennes graves et des cervicites à C. trachomatis. PROTOCOLES ANTIBIOTIQUES Des nombreux schémas thérapeutiques proposés ici ou là, nous ne retiendrons que quelques-uns nous paraissant adaptés aux modalités actuelles de la prise en charge des IGH et que nous avons eu l’occasion d’évaluer. À titre de comparaison, nous rappellerons les protocoles actuellement préconisés par les CDC d’Atlanta. IGH non compliquées Le traitement peut être réalisé en ambulatoire, à domicile, mais le repos est indispensable. Compte tenu des difficultés à isoler tous les pathogènes, il est nécessaire d’avoir recours à un traitement probabiliste actif sur les principaux pathogènes attendus. Le traitement doit, en outre, être accompagné d’une surveillance clinico-biologique qui devra se poursuivre plusieurs mois après la fin du traitement. ! Protocoles antibiotiques (21). Nous proposerons quatre protocoles différents (tableau II), qui nous paraissent répondre aux différentes situations rencontrées. Tous comprennent un antiChlamydia efficace : cycline, macrolide ou fluoroquinolone de type ofloxacine, associé à une autre molécule qui peut être soit un dérivé des pénicillines [amoxicilline-acide clavulanique (2 g/j)], soit une céphalosporine à large spectre injectable, comme par exemple le céfotétan (à raison de 2 g/j i.m.), soit la pristinamycine (2 g/j), soit encore la clindamycine (1,2 g/j). La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999 R À titre de comparaison, les protocoles proposés actuellement par les CDC (recommandations 1998), regroupés dans le tableau III, font appel à l’ofloxacine (mais la posologie est le double de celle préconisée en Europe) associée au métronidazole ou, plus classiquement, aux céphalosporines avec la doxycycline. Tableau II. Quatre protocoles thérapeutiques pour le traitement des infections génitales hautes. Protocole 1 Voie orale amoxicilline-acide clavulanique : 500 mg x 4/j + – doxycycline : 2 x 100 mg/j ou – ofloxacine : 2 x 200 mg/j Protocole 2 Voie mixte, parentérale et orale céfotétan : 2 x 1 g i.m./j + doxycycline : 2 x 100 mg/j ou ofloxacine : 2 x 200 mg/j Durée : 15 à 20 jours* Protocole 3 Voie orale pristinamycine : 2 x 2 cp/j + ofloxacine : 2 x 200 mg/j Durée : 15 à 20 jours* Protocole 4 Voie orale clindamycine : 3 x 1 gélules/j + ofloxacine : 2 x 200 mg/j Durée : 15 à 20 jours* Durée : 15 à 20 jours* * selon évolution clinique. Tableau III. Recommandations (1998) du CDC (États-Unis) pour le traitement des infections génitales hautes. Protocoles 1998 CDC (voies i.m. ou orale) ofloxacine 2 x 400 mg/j + métronidazole ou céfoxitine 2 g + probénécide 1g i.m. ou C3G (ceftriaxone 250 mg i.m.) + doxycycline Durée : 14 jours ! Autres mesures thérapeutiques. – Anti-inflammatoires. Compte tenu des phénomènes inflammatoires et immuno-allergiques souvent observés lors des IGH, il paraît logique de proposer d’associer des anti-inflammatoires aux antibiotiques. Un certain nombre d’études, portant principalement sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, ont validé cette façon de faire (22). Il est donc en pratique intéressant de proposer un anti-inflammatoire dans la phase initiale du traitement des IGH. Cette prescription s’avère parfois impossible en raison des troubles digestifs entraînés tant par les antibiotiques que par les anti-inflammatoires. – Traitement cœlio-chirurgical des lésions pelviennes. Un traitement limité des lésions pelviennes peut être effectué immédiatement dès la cœlioscopie diagnostique. Cependant, en cas de lésions tubo-pelviennes responsables d’une infertilité, le traitement chirurgical complet ne peut raisonnablement s’envisager que plusieurs mois après la fin complète du traitement médical. – Traitement du ou des partenaire(s). Un traitement sera systématique en cas d’infection à C. trachomatis. L’azithromycine (2 g en une prise unique) s’avère particulièrement adap- 35 D O S S I E tée à cette indication. On conseillera en outre des rapports sexuels protégés pendant plusieurs mois. R R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. IGH compliquées En cas d’abcès pelvien ou de pelvi-péritonite, le traitement doit nécessairement être médico-chirurgical. Une antibiothérapie parentérale sera commencée, associant : – un dérivé de la pénicilline type amoxicilline + acide clavulanique ou une céphalosporine de troisième génération type céfotaxime ; – une fluoroquinolone type ofloxacine ou un aminoside, nétilmicine par exemple ; – du métronidazole. Le traitement cœlio-chirurgical sera réalisé 24 à 48 heures plus tard, le temps d’assurer une imprégnation antibiotique suffisante des tissus pelviens. Cette intervention est destinée à mettre à plat un éventuel abcès et à assurer le lavage abondant de la cavité, de l’abcès et du pelvis. L’antibiothérapie sera poursuivie quelques jours par voie parentérale avant d’assurer un relais oral. PRÉVENTION Insistons sur la nécessité de mettre en place une véritable politique de prévention des infections génitales. La prise en charge des IGH est difficile : le diagnostic en est malaisé, d’autant que les deux tiers de ces infections sont totalement asymptomatiques. En outre, une prescription antibiotique adaptée n’empêche pas nécessairement l’évolution vers la chronicité ou n’exclut pas l’existence de lésions séquellaires pelviennes irréversibles. Dans ces conditions, l’intérêt d’une prévention de ces infections, souvent secondaires à des maladies sexuellement transmissibles et qui touchent des jeunes filles et de très jeunes femmes, apparaît évident. Le dépistage de C. trachomatis doit devenir un réflexe. Ce dépistage est à présent d’autant plus facile qu’il a été démontré que la recherche de C. trachomatis dans l’urine par technique PCR ou LCR s’avère aussi sensible et spécifique que la recherche au niveau du col de l’utérus, ce qui autorise à proposer des screenings sur de larges populations, scolaires et étudiantes en particulier. CONCLUSION Les IGH sont des infections viscérales profondes volontiers asymptomatiques, fréquemment polymicrobiennes et capables de se compliquer (abcès pelviens…) et/ou d’entraîner des séquelles tubaires irréversibles. Elles nécessitent une antibiothérapie à large spectre prolongée et un suivi clinique attentif. La meilleure mesure est néanmoins constituée par la prévention, seule capable de faire reculer cette pathologie notamment due à des germes sexuellement transmissibles comme C. trachomatis. " 36 Hutchinson G.R., Taylor-Robinson D., Dourmaskin R.R. Growth and effect of Chlamydia in human and bovine oviduct organ cultures. 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