Dosages de thyroxine - John Libbey Eurotext

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revue générale
abc
Ann Biol Clin 2003, 61 : 411-20
Dosages de thyroxine (T4) et tri-iodothyronine
(T3) : techniques
et place dans le bilan thyroïdien fonctionnel
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R. Sapin1
J.-L. Schlienger2
1
Unité d’analyses endocriniennes,
Laboratoire universitaire de biophysique,
CNRS/ULP UMR 7004,
Faculté de médecine, Strasbourg
[email protected]
2
Service de médecine interne et nutrition,
Hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Résumé. La production hormonale de la glande thyroïde est composée pour
80 % par la thyroxine (T4) et pour 20 % par la tri-iodothyronine (T3). Dans le
sérum l’origine de la T4 est uniquement thyroïdienne alors que 80 % de la T3
provient d’une désiodation de la T4 en périphérie. Cette désiodation subissant
des influences diverses, la T3 est un moins bon reflet que la T4 du fonctionnement de la thyroïde. Dans le sérum seulement 0,02 % de la T4 et 0,3 % de la T3
existe sous forme libre, le reste est lié aux protéines de transport. Le dosage de la
fraction libre de T4 (T4L) et de T3 (T3L) a supplanté celui des hormones totales
(libres + liées) en raison d’une meilleure sensibilité et spécificité diagnostiques.
Le dosage des hormones totales a une place limitée en recherche ou en cas
d’hyperthyroïdie très sévère. Pour le dosage des hormones libres, la dialyse/RIA
est la technique de référence actuelle. En routine sont utilisés des immunodosages automatisés directs en deux étapes ou une étape avec anticorps marqué ou
ligand macromoléculaire. Le dosage des fractions libres reste délicat, en particulier dans le sérum des patients hospitalisés atteints de maladies graves non
thyroïdiennes dont la capacité de fixation de la thyroxine est abaissée. Les
interférences des anticorps anti-hormones thyroïdiennes et de la dysalbuminémie familiale dépendent de la méthode de dosage. Elles sont devenues moins
marquées et se détectent rarement. La bonne maîtrise de l’interprétation des
résultats d’un dosage nécessite sa mise à l’épreuve sur un panel de sérums bien
caractérisés biologiquement et cliniquement. Le dosage de T4L (et de T3L si la
T4L est normale et une hyperthyroïdie suspectée) permet de confirmer et graduer
une dysthyroïdie (franche ou infraclinique). Dans toutes les situations où le
statut thyroïdien n’est pas en équilibre (début ou ajustement du traitement d’une
dysthyroïdie, évolution d’une thyroïdite subaiguë), et où l’intégrité de l’axe
hypothalamo-hypophysaire n’est pas respectée (hypothyroïdie secondaire ou
tertiaire), le dosage de TSH est défaillant et seuls les dosages de T4L ou T3L
permettent d’évaluer la fonction thyroïdienne.
Mots clés : thyroxine, tri-iodothyronine, technique de dosage, fonction
thyroïdienne, stratégie diagnostique
Article reçu le 9 novembre 2002,
accepté le 18 décembre 2002
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 4, juillet-août 2003
Summary. Hormonal production of the thyroid gland is constituted of thyroxine or T4 (80%) and triiodothyronine or T3 (20%). In the circulation, whole
T4 originates from thyroid secretion but most of T3 (80%) is produced extrathyroidally from T4 deiodination. Conversion of T4 to T3 may be influenced by
various conditions and circulating T3 is a less reliable reflection of thyroid
hormone production than T4. In serum most of T4 and T3 is bound to binding
proteins and only 0.02% of T4 and 0.3% of T3 is free. Because of their higher
diagnostic performance, free T4 (FT4) and free T3 (FT3) measurements have
superseded total (free + bound) hormone determination. Total hormone measurements remain useful for research studies or in case of severe hyperthyroidism.
Equilibrium dialysis/RIA is considered as the reference method for free hormone measurements. Routine clinical laboratories use automated direct two-
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step or one-step immunoassays with a high molecular weight ligand or labelled
antibody. Free hormone measurement remains technically demanding, especially in sera from severe non-thyroid ill patients with low serum thyroxine
binding capacity. Interference from anti-thyroid hormone antibodies and familial dysalbuminemic hyperthyroxinemia depends on the assay method, but is
now less marked and less frequently detected. To be able to correctly interpret the
results of an assay, it is necessary to assess its performance in biologically and
clinically well-characterised serum samples. FT4, and FT3 measurements, if
FT4 is normal and hyperthyroidism suspected, are used to confirm and assess the
level of hypo and hyperthyroidism (overt or subclinical). When the thyroidal
status is unstable (first months of a thyroid treatment, altered L-T4 dose,
subacute thyroiditis) or when the hypothalamic-pituitary function is disturbed
(central hypothyroidism), TSH determination is diagnostically misleading and
only free hormone measurements are reliable for thyroid function assessment.
Key words: thyroxine, triiodothyronine, assay method, thyroid function,
diagnostic strategy
Les indéniables progrès techniques du dosage de la TSH,
stimuline hypophysaire de la glande thyroïde, ont propulsé
ce dosage au premier rang des tests pratiqués pour diagnostiquer un dysfonctionnement thyroïdien ou suivre l’efficacité d’un traitement à visée thyroïdienne. Si ce dosage est
ordinairement suffisant pour l’affirmation de l’euthyroïdie,
celui des hormones thyroïdiennes, 3,3’,5,5’ tétraiodothyronine ou thyroxine (T4) et 3,3’,5 tri-iodothyronine
(T3), conserve cependant une place importante dans le
bilan thyroïdien fonctionnel.
La T4 est produite en totalité par la glande thyroïde. Elle
constitue environ 80 % de la production hormonale thyroïdienne, le reste étant constitué par la T3. La demi-vie
plasmatique de la T4 est de 7 jours. En périphérie (foie,
rein, cœur, muscle, cerveau) elle est en partie convertie en
T3. La T4 et la T3 exercent aux niveaux hypophysaire et
hypothalamique un rétrocontrôle négatif sur leur propre
sécrétion. La demi-vie plasmatique de la T3 est de l’ordre
de 24 heures. Une partie (20 %) seulement de la T3 circulante provient directement de la glande thyroïde, l’autre
(80 %) résulte de la dégradation en périphérie de la T4 sous
l’effet de désiodases. L’activité de ces enzymes subit diverses influences (jeûne, pathologies, médicaments) qui peuvent moduler la concentration de T3. Pour cela, bien qu’elle
soit l’hormone thyroïdienne biologiquement active qui se
fixe aux récepteurs nucléaires, la T3 plasmatique est souvent un reflet de la fonction thyroïdienne moins fidèle que la
T4 [1].
Tirés à part : R. Sapin
412
Transport plasmatique –
hormones totales - hormones libres
La T4 et la T3 circulent dans le sang sous deux formes en
équilibre : l’une libre et l’autre liée à des protéines de
transport. Chez un sujet euthyroïdien, seulement 0,02 % de
la T4 est libre, le reste est lié : 75-80 % à la thyroxine
binding globulin (TBG), 15-20 % à la préalbumine ou
transthyrétine (TTR) et 5-10 % à l’albumine. De même
seulement 0,3 % de la T3 est libre, le reste est lié : 75-80 %
à la TBG, moins de 10 % à la TTR et environ 10 % à
l’albumine [1].
Il est généralement admis que seule l’hormone libre traverse la membrane capillaire et que le transport des hormones aux cellules cibles est proportionnel à la concentration
d’hormone libre. L’hypothèse selon laquelle la concentration d’hormone libre déterminée in vitro est un indicateur
fiable des effets de l’hormone in vivo ne constitue cependant au mieux qu’une approximation [2, 3]. C’est pourquoi
la normalité de la concentration en hormone libre chez un
sujet euthyroïdien, dans n’importe quelles circonstances,
en particulier quand les concentrations des protéines de
transport sont gravement perturbées, ne peut pas constituer
un critère de validité d’une méthode.
Il apparaît cependant clairement que ce sont les concentrations de T4 libre (T4L) et de T3 libre (T3L) et non pas de T4
totale (libre + liée) (T4T) ou T3 totale (T3T), qui participent à la régulation de la sécrétion de TSH et qui, lorsqu’elles sont anormales, induisent des signes cliniques d’hypoou d’hyperthyroïdie. En raison de ses meilleures sensibilité
et spécificité diagnostiques, le dosage de la fraction libre
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Dosage des hormones thyroïdiennes
des hormones thyroïdiennes a supplanté celui des hormones totales [4]. Le dosage des hormones totales conserve un
intérêt dans des situations particulières et comme outil de
recherche.
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Dosages des hormones totales
La T4T et la T3T sont en général dosées dans le sérum à
l’aide d’immunodosages compétitifs utilisant des marqueurs isotopiques, enzymatiques ou luminescents et des
anticorps polyclonaux ou monoclonaux. Le 8-anilinonaphtalène sulfonique acide (ANS) ou les salicylates sont
utilisés pour dissocier les hormones thyroïdiennes des protéines de liaison. Un biais négatif, suite à une dissociation
incomplète, peut apparaître quand la concentration protéique est élevée. Une meilleure standardisation à partir d’une
préparation unique apparaît encore souhaitable [4]. Les
anticorps anti-T4 ou anti-T3 peuvent fausser le résultat
respectivement de T4T ou T3T, vers le haut ou vers le bas en
fonction de la spécificité de la méthode de séparation employée dans le dosage. Cette interférence est exceptionnelle.
Les valeurs usuelles varient légèrement selon la technique
utilisée. À titre d’exemple, elles peuvent être pour la
T4T comprises entre 65 et 155 nmol/L (1 µg/L =
1,287 nmol/L) et pour la T3T entre 1,2 à 3,1 nmol/L
(1 µg/L = 1,536 nmol/L). Des valeurs plus élevées ont été
notées pour la T4T et T3T pendant la première année de vie
et pour la T3T et parfois la T4T pendant l’enfance et
l’adolescence [5, 6]. L’hormonémie totale présente l’inconvénient de dépendre de la concentration en protéines vectrices et de la liaison des hormones à ces protéines.
Le dosage des hormones totales reste précieux pour suivre
l’efficacité du traitement d’une hyperthyroïdie très sévère.
En effet, dans cette situation, pendant plusieurs semaines la
TSH peut rester abaissée et la concentration de T4L et T3L
supérieure à celle du dernier point de la gamme étalon. La
dilution du sérum ne permet pas d’obtenir la concentration
réelle en hormones libres. Seule la quantification des hormones totales, que l’on peut obtenir par dilution, permet de
suivre la baisse de la concentration des hormones thyroïdiennes et l’efficacité du traitement jusqu’à ce que l’hormonémie libre devienne mesurable. En recherche, le calcul du
rapport T4T sur T4L dosée par la méthode de dialyse
permet d’apprécier indirectement la capacité de fixation
des protéines de transport du sérum [7].
nature de l’anticoagulant utilisé pour l’obtention d’un
plasma doit être préalablement validée pour chaque méthode de dosage. Le sérum est stable 8 jours à 4 °C et doit
être congelé à – 20 °C au-delà [8]. Cependant chez les
patients traités à l’héparine le sérum ne sera pas conservé
plus de 24 heures à 4 °C [9].
Valeurs usuelles - Variations physiologiques
Les résultats de T4L et plus encore ceux de T3L dépendent
de la technique de dosage. La T4L est augmentée à la
naissance, dans les premiers mois de la vie et plus modérément dans l’enfance [5, 6]. Elle reste dans l’intervalle de
référence chez les personnes âgées et s’abaisse chez la
femme enceinte au deuxième et troisième trimestre de la
grossesse [10]. La T3 élevée à la naissance, décroît progressivement jusqu’à l’âge de 20 ans, se stabilise et peut diminuer encore au-delà de 60 ans. Elle s’abaisse au deuxième
et troisième trimestre de la grossesse. Pour la T4L et la T3L,
il est impératif d’établir les valeurs usuelles au laboratoire
ou pour le moins de les valider localement (tableau I).
Techniques de dosage [13]
La très faible concentration de la fraction libre des hormones thyroïdiennes (0,02 % pour la T4, 0,3 % pour la T3) en
équilibre avec une concentration totale beaucoup plus élevée rend difficile la mesure directe de la concentration des
hormones libres. Jusqu’à la fin des années 1970, seul un
index indirect calculé à partir de la T4T et d’un test évaluant
la capacité de fixation des protéines du sérum a permis cette
détermination. La mesure directe des concentrations de
T4L et T3L reste délicate et la prudence incite à considérer
le résultat de ces dosages comme une estimation de la
concentration en hormone libre [3]. La difficulté majeure
provient du fait que la méthode utilisée doit perturber le
moins possible l’équilibre libre-lié. Toutes les méthodes, à
l’exception de l’ultrafiltration, imposent une dilution du
sérum et plus généralement la séquestration d’une certaine
Tableau I. Valeurs usuelles de la T4L et T3L dosées par la
méthode Elecsys [11, 12]
T4 libre
Enfants de 1 jour à 1 an
Enfants à partir de 1 an et adultes
Grossesse deuxième trimestre
Grossesse troisième trimestre
14 – 26 pmol/L
12 – 23 pmol/L
10 – 19 pmol/L
9 – 17 pmol/L
T3 libre
Dosages des hormones libres
Étape préanalytique
La T4L et la T3L sont en général dosées dans le sérum. Le
résultat n’est pas influencé par une hémolyse modérée. La
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De 1 jour à 1 an
1 an à 20 ans
20 ans à 60 ans
Au-delà de 60 ans
Grossesse troisième trimestre
4,5 – 10,5 pmol/L
5,4 – 9,1 pmol/L
3,8 – 7,1 pmol/L
2,8 – 6,5 pmol/L
3,4 – 6,5 pmol/L
413
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Tableau II. Caractéristiques des principales méthodes de dosage des hormones thyroïdiennes libres
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Méthode
1
Qualités
Défauts
Interférences
Dialyse/RIA
Méthode absolue
Technique lourde peu applicable en
routine
Dilution
Séparation longue (18 h)
Pas d’interférence de FDH1 (T4L) et
AAHT2
Effet in vitro de l’héparine très
marqué (T4L)
Ultrafiltration/RIA
Méthode absolue
Absence de dilution
Séparation rapide (1-2 h)
Technique très délicate non
commercialisée
Pas d’interférence de FDH (T4L) et
AAHT
Effet in vitro de l’héparine moins
marqué
Immunodosage en deux étapes
Pas de contact direct entre le ligand
et le sérum
Automatisable
Méthode relative
Faible ou nulle de la FDH (T4L)
Dilution - Séquestration
Pas d’interférence des AAHT
En méthode manuelle : reproductibilité
médiocre, dérive
Dynamique de réponse limitée
Immunodosage en une étape
avec ligand marqué,
traceur analogue radioactif
Praticabilité
Reproductibilité
Dynamique de réponse suffisante
Méthode relative
Dilution - Séquestration
Influence de la concentration en
protéines de transport (albumine)
Très marquée et systématique de la
FDH (T4L) et des AAHT
Baisse paradoxale de T4L sous
héparine
Immunodosage en une étape avec
ligand macromoléculaire marqué
Praticabilité (automatisable)
Reproductibilité
Dynamique de réponse suffisante
Méthode relative
Dilution - Séquestration
Moindre effet des protéines de
transport
Possible des AAHT
Pas d’interférence de la FDH (T4L)
avec certaines trousses
Immunodosage en une étape
avec anticorps marqué
Praticabilité (automatisable)
Reproductibilité
Dynamique de réponse suffisante
Pas de réactivité du ligand avec les
protéines de transport
Méthode relative
Dilution - Séquestration
Faible de la FDH (T4L)
Possible des anti-T4 pour T4L
homologue
Possible des anti-T3 pour T4L
hétérologue et T3L homologue
Anticorps anti-phase solide
FDH : dysalbuminémie familiale ; 2 AAHT : anticorps anti-hormone thyroïdienne.
quantité d’hormone, dans le dialysat pour la dialyse à
l’équilibre, sur un adsorbant ou un anticorps pour les autres
méthodes. Il faut veiller à ce que la déplétion de l’hormone
liée soit limitée à 2-5 %, afin que la perturbation de l’équilibre initial soit négligeable [2, 3, 13, 14]. On distingue les
méthodes absolues avec calibrateurs en milieu tampon étalonnés par gravimétrie et les méthodes relatives ou comparatives avec calibrateurs sériques dont la concentration en
hormone libre est déterminée à l’aide d’une méthode absolue. Les principales caractéristiques de ces méthodes sont
résumées dans le tableau II.
Méthodes absolues - Méthodes de référence
Ces méthodes nécessitent la séparation physique de l’hormone libre par dialyse à l’équilibre ou ultrafiltration. Dans
le dialysat ou l’ultrafiltrat, la T4 ou la T3 est dosée directement par une méthode radio-immunologique (RIA) très
sensible [15, 16]. À l’heure actuelle, seul un dosage de T4L
par dialyse/RIA est commercialisé. On reproche à ces mé414
thodes absolues une reproductibilité peu performante et
surtout une lourdeur technique incompatible avec les analyses de routine.
Méthodes relatives - Immunodosages de routine
Les méthodes relatives ont en commun une réaction directe
du sérum avec un anticorps monoclonal ou polyclonal
anti-hormone. Cet anticorps séquestre une fraction de
l’hormone. Ces techniques de dosage mettent en jeu un
ligand qui entre en compétition avec l’hormone pour la
fixation sur les sites anticorps. Un marqueur radioactif
(RIA), enzymatique (EIA) ou luminescent (LIA) est fixé
sur le ligand ou l’anticorps. Ces techniques utilisées par les
laboratoires d’analyses médicales sont facilement automatisables. Elles se différencient par la façon de quantifier
l’occupation des sites anticorps.
Dosages en deux étapes
Ces techniques sont connues également sous le nom de
méthode par immuno-extraction ou titrage en retour. Dans
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Dosage des hormones thyroïdiennes
la première étape, une fraction de l’hormone est extraite par
des anticorps anti-hormone immobilisés sur une phase solide. Après lavage, dans la seconde étape, l’ajout du ligand
marqué (hormone ou dérivé marqué) permet la mesure des
sites restés libres. Cette méthode repose sur des bases
physicochimiques bien établies et présente l’avantage de ne
pas mettre en contact direct le ligand avec le sérum. Elle est,
de ce fait, en principe à l’abri des interférences dues à des
anomalies des protéines de transport ou à des anticorps
anti-hormones thyroïdiennes. En méthode manuelle elle
reste délicate et son développement actuel est lié à son
automatisation.
Dosages en une étape
Une seule incubation met en contact le sérum, le ligand et
l’anticorps. Pour assurer la validité de ces dosages, le ligand
doit conserver sa réactivité vis-à-vis de l’anticorps sans
interagir avec les protéines de liaison. Ce ligand peut d’une
façon générale être considéré comme un analogue de l’hormone avec laquelle il doit conserver une certaine parenté
structurale. Le marqueur est porté soit par le ligand, soit par
l’anticorps.
Les premières techniques par ligand marqué qui utilisaient
un traceur radioactif ont fait l’objet de vives critiques, en
raison de leur sensibilité à l’influence de l’albuminémie
[17]. D’autres ligands marqués sont maintenant utilisés.
Dans le cas des traceurs macromoléculaires, l’hormone
peut être liée à une enzyme (traceur conjugué) ou une
immunoglobuline par exemple. Ces ligands de masse molaire élevée ont en général une réactivité négligeable avec
les protéines de transport [18]. Des ligands biotinylés ou
d’autres dérivés de l’hormone sont aussi employés.
Dans le cas de la technique par anticorps marqué, maintenant très répandue, le ligand est fixé à une phase solide ce
qui bloque ou limite sa réactivité avec les protéines de
transport [19]. Pour la T4L le ligand est soit de la T4
(dosage homologue), soit de la T3 (dosage hétérologue).
Pour la T3L le ligand est soit de la T3 (dosage homologue),
soit de la di-iodothyronine (dosage hétérologue).
À l’heure actuelle les dosages les plus utilisés sont des
immunodosages non isotopiques automatisés en deux étapes ou une étape avec anticorps marqué ou ligand macromoléculaire.
Performances techniques [4]
Pour la T4L et la T3L respectivement, les limites de détection sont < 2 pmol/L et < 0,5 pmol/L. Ces valeurs sont suffisantes pour l’utilisation clinique de ces dosages. Les coefficients de variation (imprécision totale) sont
respectivement < 7 % et < 10 %. Pour la T3L en particulier
des progrès sont souhaitables. Le domaine de mesure peut
être compris entre 60 et 130 pmol/L pour la T4L et 0,5 40 pmol/L pour la T3L. Avec les immunodosages de routine, si le résultat de T4L ou T3L obtenu est au-delà du
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dernier étalon de la gamme d’étalonnage, un résultat exact
ne pourra pas être obtenu par dilution. En effet, l’équilibre
initial entre hormone liée et hormone libre tend à se rétablir
après dilution dans un tampon inerte. Cette propriété peut
être mise à profit pour tester la sensibilité d’une méthode de
dosage à la capacité de fixation des protéines du sérum [7].
Influence des inhibiteurs de liaison —
Maladies non thyroïdiennes sévères — Héparine
La mesure des concentrations d’hormones libres est soumise à l’influence de facteurs susceptibles de modifier
l’équilibre libre - lié : dilution, pH, force ionique, nature du
tampon et température (le dosage doit être fait à 37 °C). Des
inhibiteurs de liaison (ou compétiteurs) peuvent éventuellement entrer en compétition avec les hormones thyroïdiennes pour la liaison aux protéines de transport.
Parmi ces inhibiteurs figurent des médicaments tels que le
furosémide, les salicylates et des anti-inflammatoires non
stéroïdiens (diclofénac, fenclofénac). L’effet à court terme
se traduit par une augmentation des hormones libres qui
peut à plus long terme, après mise en jeu du rétrocontrôle,
être suivie d’une baisse de l’hormone totale et d’une normalisation de l’hormone libre [20]. L’effet inhibiteur de ces
médicaments est renforcé quand l’albuminémie est basse et
quand la concentration sérique d’inhibiteurs endogènes
augmente comme chez les patients atteints de maladies
générales sévères, dans le sérum desquels le rôle des acides
gras libres (AGL) comme inhibiteurs de liaison est suspecté. En particulier dans l’insuffisance rénale chronique
ces inhibiteurs et les médicaments peuvent agir en cascade
[21].
L’élévation de la T4L observée lors d’un traitement à l’héparine, même de bas poids moléculaire et à faible dose, est
expliquée par la libération d’AGL, in vivo et in vitro [9]. La
libération d’AGL, conséquence de l’activation de la lipoprotéine lipase, est plus importante quand la concentration
des triglycérides est élevée. En pratique, afin de minimiser
l’effet de l’héparine de bas poids moléculaire, le prélèvement devra être effectué au minimum 10 heures après l’injection et le sérum conservé moins de 24 heures à 4 °C
avant dosage.
Pour toutes ces raisons, c’est chez les patients hospitalisés
atteints de maladies graves non thyroïdiennes que la variabilité des résultats de T4L et de T3L reste la plus grande et
que l’interprétation du résultat devra tenir le plus grand
compte de la méthode utilisée [22-24]. En particulier, plus
la dilution de l’échantillon est importante, plus l’effet des
compétiteurs est atténué et plus le résultat de T4L mesuré
in vitro est abaissé par rapport à sa valeur in vivo. De la
même façon, l’intensité de la baisse de la T3L chez ces
patients dont la T3T est souvent basse dépend beaucoup de
la trousse utilisée. Outre les effets de la dilution, la présence
d’albumine ajoutée dans les réactifs dans le but d’amortir
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revue générale
les effets des AGL générés in vitro pendant la conservation
du sérum peut jouer un rôle. Il a été montré que la plupart
des méthodes souffrent d’un défaut d’exactitude et que le
biais est très marqué quand la capacité de fixation des
hormones thyroïdiennes du sérum est abaissé [4, 7, 25, 26].
Il faut regretter que l’incorporation d’additifs (albumine,
sérums animaux) ne soit pas toujours portée à la connaissance des utilisateurs. Dans ces conditions il est difficile de
prévoir le comportement d’une trousse donnée dans un
sérum particulier, même si le principe de la méthode est
connu.
La bonne maîtrise de l’interprétation des résultats d’une
trousse de dosage de T4L ou T3L passe nécessairement par
sa mise à l’épreuve sur un panel d’échantillons bien caractérisés cliniquement et biologiquement (pathologies associées, protéines de transport, médicaments).
Pièges [27]
Réactions croisées
L’interférence de l’acide tri-iodothyroacétique dans le dosage de T3L est fréquente et peut constituer un piège dans la
mesure où cette prise médicamenteuse n’est pas toujours
connue du médecin. La réaction croisée de la D-T4 dans les
dosages de T4L pose plus rarement problème. Certains
dosages de T3L peuvent croiser avec des antiinflammatoires non stéroïdiens.
Anticorps interférents [28]
Les anticorps interférents sont dirigés soit contre les hormones thyroïdiennes, soit contre les anticorps réactifs du
dosage. Des anticorps anti-hormones thyroïdiennes
(AAHT) anti-T4 et/ou anti-T3 peuvent se rencontrer. L’estimation de leur fréquence est difficile mais leur interférence dans les dosages actuels est rare. Les AAHT ne
perturbent pas ou peu les dosages en deux étapes que ce
soient ceux de T4L ou de T3L. Pour les dosages en une
étape avec anticorps marqué, ce sont les anticorps antiligand qu’il faut suspecter. Le dosage de T4L avec ligand
hétérologue (T3) insensible aux anti-T4 peut donner un
résultat faussement élevé en présence d’anti-T3. Cette interférence des anti-T3, si elle n’est pas systématique, peut
être très importante et sans relation avec le taux d’anticorps.
Dans le cas d’un ligand homologue, il n’est pas surprenant
que le résultat de T4L puisse être sensible aux anti-T4 et
insensible aux anti-T3 et que le résultat de T3L puisse être
sensible aux anti-T3. De plus, dans quelques sérums ne
contenant pas d’anticorps anti-hormones thyroïdiennes,
des résultats de T4L faussement élevés, en opposition avec
un résultat en deux étapes normal, ont été observés avec des
méthodes par anticorps marqué. Cette interférence exceptionnelle a été attribuée à des immunoglobulines qui réagissent avec la phase solide ou avec le bras de liaison du ligand
à la phase solide et bloquent ainsi la réactivité du ligand
416
vis-à-vis de l’anticorps du dosage (anticorps anti-phase
solide).
Certains sérums contiennent des anticorps antiimmunoglobulines, anticorps hétérophiles, capables de former des complexes avec les anticorps réactifs des dosages
[29]. Si l’immunoglobuline immunogène est connue, il
s’agit alors d’anticorps anti-animal, anti-souris (HAMA
pour human anti-mouse antibody) le plus souvent. Ce type
d’interférence paraît rare mais des cas isolés d’HAMA ou
plus nombreux d’anticorps hétérophiles ont été décrits par
des équipes anglo-saxonnes en particulier. Les facteurs
rhumatoïdes pourraient aussi provoquer de fausses élévations de T4L.
D’autres anticorps peuvent interférer. Certains immunodosages utilisent la liaison avidine-biotine ou streptavidinebiotine pour lier des anticorps biotinylés à la phase solide
couverte d’avidine ou de streptavidine. Des anticorps antiavidine ont été décrits comme agents perturbateurs de cette
réaction. Cette interférence se traduit par une fausse élévation de la T4L ou de la T3L. Dans ces mêmes dosages, la
biotine à forte dose peut interférer. Les interférences d’anticorps anti-conjugué, anti-complexe T4-fluorescéine et
d’une IgA monoclonale ont également été rapportées.
Anomalies des protéines de transport
Les anomalies qualitatives des protéines de transport peuvent concerner la TBG ou la transthyrétine mais en France
c’est l’albumine qui est le plus fréquemment en cause. La
dysalbuminémie familiale hyperthyroxinémique (FDH) se
caractérise par la présence dans le sérum d’une forme
particulière d’albumine avec une affinité très élevée pour la
thyroxine. Cette anomalie de l’albumine est la conséquence
de mutations du codon 218 du gène de l’albumine aboutissant au remplacement de l’arginine par l’histidine ou la
proline. Dans les sérums dysalbuminémiques, la dialyse à
l’équilibre a toujours donné des résultats en accord avec le
statut clinique du patient. Il en est de même pour certains
dosages en deux étapes alors que d’autres peuvent donner
des résultats légèrement augmentés. Avec les méthodes en
une étape l’interférence reste modérée avec un anticorps
marqué et peut être absente avec un traceur conjugué [30].
Place des dosages de T4L et T3L dans
le bilan thyroïdien fonctionnel [8, 31, 32]
Diagnostic
En France les Références médicales opposables n’autorisent pas le dosage des hormones thyroïdiennes chez un
patient asymptomatique (RMO XIV 1993). À vrai dire de
nombreux symptômes d’appel (asthénie, amaigrissement,
thermophobie, sudations, diarrhées pour l’hyperthyroïdie
ou prise de poids, frilosité, constipation et asthénie pour
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Dosage des hormones thyroïdiennes
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l’hypothyroïdie) peuvent amener à la prescription de dosages biologiques thyroïdiens. La pierre angulaire du bilan
thyroïdien est alors le dosage de TSH dont la normalité
permet habituellement d’affirmer l’euthyroïdie. Les dosages de T4L et T3L permettent de confirmer ou mieux de
graduer une dysthyroïdie suspectée par le médecin en présence de signes cliniques évocateurs et d’un résultat de
TSH anormal.
Hyperthyroïdie
Quand la TSH est abaissée et une hyperthyroïdie suspectée,
l’élévation de la T4L permet de graduer l’hyperthyroïdie
franche. Si la T4L est normale, la T3L sera dosée à la
recherche d’une hyperthyroïdie à T3 rencontrée le plus
souvent en présence d’un nodule thyroïdien (5 % des hyperthyroïdies). En revanche, si le résultat est, comme celui
de T4L normal, l’hyperthyroïdie est dite infraclinique (figure 1). Chez les patients hospitalisés en particulier, l’interprétation de la T4L devra prendre en compte les imperfections des méthodes de dosages précédemment soulignées.
Une fois le diagnostic d’hyperthyroïdie établi, des dosages
complémentaires peuvent être utiles : la T3L éventuellement, si elle n’a pas été dosée précédemment, les anticorps
anti-TPO et anti-récepteurs TSH pour le diagnostic étiologique, la détermination de l’iodémie ou l’iodurie pour
détecter une surcharge iodée et, plus exceptionnellement, la
thyroglobuline pour mettre en évidence une hyperthyroïdie
factice. En cas de thyroïdite subaiguë (de type De Quervain) en raison de signes d’appels douloureux et/ou d’une
scintigraphie hypofixante, il est nécessaire d’évaluer les
paramètres inflammatoires (CRP, fibrinogène et vitesse de
sédimentation) et de déterminer les anticorps antithyroglobuline.
Hypothyroïdie
Lorsque la TSH est augmentée et une hypothyroïdie suspectée, l’abaissement de la T4L confirme une hypothyroïdie franche. L’hypothyroïdie infraclinique est définie par
une TSH modérément élevée et une T4L encore normale
(figure 2). L’enquête étiologique d’une hypothyroïdie franche comprend le dosage des anticorps anti-TPO, antithyroglobuline si les anti-TPO sont négatifs, et éventuellement celui des anti-récepteurs TSH. Dans l’hypothyroïdie
infraclinique le dosage des anti-TPO constitue un élément
pronostique.
Le dosage de la T3 n’a pas de place dans le diagnostic de
l’hypothyroïdie car sa concentration reste souvent normale
dans les hypothyroïdies modérées et s’abaisse dans de
nombreuses circonstances ne comportant pas de pathologie
thyroïdienne. Le « syndrome à basse T3 » est un épiphénomène secondaire à une agression clinique ou métabolique,
réversible avec l’amélioration de l’affection causale. Ce
syndrome est fréquemment observé chez les patients hospitalisés atteints de maladies aiguës ou chroniques, générales ou d’organes, au décours d’interventions chirurgicales
et de traumatismes de toute nature (maladies graves non
thyroïdiennes) et dans la plupart des circonstances s’accompagnant d’une carence énergétique. Il est caractérisé
par une diminution de la concentration plasmatique de T3T
et T3L chez des patients cliniquement euthyroïdiens. D’un
point de vue pratique, ces anomalies hormonales doivent
être distinguées de celles qui relèvent d’une origine endocrinienne spécifique afin d’éviter des erreurs diagnostiques
et thérapeutiques [33]. Plus encore que dans d’autres circonstances le résultat de T3L dépend alors fortement de la
méthode de dosage.
TSH
TSH
Abaissée
Normale ou élevée
Hyper primaire exclue
T4L
Conviction clinique :
T4L
Abaissée
Dopamine ? Corticoïdes ?
Si non
Normale
Élevée :
Interférence ?
Voir tableau III
Si non
Hypo secondaire
Maladies non
thyroïdennes sévères
T3L
Élevée :
hyper franche
Résistance aux
hormones thyroïdennes
Adénome hypophysaire
Normale ou basse :
hypo primaire exclue
Élevée
À confirmer si peu élevée
Conviction clinique
T4L, test à la TRH
T4L
T4L basse
Abaissée :
Réponse à la TRH faible hypo franche
ou retardée :
Médicaments ?
Hypo secondaire ou tertiaire
Normale :
hypo infraclinique
Anti-TPO
Normale :
hyper infraclinique
Élevée :
hyper franche à T3
Figure 1. Place du dosage des hormones thyroïdiennes libres
dans l’arbre décisionnel du diagnostic biologique d’une hyperthyroïdie.
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Élevée :
Interférence ?
Voir tableau III
Si non
Résistance aux
hormones thyroïdennes
Adénome hypophysaire
Figure 2. Place du dosage des hormones thyroïdiennes libres
dans l’arbre décisionnel du diagnostic biologique d’une hypothyroïdie.
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revue générale
Surveillance d’un traitement
Hyperthyroïdie
Après instauration d’un traitement par anti-thyroïdien de
synthèse (ATS), à la phase d’acquisition de l’euthyroïdie,
un dosage de T4L (ou de T3L s’il s’agit d’une hyperthyroïdie à T3) est à réaliser à partir de la quatrième semaine.
L’obtention de l’euthyroïdie est affirmée par la normalisation de la T4L ou T3L. Le dosage de la TSH, qui peut rester
abaissée plusieurs mois, n’a pas d’intérêt à cette phase du
traitement. Une fois l’équilibre atteint, à la phase d’entretien du traitement le dosage de T4L ou T3L pourra être
associé à celui de la TSH en fonction des données cliniques
et du mode de traitement.
Après traitement par iode radioactif, la T4L (ou la T3L)
sera dosée toutes les 4 à 6 semaines durant les 3 premiers
mois puis en fonction du contexte clinique. Après thyroïdectomie la surveillance se fonde d’abord sur les dosages
de T4L et TSH puis de la TSH seule lorsque celle-ci s’est
normalisée.
Hypothyroïdie
Le dosage de TSH est l’examen de référence pour la surveillance de l’hypothyroïdie primaire traitée. Cependant le
dosage de l’hormone substituée peut être utile dans des cas
particuliers ou pour s’assurer de la compliance au traitement. Seuls les dosages de T4L ou T3L permettent de
surveiller le traitement d’une hypothyroïdie d’origine hypophysaire (hypothyroïdie secondaire) ou hypothalamique
(hypothyroïdie tertiaire).
Surveillance d’un traitement freinateur
Lors d’un traitement thyroïdien freinateur par L-thyroxine
voulu dans les nodules et le cancer thyroïdien, la TSH est
abaissée et la T4L à la limite supérieure de l’intervalle de
référence. La normalité de la T3L permet alors de s’assurer
de l’absence de surdosage important.
Dissociations TSH-hormones thyroïdiennes
L’essentiel de l’évaluation fonctionnelle thyroïdienne repose en fait sur la confrontation du couple TSH-T4L avec
l’appoint éventuel de la T3L. L’interprétation des résultats
doit prendre en compte les causes d’altération de la relation
TSH-T4L et de variabilité propres à la T3L. Certaines
situations aboutissent à une TSH isolément abaissée ou
augmentée [34], celles pouvant conduire à une T4L et ou
T3L isolément augmentée ou abaissée sont reportées dans
le tableau III. Dans la majorité des cas rapportés dans ce
tableau le dosage de T3L n’a en fait pas lieu d’être réalisé et
peut constituer un élément distractif.
Conclusion
Les immunodosages directs et automatisés se sont maintenant généralisés pour les dosages de T4L et T3L. Les
418
Tableau III. Causes d’élévation ou d’abaissement isolée des hormones libres
Augmentation isolée de T4L
Interférences analytiques
– anticorps interférents
– anomalie des protéines de transport
Inhibiteurs de liaison
– médicaments : furosémide, salicylates...
– acides gras libres, héparine
Inhibiteurs de la clairance métabolique de T4
– amiodarone
– agents de contraste iodés (acide iopanoïque)
Traitement par T4
Résistance aux hormones thyroïdiennes
Adénome thyréotrope
Augmentation isolée de T3L
Anticorps interférents
Acide tri-iodothyroacétique (réaction croisée)
Traitement par T3 (TSH normale ou basse)
Enfant (intervalle de référence mal adapté)
Résistance aux hormones thyroïdiennes
Adénome thyréotrope
Abaissement de T4L et ou T3L
e
e
Grossesse au 2 et 3 trimestre
(intervalle de référence mal adapté)
Maladies non thyroïdiennes sévères
Chirurgie, traumatisme
Hypothyroïdie centrale
Surdosage en antithyroïdiens
Traitement par T3
Médicaments inducteurs enzymatiques
– phénytoïne, carmabazépine, phénobarbital
Inhibiteurs de conversion de T4 en T3
– amiodarone, propranolol
– dexaméthasone (DXM)
– agents de contraste iodés
Dénutrition
Personnes âgées
(intervalle de référence mal adapté)
Hormone abaissée
T4L et T3L
T3L ou T3L et T4L
T4L et ou T3L
T4L
T4L
T4L ou T4L et T3L
T3L
T3L
T3L
dosages actuels ne présentent plus les graves défauts des
premiers dosages manuels par traceur analogue radioactif
largement utilisés jusqu’au début des années 1990 : influence de l’albuminémie, grande sensibilité aux autoanticorps anti-hormones thyroïdiennes, à la dysalbuminémie.
Cela ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’un dosage
particulier dans le sens où les conditions du dosage (composition du sérum et des réactifs, dilution induite par le
dosage) sont susceptibles de modifier l’équilibre préexistant in vivo et de fausser le résultat. En raison de ces
imperfections certains auteurs préfèrent parler d’une estimation de la concentration de T4L et T3L plutôt que d’un
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Dosage des hormones thyroïdiennes
dosage. Cette limitation qui s’applique tout particulièrement aux dosages chez les patients hospitalisés atteints de
maladies graves non thyroïdiennes devrait être connue du
médecin prescripteur. Quant au biologiste, il se doit de bien
connaître le comportement du dosage qu’il utilise afin
d’être à même de déjouer un piège analytique et de répondre au clinicien qui l’interroge au sujet d’un résultat discordant.
Si la TSH est le paramètre le plus précieux pour l’appréciation de la fonction thyroïdienne, son utilisation exclusive
présuppose un statut thyroïdien à l’équilibre et l’intégrité
de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Le dosage de la fraction libre des hormones thyroïdiennes est un outil indispensable pour évaluer la fonction thyroïdienne dans toutes les
situations où ces conditions ne sont pas remplies : certaines
phases du traitement d’une dysthyroïdie, évolution d’une
thyroïdite, pathologie hypophysaire ou hypothalamique...
Hors ces situations particulières, les dosages de T4L et/ou
T3L restent nécessaires pour confirmer et graduer une
dysthyroïdie suspectée par le médecin confronté à des
signes cliniques évocateurs et un résultat de TSH hors de
l’intervalle de référence.
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